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31/03/2023 | FRANCE | N°20/01063

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 31 mars 2023, 20/01063


ARRÊT DU

31 Mars 2023







N° 538/23



N° RG 20/01063 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S6HR



MLB/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

04 Février 2020

(RG 16/00423 -section 3)





































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GROSSE :



aux avocats



le 31 Mars 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [G] [W]

[Adresse 2]

représenté par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/20/02...

ARRÊT DU

31 Mars 2023

N° 538/23

N° RG 20/01063 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S6HR

MLB/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

04 Février 2020

(RG 16/00423 -section 3)

GROSSE :

aux avocats

le 31 Mars 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [G] [W]

[Adresse 2]

représenté par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178002/20/02607 du 23/04/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIMÉES :

M. [I] [V] es qualité de liquidateur de l'association ALTERNATIVE

[Adresse 1]

représenté par Me Antoine BIGHINATTI, avocat au barreau de VALENCIENNES

Association CGEA AGS de Lille

assignée en intervention forcée le 14 janvier 2022 par remise à personne morale

[Adresse 3]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI, substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l'audience publique du 11 Janvier 2023

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

[R] [M]

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 21 décembre 2022

EXPOSE DES FAITS

M. [G] [W], né le 10 avril 1956, a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 18 juillet 2005 en qualité de formateur par l'association Alternative Education Formation, qui appliquait la convention collective de la formation professionnelle et employait de façon habituelle au moins onze salariés.

Il percevait en dernier lieu un salaire brut mensuel de 2 021 euros

Il a été convoqué par lettre en date du 12 octobre 2015 à un entretien le 22 octobre 2015 en vue de son licenciement. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour motif économique lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 novembre 2015.

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«La structure rencontre des difficultés économiques qui se matérialisent par la perte de différents marchés, à savoir :

Le Conseil régional :

Ce financeur était un partenaire régulier de nos produits de formation.

Ces marchés, réputés être stables, nous ont été retirés début 2015, suite à la mise en place de la délégation de service public.

Ce choix contribue à la forte baisse de notre activité. La chute de l'activité est extrêmement brutale et importante.

Evolution CA 13 : 248 928 €

Evolution CA 14 : 97 898 €

Evolution CA 15 : (du 01/01/2015 au 30/06/2015) : 42 191 €

Prévisionnel CA 15 : (du 01/01/2015 au 31/12/2015) : 57 495 €

soit une perte par rapport à 2014 de : 40 403 €, soit 42 %.

L'Agefiph :

Second secteur de notre activité développé surtout dans les régions [Adresse 4], Centre et Picardie.

Il s'agit d'un marché de formation destiné aux personnes bénéficiant d'une reconnaissance en qualité de travailleurs handicapés et/ou bénéficiant de l'obligation d'emploi. Il s'agit d'un marché de volume qui subit lui aussi une baisse significative suite à la baisse des collectes auprès des entreprises.

Evolution CA 13 : 1 027 385 €

Evolution CA 14 : 1 419 672 €

Evolution CA 15 : (du 01/01/2015 au 30/06/2015) : 492 611 €

Prévisionnel CA 15 : (du 01/01/2015 au 31/12/2015) : 1 340 413 €

soit une perte par rapport à 2014 de : 79 259 €, soit 6 %.

Ces marchés sont générateurs de marge mais demandent d'importants frais de structure pour parvenir au niveau de service requis, alors que le Pôle Emploi exige des prix avant tout serrés censés être compensés par des volumes.

Alors que l'association fonctionnait sur des conventionnements locaux, la généralisation de l'utilisation du mode marché public nous a contraints à rejoindre des groupements d'opérateurs de formation pour pouvoir répondre à ces appels d'offre.

Les perspectives d'évolution étaient raisonnablement prévisibles, sans être pour autant optimistes.

Mais nos clients préfèrent de plus en plus privilégier les prix à la qualité.

Cela se concrétise par une chute du chiffre d'affaires très conséquente (confère les chiffres ci-dessous),

Evolution CA 13 : 2 334 107 €

Evolution CA 14 : 2 399 615 €

Evolution CA 15 : (du 01/01/2015 au 30/06/2015) : 1 510 185 €

Prévisionnel CA 15 : (du 01/01/2015 au 31/12/2015) : 1 793 820 €

soit une perte par rapport à 2014 de : 610 000 €, soit 26 %.

En projetant la baisse des entrées de commandes de formation et donc sur le chiffre d'affaires à venir, et sachant que nos ressources connaissent une baisse de plus de 50  % à fin juin, nos prévisions de vente s'établissent donc, pour la période 2015/2016, entre 3 000 000 € et 3 200 000 €, soit en retrait de 37 %.

Dans ce contexte, des mesures doivent à l'évidence être prises pour préserver l'entreprise.

Au-delà de toute mesure dans l'économie de l'organisation, les difficultés économiques évoquées ci-dessus nous conduisent à procéder à la diminution des effectifs de l'association par suppression d'emplois.

Tous ces éléments entraînent la suppression de votre poste de travail de formateur.

Afin d'éviter cette procédure, nous avons conformément à la législation en vigueur cherché un reclassement interne. Nous avons également effectué des recherches en externe.

En interne, en dépit de nos recherches, le reclassement n'est pas envisageable compte tenu des difficultés économiques indiquées ci-dessus. En externe, la recherche de reclassement n'a pas abouti à ce jour.»

M. [G] [W] ayant accepté le contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail avec l'association Alternative Education Formation a pris fin le 13 novembre 2015.

Il a fait valoir sa priorité de réembauche le 15 septembre 2016.

Par requête reçue le 18 octobre 2016, M. [G] [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Valenciennes pour faire constater l'illégitimité de son licenciement et le non respect des critères de l'ordre des licenciements et de la priorité de réembauche.

L'association Alternative Education Formation a été placée en redressement judiciaire par jugement du tribunal judiciaire de Valenciennes en date du 3 décembre 2019.

Par jugement en date du 4 février 2020, notifié le 17 février 2020, le conseil de prud'hommes a débouté M. [G] [W] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à payer à l'association Alternative Education Formation la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 9 mars 2020, M. [G] [W] a interjeté appel de ce jugement.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues le 10 juin 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [G] [W] a sollicité de la cour qu'elle réforme le jugement entrepris, dise le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamne l'association Alternative Education Formation aux sommes de :

4 042 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

404,20 euros au titre des congés payés y afférents

30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

10 000 euros à titre d'indemnité pour non respect des critères de l'ordre de licenciement

8 000 euros pour non respect de la priorité de réembauche

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande également que les sommes ci-dessus portent intérêts au taux légal à compter de la demande en justice avec capitalisation judiciaire des intérêts, que soit ordonné le remboursement des allocations chômage au profit de Pôle Emploi et que l'association Alternative Education Formation soit déboutée de toutes ses demandes.

L'association Alternative Education Formation a conclu le 10 novembre 2020 pour solliciter la confirmation du jugement en ce qu'il a débouté M. [G] [W] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à titre reconventionnel et en tout état de cause sa condamnation à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

La liquidation judiciaire de l'association Alternative Education Formation a été prononcée le 13 septembre 2021.

Par arrêt du 22 octobre 2021, la cour a renvoyé l'affaire à la mise en état au constat que les organes de la procédure collective et l'Unedic n'étaient pas dans la cause et que l'affaire n'était pas en état d'être jugée.

Par actes des 6 et 14 janvier 2022, M. [G] [W] a assigné Maître [V], mandataire liquidateur, et le CGEA de Lille aux fins que la cour infirme le jugement entrepris, dise son licenciement sans cause réelle et sérieuse et fixe sa créance dans la liquidation judiciaire de l'association Alternative Education Formation aux sommes de :

4 042 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

404,20 euros au titre des congés payés y afférents

30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

10 000 euros à titre d'indemnité pour non respect des critères de l'ordre de licenciement

8 000 euros pour non respect de la priorité de réembauche

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et capitalisation judiciaire des intérêts, le remboursement des allocations chômage au profit de Pôle Emploi étant ordonné à hauteur de six mois.

Selon ses conclusions récapitulatives reçues le 27 janvier 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Maître [V], liquidateur judiciaire de l'association Alternative Education Formation, demande à la cour de dire M. [G] [W] recevable mais mal fondé en son appel, de confirmer en conséquence le jugement en ce qu'il a débouté M. [G] [W] de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné au paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à titre reconventionnel et en tout état de cause de le condamner à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Par ses conclusions reçues le 31 mars 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, l'Unedic délégation AGS CGEA de Lille sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement dans toutes ses dispositions, déboute M. [G] [W] de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire, si la cour estimait que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, qu'elle réduise le quantum des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au minimum légal, si par extraordinaire elle considérait que les critères d'ordre de licenciement n'ont pas été respectés, qu'elle déboute M. [G] [W] de sa demande de dommages et intérêts faute pour lui de justifier d'un préjudice subi, à titre infiniment subsidiaire si par extraordinaire la cour considérait que les critères d'ordre de licenciement n'ont pas été respectés et que M. [G] [W] a subi un préjudice, qu'elle juge que les dommages et intérêts pour non respect des critères d'ordre sont manifestement disproportionnés et réduise en conséquence le quantum des dommages et intérêts à de plus justes proportions, en toute hypothèse, qu'elle dise que l'arrêt ne lui sera opposable que dans la limite de sa garantie

légale fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail, toutes créances confondues, et juge que l'obligation du CGEA de faire l'avance du montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire, conformément à l'article L.3253-20 du code du travail.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 21 décembre 2022.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur le licenciement

Au contraire de ce que soutient M. [G] [W], en application de l'article L. 1233-16 du code du travail dans sa version alors applicable, la lettre de licenciement, qui comporte de façon cumulative l'énonciation des difficultés économiques résultant de la perte de différents marchés entraînant la chute de l'activité et du chiffre d'affaires et nécessitant la diminution des effectifs et la suppression du poste de formateur du salarié, fait état de faits précis et matériellement vérifiables et est suffisamment motivée.

En application de l'article L.1233-3 du code du travail dans sa version applicable au licenciement, le liquidateur judiciaire produit pour caractériser les difficultés économiques de l'association Alternative Education Formation, contestées par le salarié, les bilans au 31 décembre 2014 et au 31 décembre 2015. L'exercice clos le 31 décembre 2014 affichait un excédent de 91 716 euros et celui clos à la date du 31 décembre 2015, contemporaine de la notification du licenciement, un déficit de 162 576 euros. Si le motif économique du licenciement doit s'apprécier à la date du licenciement, il peut être tenu compte d'éléments postérieurs pour cette appréciation. Le résultat négatif de 337 159 euros au 30 juin 2016 confirme la dégradation marquée de la situation de l'association. La comparaison du détail de compte de résultat au 30 juin 2015 et au 30 juin 2016 montre bien une perte de marchés, les prestations de services subissant une diminution de plus de 44 % entre ces deux dates. Réunis le 14 septembre 2015, les membres du comité d'entreprise se sont dits conscients de l'impossibilité pour la structure de garder la même masse salariale, alors même que l'activité est en chute libre. La circonstance que Mme [O] a été convoquée en avril 2016 par Pôle Emploi pour un atelier organisé par le prestataire l'association Alternative Education Formation ne contredit pas la perte de ce marché, passé de 1 219 207 euros au 30 juin 2015 à 245 990 euros au 30 juin 2016 pour Pôle Emploi et de 290 978 euros à 70 255 euros pour Pôle Emploi/Partenaire.

M. [G] [W] considère que la lettre de résiliation du bail des locaux de [Localité 5] «pose question» puisque des plannings font apparaître que l'activité continue après la prétendue expiration du bail. Il résulte toutefois du détail du compte de résultat, des différentes lettres de résiliation de baux et des justificatifs de location de bureaux à la journée que cette situation s'explique par la volonté de l'association Alternative Education Formation de réduire ses charges de fonctionnement notamment locatives, celles-ci ayant effectivement baissé de plus de 27 % entre le 30 juin 2015 et le 30 juin 2016.

Au vu des éléments comptables ci-dessus, M. [G] [W] invoque vainement, pour contester les difficultés économiques de la société, l'acquisition d'une climatisation et l'organisation d'événements pour les départs en retraite, mariage et Pacs, ainsi que la délivrance de chèques cadeaux à Noël. En effet, il n'est ni allégué ni démontré que

l'investissement critiqué procède d'une attitude frauduleuse ou d'une légèreté blâmable de l'employeur. Par ailleurs, les cartes cadeaux pour un mariage, un Pacs, deux départs en retraite et Noël ont été prises en charge non par l'association mais par le comité d'entreprise, selon le bilan 2015 du comité d'entreprise produit par M. [G] [W].

Les difficultés économiques de l'association Alternative Education Formation à la date de notification du licenciement sont donc établies.

Pour caractériser la suppression du poste de formateur de M. [G] [W], qu'il conteste, le liquidateur judiciaire produit le registre des entrées et sorties du personnel dont il résulte que l'association Alternative Education Formation n'a pas procédé au recrutement d'un formateur pour remplacer M. [G] [W] suite à son licenciement.

Au demeurant, M. [G] [W] expose et justifie par la production des attestations de Mme [O] et de Mme [S] que son activité a été prise en charge par deux de ses collègues après son licenciement et non par un salarié nouvellement embauché.

En application de l'article L.1233-4 du code du travail dans sa version alors applicable, le registre du personnel, qui concerne l'ensemble des centres de l'association listés par M. [G] [W] dans ses conclusions, l'association n'appartenant pas à un groupe mais disposant de différents centres, montre que les seules embauches effectuées immédiatement après le licenciement de M. [G] [W] concernent des postes de «travaux de couture». L'appelant n'allègue pas qu'il aurait pu être reclassé sur un tel poste sans avoir besoin d'une formation initiale. Au jour du licenciement, aucun poste de formateur n'était disponible au sein de l'association. Aucun recrutement de formateur n'a en effet été opéré avant celui de M. [C] le 2 mai 2016, six mois après le licenciement de M. [G] [W]. L'appelant s'abstient d'ailleurs de préciser sur quel poste il aurait pu être reclassé. L'obligation de reclassement qui pèse sur l'employeur ne s'étend pas, en l'absence de disposition conventionnelle contraire, à d'autres entreprises qui ne relèvent pas d'un même groupe. L'association Alternative Education Formation a néanmoins vainement procédé à des recherches de reclassement externe. Le liquidateur justifie en conséquence que l'association Alternative Education Formation était dans l'impossibilité de procéder au reclassement de M. [G] [W].

Il résulte de ce qui précède que le licenciement est bien justifié.

Sur l'ordre des licenciements

En application des articles L.1233-7 et L.1233-5, dans sa version en vigueur, du code du travail, il appartient à l'employeur de communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix.

Le tableau récapitulant les points attribués au titre de la mise en 'uvre des critères d'ordre des licenciements désigne M. [G] [W] parmi les quatre formateurs devant être licenciés sur l'ensemble des formateurs de l'association, tous centres confondus, avec un total de 13 points, contre 14 points attribués à certains formateurs non licenciés.

L'appelant soutient de façon non pertinente que sont exclus le nombre d'enfants à charge et la situation des salariés présentant des caractéristiques sociales difficiles. Au contraire, le nombre de points attribuables au titre de la situation familiale tient compte de la présence d'enfants à charge et des points sont prévus en cas de handicap et de restrictions par le médecin du travail. Au demeurant, M. [G] [W] ne soutient pas que sa situation familiale et sociale a mal été prise en compte par l'employeur.

Il conteste en revanche les points qui lui ont été attribués au titre des compétences professionnelles, décomposées en sept critères, et particulièrement au titre de la polyvalence (2/4), des capacités d'adaptation (1/2), de l'autonomie (0/1), de l'esprit d'initiative (0/1) et de la mobilité (1/2).

Il fait valoir qu'il est intervenu sur sept dispositifs différents, qu'il s'est déplacé durant des années sur de nombreux sites, qu'il a démontré sa mobilité et que le critère d'initiative pose question puisque toute décision prise par l'association Alternative Education Formation est exclusivement descendante et sans appel.

Il produit son curriculum vitae mentionnant les diverses agences sur lesquelles il a travaillé et les différents projets professionnels élaborés, ainsi que les attestations de Mesdames [O] et [S] faisant part de leur sentiment que le choix de le licencier était arbitraire et qu'il était l'un des meilleurs formateurs.

Le liquidateur judiciaire répond que la critique de la note attribuée pour la mobilité est curieuse puisque, dans le cadre de la priorité de réembauche, M. [G] [W] a refusé le poste proposé dans l'Aisne. Cette observation est dépourvue de pertinence, le refus postérieur au licenciement d'un poste éloigné du domicile pour une durée limitée de trois mois n'étant pas révélatrice de la mobilité du salarié pendant la relation de travail. Pour le reste, le liquidateur judiciaire et l'Unedic se bornent à renvoyer au tableau sans fournir d'éléments objectifs permettant de justifier les points attribués.

Il s'ensuit que l'attribution de seulement deux points sur quatre possibles au titre de la polyvalence, un point sur deux possibles au titre des capacités d'adaptation et un point sur deux possibles au titre de la mobilité, ainsi que l'absence de point au titre de l'autonomie et de l'esprit d'initiative ne sont pas justifiées et que l'employeur ne démontre pas avoir respecté les règles relatives à l'ordre des licenciement.

Eu égard notamment à l'ancienneté du salarié, à son salaire, à son âge et aux justificatifs de son indemnisation par l'assurance chômage jusqu'en avril 2017, au-delà du contrat de sécurisation professionnelle, il convient de lui accorder la somme de 10 000 euros à titre de réparation du préjudice subi à ce titre.

Sur la priorité de réembauche

M. [G] [W] a demandé à bénéficier d'une priorité de réembauche en application de l'article L.1233-45 du code du travail par lettre du 14 septembre 2016 reçue le 15 septembre 2016.

Il fait valoir que l'association Alternative Education Formation ne lui a proposé qu'un poste de trois mois à 150 km de son domicile alors qu'elle a recruté des formateurs dans le Valenciennois après son licenciement sans que ces postes ne lui soient proposés.

Il résulte du registre du personnel que l'association Alternative Education Formation a embauché trois formateurs en contrats à durée déterminée, dans l'Aisne et la Somme, en octobre 2016, soit entre la date à laquelle M. [G] [W] a fait valoir sa priorité de réembauche et l'expiration du délai d'un an à compter de la rupture du contrat de travail.

En application de l'article L.1233-45 du code du travail, il appartient à l'employeur d'apporter la preuve qu'il a satisfait à son obligation en établissant soit qu'il a proposé les postes disponibles compatibles avec la qualification du salarié, soit en justifiant de l'absence de tels postes.

Il est constant que les postes ci-dessus n'ont pas tous été proposés à M. [G] [W] puisque seule une offre lui a été adressée.

Les intimés se bornent à faire valoir que les embauches intervenues sur des postes de formateurs postérieurement au licenciement de M. [G] [W] portent sur des compétences spécifiques, dans des domaines étrangers à ceux dans lesquels il intervenait, comme sur l'illettrisme pour Mme [T], ou situés dans un périmètre géographique ne lui convenant pas. L'allusion à Mme [T] est dépourvue de pertinence puisque cette salariée a été embauchée en juin 2016, avant l'exercice par M. [G] [W] de sa priorité de réembauche. Par ailleurs, l'association Alternative Education Formation ne pouvait se dispenser de proposer des postes disponibles en présumant de la réponse du salarié.

Il convient en application de l'article L.1235-13 du code du travail d'accorder à l'appelant une indemnité de 3 000 euros à titre d'indemnité pour violation de la priorité de réembauche.

Sur les autres demandes

L'Unedic devra procéder aux avances dans les limites de sa garantie et des plafonds applicables.

Il convient d'infirmer le jugement du chef de ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles par elle exposés.

Le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts, conformément aux articles L.622-28, L.631-14 et L.641-3 du code de commerce.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [G] [W] de ses demandes au titre des critères d'ordre de licenciement et de la priorité de réembauche et en ce qu'il l'a condamné à payer à l'association Alternative Education Formation la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau de ces chefs :

Fixe la créance de M. [G] [W] à l'état des créances salariales de l'association Alternative Education Formation aux sommes suivantes :

10 000 euros à titre d'indemnité pour non respect des critères de l'ordre de licenciement

3 000 euros pour non respect de la priorité de réembauche.

Déboute l'association Alternative Education Formation représentée par Maître [V], liquidateur judiciaire, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Confirme pour le surplus le jugement entrepris, sauf sur les dépens.

Déclare l'arrêt opposable à l'Unedic délégation AGS CGEA de Lille et dit qu'elle devra procéder aux avances dans les limites de sa garantie et des plafonds résultant des articles L.3253-8, L.3253-15 à L.3253-17 du code du travail et dans les conditions prévues par les articles L.3253-19 à L.3253-21 dudit code.

Rappelle que le jugement d'ouverture de la procédure collective a arrêté le cours des intérêts.

Met les dépens de première instance et d'appel au passif de la liquidation judiciaire de l'association Alternative Education Formation.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 2
Numéro d'arrêt : 20/01063
Date de la décision : 31/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-31;20.01063 ?
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