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31/03/2023 | FRANCE | N°21/01464

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 31 mars 2023, 21/01464


ARRÊT DU

31 Mars 2023







N° 373/23



N° RG 21/01464 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2ZL



MLBR/AL





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

13 Août 2021

(RG 18/00935 -section )



































GROSSE :



Aux avocat

s



le 31 Mars 2023



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [H] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4] / FRANCE

représentée par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Aurélie BERTIN, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉES :...

ARRÊT DU

31 Mars 2023

N° 373/23

N° RG 21/01464 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T2ZL

MLBR/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

13 Août 2021

(RG 18/00935 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 31 Mars 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [H] [W]

[Adresse 1]

[Localité 4] / FRANCE

représentée par Me Alexandre BAREGE, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Aurélie BERTIN, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉES :

S.A.S. AIRMOBILIER

[Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Eric GUILLEMET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE substitué par Me Félicité JOUFFRAI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

S.A.S. [Adresse 6]

[Adresse 2]

[Localité 5]

représentée par Me Eric GUILLEMET, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE substitué par Me Félicité JOUFFRAI, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Valérie DOIZE

DÉBATS : à l'audience publique du 24 Janvier 2023

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 Janvier 2023

EXPOSÉ DU LITIGE':

Mme [H] [W] exerçait les fonctions d'attachée commerciale junior au sein de la société Stamp qui consacre son activité à la vente de mobiliers à destination des cafés, hôtels et restaurants.

Le 7 juillet 2016, la SAS [Adresse 6], qui intervient sur le même secteur d'activité que la société Stamp, a proposé à Mme [W] une promesse d'embauche par laquelle elle s'engageait à la recruter comme commercial au sein d'une société 'Newco'en cours de création au sein du groupe [Adresse 6], société qui s'est finalement dénommée 'Airmobilier'.

Le 11 juillet 2016, Mme [W] a démissionné de son poste au sein de la société Stamp, étant précisé qu'elle demeurait tenue par une cause de non-concurrence d'une durée d'un an. Elle a quitté l'entreprise fin septembre 2016.

Le 1er octobre 2016, Mme [W] s'est fait immatriculer en tant qu'auto entrepreneuse au registre du commerce et des sociétés.

Le 3 octobre 2016, la société Airmobilier et Mme [W] ont finalement conclu un contrat de prestation de service d'une durée de 6 mois devant débuter le jour même, afin d'assurer le développement commercial de la première sur un secteur géographique délimité, la rémunération de Mme [W] en sa qualité de prestataire comprenant une partie fixe de 2 650 euros HT par mois travaillé, et une partie variable en pourcentage du chiffre d'affaires réalisé et encaissé.

A son terme, ce contrat n'a pas été renouvelé.

En mai 2017, la société Stamp a fait assigner les sociétés [Adresse 6] et Airmobilier ainsi que Mme [W] devant le juge des référés du tribunal de commerce de Meaux dans le cadre d'une action en concurrence déloyale.

Le 15 mai 2017, la société Airmobilier a remis à Mme [W] une promesse d'embauche en tant que commercial, avec une prise de poste fixée au 2 octobre 2017, 'sous réserve de levée de la clause de non concurrence de votre employeur actuel'.

Par requête du 21 septembre 2018, Mme [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin de faire reconnaître l'existence de 2 contrats de travail la liant à la société Airmobilier, de juger qu'elle a fait l'objet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse pour la première période, et de voir prononcer la résiliation judiciaire du second contrat de travail et d'obtenir diverses indemnités au titre de la rupture desdits contrats.

Par jugement contradictoire rendu le 13 août 2021, le conseil de prud'hommes de Lille a':

- dit qu'un contrat de prestation de service existait entre les parties entre le 4 octobre 2016 et le 15 mai 2017,

- dit qu'aucun contrat de travail n'existait entre les parties durant cette même période,

- débouté Mme [W] de l'ensemble de ses demandes de ce chef,

- dit que l'existence d'un contrat de travail entre les parties depuis le 2 octobre 2017 n'est pas établie,

- débouté Mme [W] de l'ensemble des demandes formulées de ce chef,

- condamné Mme [W] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Par déclarations reçues au greffe les 15 septembre et 6 décembre 2021 et enregistrées respectivement sous les numéros RG 21/01464 et 21/02020, Mme [W] a interjeté appel du jugement en toutes ces dispositions.

Par ordonnance du 4 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction des deux procédures sous le RG 21/01464.

Dans ses dernières conclusions déposées le 14 décembre 2021 auxquelles il convient de reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [W] demande à la cour de:

- infirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

- juger qu'elle était titulaire d'un contrat de travail à compter du 4 octobre 2016 jusqu'au 15 mai 2017,

- juger que la rupture de la relation contractuelle constitue un licenciement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse,

- juger que les sociétés Airmobilier et [Adresse 6] se sont rendus coupables du délit de travail dissimulé,

- condamner in solidum les sociétés Airmobilier et [Adresse 6] à lui payer les sommes suivantes':

*2 650 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 265 euros au titre des congés payés y afférents,

*2 650 euros à titre de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement,

*15 900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*15 900 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- juger qu'elle est titulaire d'un contrat de travail depuis le 2 octobre 2017,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail,

- condamner la société Airmobilier à lui payer les sommes suivantes':

*29 150 euros à titre de rappel de salaires, outre 2 915 euros au titre des congés payés y afférents,

*y ajouter la somme de 2 650 euros par mois à compter du 1er octobre 2018 jusqu'à la date de la décision à intervenir à titre de rappel de salaire de base, outre 265 euros par mois au titre des congés payés y afférents,

*y ajouter la somme de 1 179,17 euros par mois à compter du 1er octobre 2018 jusqu'à la date de la décision à intervenir à titre de rappel de salaire sur rémunération variable, outre 117,92 euros par mois au titre des congés payés y afférents,

*12 970 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de travailler et de réaliser du chiffre d'affaires,

*5 300 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 530 euros au titre des congés payés y afférents,

*15 900 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Airmobilier à lui payer l'indemnité de licenciement qui sera calculée par la cour en se basant sur un salaire de base de 3 847,17 euros et une date d'ancienneté dont le point de départ est au 2 octobre 2017,

À tout le moins, il est demandé à la cour de':

- renvoyer les parties à procéder au calcul de l'indemnité de licenciement due à la date de rupture du contrat de travail sur la base d'une ancienneté dont le point de départ est au 2 octobre 2017 et sur la base d'un salaire mensuel de 3 847,17 euros,

- condamner la société Airmobilier à lui payer la somme correspondant à l'indemnité de licenciement,

- dire qu'il sera rapporté à la cour en cas de difficulté,

- condamner in solidum les sociétés Airmobilier et [Adresse 6] à lui payer la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- en application de l'article 1231-7 du code civil, les sommes dues porteront intérêts à compter du jour de la demande,

- constater qu'elle demande la capitalisation des intérêts par voie judiciaire,

- dire y avoir lieu de plein droit à capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil, du moment qu'ils sont dus pour une année entière.

Dans leurs dernières conclusions déposées le 25 février 2022 auxquelles il convient de reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, les sociétés Airmobilier et [Adresse 6] demandent à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

-dire que le contrat de prestation de service a été conclu valablement et que Mme [W] n'était pas sous la subordination de la société Airmobilier,

- dire que la promesse d'embauche émise le 15 mai 2017 n'a pas été acceptée et qu'aucun contrat de travail n'a été formé à ce titre,

- dire que la demande de résiliation judiciaire est sans objet,

- débouter Mme [W] de l'ensemble de ses demandes,

- en tout état de cause, la condamner à payer à la société Airmobilier la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION':

- sur la relation contractuelle entre le 4 octobre 2016 et le 15 mai 2017 et les demandes subséquentes :

* sur la nature de la relation contractuelle :

Mme [W] prétend que sous couvert du contrat de prestation de service du 3 octobre 2016, elle a exercé en réalité un travail salarié au bénéfice de la société Airmobilier, la promesse initiale d'embauche n'ayant pas abouti à la formalisation d'un contrat de travail en raison du litige naissant entre la société Airmobilier, la société [Adresse 6] et son ancien employeur, la société Stamp.

Elle soutient que les pièces produites suffisent à renverser la présomption simple de non-salariat de l'article L. 8221-6 du code du travail, la réalité du lien de subordination juridique étant selon elle établie par le fait notamment que :

- elle était pleinement intégrée aux effectifs de l'entreprise et bénéficiait d'avantages et de matériel directement fournis par la société,

- elle était rémunérée selon un salaire fixe mensuel,

- la clientèle appartenait exclusivement à la société Airmobilier et elle ne travaillait que pour celle-ci,

- la société Airmobilier lui donnait des consignes précises et a exercé son pouvoir disciplinaire notamment par son courrier d'avertissement du 1er décembre 2016.

En réponse, les sociétés Airmobilier et [Adresse 6] s'opposent à la requalification du contrat de prestation, en faisant valoir en substance que Mme [W] ne rapporte pas la preuve du lien de subordination juridique à l'égard de la société Airmobilier, rappelant qu'elle planifiait ses rendez-vous en parfaite autonomie, n'était soumise à aucun contrôle de ses heures de travail et obligation de présence dans les locaux de l'entreprise, et qu'elle utilisait un ordinateur et une adresse de messagerie personnels. Le courrier du 1er décembre 2016 ne peut selon elles être assimilé à une sanction disciplinaire, s'agissant d'une lettre de rappel des termes du contrat de prestation et de l'obligation de Mme [W] d'assurer une bonne exécution de ses missions.

Les intimées soutiennent qu'à l'issue des discussions qui ont suivi la première promesse d'embauche et la démission de Mme [W] de son emploi au sein de la société Stamp, la volonté commune des parties était bien de conclure un contrat de prestation de service compte tenu de la nature et des modalités d'exécution des missions confiées à l'appelante.

Sur ce,

L'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. Il appartient à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence.

Ainsi, si, selon l'article L. 8221-6-1 du code du travail, la présomption légale de non-salariat vise notamment les personnes sous le statut d'auto-entrepreneur immatriculées au RCS, elle peut cependant être renversée par celui qui entend se prévaloir d'un contrat de travail, s'il établit qu'il fournit directement des prestations au donneur d'ordre dans des conditions qui le placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Il est en l'espèce acquis aux débats que Mme [W] est immatriculée au RCS depuis le 1er octobre 2016 en qualité d'auto entrepreneuse et qu'elle entretient des relations contractuelles avec la société Airmobilier dans le cadre d'un contrat d'une durée de 6 mois intitulé 'contrat de prestation de service' signé le 3 octobre 2016.

Il sera d'abord relevé que les missions qui ont été confiées à Mme [W] aux termes de ce contrat ainsi que les modalités et le montant de sa rémunération sont strictement identiques à ce qui avait été envisagé dans le cadre de la promesse d'embauche en tant que commercial faite par les sociétés [Adresse 6] et Newco devenue Airmobilier le 7 juillet 2016, seul le secteur géogaphique d'intervention ayant été modifié.

Force est également de relever qu'aux termes du contrat de prestation, les parties sont convenues d'une rémunération forfaitaire, avec une partie mensuelle fixe de 2 650 euros HT par 'mois travaillé', parfaitement assimilable à un salaire.

En outre, il ressort des pièces de l'appelante que la société Airmobilier a fourni à Mme [W] conformément au contrat un véhicule de fonction pour assurer ses missions mais également une carte essence (sa pièce 8), un téléphone et une tablette (sa pièce 22) et s'est engagée à lui rembourser tous les frais éventuellement engagés.

Il s'en déduit d'une part que la rémunération forfaitaire susvisée est bien la contrepartie du seul travail accompli et non d'une prestation globale comprenant les frais inhérents à la mission, et d'autre part que la société Airmobilier a fourni à Mme [W] l'ensemble des instruments de travail, peu importe qu'elle se soit créée une adresse de messagerie personnelle.

Pour justifier de son appartenance à la société Airmobilier, Mme [W] produit aussi un exemplaire de la carte de visite à son nom portant le logo de la société Airmobilier et les mentions 'Airmobilier, [H] [W], chargée de clientèle', ainsi que les échanges de courriels qui démontrent que la commande des cartes de visite a été faite par la société Airmobilier elle-même.

Enfin et surtout, aux termes du courrier adressé à Mme [W] le 1er décembre 2016 par M. [R], directeur commercial de la société Airmobilier, il est fait le reproche à la première de frais générés excessifs sans aucun affaire rapportée en retour, M. [R] lui adressant de ce fait 'un avertissement afin que vous corrigiez rapidement votre comportement et repreniez l'exécution des missions qui vous ont été confiées' avec plusieurs directives précises à respecter concernant les tâches à effectuer et l'organisation de son travail, libellées comme suit :

'- reprise d'une prospection commerciale systématique quotidienne dans les départements limitrophes de votre habitation...(liste des départements à nous transmettre dans la semaine). Un planning de déplacement à la semaine devra être adressé à votre responsable pour validation,

- saisie dans PerfoWeb de la liste des contacts visités (minimum de 8 contacts/jour)...,

- limitation des frais aux stricts besoins de votre travail,

- la remontée de la détection des besoins de vos prospects pour la société Airmobilier ou pour une aute entité du groupe ([Adresse 6], ...).... Un minimun de 5 devis par semaine est indispensable,

- remontée hebdomadaire d'information via un compte rendu écrit à votre responsable direct.'

Contrairement à ce que soutiennent les intimées, ce courrier va au delà d'un simple rappel des missions confiées à Mme [W].

En effet, la société Airmobilier y notifie de manière explicite un avertissement mais surtout, elle fait état de manière non équivoque de l'existence d'un lien hierarchique avec un 'responsable direct' auquel Mme [W] doit rendre compte hebdomadairement de ses activités et soumettre son planning de déplacement pour validation, ce qui est contraire à une organisation autonome et libre du travail, de même que les consignes précises données quant au nombre de contacts à visiter chaque jour ou encore au nombre de devis à établir par semaine.

Mme [W] établit à travers ce dernier document, la réalité du lien de subordination juridique la liant à la société Airmobilier, dès lors qu'elle exécute son travail sous l'autorité d'un 'responsable direct' qui contrôle la bonne exécution du travail au regard des directives précises données par l'employeur, celui-ci ayant en outre exercé ce qui peut être qualifié de pouvoir disciplinaire, en délivrant à Mme [W] un avertissement en raison du caractère excessif de ses frais professionnels et de l'absence d'affaire apportée.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, à savoir la fourniture des instruments de travail, une rémunération forfaitaire mensuelle du travail et le lien de subordination juridique, qu'aucune pièce des intimées ne vient contredire, Mme [W] renverse la présomption de non-salariat. Il convient donc de requalifier le contrat de prestation de service conclu le 3 octobre 2016 en un contrat de travail qui doit nécessairement être considéré à durée indéterminée, à défaut de respecter le formalisme légal d'un contrat à durée déterminée.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

* sur les demandes financières au titre de ce contrat :

Il convient d'abord de relever que les sociétés Airmobilier et [Adresse 6] ne critiquent pas leur qualité de co employeurs de Mme [W], étant observé que M. [K], dirigeant de la société [Adresse 6] et de la société Airmobilier, est l'auteur de la promesse d'embauche initiale et du contrat de prestation, que le service financier de la société [Adresse 6] s'est chargé de la rémunération de Mme [W] et de la fourniture de son véhicule et des cartes de visite et qu'il ressort de la lettre du 1er décembre 2016 que celle-ci devait aussi trouver des prospects pour les autres entités du groupe dont ligne Vauzelle.

Il est par ailleurs constant que le contrat de prestation de service requalifié en contrat de travail avait un terme fixé au 3 avril 2017 de par sa durée de 6 mois. Mme [W] soutient qu'il se serait poursuivi jusqu'au 15 mai 2017 mais ne produit aucune pièce pour l'établir, l'échange de SMS figurant en sa pièce 22 montrant au contraire que les parties ont organisé la restitution du véhicule et du matériel de travail en avril 2017.

Il sera donc retenu que cette relation de travail a pris fin le 3 avril 2017. A défaut pour les employeurs d'avoir initié une procédure de licenciement, celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

L'ancienneté de Mme [W] étant au 3 avril 2017 inférieure à 2 ans, l'ancien article L. 1235-3 du code du travail ne trouve pas à s'appliquer et conformément aux dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail dans sa rédaction alors applicable au litige, Mme [W] a droit à la réparation du préjudice subi du fait du caractère abusif de son licenciement.

Compte tenu de sa très faible ancienneté (6 mois) et de son âge (33 ans) lui permettant de retrouver plus facilement du travail dans son domaine d'activité, et en l'absence de pièce sur l'étendue du préjudice allégué, il convient de réparer le préjudice que la perte injustifiée de son emploi lui a nécessairement causé à hauteur d'une somme de 2 650 euros.

Le défaut de convocation à un entretien préalable au licenciement induisant la méconnaissance des dispositions relatives à l'assistance du salarié par un conseiller, il convient par ailleurs sur le fondement des anciens articles L. 1235-2 et L. 1235-5 du code du travail de fixer sa créance indemnitaire en réparation de la procédure irrégulière de licenciement à un montant de 1 500 euros, celle-ci, cumulable dans ces conditions avec la réparation du préjudice causé par la perte injustifiée de son emploi, ne pouvant excéder un mois de salaire.

Sachant que Mme [W] n'invoque ni convention collective, ni usage pour justifier le versement d'une indemnité compensatrice de préavis, elle sera en revanche déboutée de sa demande à ce dernier titre, cette indemnité étant conditionnée par l'article L. 1234-1 du code du travail à une ancienneté supérieure à 6 mois, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Enfin, il sera rappelé qu'en vertu des articles L.8221-1 et L. 8221-5 du code du travail, l'employeur a l'interdiction de recourir à toutes formes de travail totalement ou partiellement dissimulé, notamment par la dissimulation d'emploi salarié en s'abstenant intentionnellement d'accomplir les formalités de déclaration d'embauche, de salaires ou de cotisations sociales. L'employeur ayant recours à toutes formes de travail dissimulé devra verser au salarié une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, en cas de rupture de la relation de travail.

Or, le fait dans les circonstances évoquées plus haut d'avoir sciemment conclu avec Mme [W] un contrat de prestation de service au lieu d'un contrat de travail et d'avoir poursuivi cette relation de travail sans jamais régulariser de contrat, suffit à caractériser l'intention de dissimuler l'emploi salarié de Mme [W]. Les intimées sont donc aussi condamnées à lui verser la somme de 15 900 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

- sur la relation de travail alléguée à compter du 2 octobre 2017 :

Mme [W] se prévaut de la seconde promesse d'embauche émise le 15 mai 2017 par la société Airmobilier qu'elle dit avoir acceptée, pour soutenir qu'elle vaut contrat de travail à la date prévue du 2 octobre 2017, date depuis laquelle elle prétend se tenir à la disposition de son employeur sans que celui-ci, malgré ses relances, n'ait respecté son engagement de lui fournir du travail et de la rémunérer.

Elle sollicite un rappel de salaire à compter du 2 octobre 2017 et ce jusqu'à la date de rupture du contrat par l'effet de sa résiliation judiciaire à la date du présent arrêt, résiliation justifiée selon elle par les manquements de la société Airmobilier à son obligation contractuelle de lui fournir un travail et une rémunération.

En réponse, la société Airmobilier qui reconnaît l'existence de la promesse d'embauche, fait toutefois valoir que la preuve de son acceptation par Mme [W] n'est pas rapportée, notamment à travers les échanges de messages entre les parties à propos du litige commercial alors en cours.

Elle fait observer que Mme [W] ne l'a d'ailleurs jamais mise en demeure de mettre en oeuvre cette proposition d'embauche et qu'en réalité, aucun contrat de travail n'a jamais existé, ni débuté entre les parties.

Sur ce,

L'acte par lequel un employeur propose un engagement précisant l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction et exprime la volonté de son auteur d'être lié en cas d'acceptation, constitue une offre de contrat de travail, qui peut être librement rétractée tant qu'elle n'est pas parvenue à son destinataire. La rétractation de l'offre avant l'expiration du délai fixé par son auteur ou, à défaut, l'issue d'un délai raisonnable, fait obstacle à la conclusion du contrat de travail et engage la responsabilité extra-contractuelle de son auteur.

La promesse unilatérale de contrat de travail est au contraire le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l'autre, le bénéficiaire, le droit d'opter pour la conclusion d'un contrat de travail, dont l'emploi, la rémunération et la date d'entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire. La révocation de la promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat de travail promis.

Il est en l'espèce constant que la société Airmobilier a adressé à Mme [W] un document intitulé 'promesse d'embauche' daté du 15 mai 2017 aux termes duquelle elle lui proposait 'le poste de commercial au sein de notre société Airmobilier à compter du 2 octobre 2017 et sous réserve de levée de la clause de non concurrence de votre employeur actuel', ce document précisant également ses fonctions ainsi que les modalités de sa rémunération, et se concluant simplement par la phrase 'en espérant vous compter bientôt au sein de notre équipe'.

Cet engagement constitue, au vu de ce qui a été rappelé plus haut, une offre de contrat de travail et non une promesse unilatérale de contrat dès lors que l'acte n'offrait aucun droit d'option à son bénéficiaire avec un délai pour y procéder.

Par ailleurs, la société Airmobilier fait à raison observer qu'aucune des pièces de l'appelante ne porte acceptation explicite de l'offre de contrat de travail au 2 octobre 2017.

En effet, à travers leurs échanges de courriels et de SMS, le dirigeant de la société Airmobilier et Mme [W] évoquaient leurs interrogations respectives sur la faisabilité d'une telle embauche compte tenu des demandes formées par son ancien employeur, la société Stamp, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Meaux aux fins de faire notamment interdire à la société Airmobilier et la société [Adresse 6] d'employer directement ou indirectement l'appelante ou d'user de ses services, étant rappelé que l'instance, initiée par la société Stamp en mai 2017, était toujours pendante en septembre 2017, l'ordonnance de référé n'ayant été rendue que le 6 décembre 2017.

Par SMS du 7 septembre 2017, Mme [W] a ainsi sollicité le dirigeant de la société Airmobilier en ces termes : 'j'ai besoin de connaître votre décision afin de prendre les dispositions nécessaires sur mon avenir professionnel'.

Par courriel du 8 septembre 2017, M. [K], représentant la société Airmobilier, lui répondait en lui indiquant les préconisations de son conseil 'de ne pas être contractuellement lié à Mme [W] lors de l'audience devant le juge des référés' avant de conclure : 'je propose donc que l'on attende la fin de cette affaire pour reparler de ça'.

Ainsi, la société Airmobilier a proposé de reporter la date de prise d'effet de son offre pour la reporter à une date non précisée et qui ne résulte d'aucune pièce des parties.

Mme [W] ne produit aucune pièce de nature à établir qu'elle s'y est opposée et aurait exigé que le contrat prenne effet au 2 octobre 2017 comme initialemen convenu, ni dénoncé après cette date, le non-respect par la société Airmobilier de son engagement de l'engager à compter d'octobre 2017.

Le 6 décembre 2017, elle a d'ailleurs eu de nouveaux échanges de SMS avec M. [K] concernant le prononcé de l'ordonnance de référé, sans que ne soit évoquée une nouvelle date de prise d'effet de l'offre de contrat de travail, ni qu'elle ne justifie en avoir réclamé la fixation.

Il se déduit de ces échanges de septembre et décembre 2017 que le report sine die de l'offre litigieuse résulte d'une volonté commune des parties, compte tenu de l'existence de l'instance pendante devant la juridiction commerciale les mettant en cause, en ce compris Mme [W].

Aussi, en l'absence de nouvelle date de début de contrat proposée par la société Airmobilier et acceptée par Mme [W], il ne peut être considéré qu'un contrat de travail a lié les parties et débuté le 2 octobre 2017 à la suite de l'offre du 15 mai 2017.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [W] de ses demandes fondée sur l'existence de ce supposé second contrat de travail.

- sur les demandes accessoires :

Mme [W] ayant été accueillie en une partie de ses demandes, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance.

Pour ces mêmes motifs, la société Airmobilier et la société [Adresse 6] devront in solidum supporter les dépens de première instance et d'appel. Elles seront également déboutées de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande par ailleurs de les condamner in solidum à payer à Mme [W] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles que celle-ci a exposés.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris en date du 13 août 2021 sauf en ses dispositions déboutant Mme [W] de ses demandes au titre d'un supposé contrat de travail entre les parties depuis le 2 octobre 2017;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

REQUALIFIE le contrat de prestation de service conclu le 3 octobre 2016 entre Mme [H] [W] et la société Airmobilier en un contrat de travail à durée indéterminée ;

DIT que la société Airmobilier et la société [Adresse 6] sont co employeurs de Mme [H] [W] ;

DIT que le terme de ce contrat au 3 avril 2016 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse de Mme [H] [W] ;

CONDAMNE in solidum la société Airmobilier et la société [Adresse 6] à payer à Mme [H] [W] les sommes suivantes :

- 2 650 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 500 euros à titre d'indemnité en raison de l'irrégularité de la procédure de licenciement,

- 15 900 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

DIT que ces créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

DIT qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus ;

CONDAMNE in solidum la société Airmobilier et la société [Adresse 6] à payer à Mme [H] [W] une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que la société Airmobilier et la société [Adresse 6] supporteront in solidum les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 21/01464
Date de la décision : 31/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-31;21.01464 ?
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