République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 2 SECTION 1
ARRÊT DU 16/03/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 20/01499 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S6YO
Jugement n° 2019001334 rendu le 27 février 2020 par le tribunal de commerce de Douai
APPELANTE
SAS Stoelzle Masnières Parfumerie
ayant son siège social [Adresse 2]
représentée par Me Guilhem d'Humières, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
assistée de Me Eric Di Costanzo et Me Sarah Balluet, avocats au barreau de Rouen, avocats plaidants
INTIMÉE
SAS Sodip prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Stéphane Campana, avocat au barreau de Seine-Saint-Denis, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 14 décembre 2022 tenue par Dominique Gilles magistrat chargé d'instruire le dossier et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Dominique Gilles, président de chambre
Pauline Mimiague, conseiller
Clotilde Vanhove, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 23 novembre 2022
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La société Stoelzle Masnières parfumerie, qui produit des flacons à usage de conditionnement pour la parfumerie, a reçu commande de la société SODIP, le 31 août 2017, pour la fourniture de 100'000 flacons, pour le prix de 55'600 euros HT. La fabrication des moules pour produire ces flacons a fait l'objet de facturations spécifiques. La société SODIP s'est plainte de défauts des produits destinés à être vendus, après remplissage et conditionnement, à un importateur algérien. Par acte extrajudiciaire du 23 mai 2019, la société SODIP a assigné la société Stoelzle Masnières parfumerie en indemnisation de ses préjudices.
C'est dans ces conditions que, par jugement du 27 février 2020 revêtu de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Douai a' débouté la société Stoelzle Masnières parfumerie de toutes ses demandes, condamné la société Stoelzle Masnières parfumerie à payer 100'555 euros à la société SODIP à titre de dommages-intérêts, outre 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens en sus.
Par déclaration reçue au greffe le 17 mars 2020, la société Stoelzle Masnières parfumerie a inetrejeté appel de ce jugement, déférant expressément à la cour chacun de ses chefs.
Par dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique le 21 septembre 2020, la société Stoelzle Masnières parfumerie demande à la cour, au visa des articles 1604 et 1641 du code civil de':
- dire que la preuve d'un vice caché des produits qu'elle a livrés n'est pas rapportée par la société SODIP';
- dire en conséquence que sa responsabilité n'est pas engagée dans la livraison des moules et flacons';
- réformer le jugement entrepris';
- débouter la société SODIP de toutes ses demandes';
- la condamner à lui payer 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, dépens de première instance et d'appel en sus.
Par dernières conclusions déposées et notifiées par la voie électronique le 28 mai 2021, la SAS SODIP prie la cour, au visa des articles 1231 à 1231-7 du code civil, de':
- débouter la société Stoelzle Masnières parfumerie de son appel';
- infirmer le jugement entrepris sur le montant de la condamnation de la société Stoelzle Masnières parfumerie ;
- condamner la société Stoelzle Masniere parfumerie à lui payer 152'207 euros à titre de dommages-intérêts';
- subsidiairement':
- confirmer le jugement entrepris';
- en tout état de cause':
- lui allouer 5'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';
- condamner la société Stoelzle Masnières parfumerie aux dépens.
L'ordonnance de clôture est du 23 novembre 2022.
SUR CE
LA COUR
La cour rappelle que les qualifications de non-conformité et de vice caché ne se cumulent pas pour un même reproche à l'égard de la chose vendue.
Le jugement entrepris a statué ainsi qu'il l'a fait en indiquant que la société SODIP avait subi un préjudice causé par la faute de la société Stoelzle Masnières parfumerie, ayant consisté en un défaut de conception des flacons livrés. Cependant, les premiers juges ont considéré que les moules étaient réutilisables et, par conséquent, qu'ils étaient exempts de vice, les bouchons étant, pour les premiers juges, également réutilisables.
S'agissant de l'appel incident, il sera tout d'abord observé que la société SODIP se fonde exclusivement sur le défaut de conformité de la chose vendue, sur le fondement exprès de l'article 1604 du code civil.
La société SODIP fait valoir que son client habituel, la société Takwa Produits cosmétiques lui a demandé le remboursement de la livraison défectueuse, des frais de douane et de la TVA.
La société SODIP évalue son préjudice à' 152'207 euros :
- 100'555 euros d'avoir consenti au client';
- 24'500 euros correspondant au coût du moule des flacons';
- 13'302 euros au titre du coût des capots restants
- 13'850 euros au titre du coût d'un stock de concentré restant.
Elle soutient que les moule et fournitures ne sont pas réutilisables et sont perdus, la commande ayant été unique et ayant constitué un tout.
La société SODIP impute en même temps, à des passages différents de ses écritures, le défaut des flacons à un vice de conception, au niveau même du moule initial, et à un défaut de fabrication.
Toutefois, alors que la société SODIP se fonde exclusivement sur la non-conformité de la chose vendue, il est constant que cette société reproche aux flacons fournis par la société Stoelzle Masnières parfumerie des défauts de fabrication entraînant le bris du col. La société SODIP fait valoir que si tous les flacons n'étaient pas défectueux et ne se sont pas cassés lors du conditionnement par la société France Conditionnement parfums ni lors du transport, certains se sont brisés dans les colis et ont rendu en définitive toute marchandise presque impossible à vendre.
La société SODIP précise qu'une partie significative des flacons qu'elle a commandés auprès de la société Stoelzle Masnières parfumerie «'se sont cassés en raison d'un vice inhérent au verre utilisé pour leur confection.'»
Elle invoque à l'appui de ses dires':
- une photographie d'un flacon avec le col brisé et manquant';
- une lettre datée du 13 avril 2018 de la société France conditionnement parfum qui indique':'«'Nous pensons qu'il y a une fragilité au niveau du col qui résulte d'une mauvaise répartition de verre à ce niveau. En effet, lors des contrôles qualités après production, nous retrouvions des colognes cassées au col, sachant que l'opératrice les prend par le col pour les mettre en boîte de groupage (les cols cassaient donc après la mise en BG)'»';
- le rapport après réclamation de ses propres services qui relate ainsi le constat du conditionneur': «'Contrôle à réception conforme, Casse au conditionnement lors du vissage, Casse également lors du contrôle après vissage, Conditionnement de 5 séries de 10000 cols, les casses se sont produites tout au long du conditionnement'»';
- l'avis technique non contradictoire de M.[T], intervenu à la demande du client, la société Takwa, qui indique constater un «'grand problème des bouchons' et un risque pour nos clients'» en ce que «'le col du flacon s'enlève avec le bouchon'».
Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal de commerce, il ne résulte pas des éléments de preuve produits que les flacons aient été affectés par un défaut de conception au niveau du moule. La mauvaise répartition des verres au niveau du col mentionnée par le conditionneur n'incrimine nullement le moule avec certitude et le client final explique le dommage par «'des verres bon marché'», ce qui paraît désigner la matière et non le moule.
Il résulte seulement de ces éléments un défaut de fabrication des flacons, lequel, s'il est susceptible d'être qualifié de vice caché rendant les flacons impropres à l'usage convenu, ne peut constituer une non-conformité au sens de l'article 1604 du code civil.
Par conséquent, l'appel incident est mal fondé.
S'agissant de l'appel principal, il découle de ce qui précède que les premiers juges ne peuvent pas être approuvés d'avoir retenu un défaut de conception qui ne résulte nullement des pièces produites.
La cour souligne à cet égard que nul examen contradictoire des moules n'est produit et qu'au vu des pièces produites, les seules affirmations d'un vice de conception ne peuvent conduire à le retenir.
La cour considère cependant, au vu des pièces déjà mentionnées, que le défaut de fabrication est indéniable et démontré, affectant un nombre significatif de flacons objets de la commande litigieuse.
Cependant, ce défaut a été immédiatement connu par la société SODIP, qui indique': «'Il s'agissait de la première commande que la société SODIP effectuait auprès de la société Stoelzle Masnières parfumerie. Sur les 100'000 flacons commandés, 78'661 ont été effectivement fabriqués, et 52'500 ont été livrés à la société SODIP. Un conditionnement de 51'476 eaux de Cologne a été réalisé par la société France Conditionnement parfums. Cette dernière a immédiatement informé la société SODIP que certains flacons comportaient des défauts de fabrication et que le col se cassait'».
Par conséquent, la cour doit considérer que le défaut de fabrication concernant cette première commande a été connu avant toute livraison au client de la société SODIP. Il en résulte que le vice n'était plus caché lorsque les livraisons à ce client sont intervenues et, par conséquent, que la société SODIP a effectué ces livraisons en toute connaissance de cause.
Dès lors, les premiers juges ne peuvent être approuvés d'avoir alloué à la société'SODIP, à titre de dommages-intérêts, la somme de 100'555 euros correspondant à l'avoir constitué de remises de 2 euros par flacon vendu à la société Takawa et de 595 euros remboursement de frais, que la société SODIP indique avoir dû consentir à ce client, en conséquence de la défectuosité des flacons. Ces dépenses ont été nécessairement exposées du fait de la livraison de produits que la société SODIP savait significativement défectueux. Cela ne peut constituer un préjudice réparable.
En outre, la société SODIP ne répond pas valablement à la société Stoelzle Masnières parfumerie qui lui reproche de ne pas respecter l'article 2.2 du cahier des charges signé par les parties mentionnant que si le fabricant est responsable des défauts excédant certaines normes lors de la livraison chez son client et au-delà, «'cette responsabilité ne dégage en aucune manière le client de sa propre responsabilité lorsque celui-ci a libéré ses lots de production afin de les mettre sur le marché'».
Par conséquent, le jugement entrepris sera nécessairement réformé.
Aucun préjudice né du fait de la décision de commercialiser les flacons à la société Takwa n'est justifié.
Le jugement ne peut donc pas être confirmé, ni pour letout ni en partie, en ce qu'il a condamné la société Stoelzle Masnières parfumerie à payer 100'555 euros à la société SODIP au titre de cet avoir.
En revanche, les premiers juges ont exactement considéré qu'il n'était pas prouvé que le concentré, élément non spécifique, n'était pas utilisable pour une autre commande et ils doivent être approuvés d'avoir rejeté la demande à hauteur de 13'850 euros formée à ce titre.
S'agissant du coût du moule et des capots non utilisés, il est établi que ces éléments spécifiques ont été commandés spécialement pour la commande de la société Takwa.
Cependant, il résulte de ce qui précède qu'il ne peut être retenu que le coût du moule constitue un préjudice qui découle du vice-caché retenu affectant les flacons livrés, dès lors que ce coût n'a pas été exposé en vain. En effet, en dépit du vice caché, la vente a eu lieu et les flacons ont été livrés.
Par conséquent cette dépense de 24 500 euros ne sera pas remboursée à la société SODIP à titre de dommages-intérêts découlant du vice-caché .
S'agissant de la somme de 13'302 euros au titre des capots restants, il ne peut davantage être retenu, en présence de la décision de livrer les flacons défectueux en connaissance de cause, que l'impossibilité de les écouler ait été causée par le vice caché.
Cette somme ne peut donc pas être allouée à titre de dommages-intérêts découlant du vice caché.
Pour le surplus, le jugement a exactement statué et sera confirmé.
Il en va ainsi notamment des dépens et de l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en équité, malgré le rejet des demandes en indemnisation, dès lors que le vice caché a bien existé.
En équité, les parties seront également déboutées de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel.
La société Stoelzle Masnières parfumerie sera condamnée aux dépens d'appel.
* * * * *
PAR CES MOTIFS
Déboute la société SODIP de son appel incident ;
Réforme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Stoelzle Masnières parfumerie à payer 100'555 euros,
Statuant de nouveau sur ce point,
Déboute la société SODIP de sa demande en dommages-intérêts de 100'555 euros ;
Pour le surplus et y ajoutant,
Confirme le jugement entrepris ;
Déboute les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel ;
Condamne la société Stoelzle Masniere parfumerie aux dépens d'appel ;
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le greffier, Le président,
Valérie Roelofs Dominique Gilles