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30/03/2023 | FRANCE | N°21/06412

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 30 mars 2023, 21/06412


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 30/03/2023





****





N° de MINUTE : 23/120

N° RG 21/06412 - N° Portalis DBVT-V-B7F-UAT5



Jugement (N° 20/02383) rendu le 09 Novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer



APPELANT



Monsieur [N] [X]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 5]

[Adresse 5]
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Représenté par Me William Watel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué



INTIMÉES



Madame [G] [V]

née le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]



GI...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 30/03/2023

****

N° de MINUTE : 23/120

N° RG 21/06412 - N° Portalis DBVT-V-B7F-UAT5

Jugement (N° 20/02383) rendu le 09 Novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer

APPELANT

Monsieur [N] [X]

né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 7]

de nationalité française

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représenté par Me William Watel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

Madame [G] [V]

née le [Date naissance 1] 1995 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Adresse 3]

GIE Axa France prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentées par Me Vincent Troin, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué, substitué par Me Wecxteen Francois, avocat au barreau de Boulogne sur mer

SA Neeria prise en la personne de son représentant légal actuellement en exercice audit siège.

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 28 février 2022 à personne habilitée

Commune du Touquet prise en la personne de son représentant légal actuellement en exercice audit siège.

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 28 février 2022 à personne morale

DÉBATS à l'audience publique du 25 janvier 2023 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 janvier 2023

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 13 juin 2014, M. [X] [N], alors qu'il circulait en scooter, a été victime d'un accident de la circulation routière impliquant le véhicule automobile de Mme [G] [V], assuré auprès du GIE Axa France.

Transporté au centre hospitalier de l'arrondissement de [Localité 8] (CHAM), M. [N] a présenté un hémopneumothorax, une fracture de la hanche gauche et du pouce droit.

Par ordonnance du 8 avril 2015 du président du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer statuant en référé, une mesure d'expertise médicale pour évaluer les préjudices subis par M. [N] a été confiée à M. [I].

L'expert a finalement déposé son rapport le 17 avril 2019, retenant une date de consolidation au 10 mars 2019 et fixant à 12% le déficit fonctionnel permanent de la victime.

Par actes d'huissier du 4, 6 et 13 août 2020, M. [N] a fait assigner Mme [V], le GIE Axa France, la société Neeria, et la commune du Touquet devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer afin notamment de voir reconnaître Mme [V] entièrement responsable de l'accident dont il a été victime, et la voir condamner à lui payer des dommages et intérêts en réparation de son entier préjudice corporel.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 9 novembre 2021, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer a :

fixé l'indemnité représentant les dépenses de santé actuelles à la somme de 98 032,45 euros ;

condamné in solidum Mme [V] et le GIE Axa France à payer à M. [N] les sommes suivantes :

a. 608 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

b. 1 279,40 euros au titre des frais divers ;

c. 8 352 euros au titre de l'aide par tierce personne ;

d. 20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

e. 1 500 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

f. 14 381,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

g. 40 000 euros au titre des souffrances endurées ;

h. 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

i. 18 840 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

j. 4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

k. 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

rappelé que les provisions déjà versées devaient être déduites des montants ci-dessus alloués ;

dit que les intérêts sur les sommes dues étaient du double du taux légal entre le 24 octobre 2019 et le 26 novembre 2019 ;

dit que les sommes allouées portaient intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation selon les modalités prévues par l'article 1343-2 du code civil ;

débouté M. [N] de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels futurs, du préjudice sexuel, et du préjudice exceptionnel ;

condamné in solidum Mme [V] et le GIE Axa France aux dépens ;

condamné in solidum Mme [V] et le GIE Axa France à payer à M. [N] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

constaté que l'exécution provisoire était de droit.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 23 décembre 2021, M. [N] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant sa contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 2.d ; 2.e ; 2.i ; 4 ; 5 ; 6 ci-dessus, et ce sous toutes réserves de réactualisation de ses demandes en cause d'appel.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses conclusions n°2 notifiées le 8 décembre 2022,

M. [N] demande à la cour, au visa de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, et de l'article L. 211-13 du code des assurances, de :

- réformer le jugement querellé, et condamner en conséquence solidairement Mme [V] et le GIE Axa France à indemniser comme suit les dommages résultant de l'accident survenu le 13 juin 2014 :

12 635 euros au titre de l'aménagement du véhicule ;

100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

60 000 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

77 120 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

10 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

10 000 euros au titre du préjudice exceptionnel ;

- dire que ces sommes seront soumises au double du taux d'intérêt légal à compter du 13 février 2015 ;

- confirmer le jugement querellé sur tous les autres points ;

- condamner solidairement Mme [V] et le GIE Axa France au paiement des frais irrépétibles à hauteur de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

- rendre l'arrêt commun à la société Neeria et à la commune du Touquet ;

- ordonner la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil à compter du 8 avril 2015, date de l'ordonnance de référé.

Aux termes de leurs conclusions notifiées le 29 avril 2022, Mme [V] et le GIE Axa France, intimés et appelants incidents, demandent à la cour, au visa de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, et de l'article L. 211-9 du code des assurances, de :

sur l'appel principal,

- dire bien jugé, mal appelé ;

- confirmer le jugement querellé en ce qu'il :

les a condamnés à payer à M. [N] les sommes suivantes :

1 500 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

18 840 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

a dit que les intérêts sur les sommes dues étaient du double du taux légal entre le 24 octobre 2019 et le 26 novembre 2019 ;

a dit que les sommes allouées portaient intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation selon les modalités prévues par l'article 1343-2 du code civil ;

a débouté M. [N] de ses demandes au titre de la perte de gains professionnels futurs, du préjudice sexuel, et du préjudice exceptionnel ;

- condamner M. [N] à verser au GIE Axa France la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [N] aux entiers dépens et frais de l'instance ;

sur l'appel incident,

- dire bien appelé, mal jugé ;

- en conséquence infirmer le jugement querellé en ce qu'il les a condamnés in solidum à payer à M. [N] la somme de 40 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- statuant à nouveau, réduire sa demande à de plus justes proportions qui ne peuvent excéder 8 000 euros.

Régulièrement intimées, la société Neeria et la commune du Touquet n'ont pas constitué avocat en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 9 janvier 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, la cour constate que les intimés ne contestent pas le droit plein et entier à indemnisation de M. [N] à la suite de l'accident de la circulation survenu le 13 juin 2014.

Elle constate également que le jugement dont appel n'est pas critiqué en ce qu'il a :

- fixé l'indemnité représentant les dépenses de santé actuelles à la somme de 98 032,45 euros ;

- condamné in solidum Mme [V] et le GIE Axa France à payer à M. [N] les sommes suivantes :

608 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

1 279,40 euros au titre des frais divers ;

8 352 euros au titre de l'aide par tierce personne ;

14 381,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

20 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- rappelé que les provisions déjà versées devaient être déduites des montants ci-dessus alloués ;

- condamné in solidum Mme [V] et le GIE Axa France aux dépens ;

- condamné in solidum Mme [V] et le GIE Axa France à payer à M. [N] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- constaté que l'exécution provisoire était de droit.

I - Sur l'évaluation des préjudices de la victime

1 - Sur les pertes de gains professionnels futurs

Le premier juge a débouté M. [N] de sa demande au titre des pertes de gains professionnels futurs, considérant que le préjudice allégué n'était qu'hypothétique.

M. [N] réclame une indemnisation de 60 000 euros de ce chef, expliquant que :

- il exerce à titre professionnel, sur commande, une activité de gravure sur cuir d'articles de tir à l'arc, tels des carquois, étuis, protège-poignets ;

- il souhaitait développer cette activité après sa retraite, et vendre ses articles sur stand lors des compétitions ;

- les séquelles affectant la force de la pince de son pouce vont contrarier son projet, et entraîner, sur une période de dix ans durant laquelle il aurait pu commercialiser sa production, une perte de revenus potentiels nets de 500 euros par mois selon le comptable qu'il a consulté, soit une perte globale de revenus de 60 000 euros.

Les intimés concluent au débouté de la demande au titre des pertes de gains professionnels futurs, faisant valoir que :

- M. [N] est employé par la commune du Touquet comme informaticien et a pu reprendre son emploi à temps partiel thérapeutique à compter du 11 mars 2019 sans perte de revenus ;

- il ne fournit aucune pièce au soutien de ses allégations selon lesquelles il exercerait une activité commerciale de vente d'articles en cuir gravé ;

- le préjudice que la victime allègue au moment de son départ en retraite est futur et hypothétique.

Sur ce, les pertes de gains professionnels futurs résultent de la perte de l'emploi ou du changement d'emploi directement imputable au dommage ; ce poste de préjudice correspond à la perte où à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente, et est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle à compter de la date de consolidation.

Au moment de la survenance de l'accident, M. [N] exerçait un emploi salarié à durée indéterminée comme agent de maîtrise auprès de la commune du Touquet. Il n'allègue ni ne justifie d'aucune perte de revenus à ce titre, et a repris son activité professionnelle le 11 mars 2019 dans des conditions identiques à celles qui étaient les siennes avant le fait dommageable.

Dans un décompte arrêté au 11 février 2020, la société Neeria prise en sa qualité de tiers payeur gestionnaire des prestations sociales obligatoires servies à M. [N], fonctionnaire public territorial, a fait valoir ses débours à hauteur de 123 368,51 euros au titre du maintien des salaires et de 56 315,03 euros au titre des charges patronales sur la période du 13 juin 2014 au 10 mars 2019.

L'expert [I] ne retient aucune perte de gains professionnels futurs en lien avec l'accident.

En l'espèce, M. [N] ne produit aucune pièce de nature à établir qu'il exerçait une activité artisanale d'appoint avant l'accident, ni qu'il avait entrepris des démarches pour s'inscrire comme auto-entrepreneur, artisan ou commerçant, ni qu'il retirait des revenus d'une activité indépendante annexe.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, les pertes de gains professionnels futurs sont constitutives d'un préjudice hypothétique en l'absence d'élément de preuve suffisant.

Le jugement dont appel est confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

2 - Sur l'incidence professionnelle

Le premier juge a fixé la créance de M. [N] à la somme de 20 000 euros en réparation de l'incidence professionnelle.

L'appelant réclame une indemnisation de 100 000 euros à ce titre, et expose que :

- il a repris son travail au service informatique de la commune du Touquet avec aménagement de poste, car la station debout prolongée lui est contre-indiquée ;

- il présente des séquelles à la main droite par nature gênantes pour exercer son métier d'informaticien ;

- il subit une pénibilité accrue dans son emploi et une dévalorisation sur le marché du travail s'il devait en changer ;

- ses séquelles l'empêchent de se consacrer à l'activité complémentaire de graveur sur cuir ;

- il propose l'évaluation de l'incidence professionnelle en pourcentage de son salaire selon le taux de déficit fonctionnel permanent, puis la capitalisation en viager de la somme ainsi obtenue ;

Les intimés sollicitent la confirmation du jugement attaqué sur l'incidence professionnelle, et font valoir que :

- d'après les conclusions de l'expert, la pénibilité de la victime n'est que légèrement accrue dès lors qu'un informaticien ne s'adonne pas fréquemment à de fortes préhensions de la main ;

- l'impossibilité de pratiquer à la retraite l'activité de graveur sur cuir n'est pas démontrée en l'espèce.

Sur ce, la cour rappelle que l'incidence professionnelle correspond aux conséquences patrimoniales de l'incapacité ou de l'invalidité permanente subie par la victime dans la sphère professionnelle du fait des séquelles dont elle demeure atteinte après consolidation, autres que celles directement liées à une perte ou diminution de revenus. Ce poste tend, notamment, à réparer les difficultés futures d'insertion ou de réinsertion professionnelle de la victime résultant d'une dévalorisation sur le marché du travail, d'une perte de chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi ou du changement d'emploi ou de poste. Il comprend également la perte de droits à la retraite que la victime va devoir supporter en raison de ses séquelles, c'est à dire le déficit de revenus futurs iputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension de retraite à laquelle elle pourra prétendre.

La cour apprécie l'indemnisation de ce poste au regard des éléments établis par la victime, étant précisé que l'absence de recours à une méthode impliquant un calcul sur la base d'une fraction du salaire antérieur de la victime doublé d'une capitalisation, ne s'analyse pas comme un mode d'indemnisation forfaitaire, dès lors qu'est prise en compte la situation réelle de la victime pour réparer spécifiquement et intégralement le préjudice subi dans une appréciation concrète des éléments versés aux débats.

Selon l'expert [I], M. [N] a pu reprendre son poste de travail antérieur le 11 mars 2019 à temps partiel thérapeutique sans perte de salaire, dans le service informatique de la mairie du [Localité 7], avec un aménagement de poste proscrivant la station debout prolongée. Ses séquelles sont inhérentes aux douleurs ressenties lors des préhensions fortes au niveau de la pince du pouce droit, mais il n'est retenu aucun déficit fonctionnel ni musculaire au niveau de la hanche gauche. L'expert retient que l'appui monopodal gauche est maintenu et que l'accroupissement et l'agenouillement sont complets.

Les éléments versés au débat caractérisent pour M. [N] une plus grande fatigue et pénibilité dans l'exercice de son métier en raison de ses séquelles physiques, qui restent pour autant assez légères compte tenu de la nature et des exigences de son travail sédentaire, ainsi qu'une dévalorisation relative sur le marché du travail, compte tenu de son âge et de son incapacité à effectuer de fortes préhensions et à supporter la station debout de manière prolongée

En conséquence, compte tenu de l'âge de la victime (54 ans à la date de consolidation), de l'âge prévisible de départ à la retraite (65 ans), des séquelles relevées par l'expert, et de l'ensemble des considérations sus-énoncées, le préjudice de M. [N] au titre de l'incidence professionnelle sera exactement indemnisé par l'allocation d'une somme de 30 000 euros.

3 - Sur les frais de véhicule adapté

Le premier juge a alloué à la victime une indemnisation de 1 500 euros à ce titre, retenant la nécessité de disposer d'un véhicule équipé d'une boîte automatique jusqu'en 2021.

M. [N] réclame une indemnisation qu'il chiffre à 12 635 euros, faisant valoir que :

- le surcoût d'un véhicule équipé d'une boîte automatique s'élève à 2 000 euros ;

- il y a lieu de prévoir un premier achat en 2015 puis un renouvellement de l'équipement tous les cinq ans à capitaliser suivant le barème de la Gazette du palais 2018 ;

- lors de la visite de contrôle en 2021, les restrictions médicales à la conduite qu'il s'était vu imposer ont été maintenues.

Mme [V] et le GIE Axa France concluent sur ce point à la confirmation du jugement critiqué, au motif que l'expert n'a pas retenu la nécessité de disposer à titre définitif d'un véhicule avec boîte automatique, et que la victime ne produit pas le compte-rendu de la visite de contrôle.

Sur ce, l'indemnisation ne consiste pas dans la valeur totale du véhicule adapté, mais seulement dans la différence de prix entre le prix du véhicule adapté nécessaire et le prix du véhicule dont se satisfaisait la victime avant l'accident.

L'expert [I] retient la nécessité de disposer d'un véhicule avec boîte automatique, exposant que le permis de conduire a été suspendu le 13 février 2015, puis restitué à M. [N] le 24 mai 2015 à la condition qu'il conduise un véhicule ainsi équipé ; il ajoute cependant qu'une visite de contrôle prévue en 2021 devrait déboucher sur la réattribution sans restriction du permis de conduire.

En l'espèce, M. [N] ne rapporte aucune preuve du surcoût engendré par l'achat d'une boîte de vitesse automatique ; il ne verse au débat ni carte grise, ni devis, ni facture, ni fiche technique de véhicule automobile permettant d'en apprécier le quantum.

Il n'établit pas davantage subir au jour de l'arrêt une restriction à la conduite automobile, dès lors qu'il ne produit ni la copie de son permis de conduire, ni le compte-rendu de la visite médicale de contrôle prévue en 2021.

Comme l'a exactement rappelé le premier juge, il ne subissait pas de séquelles musculaires au niveau de la hanche gauche, mais seulement un enraidissement modéré contre-indiquant la station debout prolongée.

En conséquence, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il lui a accordé une indemnité de 1 500 euros en réparation des frais d'aménagement de véhicule.

4 - Sur les souffrances endurées

Le premier juge a indemnisé ce poste à hauteur de 40 000 euros, dont M. [N] sollicite confirmation.

Les intimés offrent une somme de 8 000 euros pour réparer les souffrances endurées.

Sur ce, ce poste a pour objet d'indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime entre la naissance du dommage et la date de la consolidation, du fait des blessures subies et des traitements institués.

L'expert [I] a évalué les souffrances endurées à 5 sur une échelle de 7, et non à 4 sur 7 comme le soutiennent à tort les intimés, les qualifiant ainsi d'assez importantes, et prenant en considération le stress traumatique et post-traumatique, les fractures au niveau du bassin, du col fémoral, des côtes, du pouce droit, les interventions chirurgicales, la ventilation initiale sous sédation, les traitements anti-thrombotiques injectables, les soins infirmiers, et la kinésithérapie au long cours.

Il convient d'y ajouter la période initiale de coma ayant duré douze jours avec un réveil difficile, la dépression réactionnelle à l'accident, les complications nécessitant une arthroplastie totale de la hanche gauche, les soins infirmiers spécialement douloureux, les efforts de rééducation, et de constater que la période de consolidation a duré près de cinq années.

C'est par une exacte appréciation des faits et de la cause que le premier juge a fixé ce poste à la somme de 40 000 euros.

5 - Sur le déficit fonctionnel permanent

Le premier juge a accordé en réparation du déficit fonctionnel permanent une somme de 18 840 euros, retenant un taux de 12% et une indemnisation à hauteur de 1 570 euros le point.

M. [N] réclame une somme de 77 120 euros à ce titre, faisant valoir que :

- pour respecter le principe de la réparation intégrale, il convient de décomposer l'atteinte à l'intégrité physique et psychique (AIPP) en additionnant d'une part le taux d'incapacité permanente partielle retenu (IPP), et d'autre part les douleurs post-consolidation et la perte des joies usuelles de la vie courante ;

- il y a lieu de retenir que les douleurs post-consolidation sont permanentes, systématiques à la mobilisation, augmentent avec la durée de l'effort, et perturbent le sommeil ;

- privé de promenade sur la plage ou en forêt, il est très limité dans les joies usuelles de la vie ;

- la station debout prolongée est pénible, ce qui le prive de ses activités sportives et de plein air ;

- il ressent les douleurs et les perturbations dans ses conditions d'existence avec la même intensité avant et après la consolidation, et doit recevoir à ce titre une somme de 4,80 euros par jour sa vie durant, soit une somme totale de 40 120 euros, à laquelle s'ajoute l'indemnité compensant son déficit physiologique qui ne saurait être inférieure à 36 000 euros.

Mme [V] et le GIE Axa France sollicitent la confirmation du jugement de ce chef ; ils exposent que l'expert retient dans ses conclusions un taux de 12% correspondant précisément à l'AIPP appréciée dans toutes ses composantes, en prenant en considération tant les séquelles physiologiques que les douleurs post-consolidation, et la perte des joies usuelles de la vie.

Sur ce, il s'agit d'indemniser le préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel de la victime, alors que son état n'est plus susceptible d'amélioration par un traitement médical adapté.

Ce poste vient indemniser non seulement l'atteinte à l'intégrité physique et psychique au sens strict, mais également les douleurs physiques et psychologiques permanentes, en ce compris le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence.

L'expert [I] évalue les séquelles d'AIPP à 12% en tenant compte de :

- la persistance d'une limitation très relative de la force de pince entre le pouce droit et les autres doigts chez un droitier ;

- un enraidissement de la hanche gauche avec apparition de douleurs lors de la station debout prolongée ou de la marche en terrain varié ;

- certains épisodes de réminiscence douloureusement ressentis ;

- certains freins psychologiques à quelques activités, dont la pratique de la bicyclette.

La lecture attentive du rapport d'expertise du 17 avril 2019 enseigne que l'expert apprécie dans toutes ses composantes l'atteinte à l'intégrité physique et psychique subie par M. [N], et qu'il prend en compte son déficit physiologique permanent, mais également les douleurs qu'il ressent, et la perte des joies usuelles dans ses conditions d'existence.

En conséquence, il convient d'indemniser M. [N], âgé de 54 ans à la date de consolidation pour être né le [Date naissance 2] 1964, atteint d'un déficit fonctionnel de 12%, par l'allocation d'une somme de 21 000 euros réparant son entier préjudice.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

6 - Sur le préjudice sexuel

Le premier juge a débouté M. [N] de sa demande de réparation d'un préjudice sexuel.

L'appelant réclame une indemnisation de 10 000 euros, invoquant notamment la disparition de sa libido depuis l'accident ; il estime que son préjudice sexuel positionnel ressort à l'évidence de l'enraidissement douloureux de sa hanche, et des gestes générateurs de souffrances qu'il ne peut plus accomplir lors des relations sexuelles.

Les intimés concluent au débouté de la demande.

Sur ce, ce préjudice s'apprécie, en fonction de l'âge et de la situation de la victime, eu égard à l'atteinte à la morphologie des organes sexuels, à la libido et à la fonction procréatrice.

Si l'expert [I] ne relève pas d'élément médico-légal permettant de rattacher à l'accident la disparition de libido alléguée par la victime, il reste pour autant que M. [N] présente bien un enraidissement douloureux au niveau de la hanche gauche, et que la difficulté de mobilisation liée au port de la prothèse totale constitue indubitablement un frein à l'adoption de certaines positions sexuelles et entraîne une diminution de la libido du fait des douleurs et de l'inconfort ressentis.

M. [N] ne démontre pas avoir subi d'atteinte à la morphologie de ses organes sexuels ni à sa fonction reproductrice, mais subit une atteinte sexuelle en raison de la moindre mobilité de sa hanche et de la limitation positionnelle y afférente, étant toutefois rappelé que son préjudice sexuel temporaire est déjà indemnisé au titre du déficit fonctionnel temporaire, total et partiel.

Au regard de ces éléments, il convient de lui accorder une somme de 3 000 euros de nature à réparer son entier préjudice sexuel.

7 - Sur le préjudice exceptionnel

Le premier juge a débouté M. [N] de sa demande de réparation d'un préjudice exceptionnel.

L'appelant sollicite une indemnisation de 10 000 euros considérant qu'il n'a pu participer en 2014 aux championnats de France de tir à l'arc en qualité d'entraîneur, alors qu'il devait y accompagner deux compétiteurs, dont son fils.

Mme [V] et son assureur concluent au débouté de ce chef, arguant que la victime ne produit aucune pièce, que le préjudice éventuel d'un entraîneur salarié s'analyse en des pertes de gains professionnels, alors que le préjudice d'un entraîneur bénévole s'analyse en un préjudice d'agrément, dont M. [N] a d'ailleurs été intégralement indemnisé.

Sur ce, il s'agit d'indemniser les préjudices atypiques directement liés au déficit fonctionnel permanent.

Outre que M. [N] ne justifie pas spécifiquement avoir été privé, en sa qualité d'entraîneur, de participer en 2014 aux championnats de France de tir à l'arc, il reste que l'impossibilité de continuer à pratiquer les activités sportives ou de loisirs du fait de l'accident a déjà été indemnisée au titre du préjudice d'agrément, et que son investissement et son appétence pour ce sport ont été spécialement pris en compte par le premier juge qui lui a accordé la somme de 20 000 euros en réparation de son entier préjudice.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, aucun élément ne vient caractériser un préjudice extra-patrimonial exceptionnel en raison de la nature des victimes, ou des circonstances ou de la nature de l'accident à l'origine du dommage, tels que sont une catastrophe naturelle ou industrielle, un attentat, ou encore un accident collectif de grande ampleur.

Le jugement querellé est confirmé en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de réparation d'un préjudice exceptionnel.

II - Sur la liquidation des préjudices

Au vu de l'ensemble de ces éléments, il revient à M. [N] après déduction de la créance des tiers payeurs, et sauf à déduire les provisions déjà reçues à hauteur de 60 000 euros, les sommes suivantes :

débouté au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

1 500 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

40 000 euros au titre des souffrances endurées ;

21 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

3 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

débouté au titre du préjudice exceptionnel.

La créance de la société Neeria au titre des pertes de gains professionnels, actuels et futurs, sera fixée à la somme de 179 683,54 euros (soit 123 368,51 + 56 315,03) suivant relevé de débours arrêté au 11 février 2020.

III - Sur les autres demandes

1 - Sur le doublement des intérêts au taux légal

Le premier juge a retenu que les sommes allouées à M. [N] portaient intérêts au double du taux légal entre le 24 octobre et le 26 novembre 2019.

L'appelant demande à la cour de prononcer la sanction du doublement des intérêts au taux légal à compter du 13 février 2015, et ce en application des articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances ; il expose que :

- il aurait dû recevoir une offre provisionnelle dans les huit mois à compter de l'accident, soit avant le 13 février 2015 ;

- la provision de 15 000 euros versée le 12 septembre 2014 ne vaut pas offre d'indemnisation provisionnelle ;

- une offre insuffisante équivaut à une absence d'offre ;

- l'offre définitive aurait dû lui être adressée avant le 6 août 2019, dans les cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a eu connaissance de sa date de consolidation ;

- l'offre définitive d'indemnisation ne lui a été adressée que le 26 novembre 2019 après l'expiration du délai susmentionné.

Mme [V] et le GIE Axa France demandent à la cour de confirmer sur ce point le jugement attaqué ; ils font valoir que :

- la victime a reçu une première offre indemnitaire provisoire le 12 septembre 2014, et l'assureur a ainsi respecté son obligation de former une offre provisionnelle dans le délai de huit mois à compter de l'accident ;

- le rapport définitif de l'expert judiciaire ne lui a été communiqué que le 24 mai 2019 ; il a ensuite transmis une proposition indemnitaire définitive le 26 novembre 2019 sur la base des conclusions de l'expert.

Sur ce, il résulte de l'article L. 211-9 du code des assurances :

- tout d'abord, que quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée ; lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande,

- ensuite, qu'une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident ; en cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint ; l'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable,

- enfin, que cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime ; l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

Il résulte aussi de l'article L. 211-13 du code des assurances que lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif ; cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

Il ressort de la combinaison de ces textes que :

- la circonstance qu'une instance oppose la victime à la personne tenue à réparation et à son assureur n'exonère pas ce dernier de son obligation de présenter une offre d'indemnité dans le délai imparti par l'article L. 211-9 du code des assurances, sous la sanction prévue par l'article L. 211-13 du même code, de sorte que l'introduction d'une procédure à l'initiative de la victime ne dispense pas l'assureur de faire, dans le délai requis, l'offre imposée par l'article L. 211-9 ;

- le paiement d'une provision en exécution d'une décision de justice n'exonère pas l'assureur de son obligation de présenter une offre ;

- en cas de contestation de la responsabilité, l'assureur n'est pas dispensé de faire une offre dans les délais fixés par l'article L. 211-9 ;

- la sanction prévue par l'article L. 211-13 s'applique sans distinction, selon ce texte, en cas de non-respect des délais fixés par l'article L. 211-9.

=$gt; Sur le point de départ des intérêts au double du taux légal

Si M. [N] n'est pas resté sans provision, cela ne dispensait pas l'assureur, en l'absence de connaissance de la date de consolidation de la victime dans les trois mois de l'accident, de respecter son obligation de formuler une offre provisionnelle dans le délai de huit mois à compter de l'accident, soit avant le 14 février 2015.

Le GIE Axa France verse au débat la copie d'un procès-verbal d'accord régularisé le 12 septembre 2014, aux termes duquel M. [N] accepte le versement d'une provision de 15 000 euros à valoir sur le règlement définitif de la garantie.

A l'évidence, ce document ne récapitule aucun des éléments indemnisables du préjudice, et ne vaut pas offre au sens de l'article L. 211-9 précité.

L'assureur ne s'est exécuté tardivement que le 6 août 2015 suivant offre provisionnelle d'indemnisation adressée à la victime en dehors du délai légal de huit mois qui lui était imparti.

Il s'ensuit que l'accident de la circulation s'étant produit le 13 juin 2014, l'indemnité allouée produira intérêts au double du taux légal à compter du 14 février 2015.

=$gt; Sur le point d'arrivée des intérêts au double du taux légal

S'agissant du point d'arrivée des intérêts au double du taux légal, il ressort de la combinaison des articles L. 211-9 et L. 211-13 que, d'une part, une offre d'indemnisation définitive doit être formulée dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation de la victime, d'autre part qu'une offre manifestement insuffisante équivaut à une absence d'offre et enfin, qu'une offre incomplète, qui ne comprend pas tous les éléments indemnisables du préjudice, équivaut à une absence d'offre.

En l'espèce, le GIE Axa France admet que le rapport de l'expert judiciaire, qui a fixé la date de consolidation au 10 mars 2019, lui a été communiqué par courriel reçu 24 mai 2019.

Il s'ensuit que l'assureur devait formuler une offre dans le délai de 5 mois prévu par l'article L. 211-9, soit avant le 24 octobre 2019.

Le GIE Axa France a présenté son offre d'indemnisation définitive à M. [N] par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 novembre 2019, ce que ne conteste pas l'assuré, soit en dehors du délai légal imparti.

M. [N] ne conteste pas que cette offre d'indemnisation d'un montant global de 54 699,77 euros, avant déduction de la provision et hors créances du tiers payeur, proposée le 26 novembre 2019 sur la base du rapport de l'expert [I], comprend tous les éléments indemnisables du préjudice tel que retenus par ce dernier, et qu'elle est de nature à interrompre le cours de la pénalité.

Il s'ensuit que la sanction du doublement de l'intérêt au taux légal s'appliquera à compter du 14 février 2015 jusqu'au 26 novembre 2019.

=$gt; Sur l'assiette du doublement de l'intérêt légal

En cas d'offre d'indemnisation de l'assureur, l'assiette des intérêts majorés porte en principe sur les sommes offertes par l'assureur, de sorte que la sanction prévue par l'article L. 211-13 a pour assiette l'indemnité offerte par l'assureur avant imputation des créances des organismes sociaux déclarées à l'assureur et avant déduction des provisions éventuellement versées.

En conséquence, au vu de l'offre notifiée le 26 novembre 2019 et du relevé de débours produit par la société Neeria le 11 février 2020, le doublement des intérêts au taux légal s'appliquera du 14 février 2015 au 26 novembre 2019 sur la somme de 328 382,80 euros (soit 54 699,77 euros correspondant à l'indemnité offerte par l'assureur + 273 683,03 euros correspondant à la créance totale du tiers payeur).

Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu'il a dit que les intérêts sur les sommes allouées à M. [N] étaient du double du taux légal entre le 24 octobre 2019 et le 26 novembre 2019.

2 - Sur la capitalisation des intérêts

L'article 1343-2 du code civil qui dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise, n'impose pas au créancier de formuler une demande d'anatocisme pour faire courir le délai d'un an.

Si la demande en justice n'est plus une condition d'application de l'anatocisme judiciaire, le cours des intérêts constitue toutefois la condition préalable d'une telle capitalisation annuelle.

En application de l'article 1231-7 alinéa 2 du code civil, dans sa rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 en cas de confirmation pure et simple par le juge d'appel d'une décision allouant une indemnité en réparation d'un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l'indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d'appel. Le juge d'appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.

Il en résulte que la capitalisation annuelle des intérêts court à compter du jugement critiqué.

3 - Sur la déclaration d'arrêt commun

La demande tendant à voir déclarer l'arrêt commun à la société Neeria et à la commune du Touquet est sans objet, dès lors qu'elles sont toutes deux intimées en appel.

L'appelant sera débouté de sa demande sur ce point.

4 - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement querellé sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

Mme [V] et le GIE Axa France qui succombent sont condamnés in solidum aux entiers dépens d'appel.

L'équité conduit à les condamner in solidum à payer à M. [N] la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Constate que le jugement rendu le 9 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer n'est pas critiqué en ce qu'il a :

- fixé l'indemnité représentant les dépenses de santé actuelles à la somme de 98 032,45 euros ;

- condamné in solidum Mme [G] [V] et le GIE Axa France à payer à M. [X] [N] les sommes suivantes :

608 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;

1 279,40 euros au titre des frais divers ;

8 352 euros au titre de l'aide par tierce personne ;

14 381,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;

4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;

4 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;

20 000 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- rappelé que les provisions déjà versées étaient déduites des montants ci-dessus alloués ;

- condamné in solidum Mme [G] [V] et le GIE Axa France aux dépens ;

- condamné in solidum Mme [G] [V] et le GIE Axa France à payer à M. [X] [N] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- constaté que l'exécution provisoire était de droit ;

Confirme les dispositions du jugement rendu le 9 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer en ce qu'il a :

- condamné in solidum Mme [G] [V] et le GIE Axa France à payer à M. [X] [N] les sommes suivantes :

1 500 euros au titre des frais de véhicule adapté ;

40 000 euros au titre des souffrances endurées ;

- dit que les sommes allouées portaient intérêts au taux légal à compter du jugement avec capitalisation selon les modalités prévues par l'article 1343-2 du code civil ;

- débouté M. [X] [N] de ses demandes au titre des pertes de gains professionnels futurs et du préjudice exceptionnel ;

Infirme les dispositions du jugement rendu le 9 novembre 2021 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer en ce qu'il a :

- condamné in solidum Mme [G] [V] et le GIE Axa France à payer à M. [X] [N] les sommes suivantes :

20 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

18 840 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- débouté M. [X] [N] de sa demande au titre du préjudice sexuel ;

- dit que les intérêts sur les sommes dues étaient du double du taux légal entre le 24 octobre 2019 et le 26 novembre 2019 ;

Prononçant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Condamne in solidum Mme [G] [V] et le GIE Axa France à payer à M. [X] [N] les sommes suivantes :

30 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;

21 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;

3 000 euros au titre du préjudice sexuel ;

Dit que les sommes allouées porteront intérêts au double du taux légal du 14 février 2015 au 26 novembre 2019 sur la somme indemnitaire de 328 382,80 euros ;

Fixe la créance de la société Neeria à la somme de 179 683,54 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs suivant relevé de débours du 11 février 2020 ;

Déclare sans objet la demande de M. [X] [N] tendant à voir déclarer l'arrêt commun à la société Neeria et à la commune du Touquet ;

Rejette les plus amples prétentions des parties ;

Condamne in solidum Mme [G] [V] et le GIE Axa France aux dépens d'appel ;

Les condamne en outre in solidum à payer à M. [X] [N] la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/06412
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.06412 ?
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