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31/03/2023 | FRANCE | N°19/02104

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 2, 31 mars 2023, 19/02104


ARRÊT DU

31 Mars 2023







N° 491/23



N° RG 19/02104 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SVD3



LB/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI

en date du

10 Octobre 2019

(RG 18/00167 -section 4)







































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GROSSE :



aux avocats



le 31 Mars 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [H] [D]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me David LACROIX, avocat au barreau de DOUAI





INTIMÉS :

SARL CK OPTICAL, en liquidation judiciaire



SCP ALPHA MA...

ARRÊT DU

31 Mars 2023

N° 491/23

N° RG 19/02104 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SVD3

LB/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DOUAI

en date du

10 Octobre 2019

(RG 18/00167 -section 4)

GROSSE :

aux avocats

le 31 Mars 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [H] [D]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représenté par Me David LACROIX, avocat au barreau de DOUAI

INTIMÉS :

SARL CK OPTICAL, en liquidation judiciaire

SCP ALPHA MANDATAIRES JUDICIAIRES es-qualité de liquidateur judiciaire de la société CK OPTICAL

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substituée par Me Cécile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

UNEDIC DÉLÉGATION AGS CGEA DE [Localité 4]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substituée par Me Cécile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

DÉBATS : à l'audience publique du 05 Janvier 2023

Tenue par Laure BERNARD

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 22 Décembre 2022

EXPOSE DU LITIGE

La société CK Optical exerçait une activité de vente de matériel optique et de lunettes ; elle était soumise à la convention collective de l'optique lunetterie de détail et employait moins de onze salariés.

Le 18 mai 2018 la société CK Optical a transmis à M. [H] [D] une promesse d'embauche en qualité de directeur d'agence.

Un contrat de travail à durée indéterminée a été signé par les deux parties le 3 juillet 2018, aux termes duquel de M. [D] était engagé par la société CK Optical à compter du 2 juillet en qualité de directeur d'agence moyennant un salaire mensuel brut de 3 150 euros. Ce contrat prévoyait une période d'essai d'une durée de deux mois.

Par courrier recommandé du 1er août 2018 reçu le 4 août 2018, la société CK Optical a mis fin à la période d'essai de M. [H] [D].

Le 20 août 2018, M. [H] [D] a saisi le conseil de prud'hommes de Douai aux fins principalement d'obtenir un rappel de salaire pour la période du 16 mai 2018 au 2 juillet 2018, des indemnités pour travail dissimulé ainsi que des indemnités afférentes à la rupture du contrat de travail.

Par jugement rendu le 10 octobre 2019, la juridiction prud'homale a :

- condamné la société CK Optical à payer à M. [H] [D] les sommes suivantes, avec intérêt au taux légal :

- 1 995,54 euros à titre de salaire pour la période du 12 juin 2018 au 1er juillet 2018 et 199,55 euros à titre de congés payés afférents,

- 735,20 euros à titre de salaire pour la période du 5 août 2018 au 11 août 2018 et 73,52 euros au titre de congés payés afférents,

- 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté M. [H] [D] du surplus de ses demandes,

- débouté la société CK Optical de sa demande reconventionnelle formulée au visa de l'article 700 du code de procédure civile,

- fixé la moyenne des salaires de M. [H] [D] à 3 150,85 euros,

- condamné la société CK Optical aux entiers frais et dépens.

M. [H] [D] a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration du 25 octobre 2019.

Par jugement du 25 mai 2022, la société CK Optical a été placée en liquidation judiciaire et la SCP Alpha MJ a été désignée en qualité de liquidateur judiciaire.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 5 décembre 2019, M. [H] [D] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il a condamné l'employeur à lui payer 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner la société CK Optical à lui payer :

- 18 905,15 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé pour la période du 16 mai au 2 juillet 2018,

- 4 726,27 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 16 mai 2018 au 02 juillet 2018 outre 472,62 euros de congés payés,

- 3 150,85 euros au titre de la violation de l'obligation de mettre en 'uvre une procédure de licenciement,

- 9 452,55 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9 452,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 945,25 euros de congés payés afférents,

- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 14 décembre 2022, la SCP Alpha MJ en qualité de liquidateur de la société CK Optical demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a alloué à M. [H] [D] des sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents, et en ce qu'il a condamné la société CK Optical aux dépens et au paiement d'une indemnité procédurale,

- juger que M. [H] [D] n'avait pas la qualité de salarié au sein de la société CK Optical pour la période antérieure au 2 juillet 2018,

- débouter M. [H] [D] de ses demandes afférentes à la période antérieure au 2 juillet 2018, à tout le moins le débouter de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,

- débouter M. [H] [D] de ses demandes indemnitaires ou à défaut ramener le quantum de des indemnités à de plus justes proportions,

- condamner M. [H] [D] à lui payer 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 14 décembre 2022, l'AGS CGEA de [Localité 4] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré sauf en ce qu'il a alloué à M. [H] [D] des sommes à titre de rappel de salaire et de congés payés afférents,

- juger que M. [H] [D] n'avait pas la qualité de salarié au sein de la société CK Optical pour la période antérieure au 2 juillet 2018,

- débouter M. [H] [D] de ses demandes afférentes à la période antérieure au 2 juillet 2018, à tout le moins le débouter de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé,

- débouter M. [H] [D] de ses autres demandes indemnitaires, à tout le moins ramener le quantum des indemnités à de plus justes proportions,

- dire que l'arrêt à intervenir ne lui sera opposable que dans la limite de sa garantie légale telle que fixée par les articles L.3253-6 et suivants du code du travail et des plafonds prévus à l'article D.3253-5 du code du travail, et ce toutes créances du salarié confondues,

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire conformément aux dispositions de l'article L.3253-20 du code du travail,

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 22 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le début de la relation de travail

M. [H] [D] soutient qu'en dépit de la signature d'un contrat de travail écrit le 3 juillet 2018 à effet au 2 juillet 2018, il a commencé à travailler de manière effective pour la société CK Optical dès le 16 mai 2018 ; qu'il a en effet exécuté de nombreuses tâches en vue de l'ouverture du magasin d'optique début juillet 2018 (recrutement de Mme [R] (opticienne diplômée) démarches en vue de l'immatriculation Finess, démarches auprès de la CPAM et des mutuelles, installation du matériel dans les locaux, formations sur ce matériel...) ; que ces tâches étaient indispensables à l'ouverture du magasin et ont été réalisées sous la subordination de la société CK Optical, dont le gérant, M. [S] [U], était tenu informé et auxquelles ce dernier était associé ; que le fait que son contrat de travail avec son employeur précédent n'ait été rompu que le 12 juin 2018 n'empêche pas qu'il ait commencé à travailler pour la société CK Optical dès le 16 mai 2018, sachant qu'il a posé des jours de congés courant mai et juin 2018 pour se consacrer à l'ouverture du magasin de Sin Le Noble.

Les parties adverses répondent qu'il incombe à M. [H] [D], qui invoque une relation de travail antérieure au 2 juillet 2018, de prouver son existence, ce qu'il ne fait pas : qu'en effet, il ne peut valablement se prévaloir de la promesse d'embauche datée du 18 mai 2018, qui n'est pas signée par l'employeur ; que par ailleurs, toutes les tâches accomplies par M. [H] [D] avant le 2 juillet 2018 l'ont été de sa propre initiative, celui-ci n'ayant reçu aucune instruction, et M. [S] [U], le gérant de la société CK Optical, n'étant pas informé de celles-ci ; qu'il a ainsi, en qualité de 'cofondateur' du magasin, constitué lui même son équipe (en vue de l'engagement d'une opticienne) ; qu'il est faux d'affirmer que c'est M. [H] [D] qui a organisé l'ouverture du magasin de Sin Le Noble, alors que c'est M. [S] [U]qui s'est en chargé, en qualité sa qualité de gérant de la société.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.1221-1 du code du travail, le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.

Le contrat de travail est une convention par laquelle une personne s'engage à travailler pour le compte d'une autre et sous sa subordination moyennant une rémunération.

C'est à celui qui se prévaut d'un contrat de travail d'en établir l'existence.

En l'espèce, M. [H] [D] revendique l'existence d'une relation de travail antérieure à la signature d'un contrat de travail écrit le 3 juillet 2018, aux termes duquel il a été engagé par la société CK Optical à compter du 2 juillet 2018.

Il lui incombe donc de démontrer que la relation de travail a débuté avant le 2 juillet 2018.

La signature du contrat de travail daté du 3 juillet 2018 a été concomitante à l'ouverture dans une galerie commerciale de Sin Le Noble d'un nouveau magasin d'optique (Optical Discount), dont M. [H] [D] s'est vu confier la direction.

Quelques semaines auparavant, le 18 mai 2018, M.[S] [U], gérant de la société CK Optical, avait transmis par mail à M. [H] [D] une promesse d'embauche et celui-ci avait démissionné de son emploi en cours le jour-même.

M. [H] [D] établit par la production de nombreux mails et des attestations de salariés travaillant dans des enseignes situées dans galerie commerciale de Sin de Noble, qu'il a pris part au recrutement de Mme [R], opticienne dîplomée, en publiant une annonce, puis en servant d'interface entre le service juridique (établissement d'une promesse d'embauche) et la nouvelle salariée ; qu'il s'est également chargé de démarches administratives afin que l'ouverture du magasin puisse intervenir au début du mois de juillet (immatriculation Finess, démarches auprès de la CPAM et des mutuelles), qu'il était physiquement présent dans les locaux afin d'installer le matériel nécessaire à l'exploitation du fonds de commerce (ordinateurs, imprimante, téléphone, lecteurs de carte vitale, montures) et qu'il a suivi une formation pour l'utilisation du matériel Reflex, organisée à l'initiative de M.[S] [U].

Il justifie donc de l'exécution de prestations de travail pour le compte de la société CK Optical dès le 18 mai 2018, date à laquelle il a reçu une promesse d'embauche de sa part.

Les nombreux échanges versées aux débats (mails et sms) démontrent que le gérant de la société CK Optical était associé aux démarches de M. [H] [D] (envoi de documents en vue de les accomplir) et tenu informé de celles-ci et de leur avancement ; le fait que ce dernier ait fait preuve d'une certaine initiative et d'autonomie dans l'accomplissement de ses missions est compatible avec son statut de cadre et ses fonctions de directeur d'agence, et n'est pas exclusif de l'existence d'un lien de subordination lequel s'évince de la teneur des échanges produits.

Ainsi, la relation de travail entre la société CK Optical et M. [H] [D] a débuté le 18 mai 2018, nonobstant le fait que celui-ci était toujours salarié de son ancien employeur.

Sur la demande de rappel de salaire

Compte tenu de la procédure collective ouverte après l'introduction de l'instance d'appel, la demande de condamnation de M. [H] [D] à l'encontre de la société CK Optical s'analyse nécessairement en une demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société.

Dans la mesure où il a été jugé que la relation de travail a débuté le 18 mai 2018, un rappel de salaire est dû à compter de cette date jusqu'au 1er juillet 2018 inclus.

En l'absence de contrat de travail écrit pour cette période, la relation de travail est présumée à temps complet.

Le seul fait que M. [H] [D] soit resté salarié de son précédent employeur jusqu'au 12 juin 2018 ne permet pas à lui seul de renverser la présomption de temps complet auprès de la société CK Optical, sachant qu'il justifie avoir posé des jours de congé courant mai et courant juin, libérant ainsi du temps pour l'ouverture du magasin le 2 juillet 2018.

Faute pour l'employeur de démontrer que M. [H] [D] n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de son employeur, le rappel de salaire du 18 mai 2018 au 1er juillet 2018 inclus doit se faire sur la base d'un temps complet (et d'une durée légale de 35 heures par semaine).

Le jugement de première instance doit ainsi être infirmé, M. [H] [D] étant bien fondé à obtenir la somme de 4 726,27 euros à ce titre, outre 472,62 euros au titre des congés payés afférents, sommes qui seront fixées au passif de la liquidation judiciaire de la société CK Optical.

Aucun rappel de salaire n'est dû pour la période du 5 août au 11 août 2018, étant observé que M. [H] [D] n'avait pas présenté de demande en ce sens en première instance et qu'il ne sollicite pas la confirmation du jugement déféré sur ce point. Ce dernier sera infirmé en qu'il a alloué à M. [H] [D] un rappel de salaire pour la période du 5 au 11 août 2018 et des congés payés afférents.

Sur le travail dissimulé

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

En l'espèce, M. [H] [D] a travaillé pour la société CK Optical à compter du 18 mai 2018 sans avoir fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche et sans délivrance de bulletins de paie.

Cependant, faute pour la salarié de démontrer que la société CK Optical a agi avec une intention frauduleuse, aucun travail dissimulé ne peut être retenu.

Par confirmation du jugement entrepris, M. [H] [D] sera donc débouté de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur la rupture du contrat de travail

- Sur le caractère abusif de la rupture

M. [H] [D] soutient que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il fait valoir que la période d'essai de deux mois stipulée au contrat de travail établi le 3 juillet 2018 n'est pas valable, la relation de travail ayant débuté avant cette date ; à titre subsidiaire, il considère que cette période d'essai était terminée à la date d'envoi de la lettre de rupture datée du 1er août 2018, puisque la relation de travail avait débuté dès le 16 mai 2018.

Les parties adverses exposent en réponse que le contrat de travail a été rompu par courrier du 1er août 2018 donc avant l'expiration de la période d'essai de deux mois qui avait débuté le 2 juillet 2018, de sorte que la rupture ne revêt aucun caractère abusif.

Sur ce,

Aux termes de l'article L.1221-20 du code du travail, la période d'essai permet à l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.

Conformément à l'article L.1221-23 du code du travail, la période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail.

En l'espèce, le 18 mai 2018 la société CK Optical a transmis à M. [H] [D] une promesse d'embauche en qualité de directeur d'agence.

Un contrat de travail à durée indéterminée a été signé par les deux parties le 3 juillet 2018, aux termes duquel de M. [D] était engagé par la société CK Optical à compter du 2 juillet 2018 en qualité de directeur d'agence. Ce contrat prévoyait une période d'essai d'une durée de deux mois.

Par courrier recommandé du 1er août 2018 reçu le 4 août 2018, la société CK Optical a indiqué qu'elle mettait fin à la période d'essai de M. [H] [D].

La société CK Optical ne peut valablement se prévaloir de la période d'essai prévue dans le contrat de travail daté du 3 juillet 2018, la relation de travail ayant débuté le 18 mai 2018.

Cependant, la promesse d'embauche datée du 18 mai 2018 établie le jour de l'engagement de M. [H] [D] par la société CK Optical prévoit bien l'existence d'une période d'essai de deux mois. Cette promesse d'embauche, signée par la salarié, emporte acceptation par celui-ci du principe et de la durée de cette période d'essai au début de la relation de travail.

Toutefois, cette période d'essai ayant débuté le 18 mai 2018 et s'étant achevée le 18 juillet 2018 était expirée à la date d'envoi du courrier recommandé de la société CK Optical.

Dès lors, la rupture du contrat de travail intervenue par une lettre recommandée du 1er août 2018, qui n'était fondée sur aucun motif personnel inhérent au salarié et qui a été adressée sans entretien préalable, constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences de la rupture

Compte tenu de la procédure collective ouverte après l'introduction de l'instance d'appel, la demande de condamnation de M. [H] [D] à l'encontre de la société CK Optical s'analyse nécessairement en une demande de fixation au passif de la liquidation judiciaire de la société.

L'article 14 de la convention collective applicable ne prévoit pas de condition d'ancienneté pour la durée du préavis pour les cadres en cas de licenciement, à la différence des autres catégories de salariés. M. [H] [D] est donc bien fondé à obtenir une indemnité de préavis d'une durée de trois mois d'un montant de 9 452,55 euros outre 945,25 euros de congés payés afférents. Cette somme sera fixée au passif de la liquidation de la société CK Optical.

Concernant l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [H] [D] sollicite que soit écarté l'application du barème prévu à l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au présent litige.

Cependant, les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.

Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

En outre, concernant la charte sociale européenne, sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.

Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017.

Il convient, par suite, de faire application dudit article L.1235-3 du code du travail et d'examiner la situation particulière de M. [H] [D].

Celui-ci a démissionné d'un emploi stable qu'il occupait depuis plus de 6 ans pour être engagé par la société CK Optical en qualité de directeur d'agence ; aucun lien n'est établi entre ses difficultés familiales et la perte de son emploi ; il démontre avoir la charge d'un enfant mineur et avoir un prêt immobilier en cours.

Au regard de ces éléments, de l'âge de M. [H] [D] (37 ans) et de son ancienneté (un peu plus de deux mois) lors de la rupture de son contrat de travail, de son salaire (3 150 euros) et de sa capacité à retrouver un emploi, il lui sera alloué la somme de 3 150 euros à titre d'indemnité destinée à réparer la perte injustifée de son emploi, somme qui sera fixée au passif de la liquidation de la société CK Optical.

Le jugement de première instance sera infirmé en ce sens.

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, M. [H] [D] ne peut obtenir une indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, conformément à l'article L.1235-2 du code du travail. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il l'a débouté de cette demande.

Sur la garantie du CGEA

Le CGEA, organisme auquel la présente décision est opposable, devra garantie des sommes allouées à M. [H] [D] dans les limites légales et réglementaires prévues.

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le jugement de première instance sera confirmé concernant le sort des dépens et l'indemnité de procédure.

Le liquidateur sera condamné es qualités aux dépens d'appel qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière de liquidation judiciaire.

Il sera en outre fixé au passif de la liquidation une somme complémentaire de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 10 octobre 2019 par le conseil de prud'hommes de Douai sauf en ce qu'il a débouté M. [H] [D] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé et pour non respect de la procédure de licenciement, et a condamné la société CK Optical aux dépens ainsi qu'à payer à M. [H] [D] la somme de 1 000 euros à titre d'indemnité de procédure;

Statuant à nouveau,

DIT que la relation de travail entre M. [H] [D] et la société CK Optical a débuté le 18 mai 2018 ;

DIT que la rupture du contrat de travail de M. [H] [D] doit être qualifiée de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

FIXE au passif de la liquidation judiciaire de la SARL CK Optical les sommes suivantes dues à M. [H] [D] :

- 4 726,27 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 18 mai 2018 au 1er juillet 2018 inclus, outre 472,62 euros au titre des congés payés afférents,

- 9 452,55 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 945,25 euros de congés payés afférents,

- 3 150 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

- 1 000 euros complémentaire en application de l'article 700 du code de procédure civile.

DIT que l'AGS CGEA de [Localité 4], à laquelle la présente décision est opposable, devra garantie des sommes allouées à M. [H] [D] dans les limites légales et réglementaires prévues ;

CONDAMNE la SCP Alpha MJ en qualité de liquidateur de la SARL CK Optical aux dépens, qui seront recouvrés selon les règles applicables en matière de liquidation judiciaire.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRÉSIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 2
Numéro d'arrêt : 19/02104
Date de la décision : 31/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-31;19.02104 ?
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