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16/03/2023 | FRANCE | N°21/05183

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 16 mars 2023, 21/05183


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 16/03/2023





****





N° de MINUTE : 23/106

N° RG 21/05183 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T4CP



Jugement (N° 11-21-346) rendu le 23 Juillet 2021 par le Tribunal de proximité de Roubaix





APPELANTE



SA CARMA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

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Représentée par Me Emmanuel Masson, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Eddine Denfer-Djeffal, avocat au barreau de Lille



INTIMÉ



Monsieur [E] [K]

né le [Date naissance 1] 1994 à...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 16/03/2023

****

N° de MINUTE : 23/106

N° RG 21/05183 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T4CP

Jugement (N° 11-21-346) rendu le 23 Juillet 2021 par le Tribunal de proximité de Roubaix

APPELANTE

SA CARMA, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Représentée par Me Emmanuel Masson, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Eddine Denfer-Djeffal, avocat au barreau de Lille

INTIMÉ

Monsieur [E] [K]

né le [Date naissance 1] 1994 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 9]

Représenté par Me Stéphanie Dumetz, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,

DÉBATS à l'audience publique du 04 janvier 2023 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Marlène Tocco

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 janvier 2023

****

Exposé du litige

1. Les faits et la procédure antérieure :

Le 21 février 2020, M.[E] [K] a fait l'acquisition d'un véhicule Citroën de type C4 Cactus immatriculé [Immatriculation 6] et a souscrit auprès de la SA Carma (Carma) un contrat d'assurance automobile pour garantir son véhicule le 22 février 2020.

Le 3 juin 2020 à 00 heure 25, le véhicule de M.[K] a été impliqué dans un accident de la circulation à [Localité 7] en Belgique alors qu'il était conduit par une femme, laquelle s'est enfuie après l'arrivée des policiers belges.

Le 3 juin 2020 à 21 heures 40, M.[K] a déposé plainte au commissariat de [Localité 9] pour le vol de son véhicule et a déclaré le vol de son véhicule à son assureur le 6 juin 2020 en indiquant qu'il n'y avait pas eu d'effraction pour accéder au véhicule qui était garé ni vol des clés, que le véhicule était fermé à clé, que les clés ne se trouvaient pas dans le véhicule et n'avaient pas disparu.

Le véhicule a été rapatrié en France pour mise en 'uvre d'une expertise amiable confiée au cabinet Bca expertises.

L'expert et l'agent de recherches privées mandatés par la Carma ayant tous deux conclu qu'aucune autre clé n'avait été créée et utilisée dans le cadre des faits litigieux, la Carma a indiqué à M.[K] par courrier du 4 janvier 2022 qu'il n'y avait pas eu de manipulation électronique de son véhicule et que par conséquent, la garantie Vol n'était pas acquise et qu'il perdait tout droit à garantie.

Par acte d'huissier de justice du 15 avril 2021, M.[K] a fait assigner la Carma devant le tribunal de proximité de Roubaix aux fins de la voir condamner notamment au paiement d'une somme de 8'500 euros à titre d'indemnisation de son véhicule avec intérêts au taux légal à compter du 8 mars 2021, outre une somme de 300 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement du 23 juillet 2021, le tribunal de proximité de Roubaix a notamment :

- condamné la Carma à verser à M.[K] la somme de 8 100 euros ;

- débouté M.[K] de sa demande en dommages-intérêts pour résistance abusive ;

- condamné la Carma à lui verser une indemnité de 1'206,12 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la Carma aux dépens.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 7 octobre 2021, la Carma a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à M.[K] la somme de 8 100 euros et une indemnité de 1'206,12 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il l'a condamnée aux dépens.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 avril 2022, la Carma demande à la cour, au visa de l'article 1353 du code civil, de :

=$gt; réformer le jugement rendu le 23 juillet 2021 par le tribunal de proximité de Roubaix en ce qu'il l'a :

- condamnée à verser à M.[K] la somme de 8'100 euros ;

- condamnée à lui verser une indemnité de 1'206,12 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamnée aux dépens ;

statuant à nouveau, à titre principal,

- débouter M.[K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dès lors qu'il n'établit pas la réalité du vol ;

- prononcer sa déchéance de garantie ;

à titre subsidiaire,

- débouter M.[K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions aux motifs qu'il n'apporte pas la preuve de la réalité du paiement de la valeur du véhicule et de la provenance des fonds au regard des dispositions relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux ;

en tout état de cause,

- le condamner à lui payer la somme de 2'500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner en tous les dépens de première instance et d'appel.

Elle fait valoir que :

- les conditions générales du contrat souscrit par M.[K] stipulent que «'la tentative de vol ou le vol se caractérise :

'Dans le cas où le véhicule est retrouvé, dès lors que sont réunis des indices sérieux rendant vraisemblable le vol du véhicule et marquant l'intention des voleurs.

Ces indices sont constitués par des traces matérielles relevées sur le véhicule telles que forcement de la direction, de la serrure du contact électrique, des fils électriques, de la batterie, du système antivol.

À défaut, il vous appartiendra de rapporter la preuve de la réalité du sinistre ;

'Par des menaces ou violences dument constatées'».

- les conditions générales stipulent également : «'en cas de fausse déclaration faite sciemment sur la nature, les causes, le montant, les circonstances ou les conséquences d'un sinistre, vous perdez, pour ce sinistre, le bénéfice des garanties de votre contrat'» ;

- le formulaire de déclaration de vol de véhicule régularisé par M.[K] comporte la mention manuscrite «'certifié sur l'honneur, sincère et véritable'» et la mention «'toute omission ou toute déclaration qui se révélerait inexacte, notamment en cas de découverte du véhicule volé, entrainerait un reversement immédiat du trop-perçu et, en cas de déclaration intentionnellement fausse, la perte de tous droits à garantie et le remboursement intégral de l'indemnité perçue (sans préjudice des poursuites qui pourraient être exercées)'» ;

- elle a ainsi fait application de ces stipulations pour déchoir M.[K] de son droit à garantie dès lors que contrairement à ce qu'il a déclaré, la réalité du vol n'était pas établie ;

- en effet, s'il n'est pas contesté qu'il est aujourd'hui possible de démarrer un véhicule sans le détériorer, le véhicule ne présentait aucune trace d'effraction ses ouvrants ou sur l'antivol de direction à commande mécanique (neiman) et l'expert a constaté que les clés fonctionnaient correctement sur le véhicule puisqu'après les avoir introduites dans le neiman de direction, il a constaté que les clés débloquaient la direction et mettaient le moteur en marche. Or, si une autre clé supplémentaire avait été reprogrammée, les clés d'origine ne pourraient plus démarrer dès lors qu'il est nécessaire de les reprogrammer dans le même temps. Après prise de renseignements auprès du constructeur du véhicule, il est établi que le véhicule a été vendu avec deux clés lors de l'achat. De plus, le véhicule a été retrouvé avec le volant de direction bloqué par le neiman et le déblocage a été possible grâce aux clés en possession de M.[K]. Par conséquent, la personne qui conduisait le véhicule en est descendue après l'accident après avoir bloqué le neiman de direction à l'aide de la clé puis l'a retirée, ce qui implique que la conductrice était en possession de l'une des deux clés pourtant en possession de M.[K] ;

- ce fait est d'autant plus troublant que le véhicule aurait été dérobé sur un parking privé et sécurisé ;

- M.[K] ne rapporte pas la preuve que le véhicule ait été volé au sens du contrat ;

- contrairement à ce qu'allègue M.[K], les conditions générales de la police ne sont pas abusives, la clause prétendument litigieuse ne limite pas la preuve du sinistre à des indices prédéterminés. Elle prévoit que, lorsque le véhicule est retrouvé, des indices sérieux rendant vraisemblable le vol doivent être démontrés sans pour autant exiger la démonstration d'indices prédéterminés et la clause propose des exemples d'indices mais d'autres indices peuvent être rapportés par l'assuré et n'est donc en aucun cas abusive ;

- des indices laissent au contraire penser à une fraude : l'accident litigieux a eu lieu en réalité à 47 kilomètres du domicile de M.[K] et non à 160 kilomètres ; la conductrice du véhicule ayant causé l'accident s'est enfuie en direction de [Localité 8] après l'arrivée de la police, elle est montée dans un véhicule venu la chercher avec à son bord quatre personnes ; cette conductrice a déclaré être Mme [I] [I] [U], mais l'enquête a établi qu'il s'agissait d'une usurpation d'identité et les services de police belges ont convoqué M.[K] et son épouse, Mme [M] [R], mais ceux-ci n'ont jamais donné suite à ces convocations ; leur prétendue coopération avec les services de police français ne saurait expliquer leur absence de coopération avec les services de police belges ; la conductrice du véhicule lors de l'accident litigieux était, en effet, plus que probablement Mme [R] ; il s'agit de la conclusion des policiers belges après avoir reçu la photographie de Mme [R], ceux-ci ayant vu la conductrice avant qu'elle ne prenne la fuite ;

- à titre subsidiaire, les conditions d'acquisition de ce véhicule le 21 février 2020 sont également particulièrement étranges : d'une part, le paiement en espèces auprès d'un professionnel ne peut être supérieur à la somme de 1'000 euros conformément au décret n°2015-741 du 24 juin 2015 pris pour l'application de l'article L.'112-6 du code monétaire et financier relatif à l'interdiction du paiement en espèces de certaines créances ; d'autre part, M.[K] a justifié l'origine des fonds en expliquant qu'il disposait de 2'000 euros en espèces et que les 6'500 euros restant proviennent de la vente du véhicule de son épouse. Or, la compagnie d'assurance de ce deuxième véhicule a indiqué que le véhicule n'aurait été vendu que le 12 juillet 2020, soit postérieurement à l'acquisition du véhicule Citroën, de sorte que la provenance des fonds ayant servi à l'acquisition du véhicule de M.[K] n'est pas établie. Ainsi, conformément à la jurisprudence, à l'ordonnance n°2009-104 relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme, de ses décrets d'application n°2008-874 et 2009-1087, de la directive européenne 2005/60-CE et de l'article L.'561-2 du code monétaire et financier, après avoir respecté ses obligations de collecte d'informations concernant ses assurés sur l'origine des fonds, elle est bien fondée à refuser d'exécuter toute opération d'indemnisation à la suite du sinistre déclaré, dès lors que l'acquisition du véhicule assuré s'avère être une opération «'se présentant dans des conditions inhabituelles de complexité et ne paraissant pas avoir de justification économique'» ;

- M. [K] est d'ailleurs particulièrement taisant sur ce point et n'établit pas en réponse la provenance des fonds.

4.2 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 5 décembre 2022, M.[K] demande à la cour de :

à titre principal,

=$gt; confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il l'a - débouté de sa demande de résistance abusive ;

-déclarer que la clause «'VOL'» dont se prévaut la Carma est abusive et dire que cette dernière est réputée non écrite ;

y ajoutant

- condamner la Carma à lui verser la somme de 300 euros à titre de résistance abusive ;

- la condamner à lui verser la somme de 3'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

- la condamner aux entiers frais et dépens.

Il fait valoir que :

- l'absence d'effraction ne saurait exclure la prise en charge du sinistre par son assurance ;

- la jurisprudence constante considère qu'une clause conditionnant l'indemnisation de l'assuré sous réserve de la présence de traces d'effraction sur le véhicule est abusive dès lors que les vols sans trace d'effraction sont aujourd'hui matériellement possibles ;

- en définissant l'effraction par le forcement de la direction ou la détérioration des contacts électriques permettant la mise en route de tout système de protection antivol en phase de fonctionnement, l'assureur limite à des indices prédéterminés la preuve du sinistre alors qu'en application de l'article 1315 du code civil, la preuve est libre ;

- une telle définition contrevient aux dispositions de l'article R.'132-2 du code de la consommation qui précise que sont présumées abusives au sens des dispositions de l'article L.'132-1 du même code les clauses ayant pour objet ou pour effet de limiter indûment les moyens de preuve à disposition du non-professionnel ou du consommateur ;

- par conséquent, cette clause abusive doit être réputée non écrite ;

- il appartient à l'assureur de démontrer la mauvaise foi de l'assuré ;

en l'espèce, il justifie avoir déposé plainte pour les faits de vol ; son véhicule a été retrouvé à plus de 160 kilomètres de son domicile ; la conductrice de son véhicule s'est présentée comme étant Mme [I] [U] et si cette identité est usurpée, cela ne peut lui être imputé ; son épouse et lui ont été entendus par la police française ; la confusion provient de la police belge qui a indiqué que la conductrice semblait ressembler à son épouse à partir d'une photographie, mais il ne s'agit que d'une supposition ; ils n'ont pas été placés en garde à vue ; son épouse présente un signe distinctif, à savoir une cicatrice sur le front, dont le police belge n'a jamais fait état ;

- étant assuré tous risques, il n'aurait pas eu besoin de monter un tel stratagème ;

- il convient de l'indemniser de la valeur pour laquelle il a acquis son véhicule, soit la somme de 8'500 euros dès lors que le véhicule n'est pas économiquement réparable ;

- concernant l'acquisition du véhicule, il justifie de la facture d'achat certifiée conforme établie par la société auprès de laquelle il l'a acheté ;

- peu importe la manière dont il s'est acquitté de cette somme, quand bien même le fait d'avoir régler en espèces au-delà de 1'000 euros serait constitutif d'une infraction pénale, cela ne constitue pas une clause d'exclusion de garantie ;

- les dispositions du code monétaire et financier ne sont pas destinées à permettre à un assureur de s'affranchir des voies de droit destinées, en matière pénale ou en matière contractuelle, à démontrer la responsabilité d'un assuré dans une fraude justifiant un refus de garantie ;

- son assureur, conscient des nouveaux modes opératoires des vols de véhicules, est de mauvaise foi en ayant refusé de l'indemniser et il est fondé à solliciter la condamnation de la Carma à lui payer la somme de 300 euros à titre de résistance abusive.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 12 décembre 2022 par le président de la chambre chargé de la mise en état.

Motifs

La Carma demande à la cour de débouter M.[K] de ses demandes au motif qu'il n'établirait pas la réalité du vol et de prononcer la déchéance de la garantie. La déchéance de garantie étant une sanction contractuellement prévue privant le titulaire d'un droit de la possibilité de s'en prévaloir en raison de sa méconnaissance d'une obligation de faire ou de ne pas faire, et concerne l'inexécution d'une obligation contractuelle postérieure au sinistre, il convient au préalable de vérifier si la garantie est acquise.

Sur les conditions d'application de la garantie

Il résulte des articles 1103 et 1104 du code civil que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; elles doivent être exécutées de bonne foi de sorte que les co-contractants sont tenus d'un devoir de loyauté dans l'exécution de leurs obligations.

Il appartient par conséquent à l'assuré d'établir que sont réunies les conditions requises pour mettre en jeu la garantie. À défaut de rapporter une telle preuve, la garantie n'est pas acquise.

Concernant la charge de la preuve, c'est à l'assureur invoquant une exclusion de garantie qu'il incombe de démontrer la réunion des conditions de celle-ci. En revanche, il revient à l'assuré qui réclame à l'assureur l'exécution de son obligation de garantie en raison d'un sinistre, d'établir que celui-ci est survenu dans des circonstances de fait conformes aux prévisions de la police.

La clause qui prive l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque, s'analyse en une clause d'exclusion de garantie.

La requalification d'une condition de garantie en exclusion indirecte de risque renverse la charge de la preuve en faveur de l'assuré.

En l'espèce, l'assureur ne se prévaut d'aucune clause d'exclusion mais fait simplement valoir que les faits litigieux ne relèvent pas des conditions de la garantie. L'assuré de son côté soutient que la clause est abusive en ce qu'elle définit l'effraction en la limitant à des indices prédéterminés et a ainsi pour effet de limiter indûment les moyens de preuve.

Sur ce,

En application de l'article L. 212-1 du code de la consommation, «'dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

Sans préjudice des règles d'interprétation prévues aux articles 1188, 1189, 1191 et 1192 du code civil, le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. Il s'apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque les deux contrats sont juridiquement liés dans leur conclusion ou leur exécution.

L'appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l'objet principal du contrat ni sur l'adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.'».

En l'espèce, la discussion sur ce point ne porte que sur la clause en ce qu'elle stipule, pour la garantie «'VOL'» que :

«'Cette garantie assure une indemnisation en cas de :

'vol du véhicule assuré, ou de dommages consécutifs au vol ;

'dommages subis, lorsqu'il n'y a pas vol du véhicule lui-même, s'ils résultent d'une tentative de vol ou du vol de son contenu avec effraction ;

La tentative de vol, ou le vol se caractérise :

'dans le cas où le véhicule est retrouvé, dès lors que sont réunis des indices sérieux rendant vraisemblable le vol du véhicule et marquant l'intention des voleurs. Ces indices sont constitués par des traces matérielles relevées sur le véhicule telles que, forcement de la direction, de la serrure du contact électrique, des fils électriques, de la batterie, du système antivol. À défaut, il vous appartiendra de rapporter la preuve de la réalité du sinistre ;

'par des menaces ou violences dûment constatées'».

M.[K] considère qu'une telle définition des indices sérieux rendant vraisemblable le vol ou la tentative de vol présente un caractère abusif en ce qu'elle ne correspond plus à la réalité des techniques modernes mises en 'uvre pour voler des véhicules et en ce qu'elle a un caractère restrictif en limitant la preuve que peut rapporter l'assuré quant à la matérialité du vol.

Cependant, la cour observe, d'une part, que la clause critiquée porte sur l'objet principal du contrat, la couverture du risque et que cette clause est rédigée de façon claire et compréhensible. D'autre part, contrairement à ce qu'affirme l'assuré, cette clause ne limite pas la définition des «'indices sérieux'» à des indices prédéterminés mais, telle qu'elle est libellée, présente des exemples de traces matérielles pouvant caractériser des «'indices sérieux'». En effet, la mention «'telles que'» qui précède les traces matérielles énumérées permet d'affirmer qu'il ne s'agit que d'exemples et non d'une liste exhaustive des traces matérielles. La clause prévoit d'ailleurs que l'assuré conserve la liberté de la preuve pour démontrer la réalité du sinistre dans les situations où aucune des traces matérielles sus-énumérées ne seraient rapportées pour prouver l'existence d'indices sérieux.

Par ailleurs, il n'existe aucune obligation pour l'assureur d'étendre les conditions de sa garantie vol au vol réalisé sans effraction matérielle, à l'inverse de ce que soutient M. [K].

Par conséquent, la cour considère que cette clause n'est pas abusive, au sens de l'article L.'212-1 du code de la consommation.

S'agissant désormais des conditions de la garantie, comme exposé ci-dessus, il appartient à l'assuré de démontrer que son véhicule a été volé en rapportant, par des traces matérielles relevées sur le véhicule, la preuve d'indices sérieux rendant vraisemblable le vol du véhicule et marquant l'intention des voleurs.

La cour rappelle que l'assuré est présumé de bonne foi lorsqu'il déclare un vol à son assureur, après avoir valablement déposé plainte et déclaré le sinistre dans le délai contractuel imparti, ce qui est le cas en l'espèce, M.[K] ayant déposé plainte dès le 3 juin 2020.

Dans ses conclusions, l'expert ayant examiné le véhicule, M.'[T] [F], indique que :

«'Nous n'observons pas d'effraction sur les ouvrants du véhicule et l'antivol de direction à commande mécanique (le Neiman) ne présente pas d'effraction non plus. Le volant de direction est bloqué.

Nous nous rendons à nouveau chez CARRECO MOLINS CREAUTO [Adresse 3], avec les deux clés du véhicule.

Une clé avec une télécommande pour ouvrir et fermer les portes à distance et une autre clé sans télécommande.

Nous introduisons les deux clés dans les barillets des portes. Ceux-ci fonctionnent correctement.

Nous introduisons les deux clés dans le Neiman de direction. Celui-ci débloque le volant de direction.

Les deux clés par ailleurs mettent en marche le moteur sans difficulté.

(')

Après renseignement pris chez Citroën, le Citroën cactus est vendu avec deux clés lors de l'achat, une clé avec une télécommande et une autre clé sans télécommande.

Si une autre clé supplémentaire avait été reprogrammée au véhicule, les clés d'origine ne pourraient plus démarrer le véhicule.

En effet, les clés supplémentaires et les clés d'origine doivent être reprogrammées en même temps.

Compte tenu du manque de corrélation entre les dégradations constatées et les circonstances déclarées, nous n'imputons aucun dommage à cette déclaration de sinistre.'».

La cour constate que M.[K] ne conteste pas les conclusions de l'expert.

Dans son rapport d'enquête, l'agent de recherches privées mandaté par la Carma, indique notamment au sujet du parking privé la résidence dans laquelle le véhicule aurait été volé :

«'Il s'agit d'une résidence locative fermée, protégée par un portail électrique actionné par un badge vigic. Compte tenu des allées et venues, nous sommes parvenus à entrer sans difficulté dans la propriété.

La résidence dispose d'un parking intérieur à emplacements attitrés en extérieur et sous l'immeuble sans autre portail d'accès. M.[K] dispose d'un emplacement sous l'immeuble où se trouvait son véhicule avant le vol. Nous constatons qu'un véhicule plateau peut aisément man'uvrer dans ce parking au R.D.C. sous l'immeuble.

Lorsque nous avons quitté les lieux, le portail était entièrement ouvert suite à une panne.'».

Il rapporte également que M.[K] lui a notamment déclaré :

- avoir payé le véhicule en espèces pour un montant de 8'500 euros sans avoir fait de retrait bancaire ;

- avoir vendu le véhicule Citroën DS3 de son épouse, assuré par la Maaf, pour un montant de 6'400 euros payé en espèces et avoir ainsi pu payer les 8'500 euros avec 2'000 euros d'espèces qu'il détenait chez lui ;

- avoir eu deux clés ;

- avoir utilisé son véhicule le 2 juin 2020 pour se rendre à [Localité 8], être rentré vers 18 heures et avoir garé son véhicule sur son emplacement comme habituellement et ne pas laisser le badge vigic dans son véhicule ;

- n'être plus sorti de la soirée ni le 3 juin 2020 avant 17 heures 30 environ, étant en arrêt maladie ;

- être toujours en possession des deux clés du véhicule ;

- ne pas connaître Mme [I] [U] et ne rien avoir à voir avec l'accident.

L'agent de recherches privées indique encore :

- que l'assuré a déjà par le passé déclaré deux vols de véhicules ;

- s'être rendu au garage où le véhicule avait été transporté et, après vérification, avoir constaté que les deux clés étaient bien celles du véhicule ;

- une deuxième vérification a été faite avec M. [G] [D], expert du cabinet Bca expertises ;

- chacune des deux clés a permis de mettre le moteur en route, sans difficulté ;

- aucune effraction n'est relevée sur le contact ;

- l'expert a constaté que le calculateur du véhicule n'a absolument pas été programmé et ils en ont tous deux conclu que les clés ont été utilisées lorsque le véhicule circulait et a occasionné l'accident et qu'il s'agirait ainsi d'une fausse déclaration de vol ;

- avoir contacté la Maaf qui a exposé que Mme [M] [R], l'épouse de M. [K], a fait assurer son véhicule Citroën DS3 le 23 mars 2020, a fait une déclaration de vente du véhicule par téléphone le 13 août 2020 mais que le véhicule était toujours assuré par la Maaf le 16 septembre 2020, aucun justificatif de vente n'ayant été transmis ;

- en conséquence, la provenance des espèces n'est absolument pas justifiée, l'achat du véhicule de M.[K] datant du 21 février 2020 ;

- être entré en contact avec la police belge afin de transmettre l'identité de l'épouse de M.[K] et, qu'au vu de la description faite à la police belge et après communication d'une photographie de celle-ci, l'enquêteur belge lui a indiqué que Mme [R] «'est plus que probablement'» la conductrice du véhicule lors de l'accident ;

- M.[K] et son épouse ont été convoqués par la police belge mais n'y ont pas donné suite.

L'agent de recherches privées conclut ainsi que l'épouse de l'assuré était au volant du véhicule lors de l'accident et que l'assuré a déposé plainte pour vol afin d'échapper aux conséquences de cet accident.

Les pièces de la procédure pénale belge permettent de constater que la conductrice du véhicule de M.[K] s'est enfuie en montant à bord d'un véhicule venu la chercher occupé par quatre personnes non identifiées ; qu'elle avait au préalable déclaré être Mme [I] [U] et avait refusé de se soumettre à un contrôle d'alcoolémie et de produits stupéfiants ; que l'enquête a établi que cette identité était usurpée ; qu'à la vue d'une photographie de Mme [R], l'enquêteur belge présent sur les lieux de l'accident et ayant vu la conductrice avant qu'elle ne s'enfuit a indiqué que celle-ci «'est plus que probablement la conductrice'».

La cour observe par ailleurs que l'accident a eu lieu à moins de 50 kilomètres du domicile de M.[K] et non à 160 kilomètres de son domicile, contrairement à ce qu'il prétend.

Il résulte toutefois des éléments communiqués par M.[K] que son épouse a été entendue par les policiers français et que la procédure pénale française a fait l'objet d'un classement sans suite.

Ces éléments permettent à la cour d'en déduire qu'aucune preuve d'effraction du véhicule n'est rapportée et qu'il n'est démontré aucun indice sérieux, constitué par des traces matérielles relevées sur le véhicule, rendant vraisemblable le vol du véhicule et marquant l'intention des voleurs. Par conséquent, l'assuré échoue à rapporter la preuve que les conditions de la garantie sont réunies et que celle-ci peut être mise en 'uvre.

En conséquence, faute de démontrer que les conditions de la garantie vol automobile prévue au contrat sont remplies, M. [K] sera débouté de l'ensemble de ses demandes et le jugement sera infirmé en toutes ses dispositions déférées, à l'exception du chef déboutant M. [K] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Sur les dépens et la demande en application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

- et d'autre part, à condamner M.[K], outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, à payer à la Carma la somme de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La cour,

Infirme en toutes ses dispositions déférées le jugement rendu le 23 juillet 2021 par le tribunal de proximité de Roubaix sauf en ce qu'il a débouté M.[E] [K] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,

Le confirme de ce seul chef,

Prononçant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [E] [K] de l'ensemble de ses demandes,

Condamne M. [E] [K] aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne M. [E] [K] à payer à la SA Carma la somme de 2'500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/05183
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.05183 ?
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