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16/03/2023 | FRANCE | N°21/05751

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 16 mars 2023, 21/05751


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 16/03/2023





****





N° de MINUTE : 23/105

N° RG 21/05751 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6MZ



Jugement (N° 11-20-476) rendu le 18 Août 2021 par le Tribunal de proximité de Tourcoing







APPELANT



Monsieur [V] [S]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 7]



Représenté par Me Benjamin Mill

ot, avocat au barreau de Lille, avocat constitué





INTIMÉE



Madame [P] [W]

née le [Date naissance 1] 1963

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]



Représentée par Me François-Xavier Lagarde, avocat au barreau...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 16/03/2023

****

N° de MINUTE : 23/105

N° RG 21/05751 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T6MZ

Jugement (N° 11-20-476) rendu le 18 Août 2021 par le Tribunal de proximité de Tourcoing

APPELANT

Monsieur [V] [S]

de nationalité Française

[Adresse 6]

[Localité 7]

Représenté par Me Benjamin Millot, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉE

Madame [P] [W]

née le [Date naissance 1] 1963

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me François-Xavier Lagarde, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Antoine Hivet, avocat au barreau de Lille

DÉBATS à l'audience publique du 04 janvier 2023 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 décembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Mme [P] [W] est propriétaire occupante d'un immeuble à usage d'habitation sis [Adresse 10], cadastré section AS 01 n°[Cadastre 3]. L'arrière de sa parcelle jouxte le terrain appartenant à M. [V] [S], sis [Adresse 6], cadastré section AS 01 n°[Cadastre 2].

Mme [W] s'est plainte de l'installation au fond de la parcelle de son voisin d'un poulailler abritant un coq, qui coquerique à intervalles réguliers du milieu de la nuit jusqu'au matin.

Reprochant à M. [S] de ne pas s'être conformé à l'engagement qu'il avait pris en conciliation, selon lequel il devait bâcher le poulailler et y rentrer chaque soir le volatile, Mme [W] l'a, par requête reçue au greffe le 1er décembre 2020, fait convoquer devant le tribunal de proximité de Tourcoing pour obtenir sa condamnation à faire cesser le trouble anormal de voisinage résultant du chant du coq, et à lui payer des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 18 août 2021, le tribunal de proximité de Tourcoing a :

dit n'y avoir lieu à condamnation de M. [S] à réaliser de nouveaux travaux de bâchage hermétique du poulailler, lesdits travaux ayant d'ores et déjà été réalisés ;

condamné à compter du prononcé du jugement M. [S] à rentrer chaque soir son coq dans le poulailler fermé hermétiquement et occulté, ce jusqu'au lendemain 7 heures du matin en semaine et 8 heures du matin le dimanche ;

rejeté la demande d'astreinte ;

condamné M. [S] à verser à Mme [W] la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts ;

débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts dirigée à l'encontre de Mme [W] du fait des troubles anormaux de voisinage ;

condamné Mme [W] à procéder ou faire procéder par toute personne de son choix à la modification de la descente d'eau de la toiture de son abri de jardin permettant d'assurer la récupération des eaux pluviales sur son propre fonds, ce dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement ;

dit qu'il appartiendrait à M. [S] de laisser Mme [W], et/ou toute personne désignée par celle-ci, accéder à sa propriété afin de procéder à la réalisation de ces travaux de modification de la descente d'eau de l'abri de jardin ;

dit que Mme [W] devait respecter un délai de prévenance de huit jours à l'égard de M. [S] dans le cadre de la réalisation desdits travaux ;

rejeté la demande d'astreinte ;

rappelé que l'exécution provisoire du jugement était de droit ;

condamné M. [S] aux entiers dépens ainsi qu'à verser à Mme [W] une indemnité procédurale de 500 euros ;

débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 12 novembre 2021, M. [S] a formé appel de ce jugement contradictoire en limitant sa contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 3, 4, 5, 11, 12 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses conclusions d'appelant n°1 notifiées le 8 février 2022, M. [S], appelant principal, demande à la cour, au visa des articles 544, 651, 681, 1353 du code civil et de la théorie des troubles anormaux du voisinage, de :

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

' jugé qu'il avait causé à Mme [W] un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage et l'a condamné à verser à cette dernière la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts ;

'l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts dirigée à l'encontre de Mme [W] du fait des troubles anormaux de voisinage ;

'condamné Mme [W] à procéder ou faire procéder par toute personne de son choix à la modification de la descente d'eau pluviale de la toiture de son abri de jardin permettant d'assurer la récupération des eaux pluviales sur son propre fonds dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement rendu ;

'rejeté sa demande d'astreinte formulée à ce titre ;

'l'a condamné, outre aux entiers dépens, à verser à Mme [W] une indemnité procédurale de 500 euros ;

statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu à le condamner du fait des troubles anormaux de voisinage ;

- condamner Mme [W] à lui verser la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts pour trouble anormal de voisinage ;

- condamner Mme [W] à faire procéder à ses frais et dans les règles de l'art à la dépose de la toiture de son abri de jardin et à l'inversion de sa pente afin de permettre la récupération et l'évacuation des eaux pluviales sur son propre fonds ;

- assortir cette obligation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- condamner Mme [W], outre aux entiers frais et dépens de la présente instance, à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, M. [S] fait valoir que :

- il s'est conformé au procès-verbal de conciliation rédigé le 30 septembre 2020, et a consenti à rentrer le coq chaque soir et à bâcher son poulailler ;

- il appartient à celui qui invoque la théorie des troubles anormaux du voisinage de démontrer l'existence et l'importance des nuisances en provenance de propriété voisine ;

- Mme [W] n'a cessé de le harceler pour qu'il se sépare de son gallinacé ;

- les deux seules attestations produites par Mme [W] sont établies pour les besoins de la cause ;

- de nombreux voisins témoignent ne pas être importunés par son coq ;

- Mme [W] ne se plaint des chants du coq que durant quelques semaines ;

- le procès-verbal de conciliation qu'il a respecté a contribué à régler le litige ;

- en multipliant les mises en demeure à son égard, Mme [W] a attisé leur conflit ;

- sa voisine n'a pas fait procéder aux travaux lui incombant pour faire cesser le trouble anormal de voisinage qu'il subit en raison du déversement sur son poulailler des eaux pluviales provenant de l'abri de jardin de Mme [W], ce qui engendre de graves conséquences sanitaires pour sa volaille.

Suivant message reçu par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 3 janvier 2023 à 17 heures 20, le conseil de M. [S] s'associe à la demande de rabat de l'ordonnance de clôture formulée par l'intimée.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 2 janvier 2023, Mme [W], intimée et appelante incidente, demande à la cour, de :

- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture du 12 décembre 2022 et fixer la clôture au 4 janvier 2023 ;

- au visa des articles 1243 et 1240 du code civil, et de la théorie des troubles anormaux de voisinage, dire bien jugé, mal appelé ;

- confirmer le jugement critiqué en ce qu'il a retenu l'existence d'un trouble anormal de voisinage occasionné par le coq appartenant à M. [S] ;

- condamner M. [S] à lui verser la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du trouble anormal de voisinage ;

- juger que les travaux de dévoiement des eaux pluviales de l'appentis lui appartenant ont été exécutés le 8 décembre 2021 ;

- infirmer le jugement critiqué en ce qu'il l'a condamnée à procéder ou faire procéder par toute personne de son choix à la modification de la descente d'eau de la toiture de son abri de jardin permettant d'assurer la récupération des eaux pluviales pluviales sur son propre fonds ;

- débouter M. [S] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamner M. [S] aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel ;

- condamner M. [S] à lui verser la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, Mme [W] fait valoir que :

- ne supportant plus les cris quotidiens de l'animal, elle a été contrainte de déménager en cours de procédure d'appel, et elle a cru bon devoir actualiser ses écritures sur ce point ;

- l'installation d'un poulailler est susceptible de générer des troubles dépassant les inconvénients normaux de voisinage en raison de la récurrence et de l'intensité des cris du gallinacé en zone urbanisée ;

- lors de la conciliation, M. [S] a reconnu que son coq chantait dès quatre heures du matin et tout au long de la journée, puis a accepté de bâcher le poulailler afin d'y occulter la lumière du jour et éviter ainsi les cocoricos ; or il n'a en réalité jamais procédé ni fait procéder à la fermeture hermétique de cet enclos ;

- dès lors qu'elle ne réside plus à proximité du poulailler, elle se désiste de ses demandes de condamnation de M. [S] à rentrer les volailles et à clore hermétiquement le poulailler ;

- elle a subi un préjudice moral dans la mesure où elle a été réveillée chaque nuit par les cris du coq ;

- elle a confié le 8 décembre 2021 à la société Allo couvreur l'exécution des travaux de modification de la descente d'eaux pluviales de son abri de jardin, et a réglé la facture du 15 décembre 2021 d'un montant de 680 euros ;

- en tout état de cause, elle n'a plus qualité pour faire exécuter des travaux sur un bien dont elle n'est plus propriétaire depuis le 25 juillet 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 12 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les « dire », les « juger » et les « constater » qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

 

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Aux termes de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation. [']

L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après ouverture des débats, par décision du tribunal.

En l'espèce, la clôture de la mise en état a été initialement fixée au 12 décembre 2022. Mme [W] a sollicité la révocation de l'ordonnance de clôture motif pris d'un changement important dans les circonstances de fait, et M. [S] a acquiescé à sa demande.

Les parties ayant exprimé leur accord à l'audience sur ce point, la révocation de cette ordonnance est prononcée, et la clôture de l'instruction est de nouveau prononcée, dans des conditions permettant de prendre en compte les dernières conclusions de Mme [W] déposées le 2 janvier 2023.

En conséquence, la clôture de la procédure sera prononcée le 4 janvier 2023 à la date des débats.

Sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage pour nuisances sonores

Aux termes de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi ou les règlements.

Aux termes de l'article 651 du code civil, la loi assujettit les propriétaires à différentes obligations l'un à l'égard de l'autre, indépendamment de toute convention.

Il en résulte que nul ne doit causer à autrui un trouble anormal du voisinage ; il appartient aux juges du fond de rechercher si les nuisances, même en l'absence de toute infraction aux règlements, n'excèdent pas les inconvénients normaux du voisinage.

Il est rappelé à cet égard que le respect de dispositions légales, réglementaires ou techniques n'exclut pas en soi l'existence éventuelle de troubles excédant les inconvénients normaux du voisinage.

S'agissant d'un régime de responsabilité objectif, spécifique et autonome, le constat d'un dommage en lien certain et direct de cause à effet avec le trouble anormal suffit à entraîner la mise en 'uvre du droit à réparation de la victime du dommage indépendamment de toute faute commise.

Sur ce,

Concernant les nuisances sonores dont se plaint Mme [W], M. [S] a reconnu lors de la conciliation, dans un procès-verbal d'accord régularisé le 30 septembre 2020, que le coq lui appartenant, qui chantait dès 4 heures le matin et tout au long de la journée, causait à sa voisine un trouble de voisinage. Pour mettre un terme à leur différend, M. [S] s'est engagé à rentrer son coq le soir dans le poulailler, à bâcher le poulailler pour y occulter la lumière, et à ne pas libérer ses gallinacés avant 7 heures du matin en semaine et 8 heures le dimanche.

M. [S] a toutefois réfuté causer à sa voisine un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Pour établir les faits qu'elle dénonce, Mme [W] produit, outre le constat d'accord rappelé ci-dessus :

- des lettres de mise en demeure adressées à son voisin le 10 juillet, 15 octobre, et 1er novembre 2020 ;

- un relevé des cris du coq, établi par ses soins sur dix-sept jours, entre le 27 juillet et le 6 septembre 2020, dont il résulte des dizaines de cocoricos entendus dès quatre ou cinq heures du matin ;

- une attestation du 24 novembre 2020 de Mme [K], qui témoigne avoir résidé [Adresse 9] pendant vingt années, avoir souffert des nuisances sonores nocturnes du coq appartenant à M. [S], à qui elle a signifié plusieurs fois ces désagréments, mais qui n'a pris aucune disposition pour les faire cesser ;

- une attestation du 30 novembre 2020 de Mme [I], qui indique habiter [Adresse 8] depuis décembre 2013, et confirme « les nuisances sonores nocturnes et diurnes du coq appartenant » à M. [S] ;

- des photographies non datées ;

- des articles de presse.

Le relevé des nuisances sonores réalisé par Mme [W] elle-même est dépourvu de valeur probante, dès lors que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même.

De son côté, M. [S] produit plus d'une dizaine attestations de voisins et riverains qui témoignent n'avoir jamais été gênés par les cris du coq lui appartenant ; ils ajoutent que celui-ci a effectué en novembre 2020 les aménagements auxquels il s'était engagé, à savoir l'occultation de la lumière dans le poulailler, et qu'il ne libérait plus ses gallinacés qu'après 8 heures du matin, de sorte qu'ils n'entendaient plus l'animal coqueriquer.

Si Mme [W] prétend dans ses conclusions que les cocoricos incessants du gallinacé ont troublé son sommeil et sa tranquillité nocturne et diurne dans le secteur urbain où elle résidait, force est de constater, d'une part, qu'elle ne circonscrit pas la période durant laquelle ces nuisances sont survenues et, d'autre part, que les photographies, le constat d'accord, le relevé des nuisances sonores qui n'est pas une preuve recevable, et les deux seules attestations produites sont manifestement insuffisantes à en rapporter la preuve, et ce d'autant que la plupart des riverains ne se plaignent nullement des cris intempestifs du coq à proximité de leur domicile.

En effet, l'anormalité du bruit généré par la présence d'un coq et d'un poulailler sur la parcelle voisine doit être établie par des mesurages et des données concrètes et fiables. Il n'est produit à cet égard aucun procès-verbal de constat d'huissier, aucune expertise amiable ou judiciaire, aucun calcul d'émergence sonore ni mesurage des niveaux sonores dans les règles de l'art permettant de faire la démonstration du caractère excessif du bruit à raison de son intensité, de sa répétition, ou de sa persistance nocturne et diurne.

En l'état de l'ensemble de ces éléments, il n'est pas suffisamment démontré que le coq cause par sa présence en zone péri-urbaine à proximité de l'immeuble d'habitation de Mme [W] des inconvénients d'une importance, d'une intensité et d'une répétition telles, en raison des émissions sonores alléguées, qu'ils dépassent les troubles normaux de voisinage.

Il s'ensuit que la responsabilité de M. [S] n'est pas engagée sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage, et que Mme [W] sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts réparant un trouble anormal de voisinage.

Le jugement dont appel sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [S] à verser à Mme [W] la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts.

Subsidiairement, sur la responsabilité du fait des animaux

Aux termes de l'article 1243 du code civil, le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé.

En application de ces dispositions, il convient de rappeler que, si la victime d'un dommage provoqué par un animal n'a pas à prouver l'existence d'une faute pour obtenir réparation, et si le fait que l'animal soit égaré ou échappé au moment du dommage est sans incidence sur la responsabilité du gardien, encore faut-il que soient établis l'existence même d'un préjudice, l'intervention matérielle de l'animal dans la réalisation du dommage, ainsi que son rôle causal dans la survenance de ce dernier.

Pour démontrer la réalité de son préjudice, Mme [W] se contente de produire un certificat médical du 30 novembre 2020 de son médecin traitant, qui atteste lui prescrire des sédatifs homéopathiques depuis mai 2018, sans davantage de précision, de sorte que le lien de causalité entre son état de santé et les nuisances alléguées n'est nullement démontré en l'espèce.

Il s'ensuit que la responsabilité de M. [S] n'est pas engagée sur le fondement de l'article 1243 du code civil.

Sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage pour infiltrations d'eaux pluviales sur le fonds voisin

Concernant les nuisances liées aux infiltrations d'eaux pluviales sur la parcelle de M. [S], celui-ci verse au débat des attestations dont il résulte que les eaux pluviales s'écoulant sur la toiture du cabanon de Mme [W] débordaient en cas d'intempéries au point de se déverser dans son poulailler.

Mme [W] s'est engagée, dans le procès-verbal de constat d'accord du 30 septembre 2020, à modifier la descente d'eau de son cabanon afin qu'elle se déverse sur sa propriété, aboutisse dans une citerne de récupération, et ce dans les deux mois suivant l'accord.

Mme [W] verse au débat des photographies, bien que non datées, qui montrent à l'évidence que les travaux de réfection de la gouttière de son cabanon ont été entièrement exécutés, et assurent l'écoulement des eaux pluviales sur son fonds.

Elle produit également la facture acquittée d'un montant de 680 euros, émise le 15 décembre 2021 par l'entreprise Allô couvreur, pour des travaux de pose d'une gouttière en zinc, pose des coudes et tuyaux de descente, raccordement au récupérateur d'eau.

Après avoir fait exécuter les travaux qui lui incombaient, Mme [W] a vendu l'immeuble litigieux suivant acte de cession du 25 juillet 2022 de sorte que, n'étant plus désormais propriétaire des lieux, elle ne peut être condamnée à faire procéder à ses frais et dans les règles de l'art à la dépose de la toiture et à l'inversion de la pente de l'abri de jardin, qui ne lui appartient plus, afin de permettre la récupération et l'évacuation des eaux pluviales sur son propre fonds.

Hormis des témoignages recueillis en 2020 et 2021 au sujet de l'humidité du poulailler en cas de fortes précipitations, M. [S] ne verse au débat aucun constat d'huissier, aucune expertise amiable, aucun avis de technicien venant démontrer la réalité et la persistance du trouble qu'il allègue au regard de sa fréquence, de son intensité ou de sa récurrence au point de compromettre la santé de ses gallinacés.

Il s'ensuit que la responsabilité de Mme [W] n'est pas engagée sur le fondement de la théorie du trouble anormal de voisinage, et que M. [S] sera débouté de l'ensemble des demandes formées à ce titre contre celle-ci.

Le jugement dont appel sera confirmé sur ce point.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement dont appel sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

Chaque partie conservera à sa charge ses frais et dépens de première instance et d'appel.

L'équité conduit à débouter les parties de leur demande d'indemnité de procédure de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Ordonne, à la demande des parties, la révocation de l'ordonnance de clôture rendue le 12 décembre 2022 ;

Ordonne la clôture de la procédure au 4 février 2023 ;

Confirme en ses dispositions critiquées dans l'acte d'appel le jugement rendu le 18 août 2021 par le tribunal de proximité de Tourcoing, sauf en ce qu'il a :

- condamné M. [V] [S] à verser à Mme [P] [W] la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts ;

- condamné M. [V] [S] aux entiers dépens ainsi qu'à verser à Mme [P] [W] une indemnité procédurale de 500 euros ;

L'infirme de ces chefs ;

Prononçant à nouveau de chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute Mme [P] [W] de sa demande de dommages et intérêts pour trouble anormal de voisinage ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens de première instance et d'appel ;

Déboute M. [V] [S] et Mme [P] [W] de leur demande d'indemnité de procédure de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La Greffière Le Président

Harmony Poyteau Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/05751
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.05751 ?
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