République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 16/03/2023
N° de MINUTE : 23/279
N° RG 20/04374 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TIGT
Jugement rendu le 28 Septembre 2020 par le Juge des contentieux de la protection de Tourcoing
APPELANTE
SA Crédit Industriel et Commercial
[Adresse 9]
[Localité 10]
Représentée par Me Martine Vandenbussche, avocat au barreau de Lille, avocat constitué substitué par Me Olivier Playoust, avocat au barreau de Lille, assisté de Me Fanny Desclozeaux, avocat au barreau de Paris
INTIMÉS
Monsieur [V] [X]
né le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 12] - de nationalité Turque
[Adresse 5]
[Localité 8]
Madame [E] [R] épouse [X]
née le [Date naissance 4] 1982 à [Localité 11] (Belgique) - de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 8]
Représentés par Me Fabien Chirola, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 07 décembre 2022 tenue par Catherine Menegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 après prorogation du délibéré du 09 février 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 24 mars 2022
EXPOSE DU LITIGE
Suivant exploit d'huissier délivré le 22 mars 2017, le Crédit industriel et commercial a fait assigner en justice M. [V] [X] et Mme [E] [R] épouse [X] aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation solidaire à lui verser la somme de 20'487,40 euros au titre du déblocage du crédit renouvelable retracé sous le sous-compte n°[XXXXXXXXXX07], outre les intérêts au taux contractuel de 5,65 % l'an à compter du 17 janvier 2017, date de la première mise en demeure jusqu'à complet paiement, avec capitalisation des intérêts dus pour une année entière, et voir condamner solidairement M. [X] et Mme [R] aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement d'une indemnité procédurale de 2 000 euros.
Relevant que les défendeurs n'étaient pas signataires du contrat de crédit ainsi que de la convention d'ouverture de compte le tribunal de proximité de Tourcoing, par jugement contradictoire en date du 28 septembre 2020 a :
- prononcé la nullité pour absence de consentement de la convention d'ouverture de compte courant privé numéro [XXXXXXXXXX01] et de l'offre de contrat de crédit en réserve n° [XXXXXXXXXX06] [XXXXXXXXXX02] souscrite le 28 octobre 2015,
- débouté le Crédit industriel et commercial de sa demande de paiement par M. [X] et Mme [R] de la somme de 20'487,40 euros, des intérêts contractuels et de la capitalisation des intérêts,
- débouté le Crédit industriel et commercial de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre M. [X] et Mme [R],
- condamné le Crédit industriel et commercial à verser à M. [X] et Mme [R] la somme totale de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonné la suppression à la charge du Crédit industriel et commercial des informations concernant M. [X] et Mme [R] inscrites au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers au titre du contrat de crédit en réserve n° [XXXXXXXXXX06] [XXXXXXXXXX02], dans le délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision,
- rejeté la demande d'astreinte,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- condamné le Crédit industriel et commercial aux entiers dépens ainsi qu'au paiement à M. [X] et Mme [R] d'une indemnité procédurale 2 000 euros.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 28 octobre 2020, le Crédit industriel et commercial a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 mai 2021, il demande à la cour de :
Vu les articles L. 311 et suivants du code de la consommation,
vu les articles 1134 (devenu 1103) et suivants, 1217, 1240 (autrefois 1382), 1343-2, 1353, et 1984 du code civil,
- constater que le contrat de crédit renouvelable retracé sur le sous-compte n° [XXXXXXXXXX06] [XXXXXXXXXX02] a été valablement conclu, les consorts [X] n'apportant à aucun moment la preuve qu'ils ne seraient pas les signataires dudit contrat et qu'ils n'auraient pas bénéficié des fonds prêtés,
en conséquence,
- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
statuant à nouveau,
- condamner solidairement M. [X] et Mme [R] à lui payer la somme de 20'487,40 euros au titre du déblocage du crédit renouvelable retracé sur le sous-compte n° [XXXXXXXXXX06] [XXXXXXXXXX02] outre les intérêts au taux contractuel de
5,65 % l'an à compter du 17 janvier 2017, date de la première mise en demeure jusqu'à complet paiement,
- ordonner la capitalisation des intérêts dès que dus pour une année entière,
- à titre subsidiaire, si par impossible la juridiction de céans devait considérer que les consorts [X] ne sont pas liés contractuellement avec le Crédit industriel et commercial,
- constater que les consorts [X] ont commis des graves fautes extracontractuelles qui sont à l'origine du préjudice subi par le Crédit industriel et commercial,
- condamner solidairement M. [X] et Mme [R] à lui payer la somme de 20'487,40 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi,
en toute hypothèse,
- condamner solidairement M. [X] et Mme [R] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le Crédit industriel et commercial fait valoir que le contrat de crédit et la convention d'ouverture de compte litigieux ont été valablement conclus par les époux [X] qui n'apportent pas la preuve qu'ils ne seraient pas signataires de ces actes, ni qu'ils n'auraient pas bénéficié des fonds et conteste l'usurpation d'identité alléguée par les emprunteurs. Il ajoute que les fonds ont été débloqués et les mensualités du crédit renouvelable réglées de janvier à avril 2016, les époux [X], qui ont déposé plainte tardivement en janvier 2018, n'ayant jamais pris attache avec lui pour lui signaler une quelconque anomalie alors qu'ils ont reçu mensuellement le relevé de déblocage des fonds ainsi que des mises en demeure. La banque conteste également la véracité de l'attestation établie tardivement par le frère de M. [X] et soutient qu'en remettant sciemment leurs pièces financières au frère de M. [X], ils ont à tout le moins donné mandat à ce dernier afin de réaliser les opérations pour leur compte. S'agissant des dommages et intérêts alloués aux époux [X] par le premier juge, la banque fait valoir que ces derniers ne démontrent pas l'existence de leur préjudice.
A titre subsidiaire, le Crédit industriel et commercial soutient que si la cour considérait que les intimés ne sont pas signataires de l'offre de crédit et de la convention d'ouverture de compte litigieux, elle ne pourrait que constater qu'ils ont commis une faute délictuelle grave en remettant au frère de M. [X] tous les éléments nécessaires à la constitution d'un dossier de crédit et en acceptant sciemment de prêter leur identité, ce qui lui cause un préjudice égal montant de crédit obtenu.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 juillet 2021,
M. [X] et Mme [R] demandent à la cour de :
Vu les dispositions des articles 287 et suivants du code de procédure civile,
vu les dispositions des anciens articles 1108, 1315 et 1304 du code civil,
vu la jurisprudence subséquente,
à titre principal :
- confirmer le jugement du 28 septembre 2020 rendu par le juge des contentieux de la protection de [Localité 8] en ce qu'il a statué selon les dispositions suivantes :
- prononce la nullité pour absence de consentement de la convention d'ouverture de compte courant privé numéro [XXXXXXXXXX01] et de l'offre de contrat de crédit en réserve n° [XXXXXXXXXX06] [XXXXXXXXXX02] souscrite le 28 octobre 2015,
- déboute le Crédit industriel et commercial de sa demande de paiement par M. [X] et Mme [R] de la somme de 20'487,40 euros, des intérêts contractuels et de la capitalisation des intérêts,
- déboute le Crédit industriel et commercial de sa demande de dommages et intérêts dirigée contre M. [X] et Mme [R],
- condamne le Crédit industriel et commercial aux entiers dépens ainsi qu'au paiement à M. [X] et Mme [R] d'une indemnité procédurale de
1 000 euros.
- le confirmer en ce qu'il a condamné le Crédit industriel et commercial à réparer le préjudice subi par eux et en ce qu'il a condamné le Crédit industriel et commercial à entreprendre leur radiation de l'inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers,
sur l'appel incident :
- réformer le jugement du 28 septembre 2020 rendu par le juge des contentieux de la protection de [Localité 8] en ce qu'il a condamné le Crédit industriel et commercial à leur verser la somme limitée à 1 000 euros à titre de dommages et intérêts et en ce qu'il a rejeté la demande d'astreinte assortissant la radiation de l'inscription précitée,
statuant à nouveau sur l'appel incident :
- condamner le Crédit industriel et commercial à leur verser la somme totale de 15'000 euros chacun à titre de dommages et intérêts,
- condamner le Crédit industriel et commercial à entreprendre la radiation de l'inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers dans le délai de 15 jours calendaires suivant la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard,
à titre subsidiaire, et par impossible si le jugement était infirmé,
- condamner le Crédit industriel et commercial à leur payer la somme de 40'000 euros avec intérêts au taux légal courant à compter de la signification du jugement à intervenir, pour manquement au devoir de conseil et de mise en garde par la banque,
- ordonner la compensation judiciaire entre les sommes mises à la charge d'une part, de M. [X] et Mme [R] et d'autre part, du Crédit industriel et commercial,
en tout état de cause,
- débouter le Crédit industriel et commercial de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions,
- condamner le Crédit industriel et commercial à leur payer la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- mettre à la charge du Crédit industriel et commercial les entiers frais et dépens de l'instance.
M. [X] et Mme [R] épouse [X] exposent avoir été victimes d'agissements fauduleux de la part de leur frère et beau-frère qui aurait profité de la remise entre ses mains par le mari de documents personnels et financiers du couple en vu de garantir une opération immobilière qu'il convoitait, pour signer les 22 mai 2015 et 28 octobre 2015, à leurs noms et à leur insu, la convention d'ouverture de compte et le crédit renouvelable litigieux auprès du Crédit industriel et commercial. Ils dénient les signatures apposées à leur nom sur les actes en question et contestent avoir perçu une quelconque somme de la part de l'établissement bancaire.
Ils rappellent que leur identité a également été usurpée par le frère de M. [X] lors de la souscription auprès du Crédit industriel et commercial d'un crédit immobilier de 260 000 euros le 27 mai 2015, la cour ayant débouté la banque de ses demandes par arrêt en date du 13 février 2020, qu'ils ont déposé plainte entre les mains de procureur de la république du chef d'usurpation d'identité, de faux et usage de faux le 9 janvier 2018, la procédure pénale ayant fait l'objet d'un dessaisissement par le parquet de Lille au profit du Parquet de Dieppe, et qu'ils ont reçu l'aveu de M. [J] [X], qui regrettant d'avoir placé son frère et son épouse dans une telle situation, a attesté s'être servi de leur identité pour souscrire les prêts litigieux. Ils ajoutent que la banque ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un mandat entre eux et M. [J] [X] et affirment qu'ils ignoraient tout des opérations que ce dernier allait réaliser.
Sur la demande de dommages et intérêts, ils soutiennent que la banque a commis une faute grossière en ne procédant pas à la vérification des signatures apposées sur les contrats avec celles apposées sur les pièces d'identité dont elle était en possession le jour de la souscription du crédit, vérification qui lui aurait nécessairement permis d'établir qu'elle étaient fausses, cette faute ayant engendré le déclenchement de la procédure, leur inscription en Banque de France, et fragilisé leur situation financière et psychologique.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par la banque, les intimés font valoir que leur comportement n'est pas fautif ; que l'épouse ignorait que son époux avait confié à son beau-frère des documents financiers et administratifs et qu'en remettant lesdits document, M. [X] pensait en toute bonne foi qu'il servait seulement 'de garant' à une opération financière que son frère voulait réaliser, frère en qui il avait toute confiance. M. [X] affirme qu'il n'a jamais été évoqué par ce dernier qu'il allait contracter en son nom et celui de son épouse, ce à quoi il se serait évidemment opposé. Les intimés ajoutent que si la cour considérait le comportement de M. [X] comme constitutif d'une faute délictuelle, ce dernier devrait être exonéré de sa responsabilité du fait de l'existence d'une faute de la victime.
Ils ajoutent à titre subsidiaire que si la cour retenait qu'ils sont souscripteurs des contrat litigieux, elle devrait considérer que la banque a manqué à son obligation de mise en garde, le crédit souscrit étant manifestement excessif au regard de leur situation financière.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures des parties pour le surplus de leurs moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue 24 mars 2022 et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 6 avril 2022, puis renvoyée à l'audience des plaidoiries du 7 décembre 2022.
Par avis en date du 12 janvier 2023, la cour a, au visa des articles 1324 du code civil, 287 et 288 du code de procédure civile, invité le Crédit Industriel et commercial à produire au plus tard le 26 janvier 2023 l'original du contrat de crédit renouvelable en date du 28 octobre 2015 n° [XXXXXXXXXX07], ainsi que l'original de la convention d'ouverture de compte n° [XXXXXXXXXX01] en date du 22 mai 2015.
Ces documents ont été adressé par le conseil du Crédit industriel et commercial par courrier LRAR du 7 février 2023.
MOTIFS
Les textes du code civil mentionnés dans l'arrêt sont les textes dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicables à la date des conventions.
Sur la validité de la convention d'ouverture de compte et du contrat de crédit
Selon l'articles 1108 du code civil, la validité d'une convention suppose notamment le consentement de la partie qui s'oblige.
La signature d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte.
Il résulte par ailleurs des articles 1324 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, 287 et 288 du code de procédure civile, que lorsqu'une partie dénie sa signature, il appartient au juge de procéder à la vérification d'écriture, à moins qu'il ne puisse statuer sans en tenir compte, et ce, au vu des éléments dont il dispose, et après avoir, s'il y a lieu, enjoint aux parties de produire tout document utile à comparer à l'écrit contesté.
Dans le cas où la signature est déniée, c'est à la partie qui se prévaut de l'acte qu'il appartient d'en démontrer la sincérité. Sauf à inverser la charge de la preuve, le juge ne peut statuer au fond qu'après avoir retenu que l'acte émane bien de la partie dont la signature est désavouée.
La banque verse au débats les originaux de la convention d'ouverture de compte n°[XXXXXXXXXX01] en date du 22 mai 2015 sur laquelle M. [X] et Mme [R] épouse [X] sont identifiés comme souscripteurs, et l'original du contrat de crédit renouvelable en date du 28 octobre 2015 n° [XXXXXXXXXX07] sur laquelle M. [X] est identifié comme emprunter et Mme [R] épouse [X] comme coemprunteur.
A titre de comparaison, les intimés versent au débats la copie du titre de séjour de M. [X], de la carte d'identité de Mme [R] épouse [X], de son passeport, d'une offre de crédit immobilier souscrite par les époux auprès de la Banque Populaire du Nord le 25 mai 2014, le contrat de travail de M. [X].
C'est par une exacte appréciation des éléments versés aux débats, après une analyse comparative précise et motivée des exemplaires de signature de M. [X] et Mme [R] épouse [X] et celles portées sur l'offre et de la convention d'ouverture de compte, analyse non critiquée en tant que telle par la banque, que le premier juge a considéré qu'il existait des différences notables entre elles - en forme, en caractère et épaisseur - et que les signatures attribuées à M. [X] et Mme [R] épouse [X] sur l'offre et la convention d'ouverture de compte ne correspondaient manifestement pas à leur signature telle que figurant sur les documents communiqués aux débats, relevant également à juste titre que l'argument selon lequel la signature de Mme [R] épouse [X] serait variable n'est pas opérant dans la mesure où l'unique différence de signature susceptible d'être relevée réside dans son changement de nom suite à son mariage en 2006, la carte d'identité (datant de 2004) étant signée [R] cependant que le passeport est signé du nom d'épouse [X], ce qui a nécessairement modifié ladite signature.
C'est donc à juste titre que le premier juge a retenu que les M. [X] et Mme [R] épouse [X] n'étaient pas signataires de l'offre et de la convention d'ouverture de compte litigieux , et ce, sans qu'il apparaisse nécessaire d'ordonner une expertise en écriture.
Cette analyse est confortée par l'attestation établie par M. [J] [X], frère de M. [X], par laquelle il a reconnu 'avoir souscrit à l'insu de son frère et de épouse un ensemble de prêts immobiliers et crédits renouvelables auprès de la banque CIC en se servant des documents d'identité et des fiches de paie qu'il m'avaient remis, en faisant croire que j'avais besoin d'eux comme garant', étant observé qu'un autre prêt immobilier d'un montant de 260 000 euros a également été souscrit auprès du Crédit industriel et commercial au nom de M. [X] et Mme [R] épouse [X], cette cour ayant jugé par arrêt en date du 13 février 2020 que ces derniers n'étaient pas davantage signataire de cet acte. M. [X] et Mme [R] épouse [X] ont par ailleurs déposé ont déposé plainte entre les mains de procureur de la république du chef d'usurpation d'identité, de faux et usage de faux le 9 janvier 2018, la procédure pénale ayant fait l'objet d'un dessaisissement par le parquet de Lille au profit du Parquet de Dieppe.
Par ailleurs, l'argument selon lequel les fonds auraient été débloqués et le prêt aurait commencé à être remboursé est inopérant dans la mesure où les fonds ont été remis et ont fait l'objet de remboursements partiels sur le compte n° 0020211702 ouvert sous l'identité 'usurpée' des intimés, la banque ne produisant aucune pièce susceptibles de démontrer que M. [X] et Mme [R] épouse [X] auraient personnellement perçu lesdits fonds.
Vainement la banque invoque t-elle un prétendu mandat tacite qu'aurait donné M. [X] et Mme [R] épouse [X] à leur frère et beau-frère en lui confiant sciemment leurs documents administratifs et financiers afin de réaliser pour leur compte les opérations d'ouverture de compte et de crédit, alors que comme l'a relevé le premier juge, d'une part, la preuve d'un tel mandat ne résulte d'aucune pièce produite et est au contraire contredite par l'attestation de M. [J] [X] et que, d'autre part, un tel mandat ne saurait emporter autorisation de signer les actes à leur place en imitant leur signature.
Dès lors, M. [X] et Mme [R] épouse [X] n'étant pas signataires des conventions d'ouverture de compte et de crédit, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé leur nullité pour absence de consentement, et en l'absence de preuve de remise des fonds aux époux [X], de débouter la banque de sa demande en paiement à leur encontre.
Sur les demandes de dommages et intérêts
- Sur la demande de dommages et intérêts formée par époux [X]
Il ressort des pièces produites aux débats que les signatures apposées sur les deux contrats litigieux ne correspondent en aucun point à celles de M. [X] et Mme [R] épouse [X]. Un examen sommaire des signatures apposées sur les contrats avec celles apposées sur les pièces d'identité de M. [X] et Mme [R] épouse [X] qui lui ont été remises lors de la souscription des contrat et dont la banque a nécessairement eu connaissance, permettait aisément de constater des différences importantes entre les signatures, de nature à créer, pour un prêteur normalement diligent, un doute sur leur authenticité l'obligeant à procéder à des investigations supplémentaires sur l'identité de ses cocontractants.
En n'ayant pris aucune précaution pour vérifier l'authenticité des signatures apposées au nom de M. [X] et Mme [R] épouse [X] ni pour vérifier l'identité de ses cocontractants, la banque a manifestement commis une faute engageant sa responsabilité.
Cette faute a causé un préjudice aux intimés, en ce qu'elle à entraîné le déclenchement de la présente procédure engendrant tracas et anxiété, ainsi que leur inscription au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, préjudice justement évalué par le premier juge à la somme de 1 000 euros.
- Sur la demande de dommages et intérêts formée par la banque
La banque soutient que M. [X] et Mme [R] épouse [X] ont commis une faute en remettant à leur frère et beau-frère tous les éléments nécessaires à la constitution d'un dossier de crédit et en acceptant sciemment de prêter leur identité, ce qui lui cause un préjudice égal montant de crédit obtenu.
M. [X] expose qu'il a voulu rendre service à son frère en lui remettant des pièces administratives et financières croyant en toute bonne foi qu'il servirait de garant à une opération financière, et non à monter un dossier de crédit à son nom et à celui de son épouse.
C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a relevé qu'il résulte des pièces versées aux débats, notamment de l'attestation de M. [J] [X], que les époux M. [X] ont été totalement tenus dans l'ignorance des opérations financières réalisées par ce dernier lequel a attesté en ce sens. La banque ne produit d'ailleurs aucun élément susceptible de démontrer que les époux M. [X] étaient informés des intentions et agissements de leur frère et beaux frère, et aurait 'sciemment prêté leur identité' pour la souscription des contrats.
Dès lors, le comportement des époux M. [X] n'est pas constitutif d'une faute délictuelle susceptible d'engager leur responsabilité à l'égard de la banque, et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande de dommages et intérêts.
Sur la radiation des époux [X] du fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers
L'article L751-1 du code de la consommation dispose:
'Un fichier national recense les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels.
Ce fichier est géré par la Banque de France, laquelle est seule habilitée à centraliser ces informations.
Il est soumis à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.'
De plus l'article L213-4-6 du code de l'organisation judiciaire résultant de la loi n°2019-222 du 23 mars 2019 dispose:
'Le juge des contentieux de la protection connaît des actions relatives à l'inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels prévu à l'article L. 751-1 du code de la consommation.'
Par suite, tout comme le juge des contentieux de la protection , la cour d'appel statuant en appel sur ce type de contentieux , en application du texte précité, a compétence matérielle pour statuer sur une demande de radiation du FICP.
Dans le cas présent M. [X] et Mme [R] n'étant pas les signataires des conventions d'ouverture de compte et de crédit en cause et n'ayant commis aucune faute de nature à engager leur responsabilité à l'égard de la banque, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a ordonné la suppression à la charge du Crédit industriel et commercial des informations concernant M. [X] et Mme [R] épouse [X] inscrites aux fichiers des incidents de remboursement des crédits aux particuliers au titre du contrat de crédit du 28 octobre 2015.
Il y a lieu de réformer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande d'astreinte et d'ordonner cette suppression sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de l'arrêt.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile.
Le Crédit industriel et commercial, qui succombe, sera condamné au dépens d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer aux époux M. [X] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire ;
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il n'a pas assorti d'astreinte la suppression à la charge du Crédit industriel et commercial des informations concernant M. [X] et Mme [R] épouse [X] inscrites aux fichiers des incidents de remboursement des crédits aux particuliers ;
Statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant ;
Ordonne la suppression des informations concernant M. [X] et Mme [R] épouse [X] inscrites au fichier des incidents de remboursement des crédits aux particuliers à la charge du Crédit industriel et commercial sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard qui commencera à courir 15 jours après la signification de l'arrêt ;
Condamne le Crédit industriel et commercial à payer aux époux M. [X] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Condamne le Crédit industriel et commercial aux dépens d'appel.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU