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06/04/2023 | FRANCE | N°21/05807

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 06 avril 2023, 21/05807


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 06/04/2023





****





N° de MINUTE : 23/136

N° RG 21/05807 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6UD



Jugement (N° 19/03250) rendu le 15 Octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANT



Monsieur [H] [D]

né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 14] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Lo

calité 7]



Représenté par Me Leblanc, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/012361 du 17/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 06/04/2023

****

N° de MINUTE : 23/136

N° RG 21/05807 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6UD

Jugement (N° 19/03250) rendu le 15 Octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANT

Monsieur [H] [D]

né le [Date naissance 4] 1984 à [Localité 14] (Maroc)

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représenté par Me Leblanc, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/012361 du 17/12/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

INTIMÉS

Monsieur [L] [K]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 13]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté par Me Aurore Bonduel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,

SA Maaf Assurances

[Adresse 12]

[Localité 10]

Représentée par Me Vandenbussche, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

SA GMF Assurances prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 11]

Représentée par Me Masson, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Coralie Flores, avocat au barreau de Lille

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 15] [Localité 6]

[Adresse 9]

[Localité 6]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 31 décembre 2021 à l'étude

DÉBATS à l'audience publique du 11 janvier 2023 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Delphine Verhaeghe

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 06 avril 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 décembre 2022

****

Exposé du litige

Le 10 mai 2017, est survenu un accident de la circulation impliquant le véhicule conduit par M. [Y] [U], assuré auprès de la GMF Assurances, le véhicule conduit M. [H] [D], non assuré, et le véhicule conduit par M. [S] [K], assuré auprès de la Maaf Assurances, dans lequel son frère, M. [L] [K], passager, a été blessé. Il a fait l'objet d'une déclaration de sinistre auprès de la Maaf Assurances.

Cette dernière a mandaté le docteur [N], neurochirgien, aux fins de réaliser une expertise médicale de M. [L] [K].

Aux termes de son rapport du 15 octobre 2018, M. [N] conclut aux éléments suivants :

- Date de consolidation de la victime : 12 septembre 2018

- Déficit fonctionnel temporaire :

Totale du 12 au 13 mai 2017 et du 26 au 28 juin 2018

Classe II (25%) du 2 mars au 2 mai 2018

Classe I (10%) du 10 au 11 mai 2017, du 14 mai 2017 au 1er mars 2018, du 3 mai au 25 juin 2018 et du 29 juin au 12 septembre 2018

- Souffrances endurées : 2,5/7

- Assistance d'une tierce personne temporaire : 1 heure par jour jusqu'au 2 mai 2018

- Déficit fonctionnel permanent : 8%

- Assistance d'une tierce personne définitive : 30 minutes par jour en viager

- Incidence professionnelle : inaptitude au travail physique

- Préjudice d'agrément : arrêt de la natation

- préjudice exceptionnel : impossibilité de réaliser la prière Mahométane

Sur la base de ce rapport, par acte d'huissier de justice du 15 avril 2019, M. [L] [K] a fait assigner la Maaf Assurances et la Cpam de [Localité 15]-[Localité 6] aux fins d'obtenir l'indemnisation de son préjudice résultant de l'accident du 10 mai 2017 sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985.

La société Gmf Assurances et M. [H] [D] sont intervenus volontairement à la procédure.

Par un jugement du 15 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

- Déclaré irrecevable l'intervention volontaire de la société Gmf Assurances

- Déclaré irrecevable l'intervention de M. [H] [D]

- Condamné la société Maaf Assurances à payer à M. [L] [K] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi à la suite de l'accident survenu le 10 mai 2017 :

8 553,79 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire

117 euros au titre des dépenses de santé futures

98 184,68 euros au titre de l'assistance par tierce personne permanente

20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle

1 591,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

5 000 euros au titre des souffrances endurées

12 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

5 000 euros au titre du préjudice exceptionnel

- Dit que le paiement des sommes précitées interviendra sous déduction des provisions déjà versées à M. [L] [K] à hauteur de 6 350 euros

- Dit que ces sommes produiront intérêts au double du taux légal à compter du 16 mars 2019 et jusqu'à la date à laquelle le jugement deviendra définitif sur une assiette égale au montant total des condamnations ci-dessus prononcées au profit de M. [L] [K] augmenté du montant de la créance de la Cpam de [Localité 15]-[Localité 6]

- Fixé la créance de la Cpam de [Localité 15]-[Localité 6] à la somme de 13 383,78 euros

- Condamné la société Maaf Assurances à payer à M. [L] [K] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné la société GMF Assurances à payer à M. [L] [K] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné M. [H] [D] à payer à M. [L] [K] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamné la société Maaf Assurances à supporter les dépens de l'instance mais dit que la société Gmf Assurances et M. [H] [D] supporteront, chacun, le coût de la signification du présent jugement si M. [L] [K] le fait signifier

- Débouté les parties du surplus de leurs demandes

- Ordonné l'exécution provisoire du jugement dans toutes ses dispositions.

Par déclaration au greffe du 17 novembre 2021, M. [H] [D] a formé appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai non contestées, dans toutes ses dispositions.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 16 février 2022, M. [H] [D] demande à la cour, au visa de la loi du 5 juillet 1985, de :

- Infirmer la décision querellée en toutes ses dispositions

statuant à nouveau :

- Juger recevable et bien fondé l'intervention volontaire de M. [D]

A titre principal :

- Juger que la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le préjudice allégué et l'accident matériel survenu le 10 mai 2017 n'est pas rapportée par M. [K]

- Juger que l'action introduite [K] n'est pas fondée ni justifiée

En conséquence :

- Débouter M. [K] de l'ensemble de ses demandes

- Débouter la Maaf Assurances et la Gmf Assurances de l'ensemble de leurs demandes qui seraient élevées à son encontre

- Condamner M. [K] à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

- Condamner M. [K] aux entiers dépens et frais de l'instance

A titre subsidiaire :

- Ordonner une mesure d'expertise médicale et désigner tel expert avec mission habituelle afin d'évaluer et fixer contradictoirement le préjudice subi par M. [S] [K]

- Désigner le magistrat chargé du suivi des opérations d'expertise

- Juger qu'il bénéficie de l'aide juridictionnelle totale et ordonner une dispense de consignation

- Réserver les dépens

Dans ses dernières conclusions notifiées le 13 juillet 2022, M. [L] [K], intimé et appelant incident, demande à la cour de :

- Confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Lille du 15 octobre 2021 en ce qu'il a :

* Déclaré et jugé irrecevable l'intervention volontaire de la SA Gmf assurances

* Déclaré et jugé irrecevable l'intervention volontaire de M. [H] [D]

* Condamné la SA Maaf assurances à indemniser l'entier préjudice de Monsieur [L] [K] en lien avec l'accident de circulation survenu le 10 mai 2017

* Fixé la créance de la Cpam de [Localité 15]-[Localité 6] à la somme de

13 383,78€

* Dit que le paiement des sommes interviendra sous déduction des provisions déjà versées à M. [K]

* Dit que les sommes produiront intérêts au double de l'intérêt légal à compter du 16 mars 2019 et jusqu'à la date du jugement définitif sur une assiette égale au montant total des condamnations prononcées au profit de M. [L] [K] augmenté du montant de la créance de la Cpam de [Localité 15]-[Localité 6]

* Condamné la Maaf Assurances à payer à M. [L] [K] la somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

* Condamné la Gmf Assurances et M. [H] [D] à payer chacun à M. [L] [K] la somme de 500 € au titre du Code de procédure civile

* Condamné la Maaf Assurances aux dépens mais dit que la Gmf Asurances et M. [D] supporteront chacun le coût de la signification du jugement si M. [L] [K] le leur fait signifier.

- Infirmer le jugement du tribunal Judiciaire de Lille du 15 octobre 2021 sur le quantum des indemnisations

En conséquence,

* condamner la Maaf Assurances à payer à M. [L] [K] les sommes suivantes en réparation du préjudice subi suite à l'accident survenu le 10 mai 2017 :

Postes de préjudice

Evaluation totale

Part revenant à M. [K]

Part revenant à la Cpam de [Localité 15]-[Localité 6]

Dépenses de santé actuelles

13 383,78 euros

0

13 383,78 euros

Frais divers avant consolidation

22 000 euros

22 000 euros

Dépenses de santé futures

681,95 euros

681,95 euros

0

Assistance par tierce personne définitive

119 739 euros

119 739 euros

0

Perte de gains professionnels futurs

191 795,11 euros

191 795,11 euros

0

Incidence professionnelle

*50 000 euros à titre principal (en sus des PGPF)

*241 795,11 euros à titre subsidiaire (si pas de PGPF reconnus)

*50 000 euros à titre principal (en sus des PGPF)

*281 948,35 euros à titre subsidiaire (si pas de PGPF reconnus)

0

Déficit fonctionnel temporaire

1 754,20 euros

1 754,20 euros

0

Souffrances endurées

5 000 euros

5 000 euros

0

Déficit fonctionnel permanent

12 480 euros

12 480 euros

0

Préjudice d'agrément

4 000 euros

4 000 euros

0

Préjudice permanent exceptionnel

10 000 euros

10 000 euros

0

Total

480 834,04 euros

417 450,26 euros

13 383,78 euros

- Condamner la Maaf Assurances à verser à M. [L] [K] la somme de

417 450,26 €

- Dire que le paiement des sommes interviendra sous déduction des provisions déjà versées à M. [L] [K] qui sont fixées à 153 946,72 €

Y ajouter :

- Débouter M. [H] [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en cause d'appel

- Débouter la Gmf Assurances de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en cause d'appel

- Débouter la Maaf Assurances de toutes ses autres demandes, fins et conclusions en cause d'appel

- Condamner in solidum la Maaf Assurances, la Gmf Assurances et M. [H] [D] à verser à M. [L] [K] la somme de 3 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel

- condamner in solidum la Maaf Assurances, la Gmf Assurances et M. [H] [D] aux entiers dépens de la procédure d'appel

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 24 mars 2022, la société MAAF Assurances, demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en ce qui concerne le préjudice exceptionnel, le préjudice d'agrément et le déficit fonctionnel permanent

- le réformer pour le surplus et statuant à nouveau :

- liquider les autres préjudices de M. [L] [K] comme suit :

'assistance par tierce personne temporaire : 4 998 euros

'assistance par tierce personne définitive : 64 926,80 euros

'incidence professionnelle : 15 000 euros

'déficit fonctionnel temporaire : 1 503,60 euros

'souffrances endurées : 4 000 euros

- limiter le doublement de l'intérêt légal à la période comprise entre le 16 mars et le 4 décembre 2019

- tenir compte de la somme de 154 946,72 euros déjà versée à M. [L] [K]

- débouter M. [L] [K] en toutes ses autres demandes

- dépens comme de droit

Dans ses conclusions notifiées le 25 avril 2022, la société Gmf Assurances, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- infirmer et reformer jugement du tribunal judiciaire de Lille du 15 octobre 2021,

Statuant de nouveau, et en tout état de cause,

- déclarer recevable l'intervention volontaire de la Compagnie Gmf Assurances à la procédure i M. [L] [K] à l'encontre de la Maaf et la déclarer recevable et bien fondée,

A titre principal,

- débouter M. [L] [K] de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,

- Si la Cour estime qu'il existe un doute sur la réalité des séquelles ou sur leur importance, désigner expert judiciaire qu'il plaira aux fins d'expertise médicale de M. [L] [K]

- surseoir à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise,

A titre subsidiaire, si la Cour venait à rejeter la demande d'expertise et accorder à M. [L] [K] une quelconque indemnisation :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. [L] [K] de ses demandes s'agissant des pertes de gains professionnels futurs et du préjudice d'agrément,

- réformer jugement entrepris sur le surplus

et, statuant de nouveau,

- débouter M. [L] [K] de ses demandes relatives aux dépenses de santé, à l'incidence professionnelle, aux déficits fonctionnels temporaire et permanent, aux souffrances endurées et au préjudice exceptionnel permanent,

- réduire indemnisation à de plus justes proportions pour le surplus de ses demandes, l'indemnisation de l'assistance tierce personne temporaire ne pouvant excéder la somme de 4.628 € et celle de l'assistance tierce personne permanente ne pouvant excéder la somme de 64.815,45 €,

A titre infiniment subsidiaire,

- juger les propositions de la compagnie Gmf :

' Incidence professionnelle : 15.000 €

' DFT : 1.446,70 €

' Souffrances endurées : 3.500 €

' DFP : 9.600 € ;

- réduire à de plus justes proportions le surplus des demandes indemnitaires

de M. [L] [K] ;

en toutes hypothèse et en application des articles 2 à 6 de la loi du 5 juillet 1985:

- condamner M. [D] à garantir la SA Gmf de l'ensemble des

condamnations qui seraient prononcées à son encontre au profit de M.

[L] [K] en principal, frais et intérêts.

La caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) de [Localité 15]-[Localité 6], à qui la déclaration d'appel a été régulièrement signifiée le 31 décembre 2012 de même que les conclusions des parties, n'a pas constitué avocat.

Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un exposé des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 12 décembre 2022.

MOTIFS

Sur la recevabilité des interventions volontaires de M. [D] et de la Gmf

M. [D] et la Gmf font valoir qu'ils justifient d'un intérêt à agir dans la procédure opposant M. [L] [K] et la Maaf dès lors que cette dernière les a appelés en garantie des sommes qui seront allouées à M. [L] [K] en réparation du préjudice subi à la suite de l'accident du 10 mai 2017.

Ils ajoutent que les demandes de M. [L] [K] reposent sur un rapport d'expertise non contradictoire dont au demeurant ils contestent les analyses et conclusions.

Ils estiment en conséquence que l'affaire principale et l'appel en garantie sont liés ce d'autant plus que qu'ils contestent tant le lien de causalité entre les séquelles alléguées par M. [K] et l'accident que les différents postes de préjudice dont ce dernier réclame l'indemnisation. A cet égard, ils soutiennent que l'accident a été léger et que la victime s'est rendue à l'hôpital deux jours après sa survenance et se prévalent en outre d'un état antérieur de la victime.

M. [K] soutient quant à lui que le lien suffisant entre l'instance en indemnisation et l'appel en garantie n'est pas justifié alors que, d'une part, ses demandes indemnitaires fondées sur la loi du 4 juillet 1985 ont été formées à l'encontre de la seule société Maaf, à l'exclusion de M. [D] et de la Gmf, que, d'autre part, la Maaf a accepté les conclusions de l'expert amiable et a lui adressé une offre indemnitaire et qu'enfin, l'appel en garantie, à laquelle il n'est pas partie, constitue une instance autonome pendante devant le tribunal judiciaire de Lille devant lequel la Gmf et M. [D] pourront contester les conclusions expertales et faire état de leurs prétentions.

Il ajoute que son indemnisation, dont le principe a été accepté par la Maaf qui a présenté une offre indemnitaire, ne saurait être retardée par la procédure en garantie qui ne le concerne pas.

Selon l'article 325 du code de procédure civile, l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant.

L'article 329 du même code prévoit que l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui la forme. Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention.

La cour observe que la procédure ayant donné lieu au jugement critiqué du tribunal judiciaire de Lille était enregistrée sous le numéro de répertoire général 19/3250 et qu'une autre instance pendante devant le même tribunal, enregistrée sous le numéro de répertoire général 19/5754 tend à voir condamner M. [D] et la Gmf à garantir la Maaf de toute condamnation qui serait mise à la charge de celle-ci.

Par une ordonnance du 20 novembre 2019, le juge de la mise en état n'a pas fait droit à la demande de jonction de ces deux procédures.

Par ailleurs, par une ordonnance du 25 février 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Lille a notamment déclaré irrecevables les demandes au titre de l'intervention volontaire de la Gmf, débouté la Gmf de sa demande d'expertise et condamné la Maaf à verser à M. [L] [K] une indemnité provisionnelle de 100 000 euros.

Puis, la procédure d'appel en garantie a été radiée du rôle du tribunal le 29 avril 2020.

Le tribunal judiciaire de Lille dans son jugement critiqué était saisi non pas d'une action en responsabilité mais d'une action en indemnisation du préjudice subi par la victime à l'encontre de son assureur, la Maaf, qui n'a pas contesté le principe du droit à indemnisation de son assuré, a fait diligenter une expertise amiable et a accepté de verser des provisions à M. [K].

Dès lors, cette action fondée sur l'application des garanties de la police n'intéresse les rapports qu'entre l'assureur et son assuré.

L'appel en garantie de la Maaf formée à l'encontre de M. [D] et de la Gmf ne saurait remettre en cause l'indemnisation du préjudice de M. [K] dont le principe a été accepté a été accepté par son assureur.

Il appartiendra en effet à M. [D] et à la Gmf de présenter toutes les exceptions de garanties et de contester le rapport d'expertise amiable dans le cadre de l'action en garantie diligentée à leur encontre par la Maaf.

Par suite, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que les deux instances n'étaient pas liées et a déclaré l'intervention volontaire de M. [D] et de la Gmf irrecevables.

Le jugement critiqué sera donc confirmé de ce chef.

Sur la liquidation du préjudice de M. [K]

La cour rappelle que :

le droit à indemnisation de M. [K] sur le fondement des articles 1 et 3 de la loi du 5 juillet 1985 n'est pas contesté par son assureur, la Maaf

le décompte définitif de la Cpam représente la somme de 13 383,78 euros

le montant des provisions déjà versées à M. [K] à hauteur de la somme totale de 153 946,72 euros (350 + 6 000 + 100 000 + 48 956,72) n'est pas davantage contesté.

Par ailleurs, la cour dispose de la faculté de choisir le barème de son choix pour procéder à l'évaluation des préjudices susceptibles de capitalisation.

La table de capitalisation éditée en 2020 par la Gazette du palais qui repose sur une table de mortalité définitive publiée par l'INSEE 2014-2016 France entière et un taux d'intérêt fixé à 0 % sera donc retenue comme le demande la victime, cette table étant établie à partir de données démographiques récemment publiées par l'INSEE et prenant en compte des données économiques actualisées et objectives concernant le rendement des placements et l'inflation qui affecte ce rendement.

Il y a donc lieu de capitaliser le préjudice annuel à la date la plus proche de l'arrêt au regard de la table de capitalisation 2020 publiée à la Gazette du palais.

Sur les préjudices patrimoniaux temporaires

Sur l'assistance par tierce personne avant consolidation

L'indemnisation au titre de l'assistance tierce personne correspond aux dépenses liées à la réduction d'autonomie. Elle doit se faire en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée de sorte que l'indemnité allouée au titre de ce poste de préjudice ne doit pas être réduite en cas d'assistance bénévole par un proche de la victime.

La cour constate que la Maaf ne conteste pas le principe d'un besoin en assistance tierce personne pour M. [K].

Le premier juge a alloué à la victime la somme totale de 8 553, euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne sur la base d'un taux horaire de 18 euros pour les périodes du 10 mai 2017 au 2 mai 2018 à raison d'une heure par jour puis du 3 mai au 12 septembre 2018 à raison d'une demi-heure par jour.

Les parties ne discutent pas les périodes telles que fixées par l'expert d'assurance pendant lesquelles M. [K] a eu besoin d'une assistance pour les actes de la vie quotidienne.

En revanche, M. [K] estime que son besoin en assistance doit être fixé à 2 heures par jour pour la période du 10 mai au 12 septembre 2018 sur la base de 20 euros de l'heure majorés de 10% pour prendre en compte les congés payés.

La Maaf, quant à elle, demande d'entériner les conclusions de l'expert et de fixer le taux horaire à 14 euros en faisant valoir que M. [K] est assistée par son épouse qui intervient en qualité d'aide-ménagère familiale.

S'agissant des dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation, l'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins, et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale.

Si M. [K] produit deux certificats médicaux du docteur [F] [J] datés du 29 juin 2018 et 6 septembre 2018 qui font état, pour l'un, de la nécessité de la présence d'une aide -ménagère 2 heures par jour pendant trois mois et pour l'autre de la présence indispensable de l'épouse de M. [K] pour les tâches quotidiennes, ce besoin en assistance, au demeurant non contesté, n'est nullement justifié dans son ampleur tandis que l'expert d'assurance a précisé que l'état de santé de M. [K] a nécessité l'aide de son épouse pour la toilette du bas du corps, pour les courses et les sorties extérieures.

Dès lors que les conclusions de l'expert ne sont pas contredites par les certificats médicaux précités, le besoin en assistance par tierce personne sera évalué sur la base d'une heure par jour du 10 mai 2017 au 2 mai 2018 et d'une demi-heure par jour du 3 mai au 12 septembre 2018.

Par ailleurs, en application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, la Maaf est tenue d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen justement apprécié de 18 euros qui sera majoré de 10% afin de prendre en compte les congés payés et jours fériés dont l'assistance familiale doit également bénéficier, et ce sans qu'il y ait lieu de prendre en considération les éventuels avantages fiscaux ou exonérations de charges patronales en cas de recours à un prestataire salarié.

Dès lors, l'indemnité sera fixée sur la base de 365 jours auxquels il convient d'ajouter 36 jours de congés payés et les jours fériés, soit 412 jours.

du 10 mai 2017 au 2 mai 2018 : 358 jours - 2 jours d'hospitalisation x 1 heure x 18 euros x (412/365) = 7 233,14 euros

du 3 mai au 12 septembre 2018 : 133 jours ' 3 jours d'hospitalisations X 0,5 x 18 euros x (412/365) = 1 320,65 euros

Il sera allouée à M. [K] une indemnité d'un montant de 8 553,79 euros en réparation du préjudice résultant de l'assistance par tierce personne avant consolidation.

Le jugement critiqué sera donc confirmé de ce chef.

Sur les préjudices patrimoniaux permanents

Il est rappelé que la cour fera application de la table de capitalisation éditée en 2020 par la Gazette du palais.

Sur les dépenses de santé futures

Les premiers juges ont alloué à la victime la somme de 117 euros au titre des dépenses de santé futures.

M. [K] demande l'allocation de la somme de 564,95 euros au titre des dépenses à échoir en faisant valoir que son état de santé résultant des douleurs neuropathiques nécessite le recours à un stimulateur devant être renouvelé tous les 5 ans et dont le coût est partiellement pris en charge par la sécurité sociale.

La Maaf s'oppose à cette demande en se prévalant du rapport d'expertise qui n'envisage aucune dépense de santé future.

La cour rappelle que les dépenses de santé futures correspondent aux frais médicaux et pharmaceutiques (non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais également les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d'hospitalisation, mais également les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie etc.), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise que M. [K] conserve des douleurs de topographie L5 gauche à la fois neuropathiques et mécaniques avec la mise en place de TENS (système neurostimulation électrique transcutanée) 7 heures par jour précisant que ces douleurs surviennent surtout en position statique debout ou assises. L'expert considère que ces séquelles et en particulier la réapparition d'une lombo-radiculagie par contusion ou étirement radiculaire sont imputables de façon directe et certaine à l'accident du 10 mai 2017.

Si M. [K] produit un certificat médical établi le 13 novembre 2018 par le docteur [G] du centre hospitalier de [Localité 13] précisant que son état de santé justifie le recours à une neurostimulation à visée antalgique permettant d'atténuer les douleurs et la facture relative à la prescription d'un tel appareil du 26 décembre 2018, aucun élément du dossier ne permet d'établir le caractère médicalement prévisible et de la nécessité, compte tenu de l'état pathologique de la victime après la consolidation, des frais de renouvellement de cet appareil.

Par suite, c'est à juste titre que le tribunal a alloué la somme de 117 euros au titre des dépenses de santé futures après avoir écarté la demande au titre du remplacement de ce matériel tous les 5 ans.

Le jugement critiqué sera donc confirmé de ce chef.

Sur l'assistance par tierce personne permanente

Le tribunal a évalué le besoin permanent d'assistance sur la base d'une demi-heure par jour à compter de la date de la consolidation (13 septembre 2018) et d'un taux horaire de 18 euros.

M. [K] sollicite l'actualisation de sa demande à ce titre en demandant de prendre en compte un taux horaire de 20 euros et un terme échu correspondant au dernier jour précédant le jugement soit le 31 décembre 2021

La Maaf demande de retenir un taux horaire de 14 euros et d'appliquer le BCRIV 2018.

S'agissant de la capitalisation viagère, il est rappelé que la cour a retenu le barème de capitalisation 2020 publié par la gazette du palais.

Le poste assistance tierce personne comprend les dépenses liées à la réduction d'autonomie de la victime, laquelle rend nécessaire, de manière définitive, l'assistance d'une tierce personne pour aider la victime à effectuer les démarches et les actes de la vie quotidienne.

L'expert a évalué le besoin permanent en assistance par tierce par personne à une demi-heure par jour ce qui n'est pas discuté par les parties.

Dès lors, le préjudice de M. [K], qui est âgé de 56 ans au 31 décembre 2021, sera évalué comme suit :

l'assistance par tierce-personne échue vise la période de la date deconsolidation (12 septembre 2018) à la date du 31 décembre 2021

Sur une base horaire de 20 euros, il convient d'évaluer le besoin en assistance tierce personne définitive à la somme de :

- 1206 jours X 0,5 x 20 x (412/365) = 13 612,93 euros.

La cour observe que M. [K] réclame la somme de 13 603,68 euros au titre de l'assistance par tierce personne échue de sorte que cette somme sera retenue.

l'assistance par tierce-personne à échoir : au-delà du 31 décembre 2021

Il convient de capitaliser le coût annuel de la tierce personne future en le multipliant par l'euro de rente viagère correspondant au sexe et à l'âge de la victime au 31 décembre 2021 (56 ans), soit :

(412 x 0,5 x 20) x 25, 761(taux de rente viagère pour un homme de 56 ans au 31 décembre 2021 selon le barème de capitalisation de la gazette du palais de 2020) = 106 135,32 euros.

Le montant total de l'assistance tierce personne définitive, tant passée que future, s'élève donc à la somme de 119 739 euros.

En conséquence, il sera alloué cette somme à M. [K] en réparation du préjudice résultant de l'assistance permanente par tierce personne.

Le jugement querellé sera infirmé de ce chef.

Sur la perte de gains professionnels futurs

Le tribunal a rejeté la demande d'indemnisation de M. [K] au titre des pertes de gains professionnels futurs en retenant que celui-ci ne percevait pas de gains professionnels au moment de l'accident dont il a été victime et que la preuve d'un lien de causalité entre la perte alléguée et l'accident n'était pas rapportée.

M. [K] demande à la cour de fixer le préjudice à ce titre à la somme totale de 191 795,11 euros après application d'un taux de perte de chance de 75 % en faisant valoir que les conséquences de l'accident l'ont privées de la chance de reprendre une activité professionnelle alors qu'il disposait d'une capacité de travail à l'issue de sa période de convalescence précisant qu'il était au chômage après un licenciement économique et à la recherche d'un emploi avant l'accident.

La Maaf s'oppose à cette demande en faisant valoir que M. [K] ne démontre pas une impossibilité d'exercer une activité professionnelle consécutive à l'accident alors que l'expert lui-même conclut à la seule impossibilité d'exercice d'un travail physique. Par ailleurs, elle considère que ce préjudice ne saurait être calculée sur la base de revenus hypothétiques et ne peut correspondre à la capitalisation viagère d'une rémunération constante avant et après départ à la retraite.

La cour rappelle que les pertes de gains professionnels futurs résultent de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi directement imputable au dommage et que ce poste de préjudice correspond à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente et est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle.

L'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs sur la base d'un euro de rente viager répare nécessairement la perte de droits à la retraite de la victime, laquelle ne peut donc être indemnisée au titre de l'incidence professionnelle.

Selon l'expert médical, les séquelles présentées par M. [K] caractérisées par la persistance de douleurs neuropathique dues à une contusion ou un étirement radiculaire post-traumatique rendent ce dernier inapte à un travail physique de sorte M. [K] devra se cantonner à une activité sédentaire.

Il résulte des pièces produites que M. [K] a fait l'objet d'un licenciement économique en 2012 et son relevé de carrière révèle, d'une part, une alternance de périodes d'activités professionnelle et de chômage, d'autre part, une absence de reprise d'une activité professionnelle, M. [K] étant au chômage à partir de 2012.

La cour relève que M. [K] n'a déclaré aucun revenu en 2016 ainsi que cela ressort de l'avis d'imposition sur les revenus de cette année.

Par ailleurs, aucune pièce du dossier tend à établir des démarches de recherche d'emploi ou de formation professionnelle après son licenciement économique et avant l'accident. M. [K] ne justifie ainsi d'aucun projet concret de reprise d'activité professionnelle de sorte que le préjudice invoqué est purement hypothétique.

Dans ces conditions, la demande indemnitaire à ce titre sera rejetée.

Le jugement querellé sera confirmé de ce chef.

Sur l'incidence professionnelle

Le tribunal a alloué la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice résultant de l'incidence professionnelle.

La Maaf demande de réduire l'indemnité à ce titre à la somme de 15 000 euros en faisant valoir qu'il n'est pas démontré que l'état séquellaire de M. [K] ne le prive pas d'exercer un emploi ce d'autant plus que l'expert a retenu une inaptitude à un travail physique. Elle ajoute qu'il n'est pas davantage établi, en l'absence de projet professionnel avéré, que M. [K] aurait pu évoluer professionnellement, bénéficier d'une promotion ou accéder à une formation particulière. Elle ajoute que le préjudice résultant d'une perte des droits à la retraite est éventuel.

M. [K] explique qu'ayant une formation de plaquiste enduiseur, il a toujours travaillé dans le bâtiment de sorte qu'il subit un préjudice résultant de la perte de sa valeur professionnelle.

Il demande donc de fixer son préjudice lié à l'incidence professionnelle à la somme de 50 000 euros dans le cas où la cour retiendrait les pertes de gains professionnels futurs afin d'indemniser la pénibilité et la perte de points de retraite. Dans le cas contraire, il sollicite l'indemnisation du préjudice au titre de l'incidence professionnelle à hauteur de la somme de 241 795,11 euros correspondant à la perte de chance au taux de 75 % de retrouver un salaire médian français, à la perte de points retraite et à la dévalorisation sur le marché du travail.

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

Ce poste de préjudice comprend également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa mise en retraite.

Plus généralement, l'incidence professionnelle doit également inclure toute perte de chance tant dans le cadre de la formation qu'au titre de l'activité professionnelle.

Il résulte du rapport d'expertise médicale que, M. [K] présente des séquelles liées à la persistance de douleurs neuropathiques, nécessitant un traitement médical relativement lourd, lesquelles induisent une pénibilité accrue dans l'exercice d'une activité professionnelle et en particulier une impossibilité d'effectuer un travail physique.

Ainsi, eu égard, d'une part, à sa formation initiale et à son expérience professionnelle et, d'autre part, aux restrictions physiologiques médicalement constatées, M. [K] subit une dévalorisation sur le marché du travail.

Les premiers juges ont exactement évalué son préjudice à ce titre à la somme de 20 000 euros.

Le jugement querellé sera donc confirmé de ce chef.

S'agissant de la perte de droits à la retraite complémentaire, dès lors que la victime n'a pas sollicité l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de gains professionnels actuels et que la cour a écarté la demande au titre de la perte de chance de gains professionnels futurs, M. [K] ne peut prétendre à l'indemnisation d'un préjudice lié à la perte de droits à la retraite.

Au surplus, son relevé de situation individuelle établi le 18 août 2015 révèle que M. [K] a au cours de sa carrière professionnelle validé 63 trimestres étant précisé que le cumul des revenus des années 1985 à 1989, 1991, 1992, 1998, 2007, 2009, 2010 et 2013 étaient insuffisants pour valider un trimestre et qu'il a cotisé à une retraite complémentaire auprès de la caisse ARRCO pour la seule année 2014 et la caisse IRCANTEC en 1998, les cotisations ainsi réglées lui ayant permis de cumuler pour ces deux années 413,88 et 8 points supplémentaires.

La cour relève ainsi que M. [K] a cessé de régler des cotisations annuelles au titre d'un régime de retraite complémentaire à compter de l'année 2014 soit bien avant l'accident dont il a été victime.

Enfin, M. [K], étant au chômage au moment de l'accident et n'établissant pas qu'il était à la recherche d'un emploi ou d'une formation, la preuve d'une diminution du paiement des cotisations retraite imputable à l'accident n'est pas rapportée.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires

Sur le déficit fonctionnel temporaire

Le tribunal a évalué le déficit fonctionnel temporaire de M. [K] sur la base de 30 euros par jour d'hospitalisation et de 25 euros par jour en dehors de ces périodes et des taux de déficit partiel retenus par l'expert.

La Maaf demande de retenir une base unique de 24 euros par jour.

M. [K] demande de fixer ce préjudice sur la base de 28 euros par jour.

Ce chef de préjudice inclut, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Aux termes de son rapport, l'expert a retenu une gêne fonctionnelle :

totale du 12 au 13 mai 2017 et du 26 au 28 juin 2018

de 25% du 2 mars au 2 mai 2018

de 10% du 10 au 11 mai 2017, du 14 mai 2017 au 1ermars 2018, du 3 mai au 25 juin 2018 et du 29 juin au 12 septembre 2018

La victime a subi pendant cette période des troubles dans les conditions d'existence incluant une perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie au sens large.

Sans qu'il y ait lieu de distinguer les périodes d'hospitalisation de celles de retour au domicile comme l'a fait le premier juge, une indemnité égale de 28 euros par jour est de nature à réparer la gêne dans les actes de la vie courante, lorsque ce déficit fonctionnel temporaire est total. Cette indemnisation est proportionnellement diminuée lorsque le déficit fonctionnel temporaire est partiel.

En conséquence, l'indemnisation de M. [K] s'élève à ce titre aux sommes suivantes :

déficit fonctionnel total pendant 5 jours soit 5 x 28 euros = 140 euros

déficit fonctionnel partiel de 25% pendant 61 jours soit 61 x 25% x 28 euros = 427 euros

. déficit fonctionnel partiel de 10 % pendant 424 jours soit 424 x 10 % x 28 euros = 1 187,20

Ce préjudice sera donc réparé par l'allocation de la somme totale de 1 754,20 euros.

Le jugement critiqué sera donc infirmé de ce chef.

Sur les souffrances endurées

Le tribunal a indemnisé le préjudice de la victime au titre des souffrances endurées à hauteur de la somme de 5 000 euros.

Comme en première instance, la Maaf estime l'indemnité allouée excessive et propose la somme de 4 000 euros.

Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison du traumatisme initial, des soins et des séances de rééducation fonctionnelle.

Pour fixer à 2,5 sur une échelle de 7 l'importance des souffrances endurées par M. [K], l'expert a tenu compte des douleurs persistantes éprouvées par celui-ci, de la nécessité d'un traitement médical relativement lourd, médicamenteux et avec infiltrations par le hiatus sacro-coccygien, et du port d'une ceinture lombaire.

En fonction de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a fixé à la somme de 5 000 euros le montant de l'indemnité due au titre des souffrances endurées.

Sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents

Sur le déficit fonctionnel permanent

Les premiers juges ont fixé ce poste à la somme de 12 000 euros.

M. [K] sollicite l'allocation d'une somme de 12 480 euros à ce titre en considération du taux de déficit fixé à 8% par l'expert et de la valeur du point selon le référentiel des cours d'appel 2021 de 1 560.

La Maaf conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

Le déficit fonctionnel permanent correspond au préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime.

Au regard du taux fixé par l'expert (8 %) et de l'âge de la victime à la date de consolidation de son état de santé soit 53 ans, une indemnisation à hauteur de 1 560 euros du point sera retenue de sorte que le préjudice subi par M. [K] sur ce poste sera évalué à la somme de 12 480 euros.

Le jugement attaqué sera donc infirmé de ce chef.

Sur le préjudice d'agrément

Le tribunal a rejeté la demande indemnitaire de M. [K] au titre du préjudice d'agrément.

La victime demande l'allocation de la somme de 4 000 euros à ce titre au motif qu'il a dû cessé son activité de natation qu'il pratiquait avant l'accident 3 fois par semaine.

La Maaf se prévaut de l'absence de justificatif pour solliciter le rejet de cette demande.

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Dans ses conclusions, l'expert évoque un préjudice d'agrément résultant de l'arrêt de la natation.

M. [K] produit une attestation établie par M. [I] [E], éducateur sportif, aux termes de laquelle il certifie que M. [K] fréquentait régulièrement le centre nautique Babylone avec sa fille jusqu'à 2016-2017 et que depuis, il accompagne sa fille sans pratiquer la natation.

Le préjudice d'agrément de M. [K] ainsi établi sera réparé par l'allocation de la somme de 2 500 euros.

Le jugement critiqué sera donc infirmé de ce chef.

Sur le préjudice permanent exceptionnel

Le tribunal a alloué à la victime la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice exceptionnel de M. [K], de confession musulmane, du fait de l'impossibilité de réaliser la prière depuis l'accident compte tenu de son état séquellaire.

M. [K] réclame la somme de 10 000 euros à ce titre.

Les préjudices permanents exceptionnels sont des préjudices extra-patrimoniaux atypiques, directement liés au handicap permanent qui prend une résonance particulière pour certaines victimes en raison soit de leur personne, soit des circonstances et de la nature du fait dommageable, notamment de son caractère collectif pouvant exister lors de catastrophes naturelles ou industrielles ou les attentats.

Il n'est pas contesté que M. [K] est dans l'incapacité de réaliser la prière Mahométane depuis l'accident en raison de ses douleurs neuropathiques et mécaniques.

S'agissant d'un préjudice distinct du déficit fonctionnel permanent précédemment indemnisé, le tribunal a fait une juste appréciation tant du principe que du quantum du préjudice de M. [K] en allouant la somme de 5 000 euros à ce titre.

Le jugement querellé sera donc confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes

Sur le doublement de l'intérêt légal

Le tribunal a ordonné le doublement des intérêts à compter du 16 mars 2019 et jusqu'à la date à laquelle la décision deviendra définitive sur une assiette égale au montant des condamnations prononcées au profit de M. [K] augmenté du montant de la créance de la CPAM en considérant que la Maaf n'a présenté aucune offre dans le délai de 5 mois à compter de la connaissance de la date de consolidation fixée par l'expertise médicale.

La cour observe que M. [K] demande la confirmation du jugement sur ce point et que la Maaf ne conteste pas le principe du doublement des intérêts ni son point de départ.

En revanche, celle-ci considère que le cours des intérêts doublés doit s'arrêter le 4 décembre 2019, date à laquelle elle a conclu au fond devant les premiers juges, ces conclusions valant offre.

En application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident, une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, à la victime qui a subi une atteinte à sa personne ; l'offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit de plein droit, en vertu de l'article L.211-13 du même code, des intérêts au double du taux légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

Il est acquis au débat qu'une offre d'indemnisation devait intervenir dans les 5 mois suivant le dépôt du rapport d'expertise ayant fixé la date de consolidation de la victime et que la Maaf n'a présenté aucune offre dans ce délai.

Néanmoins, il doit être considéré que l'offre d'indemnisation définitive formulée par la Maaf par voie de conclusions notifiées le 4 décembre 2019 comprend bien tous les éléments indemnisables du préjudice tel que retenu par l'expert, qu'elle est faite poste par poste et n'est pas manifestement insuffisante ni incomplète.

Dès lors, ces conclusions valant offre apparaissent bien de nature à interrompre le cours de la pénalité.

Sur l'assiette du doublement de l'intérêt légal, la cour rappelle qu'en cas d'offre d'indemnisation de l'assureur, l'assiette des intérêts majorés porte sur les sommes offertes par l'assureur, de sorte que la sanction prévue par l'article L. 211-13 du code des assurances a pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l'assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées.

Au vu de l'offre d'indemnisation définitive du 4 décembre 2019, le doublement de l'intérêt au taux légal s'appliquera du 16 mars 2019 au 4 décembre 2019 sur le montant total des condamnations prononcées en faveur de M. [K] augmenté de la créance de la CPAM de [Localité 15]-[Localité 6].

Le jugement querellé sera ainsi infirmé sur ce point.

Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et les demandes relatives aux frais irrépétibles.

Chacune des parties, succombant partiellement en cause d'appel, supportera la charge de ses propres dépens d'instance d'appel.

Les demandes indemnitaires formées par chacune des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement rendu le 15 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu'il a :

- déclaré irrecevables les interventions volontaires de la société GMF

Assurances et de M. [H] [D],

- fixé la créance de la Cpam de [Localité 15]-[Localité 6] à la somme de 13 383,78 euros,

- condamné la société Maaf assurances à payer à M. [L] [K] les sommes suivantes en réparation du préjudice à la suite de l'accident survenu le 10 mai 2017 :

'8 553,79 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire

'117 euros au titre des dépenses futures

'20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle

'5 000 euros au titre des souffrances endurées

'5 000 euros au titre du préjudice permanent exceptionnel

- condamné la société Maaf Assurances à payer à M. [L] [K] la

somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société Gmf Assurances à payer à M. [L] [K] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné M. [H] [D] à payer à M. [L] [K] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- condamné la société Maaf Assurances à supporter les dépens de l'instance mais dit que la société Gmf Assurances et M. [H] [D] supporteront, chacun, le coût de la signification du présent jugement si M. [L] [K] le fait signifier

Infirme le jugement rendu le 15 octobre 2021par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu'il a :

- condamné la société Maaf assurances à payer à M. [L] [K] les sommes suivantes en réparation du préjudice à la suite de l'accident survenu le 10 mai 2017 :

' 8 553,79 euros euros au titre de l'assistance par tierce permanente temporaire

' 98 184,68 euros au titre de l 'assistance par tierce personne dé'nitive

' 1 591,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

' 12 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

- dit que le paiement des sommes allouées à M. [L] [K] interviendra sous déduction des provisions déjà versées à hauteur de 6 350 euros

- Dit que ces sommes produiront intérêts au double du taux légal à compter du 16 mars 2019 et jusqu'à la date à laquelle le jugement deviendra définitif sur une assiette égale au montant total des condamnations ci-dessus prononcées au profit de M. [L] [K] augmenté du montant de la créance de la Cpam de [Localité 15]-[Localité 6]

- débouté les parties de leurs autres demandes

Prononçant à nouveau des chefs infirmés, et y ajoutant,

- condamne la société Maaf assurances à payer à M. [L] [K] les sommes suivantes en réparation du préjudice à la suite de l'accident survenu le 10 mai 2017 :

' 119 739 euros au titre de l 'assistance par tierce personne dé'nitive

' 1 754,20 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

' 12 480 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

' 2 500 euros au titre du préjudice d'agrément

- dit que le paiement des sommes allouées à M. [L] [K] interviendra sous déduction des provisions déjà versées à hauteur de 153 946,72 euros

- Dit que ces sommes produiront intérêts au double du taux légal à compter du 16 mars 2019 et jusqu'au 4 décembre 2019 sur une assiette égale au montant total des condamnations prononcées au profit de M. [L] [K] augmenté du montant de la créance de la CPAM de [Localité 15]-[Localité 6]

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Dit que chaque partie conservera à sa charge les frais et dépens de la procédure d'appel,

Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/05807
Date de la décision : 06/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-06;21.05807 ?
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