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31/03/2023 | FRANCE | N°19/01917

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 31 mars 2023, 19/01917


ARRÊT DU

31 Mars 2023







N° 500/23



N° RG 19/01917 - N° Portalis DBVT-V-B7D-STPP



MLB/VM















AJ

















Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

12 Septembre 2019

(RG 18/00128 -section 2 )





































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GROSSE :



aux avocats



le 31 Mars 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



E.U.R.L. AGROVIA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Laurence PIPART-LENOIR, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉ :



M. [N] [G]

[Adresse 2]

[Adresse ...

ARRÊT DU

31 Mars 2023

N° 500/23

N° RG 19/01917 - N° Portalis DBVT-V-B7D-STPP

MLB/VM

AJ

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de ROUBAIX

en date du

12 Septembre 2019

(RG 18/00128 -section 2 )

GROSSE :

aux avocats

le 31 Mars 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

E.U.R.L. AGROVIA

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Laurence PIPART-LENOIR, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉ :

M. [N] [G]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

représenté par Me Natacha MAREELS-SIMONET, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022019011567 du 29/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

DÉBATS : à l'audience publique du 11 Janvier 2023

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Gaetan DELETTREZ

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Séverine STIEVENARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 21 Décembre 2022

EXPOSE DES FAITS

M. [N] [G] a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein à compter du 11 avril 2011 en qualité de boucher par la société Agrovia Hem, qui applique la convention collective de la boucherie, boucherie-charcuterie, boucherie hippophagique, triperie, commerces de volailles et gibiers.

Il a été transféré par avenant du 1er mars 2015 à la société Agrovia Epeule et par avenant du 1er avril 2017 à la société Agrovia Roubaix.

Par requête reçue le 14 juin 2018, M. [N] [G] a saisi le conseil de prud'hommes de Roubaix pour obtenir des rappels de salaire et de repos compensateurs, des dommages et intérêts pour violation des dispositions sur la durée maximale journalière et hebdomadaire de travail et pour travail dissimulé et voir prononcer la résiliation du contrat de travail.

Par lettre du 19 juin 2018, il a sollicité cinq semaines de congé à partir du 1er août 2018, ce que l'employeur lui a refusé par lettre du 9 juillet 2018.

M. [N] [G] a été placé en arrêt de travail pour maladie du 2 juillet 2018 au 17 août 2018.

Par courrier du 3 septembre 2018, la société Agrovia a demandé à M. [N] [G] de lui faire part des raisons de son absence depuis la fin de son arrêt maladie.

M. [N] [G] a présenté sa démission par courrier du 19 septembre 2018.

Par jugement en date du 12 septembre 2019 le conseil de prud'hommes a condamné la société Agrovia à payer à M. [N] [G]':

- 1 543,95 euros au titre des heures effectuées entre le 1er avril et le 30 juin 2018

- 154,39 euros au titre des congés payés afférents

- 53,06 euros au titre des 5 heures de congés déduits injustement

- 1 225,12 euros au titre des heures supplémentaires effectuées du 15 mai au 15 juin 2018

- 122,51 euros au titre des congés payés afférents

- 9 986,40 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé

- 1 000 euros à titre d'indemnité pour violation des dispositions sur la durée maximale hebdomadaire

- 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le jugement a précisé que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter de la décision pour toute autre somme.

Il a constaté que la démission expresse de M. [N] [G] doit recevoir pleine et entière application à la date du 19 septembre 2018 et débouté en conséquence M. [N] [G] de ses demandes tendant à la résolution judiciaire aux torts de l'employeur, de ses demandes de préavis, indemnité des licenciement et dommages et intérêts.

Il a dit que chacune des parties supportera ses propres dépens.

Le 2 octobre 2019, la société Agrovia a interjeté appel de ce jugement, limité à ses dispositions la condamnant au paiement des sommes de 9 986,40 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé, 1 000 euros à titre d'indemnité pour violation des dispositions sur la durée maximale hebdomadaire et 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses conclusions récapitulatives reçues le 29 juin 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Agrovia sollicite la confirmation de la décision sur la démission de M. [N] [G] qui ne donne pas lieu à requalification, sur la demande tendant au paiement des heures supplémentaires qui ne sont pas établies de 2015 à 2018 et sur les rappels de salaire sur la période du 1er avril au 1er juillet 2018. Elle sollicite de la cour qu'elle l'a dise recevable et bien fondée en son appel pour le surplus, qu'elle réforme le jugement du chef de la condamnation au paiement d'une indemnité pour travail dissimulé et dise n'y avoir lieu à application de l'article 8221-5 du code du travail, qu'elle réforme le jugement en ce qu'il a alloué des dommages et intérêts à hauteur de 1 000 euros pour violation de la durée hebdomadaire, la preuve de l'intention de fraude n'étant pas rapportée et en l'absence de préjudice pour le salarié, qu'elle réforme le jugement en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dise n'y avoir lieu à l'allocation de frais irrépétibles à sa charge, déboute M. [N] [G] de ses demandes et le condamne au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Par ordonnance du 8 septembre 2021, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevables les conclusions de l'intimé en date du 18 janvier 2021. Par arrêt du 17 décembre 2021, sur déféré, la cour d'appel a déclaré bien fondée l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 septembre 2021 ayant déclarées irrecevables comme tardives les conclusions d'intimé remises au greffe le 18 janvier 2021.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 21 décembre 2022.

MOTIFS DE L'ARRÊT

L'intimé dont les conclusions ont été déclarées irrecevables est réputé ne pas avoir conclu ce dont il résulte qu'il est réputé s'être approprié les motifs du jugement attaqué, en application de l'article 954 in fine du code de procédure civile.

Les pièces communiquées et déposées au soutien de conclusions irrecevables sont elle-mêmes irrecevables en application de l'article 906 in fine du code de procédure civile.

Il convient de constater que l'appel de l'employeur ne porte pas sur les rappels d'heures effectuées entre le 1er avril et le 30 juin 2018 et les congés payés afférents, sur les heures de congés déduits injustement, sur le rappel d'heures supplémentaires effectuées du 15 mai au 15 juin 2018 et les congés payés afférents, de même que sur les dispositions relatives aux intérêts de retard, de sorte que la décision déférée est définitive en ce qui concerne ces dispositions.

Sur l'indemnité pour travail dissimulé

La société Agrovia fait valoir au soutien de son appel que la condamnation au paiement d'heures supplémentaires n'entraîne pas de manière automatique la condamnation pour travail dissimulé et que la preuve de l'élément intentionnel n'est pas rapportée, qu'il avait été proposé pour la période du Ramadan 2018, à titre exceptionnel, d'effectuer des heures complémentaires qui ont été récupérées, ce que l'ensemble des salariés ont accepté, que chaque salarié a signé son planning et récupéré la totalité des heures complémentaires effectuées, postérieurement au Ramadan, qu'en 2017 M. [N] [G] avait travaillé durant cette période et récupéré les heures complémentaires effectuées au cours des mois suivants, que la prise de repos compensateur après la période du Ramadan correspond à une pratique habituelle au sein de la boucherie, que sur la période du 1er avril au 30 juin, M. [N] [G] n'a pas pu prendre son repos compensateur en raison de son arrêt de travail, raison pour laquelle elle a accepté le jugement sur le rappel d'heures, qu'en revanche les plannings ont été fournis, signés et acceptés de sorte qu'il n'y avait pas de travail dissimulé.

Le conseil de prud'hommes a indiqué que «'l'employeur n'apporte aucun élément probant de nature à démontrer que les heures supplémentaires effectuées par M. [G] ont été récupérées ou rémunérées par l'attestation de salaire (pièce n° 17) versée au débat ne faisant d'ailleurs aucune référence aux heures supplémentaires effectuées'», que le planning fourni par M. [G] indique notamment un temps de travail de 57 heures pour la période allant du 15 mai au 15 juin 2018 et qu'il en ressort que M. [G] est fondé à réclamer le bénéfice de six mois de salaire correspondant à une indemnité forfaitaire due quelque soit l'ancienneté et le motif de la rupture.

La société Agrovia produit un planning du Ramadan 2018 (15 mai au 15 juin) mentionnant au verso que les heures supplémentaires de la période de Ramadan seront récupérées par les salariés en RTT en accord avec la direction du 1er juin au 31 décembre 2018, ainsi que des plannings hebdomadaires de M. [N] [G] pour la période du 3 juillet 2018 au 2 septembre 2018. Ces plannings mentionnent que chaque mardi, de 9h00 à 12h30, M. [N] [G] est en «'RTT Ramadan récupération'».

Contrairement à ce que soutient la société Agrovia, aucun des plannings produits n'est signé par M. [N] [G].

A défaut de précision conventionnelle contraire, les salariés devaient, en application de l'article D.3171-11 du code du travail, être informés du nombre d'heures de repos compensateur de remplacement à leur crédit par un document annexé au bulletin de paie.

Le seul bulletin de salaire de M. [N] [G] produit par la société Agrovia est celui du mois de juillet 2018. Il ne comporte aucune annexe mais une rubrique relative au repos compensateur qui indique «'0.00'».

La société Agrovia se réfère à une pratique antérieure mais ne fournit aucun document relatif à 2017 qui démontrerait que M. [N] [G] avait effectué au cours du Ramadan des heures supplémentaires ayant effectivement donné lieu ensuite à des périodes de repos compensateur de remplacement.

Les documents qu'elle produit se rapportant à d'autres salariés ne sont pas davantage éclairants.

La société Agrovia ne produit pas les documents remis à M. [N] [G] à l'occasion de la rupture du contrat de travail. Il se déduit de son acceptation de la condamnation au paiement des heures supplémentaires qu'elle n'a pas payé au salarié, à l'occasion de la rupture du contrat de travail, les heures de repos compensateurs censées acquises par lui et dont il n'aurait pas pu bénéficier du fait qu'il n'aurait plus travaillé à compter du 2 juillet 2018.

En définitive, il n'est pas établi autrement que par les mentions figurant sur un planning non signé par M. [N] [G] et de date incertaine qu'il était prévu que les heures supplémentaires de la période du Ramadan donneraient lieu à un repos compensateur de remplacement.

En application de l'article L.8221-5 du code du travail, l'intention de l'employeur de dissimuler une partie de l'activité du salarié se déduit de la mise en place d'une organisation de travail impliquant la réalisation par M. [N] [G] de nombreuses heures supplémentaires au cours de la période du Ramadan, sans que les bulletins de salaire ne mentionnent lesdites heures ou les heures de repos compensateur de remplacement auxquelles les heures supplémentaires accomplies ouvraient droit, sans paiement de la moindre heure supplémentaire ni, lors de la rupture du contrat de travail, d'une indemnité compensatrice du repos compensateur de remplacement non pris. En application de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié a bien droit au paiement d'une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, dont le montant accordé par les premiers juges n'est pas critiqué, l'appelante n'en contestant que le principe.

Sur l'indemnité pour violation des dispositions sur la durée maximale hebdomadaire

La société Agrovia fait valoir que M. [N] [G] travaillait sur un temps plein jusqu'en avril 2018, qu'elle a subi des difficultés financières, que d'avril à juin 2018, le salarié a travaillé selon les nouveaux horaires proposés, soit 105 heures par mois, qu'il a pris ses congés payés et repos compensateurs, qu'il a retrouvé un autre emploi dès le mois de septembre 2018, que les salaires d'avril et mai 2018 correspondaient bien à un temps partiel, que les plannings présentés sur l'année 2018 correspondaient à la période exceptionnelle du Ramadan, que les heures effectuées pendant cette période ont toutes été récupérées ultérieurement par l'ensemble des salariés, que la condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros ne se justifie pas, que le préjudice allégué par M. [N] [G] n'est pas établi.

Le conseil de prud'hommes a rappelé les dispositions du code du travail sur la durée maximale hebdomadaire de travail, relevé que sur le planning pour la période du 15 mai au 15 juin 2018, M. [N] [G] était planifié à 57 heures par semaine, que l'employeur ne rapportait pas la preuve d'avoir demandé à l'autorité administrative compétente une dérogation afin de dépasser la durée maximale de travail légale, avait violé les dispositions d'ordre public du code du travail et que M. [N] [G] était fondé à réclamer des indemnités pour violation des dispositions relatives à la durée journalière hebdomadaire.

La charge de la preuve du respect des limites maximales de travail et des temps de repos obligatoire incombe exclusivement à l'employeur. La durée maximale de travail hebdomadaire est de 48 heures.

En l'espèce, le planning du Ramadan 2018 (15 mai au 15 juin) fait ressortir un dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail au cours de toute cette période, M. [N] [G] ayant travaillé 57 heures par semaine du 15 mai au 15 juin 2018. Le non respect de la durée maximale du travail hebdomadaire a occasionné pour le salarié un trouble dans sa vie personnelle et engendré des risques pour sa santé et sa sécurité. Les arguments développés par l'employeur sont inopérants. Il y a lieu de confirmer l'évaluation par le conseil de prud'hommes de son préjudice.

Sur les frais irrépétibles

Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société Agrovia à payer à M. [N] [G] la somme de 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'issue du litige justifie de débouter la société Agrovia de sa demande au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré.

Déboute la société Agrovia de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Agrovia aux dépens.

LE GREFFIER

Séverine STIEVENARD

LE PRÉSIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 2
Numéro d'arrêt : 19/01917
Date de la décision : 31/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-31;19.01917 ?
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