La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2023 | FRANCE | N°22/02579

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 23 mars 2023, 22/02579


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 23/03/2023





****





N° de MINUTE : 23/112

N° RG 22/02579 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJQ2



Ordonnance (N° 21/01141) rendue le 10 Mai 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Lille





APPELANTE



Communauté Metropole Europeenne de [Localité 5] représenté par son Président en exercice

[Adresse 2]

[Localité 5]
r>

Représentée par Me Patrick Kazmierczak, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Michel Teboul, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant



INTIMÉS



Monsieur [R] [V]

de nationalité F...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 23/03/2023

****

N° de MINUTE : 23/112

N° RG 22/02579 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJQ2

Ordonnance (N° 21/01141) rendue le 10 Mai 2022 par le Président du tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

Communauté Metropole Europeenne de [Localité 5] représenté par son Président en exercice

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Patrick Kazmierczak, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Michel Teboul, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [R] [V]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représenté par Me Pierre Azar, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/005761 du 08/07/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)

SDC Syndicat des Copropriétaires du Parc de Stationnement du Nouveau Siècle, représenté par son syndic Sergic Entreprises

appelante dans le RG 22/2599

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Kathia Beulque, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant, substitué par Me Marion Mabriez, avocat au barreau de Lille

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de [Localité 11]

intimée dans le RG 22/2599

[Adresse 3]

[Localité 5]

Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 23 septembre 2022 à personne habilitée

SAS Effia Stationnement prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 9]

Compagnie d'assurance Hdi Global Se prise en la qualité de ses représenants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 13]

[Adresse 13]

[Localité 10]

Représentées par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Baptiste Delrue, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant, substitué par Me Léa Perez, avocat au barreau de Paris

SA Societe De Renovation et De Restauration De [Localité 5] Soreli

intimée dans le RG 22/2599

[Adresse 12]

[Localité 5]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 23 septembre 2022 à personne habilitée

DÉBATS à l'audience publique du 12 janvier 2023 tenue par Guillaume Salomon, magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 23 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 9 janvier 2023

****

EXPOSE DU LITIGE :

Le 14 juillet 2019, M. [R] [V] a été victime d'une chute alors qu'il était monté au sommet d'une fontaine sur un puits de ventilation d'un parking souterrain, dont la grille a cédé. Cette chute lui a causé des fractures.

Ce parking souterrain fait partie d'un ensemble immobilier « Nouveau Siècle » divisé en volumes, selon un état de division en volumes du 7 octobre 1978.

Les propriétaires de lots en volumes au sein de cet ensemble immobilier ont constitué une association syndicale libre (ASL), avec laquelle la SA de rénovation et de restauration de [Localité 5] (Soreli) a conclu un contrat d'assistance à la gestion.

Les lots correspondant au sous-sol ont été constitués en un syndicat des copropriétaires du parc de stationnement du Nouveau siècle (le syndicat des copropriétaires), qui est administré par la SAS Sergic.

La Métropole européenne de [Localité 5] (MEL) est propriétaire de 740 places de parking au sein de cette copropriété. Elle a concédé l'exploitation de ces places à la SAS Effia Stationnement, qui est elle-même assurée auprès de la société HDI Global SE.

M. [V] a assigné la MEL, Effia Stationnement, le syndicat des copropriétaires, la société HDI Global, Soreli devant le juge des référés de Lille aux fins d'expertise médicale et de condamnation provisionnelle, ainsi que la caisse primaire d'assurance-maladie.

Par ordonnance rendue le 10 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a :

1 ordonné la mise hors de cause de Effia Stationnement et de la société HDI Global SE ;

2. rejeté les demandes de mise hors de cause de la MEL, du syndicat des copropriétaires représenté par son syndic et de Sorelli ;

3. ordonné une expertise médicale de M. [V] ;

4. dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision ;

5. dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

6. déclaré les opérations d'expertises communes et opposables à la caisse primaire d'assurance-maladie ;

7. laissé à M. [V] la charge des dépens.

Par déclaration du 25 mai 2022, la MEL a formé appel de cette ordonnance en limitant la critique de son dispositif aux seules dispositions numérotées 1 et 2 ci-dessus.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 9 décembre 2022, la MEL demande à la cour

1- infirmer l'ordonnance critiquée en ses dispositions visées par la déclaration d'appel

- dire et juger que l'ordonnance de référé devait statuer sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile comme le lui demandait M. [V], c'est-à-dire une demande de conservation ou d'établissement de preuve, alors qu'elle a statué sur les responsabilités, de sorte que cette ordonnance doit être infirmée.

2- statuer sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et en conséquence :

- dire et juger que le juge judiciaire n'est pas compétent pour interpréter le contrat de concession de service public conclu entre la MEL et la Effia Stationnement, interprétation qui relève de la compétence du juge administratif en application de l'article 4 de la loi du 28 Pluviôse An VIII,

- en conséquence, rejeter la demande de mise hors de cause des Effia Stationnement et HDI Global, ainsi que les conclusions de M. [V],

- constater qu'elle conteste toute responsabilité dans les dommages allégués par M. [V], mais qu'elle ne s'oppose pas à la mesure d'expertise sollicitée, sur laquelle elle forme toutes protestations et réserves, notamment sous la réserve que seul le juge administratif soit compétent pour statuer au fond sur sa responsabilité, mais cela sauf si les Sociétés Effia Stationnement et HDI Global étaient mises hors de cause,

- dire et juger que rien n'établit en l'état que la grille litigieuse relève de son entretien et par suite de la société Effia Stationnement parce que rien n'établit qu'à l'égard du syndicat des copropriétaires, elle soit chargée des gros travaux d'entretien et du renouvellement des appareils et équipements,

- la mettre en conséquence hors de cause dans l'hypothèse où les Sociétés Effia Stationnement et HDI Global seraient mises hors de cause, dans la mesure où la MEL ne saurait avoir plus de responsabilité que la Société Effia Stationnement, parce que si la grille de ventilation litigieuse constitue un équipement commun du parking, il relève alors de l'entretien du seul syndicat des copropriétaires et non du sien.

3- statuant également sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile et en conséquence :

- dire et juger, dans l'hypothèse où l'expertise serait ordonnée à l'égard de la MEL, qu'elle sera également ordonnée à l'égard des Sociétés Effia Stationnement et HDI Global qui participeront aux opérations d'expertise aux côtés de la MEL et des autres parties à l'égard desquelles appel n'a pas été formé, c'est-à-dire de la Soreli, du syndicat des copropriétaires et la caisse primaire d'assurance-maladie ;

- à supposer, comme l'affirme la Société Effia Stationnement et comme l'a jugé le juge des référés de première instance, que l'entretien de la grille de ventilation et de son conduit relève de travaux de gros entretien à la charge de la MEL, alors la responsabilité de la société Effia Stationnement serait également susceptible d'être recherchée, au motif qu'elle était tenue contractuellement par l'article III.5.2 pages 23 et 24 du contrat de concession de signaler à la MEL toutes anomalies qu'elle pourrait constater et qu'à défaut sa responsabilité serait engagée, alors qu'elle n'a signalé aucune anomalie à la MEL sur la grille de ventilation litigieuse,

- dire et juger par surcroît que la Société Effia Stationnement est chargée de l'entretien courant des ouvrages et que l'entretien de la grille de ventilation relève des niveaux de maintenance 1 et 2 de la norme AFNOR X 60-010 mis à la charge de la Société Effia par le contrat de concession (article I.1 page 8 et article III.4.2 page 22 du contrat de concession),

4- condamner in solidum la société Effia Stationnement et de la Société HDI Global assureur de la Société Effia Stationnement, au paiement à la MEL de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

5- condamner in solidum la Société Effia Stationnement et la HDI Global, assureur de la société Effia Stationnement, subsidiairement M. [R] [V], en tous les dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la MEL fait valoir que :

- si le juge des référés judiciaire est compétent pour statuer sur une mesure d'instruction exclusivement, il appartient en revanche au seul juge administratif de statuer au fond à son égard ;

- le juge des référés a commis une erreur, en estimant que l'entretien des grilles de ventilation incombait au syndicat des copropriétaires et à la MEL : il a méconnu qu'elle n'a conclu le contrat de concession de service public qu'avec la seule société Effia construction, et non avec le syndicat des copropriétaires. Il en résulte que le contrat ne peut être invoqué par ce dernier et que le juge des référés ne pouvait estimer que la MEL est chargée des gros travaux d'entretien et de renouvellement des matériels et équipements ;

- le juge des référés n'est pas compétent pour interpréter un contrat de concession conclu par une personne publique, alors qu'il ne s'agit pas d'un contrat de délégation de service public. S'agissant d'un contrat administratif, seul le juge administratif est compétent pour y procéder ;

- le concédant n'est pas responsable à l'égard des tiers, de sorte que seul le concessionnaire doit répondre des dommages subis par M. [V], alors qu'elle ne pourrait être responsable que dans l'hypothèse où la société Effia stationnement serait insolvable. La société Effia stationnement doit la garantir de tout recours exercé à son encontre, en application de l'article II-1 du contrat de concession ;

- si l'interprétation du contrat par le juge des référés est admis, son article III.5.2 stipule que « le concessionnaire est tenu de signaler à l'autorité concédante toute anomalie qu'il pourra constater. A défaut, sa responsabilité est engagée ». D'une part, l'entretien d'une grille d'aération ne relève pas des gros travaux d'entretien, mais de l'entretien courant incombant au concessionnaire ; d'autre part, même si l'entretien de la grille lui incombait, le concessionnaire engage sa responsabilité à défaut de lui avoir signalé l'anomalie ;

- le puits de ventilation constitue une partie commune de la copropriété : par conséquent, son entretien ne lui incombe pas, mais relève du seul syndicat des copropriétaires ;

- les « gros travaux » visés par le contrat de concession concernent ceux permettant l'exploitation du parking, et non l'entretien des parties communes ;

- « l'entretien courant des ouvrages » est confié par ce même contrat à la société Effia stationnement ; à ce titre, le visa d'une norme X 60-010 implique qu'il appartient à cette dernière de procéder à des opérations simples de maintenance, parmi lesquels peut figurer l'entretien d'une grille d'aération ;

- les équipements communs ne sont pas exclus du champ d'intervention du concessionnaire.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 4 novembre 2022, le syndicat des copropriétaires, intimés et appelants incidents, demande à la cour de :

' faire droit à ses appels principal et incident ;

' rejeter l'appel principal de la MEL sauf en ce qu'elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance rendue le 10 mai 2022 pour avoir mis hors de cause la société Effia stationnement et la société HDI Global SE ;

En conséquence :

' infirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a :

' renvoyé les parties à se pourvoir sur le fond du litige ;

' ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 21/00711 et 21/01141 ;

' ordonné la mise hors de cause de la société Effia Stationnement et de la société HDI Global SE ;

' rejeté les demandes de mise hors de cause de la MEL, du syndicat des copropriétaires, et de Soreli ;

' ordonné une expertise ;

' dit n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' déclaré les opérations d'expertise communes et opposables à la caisse primaire d'assurance-maladie ;

En conséquence, statuant à nouveau :

- vu l'absence de motif légitime à voir organiser une mesure d'expertise judiciaire à son égard, débouter M. [V] de sa demande d'expertise judiciaire ;

- vu que le syndicat des copropriétaires n'est pas le gardien de la grille incriminée par M. [V], le mettre hors de cause ;

' pour le cas où la cour laisserait en la cause le syndicat des copropriétaires, maintenir en la cause la société Effia stationnement ainsi que la société HDI Global SE ;

' en tant que de besoin, rejeter les appels incidents de M. [V], la société Effia stationnement, de la société HDI Global SE et de Soreli ;

' débouter la MEL, M. [V], Soreli, Effia stationnement, HDI Global SE de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;

En toute hypothèse,

' débouter M. [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions présentées à son encontre et toutes autres parties des demandes qui pourraient être présentées à son encontre ;

' condamner M. [V] à lui payer la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

' frais et dépens comme de droit.

A l'appui de ses prétentions, le syndicat des copropriétaires fait valoir que :

- l'expertise prévue par l'article 145 du code de procédure civile n'a pas vocation à être fondée exclusivement sur la démonstration d'un préjudice éventuel, qui ne suffit pas à établir l'existence d'un motif légitime ;

- M. [V] ne démontre pas l'existence d'un motif légitime, dès lors que son action au fond est manifestement vouée à l'échec, dès lors que la responsabilité du syndicat des copropriétaires ne peut être retenue en qualité de gardien de la grille litigieuse au regard (i) de l'absence de rôle actif joué par la grille et (ii) du comportement fautif de M. [V], ayant escaladé un ouvrage pour accéder à cette grille non accessible au public dans un état d'alcoolisation.

- il n'est pas le gardien de la grille litigieuse, dès lors qu'elle ne constitue pas une partie commune du parc de stationnement : la seule circonstance qu'un examen des grilles de ventilation par Bureau Veritas soit prévue n'implique pas une telle qualification de partie commune ; il ressort à l'inverse de la division en volumes que la copropriété n'a été constituée qu'entre les lots en sous-sol de l'ensemble immobilier, et non de l'ouvrage situé au dessus et sur lequel se trouve la grille litigieuse. Cette grille échappe ainsi à l'emprise de la copropriété.

- le règlement de copropriété ne prévoit pas que cette grille soit une partie commune ;

- alors qu'il n'est pas établi qu'il s'agisse d'une grille de ventilation du parking souterrain, une telle circonstance n'aurait en tout état de cause aucune vocation à lui appliquer le caractère de partie commune ;

- la grille est située au-dessus du puits de ventilation ;

- la société Effia stationnement et son assureur doivent participer à l'expertise : le juge des référés a procédé à une analyse du fond du dossier, qui n'entre toutefois pas dans ses attributions : à l'inverse, les fautes contractuelles de la société Effia Stationnement à l'égard de la MEL sont susceptibles d'être invoquées par les tiers à titre de faute délictuelle ;

- outre que l'interprétation d'un contrat administratif ne ressort pas de la compétence judiciaire, une telle interprétation n'entre pas dans les attributions du juge des référés, mais relève du juge du fond.

- la MEL doit rester dans la cause, dès lors qu'il résulte du contrat conclu avec la société Effia stationnement que sont à la charge du concédant le contrat d'entretien et de renouvellement du matériel et des équipements.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 31 octobre 2022, la société Effia stationnement et HDI Global SE, intimées, demandent à la cour de :

- dire et juger que la Société Effia stationnement n'assure pas la maintenance et l'entretien de la grille surplombant la fontaine ni des conduits de ventilation de telle sorte que la mesure d'expertise sollicitée à son encontre est dépourvue d'utilité,

- dire et juger que le préjudice allégué par M. [V] résulte de sa faute exclusive de telle sorte qu'il ne peut y avoir droit à indemnisation,

- dire et juger qu'il existe des contestations sérieuses se heurtant à la demande de provision d'un montant de 8 000 euros sollicitée par M. [V] à l'encontre de la société Effia stationnement,

en conséquence :

- confirmer l'ordonnance de référé critiquée en ce qu'elle a prononcé leur mise hors de cause ;

- débouter la MEL de l'ensemble de ses demandes à leur encontre ;

- débouter le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes à leur encontre ;

- condamner la MEL et le syndicat des copropriétaires au paiement de la somme de 3 000 euros chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

A l'appui de leurs prétentions, elles font valoir que :

- la société Effia stationnement est exclusivement en charge de l'exploitation du parking en ce qu'elle gère la location des places de parking, les caisses automatiques, les escaliers et les ascensceurs, alors qu'elle n'assure pas la maintenance, ni l'entretien des grilles situées au dessus du conduit de ventilation du parking souterrain. Ces grilles sont des parties communes relevant du syndicat des copropriétaires, selon la définition fournie par le règlement de copropriété.

- le contrat de concession prévoit que l'entretien des parties communes incombe à la MEL et à l'ensemble des copropriétaires ;

- le conduit de ventilation et la grille située au-dessus servent à l'évacuation des fumées du groupe électrogène, équipement commun, qui est géré par l'ASL et le syndic de copropriété ; le contrat de concession prévoit que sont exclus des équipements communs les groupes électrogènes, alors qu'ils relèvent de l'ASL ;

- le juge des référés doit apprécier les conditions de l'article 145 du code de procédure civile, alors qu'il est compétent pour statuer à l'égard d'une personne publique dès lors qu'il s'agit exclusivement d'une demande d'expertise et qu'une responsabilité d'une personne de droit privé est susceptible d'être engagée ; la MEL elle-même invoque les clauses du contrat de concession pour estimer que la société Effia stationnement est seule responsable ; en l'espèce, le juge des référés ne s'est pas livré à une interprétation du contrat de concession, mais a seulement estimé qu'en présence d'un équipement relevant des parties communes, il n'est pas démontré l'existence d'un potentiel litige futur impliquant la société Effia stationnement ;

- la faute commise par M. [V] constitue la cause exclusive de son préjudice, de sorte que la responsabilité de la société Effia stationnement ne peut être engagée.

Dans ses conclusions notifiées le 30 septembre 2022, M. [V] demande à la cour de :

- le dire recevable et bien fondé en ses demandes et y faire droit,

- débouter la MEL, le syndicat des copropriétaires et la société Soreli de toutes leurs demandes ;

- débouter la société Effia stationnement et HDI Global de l'ensemble de leurs demandes à son encontre ;

Par conséquent,

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance critiquée ;

- condamner la MEL et le syndicat des copropriétaires à lui payer 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la MEL et le syndicat des copropriétaires aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, il fait valoir que :

- la mesure d'expertise est utile : les lésions qu'il a subies à l'occasion de sa chute ne sont pas contestées ;

- le rôle instrumental de la grille dans la survenance de son dommage est établie, alors que cette grille a pour objectif de sécuriser le conduit de ventilation du parking souterrain exploité par la société Effia stationnement, de sorte que sa solidité est essentielle, notamment pour supporter le poids de plusieurs individus ;

- il s'associe à l'argumentaire de la société Effia stationnement sur le maintien dans la cause de la MEL et du syndicat des copropriétaires, alors qu'il ressort du rapport de vérification établi par Bureau Veritas que cette grille relève des parties communes du parc de stationnement ;

- la société Soreli doit rester dans la cause, dès lors qu'il résulte du contrat conclu avec l'ASL qu'elle est chargée des travaux d'entretien courant et des travaux portant sur les équipements communs ;

- l'ASL n'a pu être assignée, dès lors qu'elle ne semble avoir aucune existence légale ;

- l'existence d'une faute grave qui lui serait imputable et constituerait la cause exclusive de son dommage n'est pas démontrée ; aucune signalétique n'interdit d'escalader la fontaine ; son comportement « perturbateur » ne résulte d'aucune procédure ; il n'a pas sauté ou dansé sur cette grille.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la mesure d'instruction :

L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, notamment en référé.

Lorsqu'une demande ne tend qu'à voir ordonner une mesure d'instruction et que le litige est susceptible de relever, au moins pour partie, de l'ordre de la juridiction devant lequel cette demande a été présentée, le juge des référés se trouve valablement saisi de celle-ci.

En l'espèce, M. [V] n'est pas appelant incident à l'encontre de l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à condamnation provisionnelle à l'encontre de la MEL. La cour n'est ainsi saisie qu'au titre de la mesure d'instruction, alors qu'outre la MEL, personne publique, figurent des sociétés de droit privé dont la recherche ultérieure de responsabilité est également envisagée au fond devant le juge judiciaire.

Si l'article 145 du code de procédure civile n'exige pas que le demandeur à la mesure d'instruction établisse le bien-fondé de l'action en vue de laquelle cette mesure est sollicitée, il lui appartient en revanche de démontrer l'existence d'un litige potentiel, qui constitue une condition du succès de la demande, et non de sa recevabilité.

Il doit par conséquent établir l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur, dont le contenu et le fondement seraient cernés, approximativement au moins.

Il en résulte que de simples allégations ne suffisent pas à établir le motif légitime, dès lors qu'elles présentent un caractère purement hypothétiques ou fantaisistes.

Enfin, s'il n'appartient ainsi pas à la cour de procéder à une analyse détaillée du potentiel succès des prétentions des parties, elle doit néanmoins rejeter la demande lorsque la prétention est manifestement vouée à l'échec.

Lorsqu'il s'agit d'apprécier si les critères du référé aux fins d'expertise sont réunis, la juridiction peut valablement porter une appréciation sur une question juridique, qui n'a toutefois aucune autorité de chose jugée à l'égard de la juridiction ultérieure éventuellement saisie au fond.

Pour autant, il n'appartient pas au juge des référés d'interpréter un contrat, et d'autant plus lorsqu'il s'agit d'un contrat administratif de concession de service public, dont le contentieux relève au fond de la compétence exclusive de la juridiction administrative.

À cet égard, la qualification de la grille litigieuse n'a d'une part pas vocation à être arbitrée par le juge des référés, étant observé qu'elle ne relève pas d'une appréciation évidente résultant du seul examen des documents produits : il n'appartient ainsi pas au juge des référés de valider ou d'infirmer la qualification de « partie commune » concernant cette grille, alors que seul le juge du fond aura vocation à statuer sur ce point.

D'autre part, les termes des conventions produites ne sont pas clairs et précis, de sorte qu'il n'est pas davantage manifeste qu'il n'incombe à la MEL ou à la société Soreli aucune obligation dans l'entretien de la grille litigieuse. La nécessaire interprétation de ces conventions implique également que seul le juge du fond puisse trancher cette question, notamment pour articuler les attributions respectives entre ces dernières et le syndicat des copropriétaires dans l'entretien de cette grille.

Enfin, l'appréciation des conditions d'application de la responsabilité du gardien du fait de la chose placée sous sa garde excède les attributions du juge des référés, dès lors qu'elles renvoient nécessairement à un examen du fond, s'agissant tant de l'existence d'une faute reprochée à M. [V] que de son caractère exclusif de toute responsabilité du gardien.

En définitive, alors qu'il n'est pas démontré que ses demandes sont manifestement vouées à l'échec, M. [V] produit à l'inverse des documents qui laissent apparaître que la recherche de responsabilité à l'encontre de chaque protagoniste mis en cause n'est en tout état de cause pas exclue, l'intensité des contestations soulevées entre ces derniers étant à lui-seul révélateur du caractère de la nécessité d'un examen au fond des moyens invoqués.

La recherche des conséquences corporelles de sa chute s'inscrit ainsi dans un litige potentiel ayant vocation à rechercher, dans le cadre d'une instance ultérieure au fond, la ou les responsabilités des différentes personnes assignées par M. [V]. Il en résulte qu'il démontre l'existence d'un motif légitime à solliciter une mesure d'instruction à l'encontre de chacun des protagonistes ayant été assigné en référé.

Par ailleurs, la détermination des préjudices corporels subis par M. [V] présente un lien direct avec l'objet du litige éventuel, alors que la preuve de tels préjudices est bien a priori susceptible d'être utilisée dans l'éventuel futur procès au fond. Une telle mesure d'instruction est par conséquent utile et pertinente.

Il convient par conséquent de réformer l'ordonnance critiquée en sa seule disposition ayant ordonné la mise hors de cause de Effia Stationnement et de la société HDI Global SE.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

La partie défenderesse à une mesure ordonnée sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut être considérée comme une partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile (2e Civ., 10 février 2011, pourvoi n° 10-11.774, Bull. 2011, II, n° 34). En effet, les mesures d'instruction sollicitées avant tout procès le sont au seul bénéfice de celui qui les sollicite, en vue d'un éventuel procès au fond, et sont donc en principe à la charge de ce dernier.

En revanche, il est possible de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens (2e Civ., 27 juin 2013, pourvoi n° 12-19.286, Bull. 2013, II, n° 148).

Le sens du présent arrêt conduit :

d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

et d'autre part, à condamner chaque partie à supporter ses dépens d'appel et à rejeter les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure au titre de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme l'ordonnance rendue le 10 mai 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille dans toutes ses dispositions critiquées, sauf en ce qu'il a ordonné la mise hors de cause de Effia Stationnement et de la société HDI Global SE ;

L'infirme de ce seul chef et statuant à nouveau ;

Dit que M. [R] [V] justifie d'un motif légitime à solliciter l'organisation d'une mesure d'instruction à l'encontre de la société Effia Stationnement et de la société HDI Global SE ;

Dit qu'il y a par conséquent lieu à référé-expertise à l'égard de la société Effia Stationnement et de la société HDI Global SE et que ces dernières sont parties aux opérations d'expertise ordonnée par le juge des référés de Lille à l'égard de M. [R] [V] par ordonnance du 10 mai 2022 ;

Laisse à chaque partie la charge des dépens qu'elles ont respectivement exposés en appel ;

Dit n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles respectivement exposés en appel par les parties en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/02579
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;22.02579 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award