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09/03/2023 | FRANCE | N°22/00462

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 09 mars 2023, 22/00462


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 09/03/2023





****





N° de MINUTE : 23/97

N° RG 22/00462 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCQL



Jugement (N° ) rendu le 11 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer







APPELANTE



SCI DASCA prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité

5]



Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Olivier Rangeon, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat plaidant





INTIMÉE



SARL Henri Wedier prise...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 09/03/2023

****

N° de MINUTE : 23/97

N° RG 22/00462 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UCQL

Jugement (N° ) rendu le 11 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer

APPELANTE

SCI DASCA prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Olivier Rangeon, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat plaidant

INTIMÉE

SARL Henri Wedier prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Marie Hélène Laurent, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 24 novembre 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023, après prorogation du délibéré en date du 2 février 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 17 octobre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE :

La SCI Dasca a été constituée en 1996 entre deux associés : la société Geosta et la société Publi Europe, elle-même détentrice de 270 parts sociales sur 300.

M. [U] [S] est gérant non associé de la SCI Dasca.

Elle a pour objet la location de locaux commerciaux : elle est par conséquent imposée au titre de l'impôt sur les sociétés et ses prestations sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée.

La société Dasca a confié l'établissement de sa comptabilité à la SARL Jones-Wedier & associés, aux droits de laquelle vient SARL Henri Wedier, expert-comptable, sans qu'une lettre de mission n'ait été établie.

Dans le cadre d'une vérification de sa comptabilité, la société Dasca a fait l'objet d'une rectification de son imposition au titre de l'impôt sur les sociétés et de la TVA au titre des exercices 2008 et 2009.

Après que les réclamations de la société Dasca n'ont été accueillies que partiellement, l'administration a rejeté le recours contentieux qu'elle a exercé à l'encontre de ses trois avis de mises en recouvrement. Par jugement du 31 octobre 2017, le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes de la société Dasca.

L'appel à l'encontre de ce jugement a été déclaré tardif par une ordonnance du président de la cour administrative d'appel, que le Conseil d'Etat a confirmé en toutes ses dispositions par arrêt du 28 février 2019.

La mise en recouvrement des rehaussements d'imposition est intervenue.

Par jugement du 8 juin 2017, la société Dasca a été placée en redressement judiciaire. La créance de l'administration fiscale a été intégrée au plan de continuation adopté par le tribunal.

Invoquant des fautes de l'expert-comptable tant dans l'établissement de sa comptabilité que lors de la procédure de vérification, la société Dasca a assigné la société Henri Wedier en responsabilité professionnelle, par acte du 30 juin 2020.

Par jugement rendu le 11 janvier 2022, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer a :

1- débouté la société Dasca de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de la société Henri Wedier ;

2- débouté la société Henri Wedier de sa demande reconventionnelle tendant à condamner la société Dasca à lui payer la somme de 5 464,38 euros au titre des factures non réglées de 2009 à 2014 ;

3- condamné la société Dasca à payer à la société Henri Wedier la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

4- condamné la société Dasca aux dépens.

Par déclaration du 28 janvier 2022, la société Dasca a formé appel de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux seuls chefs du dispositif numérotés 1, 2, et 4 ci-dessus.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 28 avril 2022, la société Dasca demande à la cour de :

=$gt; infirmer le jugement critiqué en toutes ses dispositions visées par la déclaration d'appel et, en conséquence, de :

' déclarer la société Wedier, responsable sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil, des fautes cumulées et lourdes par elle commises, tant dans la tenue de la comptabilité de la société Dasca, que par ses conseils erronés en assistance à la procédure vérification de comptabilité des exercices 2007 et 2008 en impôt sur les sociétés et TVA, et seulement pour la TVA, en 2009 et 2010,

' condamner la société Wedier à lui payer en réparation du préjudice subi, les sommes suivantes :

' en matière d'IS, toutes années confondues la somme de 88 647 euros, soit :

' pour l'exercice 2007 : un rappel de 52 094 euros,

' pour l'exercice 2008 : un rappel de 36 553 euros,

' en matière de TVA : un rappel de 100 413 euros : soit :

' pour l'exercice 2007 : 53 366 euros,

' pour l'exercice 2008 : 31 651 euros,

' pour l'exercice 2009 : 15 396 euros.

et enfin, au titre du profit sur le Trésor, une somme de 89 017 euros (exercice 2007 : 53 366 euros + exercice 2008 : 35 651 euros),

' débouter la société Wedier de toutes ses demandes, fins et conclusions,

=$gt; confirmer le jugement dont appel en ses dispositions ayant débouté la société Wedier de ses demandes relatives aux factures impayées non réglées de 2009 à 2014,

' condamner la société Wedier aux intérêts de droits de l'ensemble des condamnations, à compter de l'acte introductif d'instance, et à lui verser une somme de 10 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

' la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la société Dasca fait valoir que :

- son action en responsabilité n'est pas prescrite dès lors que le point de départ du délai quinquennal est constitué par l'arrêt rendu le 28 février 2019 par le Conseil d'Etat, date à laquelle les effets du redressement fiscal sont devenus définitifs ;

- la responsabilité contractuelle de l'expert-comptable est engagée sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil ;

- les fautes commises par l'expert-comptable résultent des observations de l'administration fiscale :

* création à la seule initiative de l'expert-comptable d'un compte-courant d'associé au profit du gérant de la SCI, tiers non-associé, alors que cette dernière qualité lui interdisait l'ouverture d'un tel compte ; l'expert-comptable aurait dû conseiller aux associés d'adopter en assemblée générale une délibération permettant la prise en charge des frais exposés par le gérant à l'occasion des prestations qu'il réalisait pour le compte de la SCI, dont le montant aurait été porté sur un compte de tiers ; recourir à un tel compte-courant d'associé devait à l'inverse nécessairement conduire l'administration fiscale à en retenir le caractère irrégulier ; seule cette irrégularité a causé la rectification fiscale, qui n'est pas liée à des difficultés concernant la justification de l'apport de fonds par le gérant de la SCI .

* création artificielle et prohibée d'un compte courant commun entre la société Publi Europe, associée, et M. [S], non associé. Cette erreur a causé le redressement fiscal. Cette création ne peut reposer sur une cession de créance entre eux, à défaut qu'un acte authentique a été dressé en application de l'article 1690 du code civil.

* transfert a posteriori des montants figurant sur le compte-courant d'associé de M. [S] sur un compte-courant créé au nom de l'un des associés de la SCI, après avoir réalisé l'existence de son erreur en cours de vérification fiscale. Ce dernier compte-courant est en outre imposable au titre de l'impôt sur les sociétés, dès lors qu'il a diminué le passif en augmentant l'actif net de la SCI.

Cette triple incongruité constitue une violation par la société Wedier de son obligation de conseil à l'égard de sa cliente : cette obligation existe même lorsque les relations contractuelles sont anciennes, contrairement à la motivation du premier juge.

* absence de conseil pour éviter une amende de 100 % du montant des sommes réhaussées : l'expert-comptable n'a pas indiqué à la SCI la nécessité de désigner M. [S] comme bénéficiaire des impôts éludés, alors que les frais remboursés lui ont effectivement bénéficié.

- les préjudices subis sont constitués de :

* la créance fiscale qui est intégrée à son plan de continuation, dont l'exécution s'effectuera sans difficultés jusqu'au 8 juin 2024 ;

* le redressement au titre de l'impôt sur les sociétés : alors que l'expert-comptable a indiqué qu'il n'avait obtenu de son client les justificatifs des frais, il lui appartenait de ne pas les inscrire définitivement en comptabilité, mais de les passer en opération diverse dans son bilan préparatoire, avec admission provisoire de ces montants ;

* le rehaussement au titre de la TVA ;

* le profit sur le Trésor.

La société Henri Wedier, à laquelle la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été valablement signifiées, n'a pas conclu dans les délais.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la prescription de l'action en responsabilité :

Le premier juge n'a pas statué sur une fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en responsabilité exercée par la SCI Dasca envers l'expert-comptable, la SARL Henri Wedier n'a ainsi pas vocation à s'approprier une quelconque motivation sur cette question en application de l'article 954 du code de procédure civile, alors qu'elle n'a en outre pas conclu en appel pour invoquer l'irrecevabilité des demandes formulées à son encontre.

Le dispositif des conclusions de la SCI Dasca ne porte par ailleurs que sur la recevabilité de son appel, et non de ses demandes, de sorte que la cour n'est en réalité pas saisie de la question d'une telle fin de non-recevoir, qui n'est évoquée qu'à titre préventif dans le corps de ses conclusions.

Sur la responsabilité de l'expert-comptable :

La responsabilité contractuelle de l'expert-comptable repose sur le contrat de louage d'ouvrage qui le lie à son client. L'exigence d'un contrat écrit n'ayant été imposée que par l'article 151 du décret n° 2012-432 du 30 mars 2012, applicable à compter du 1er avril 2012, les parties ne produisent aucune convention écrite définissant les prestations et précisant les droits et obligations de chacune des parties à l'époque des exercices litigieux 2007 à 2009.

En l'absence de lettre de mission, il appartient à la cour de rechercher la volonté des parties et de se référer à cet égard au libellé des notes d'honoraires, aux courriers échangés par les parties, à la rémunération de l'expert-comptable ou au temps consacré aux prestations.

À cet égard, les parties n'ont pas contesté que la société Henri Wedier était chargée d'établir la comptabilité annuelle de la SCI, notamment au titre des années 2007 à 2009 correspondant à la période de vérification par l'administration fiscale.

En revanche, à défaut de produire une quelconque pièce permettant d'identifier l'étendue de la mission confiée, la SCI ne prouve pas que l'expert-comptable était missionné pour l'assister et la conseiller dans le cadre de la procédure de vérification fiscale. À cet égard, elle ne fournit notamment ni facturation d'un tel service, ni échanges avec l'expert-comptable, qui révéleraient que ce dernier était destinataire des courriers adressés par l'administration fiscale et qu'il fournissait en retour à sa cliente des éléments de réponse.

Dans les limites de la mission confiée, le client de l'expert-comptable doit d'une part prouver la ou les fautes commises par l'expert-comptable et résultant d'un manquement à l'une des diligences dictées tant par les règles et usages de sa profession que par le comportement d'un professionnel normalement compétent et diligent.

L'expert-comptable engage sa responsabilité tant au titre des fautes techniques résultant de ses erreurs, omissions ou négligences, qu'au titre de manquements à son devoir de conseil, englobant l'information et la mise en garde de son client.

Ce devoir de conseil accompagne toutes les missions de l'expert-comptable, qu'elles soient strictement comptables ou qu'elles fassent partie des autres missions dévolues. Il dépasse le cadre strict des obligations contractuellement convenues en les prolongeant et en constitue ainsi l'accessoire naturel. Il n'est ainsi pas enfermé dans les prévisions du contrat et dépasse le domaine comptable pour s'étendre aux disciplines voisines que sont les questions juridiques, la fiscalité et la gestion. Pour autant, le devoir de conseil est exclu lorsque l'objet allégué est trop éloigné de la mission confiée à l'expert-comptable ou qu'il est exclu expressément par cette mission.

D'autre part, la responsabilité de l'expert-comptable suppose que soit établi le lien de causalité entre les fautes reprochées et les préjudices allégués.

D'une façon générale, la cour rappelle que l'objet du litige est déterminé par les parties elles-mêmes, en application de l'article 4 du code de procédure civile : à ce titre, elle ne peut statuer que sur les prétentions et les moyens développés par la SCI, sans pouvoir étendre d'office l'examen des éléments constitutifs d'une responsabilité contractuelle à d'autres circonstances que celles invoquées par cette partie ou substituer un chef de préjudice à celui expressément invoqué.

Sur les fautes :

A titre liminaire, il s'observe que l'argumentaire de la SCI repose exclusivement sur l'irrégularité d'un compte-courant d'associé ouvert au profit de M. [S] et sur les circonstances dans lesquelles il a été soldé.

=$gt; au titre de la création d'un compte-courant au profit d'un gérant non associé :

La procédure de rectification fiscale fait exclusivement apparaître l'existence de deux comptes courants d'associé distincts :

d'une part, un compte courant [XXXXXXXXXX03] ouvert au nom de la société Publi Europ, associée de la SCI,

d'autre part, un compte courant [XXXXXXXXXX04] ouvert au nom de « [S] Publi Europ ».

Après l'avoir contesté dans le cadre de ses recours à l'encontre de la rectification opérée, la SCI prétend dans le cadre de la présente instance que ce dernier compte-courant est personnel à M. [S], reprenant désormais à son profit la démonstration de l'administration fiscale ayant retenu qu'il comptabilisait les dépenses personnelles de ce dernier et ses rémunérations.

En dépit des allégations de la SCI, aucune pièce n'établit toutefois que la SARL Henri Wedier a pris l'initiative d'ouvrir un tel compte-courant « mixte », sans en informer M. [S].

En revanche, alors que la qualité de M. [S] de gérant non associé de la SCI n'est pas contestée, il appartenait à l'expert-comptable de relever l'irrégularité de l'ouverture d'un tel compte courant d'associé à son profit, étant toutefois observé qu'en matière de SCI, l'existence d'un solde débiteur d'un tel compte-courant n'est pas prohibé et s'inscrit alors à l'actif du bilan.

A ce titre, l'expert-comptable a manqué à son devoir de conseil, dès lors qu'il lui appartenait en réalité d'attirer l'attention de sa cliente sur l'irrégularité de la création du compte [XXXXXXXXXX04], et de procéder à l'inverse à la création d'un compte de tiers au profit de M. [S] ou de proposer à la SCI d'envisager l'acquisition par ce dernier de parts sociales avant de soumettre aux associés la convention de compte-courant d'associé qu'il aurait pu valablement conclure dans cette dernière hypothèse.

Une faute imputable à l'expert-comptable est valablement constituée de ce chef.

=$gt; au titre du transfert du compte courant ouvert au nom de M. [S] vers un « nouveau compte courant créé au profit d'un des associés de la SCI » (page 8/14 des conclusions) :

L'existence d'un tel mouvement comptable n'est toutefois attestée par aucune pièce.

A l'inverse, l'administration fiscale a identifié qu'un transfert est intervenu d'un compte courant d'un associé vers celui attribué à M. [S].

Par une écriture comptable le 31 décembre 2008, l'expert comptable a ainsi procédé au débit du compte courant [XXXXXXXXXX03] ouvert au nom de la « société Publi Europ » d'un montant de 73 030,31 euros et au crédit corrélatif du compte [XXXXXXXXXX04] « [S] Publi Europ » pour le même montant, alors qu'il est établi que ce dernier compte enregistrait au débit les dépenses personnelles de M. [S] et au crédit ses rémunérations, de sorte qu'il constituait un compte courant irrégulièrement ouvert au profit d'une personne non associée.

Cette écriture a permis de solder le compte-courant de M. [S] et de permettre à la SCI de lui verser ce montant correspondant à ce solde débiteur.

L'administration fiscale a recherché d'office si une telle écriture était susceptible de s'analyser comme une cession de créance par la société Publi Europ au profit de M. [S], dès lors qu'une telle opération aurait exclu la qualification d'abandon de créance finalement retenue à l'encontre de la SCI dans ses relations avec la société Publi Europ, par substitution de créancier. Elle a toutefois conclu à l'absence de cession de créance, dès lors qu'aucune des formalités prévues par l'article 1690 du code civil n'est intervenue, et a par conséquent qualifié cette écriture d'abandon de créance.

Dès lors que ce moyen repose sur des faits matériellement inexacts, la SCI échoue ainsi à démontrer la faute qu'elle impute à l'expert-comptable pour avoir procédé à un transfert du compte courant de M. [S] vers celui « spécialement créé, a posteriori, à l'occasion d'un contrôle fiscal, au profit d'un des associés de la SCI ».

=$gt; au titre d'un défaut d'assistance de l'assujettie au cours de la procédure de vérification fiscale :

D'une part, la SCI prétend que l'expert-comptable lui a conseillé d'expliquer au contrôleur fiscal que l'ouverture du compte courant au profit de M. [S] est justifiée, dès lors que ce dernier était apporteur d'affaires. Une telle allégation ne repose toutefois sur aucun élément probant.

D'autre part, elle prétend que l'expert-comptable n'a pas fourni le ou les noms des bénéficiaires des impôts éludés, alors que l'administration fiscale rappelait que le défaut de réponse à une telle injonction était sanctionné par une amende fiscale de 100 % des sommes redressées. Elle en conclut qu'une amende de 73 030,31 euros a été par conséquent prononcée à son encontre de ce chef.

Pour autant, en l'absence de toute lettre de mission, aucun élément n'établit d'une part que l'assistance de la SCI par l'expert-comptable dans le cadre de la procédure de vérification fiscale entrait dans la mission confiée à ce dernier.

A défaut d'établir une telle obligation d'assistance au profit de la SCI, aucune faute contractuelle ne peut être valablement reprochée à l'expert-comptable.

Sur les préjudices et leur lien de causalité avec les fautes commises par l'expert-comptable :

D'une façon générale, la SCI impute à l'expert-comptable la responsabilité de la rectification fiscale et l'intégralité de ses conséquences.

Pour autant, l'examen de la rectification fiscale fait ressortir que le contrôle a révélé de nombreuses irrégularités, qui sont étrangères à la seule faute démontrée par la SCI à l'encontre de l'expert-comptable et exclusivement constituée par l'ouverture d'un compte-courant d'associé au profit d'un gérant non associé.

Alors que le premier juge invitait la SCI à préciser l'objet de ses demandes indemnitaires, elle ne satisfait pas une telle demande devant la cour.

A ce titre, les conclusions de la SCI se limitent à solliciter, sans autres détails, tant dans la discussion que dans leur dispositif, le paiement de :

- d'une part : au titre de l'impôt sur les sociétés :

« pour l'exercice 2007 : un rappel de 52 094 euros

pour l'exercice 2008 : un rappel de 36 553 euros »

sans viser aucune pièce à l'appui d'un tel chiffrage.

- d'autre part : au titre de la « TVA déductible », les sommes de 53 366 euros au titre de l'exercice 2007, 31 651 euros au titre de l'exercice 2008 et 15 396 euros au titre de l'exercice 2009.

- enfin : au titre du « profit sur le Trésor » : les sommes de 53 366 au titre de l'exercice 2007 et de 35 651 euros au titre de l'exercice 2008.

=$gt; Sur les préjudices invoqués au titre des rectifications portant sur la TVA :

Les demandes formulées au titre de la TVA sont étrangères à la seule faute établie à l'encontre de l'expert-comptable : en effet, les montants ainsi sollicités par la SCI correspondent à ceux éludés par cette dernière correspondant aux insuffisances de déclaration au titre de la TVA collectée, en raison de l'absence de déclaration de l'intégralité de son chiffre d'affaires par la SCI. En effet, alors qu'un tel redressement à hauteur de ces montants repose sur une série de facturations reprise dans un tableau récapitulatif figurant en page 5 de cette même proposition de rectification (au titre d'un paragraphe II. Taxe sur la valeur ajoutée / 1° insuffisances de déclaration de la TVA collectée »), la SCI n'a pas reproché à son expert-comptable un manquement ayant pu contribuer à une telle dissimulation de son chiffre d'affaires.

Contrairement aux allégations de la SCI, les montants sollicités ne concernent ainsi pas la « TVA déductible », qui fait l'objet d'un 2° à partir de sa page 6. Au surplus, le redressement au titre de la TVA déductible repose sur un défaut de production de pièces justificatives, alors qu'un tel reproche n'est pas formulé par la SCI à l'encontre de l'expert-comptable.

Il n'existe ainsi aucun lien de causalité entre les préjudices allégués à ce titre et les fautes commises par l'expert-comptable, telles qu'elles sont invoquées par la SCI.

La demande formée au titre du « profit sur le Trésor » est sans objet, alors qu'elle concerne la réintégration dans les résultats de la SCI des sommes insuffisamment déclarées au titre de la TVA collectée.

=$gt; Sur les préjudices invoqués au titre de la rectification de l'impôt sur les sociétés :

En premier lieu, les demandes formulées par la SCI au titre de l'impôt sur les sociétés visent l'intégralité d'un rehaussement d'imposition au titre des exercices 2007 et 2008, alors que cette « diminution de passif et augmentation de l'actif net » (figurant en pages 14 et 15 de la proposition de rectification), n'intervient qu'au titre de l'exercice 2008, de sorte que le préjudice invoqué au titre de l'exercice 2007 n'a en tout état de cause aucun lien de causalité avec une telle circonstance.

En second lieu, la SCI a exclusivement prouvé à l'encontre de l'expert-comptable une faute constituée par la création d'un compte courant d'associé au profit de M. [S], alors qu'il n'était pas associé.

Pour autant, cette seule faute n'a pas directement causé :

- d'une part, la rectification de la base à l'impôt sur les sociétés, au titre des autres irrégularités que « la diminution de passif et augmentation de l'actif net » ;

- d'autre part, la réintégration par l'administration fiscale de la somme de 73 030,31 euros dans le résultat imposable de la SCI.

A l'inverse, une telle réintégration a été causée par une faute que cette dernière n'a pas invoquée.

Cette réintégration résulte en effet de l'existence d'un abandon de créance par la société Publi Europ à l'égard de la SCI. L'administration fiscale a relevé à cet égard que, par son écriture comptable du 31 décembre 2008 au titre d'opérations diverses, l'expert-comptable a soldé le compte courant [XXXXXXXXXX04] « [S] Publi Europ » par un transfert du compte courant [XXXXXXXXXX03] ouvert au nom de la « société Publi Europ », sans qu'une cession de créance entre M. [S] et la société Publi Europ n'ait été établie.

L'administration fiscale en a conclu que la disparition du bilan d'une dette de la SCI envers la société Publi Europ caractérise un abandon de créance, lequel génère une augmentation du bénéfice imposable de la SCI à hauteur de 73 030 euros au titre de l'année 2008, en l'absence d'une cession de créance intervenue entre M. [S] et la société Publi Europ,

Au titre des fautes qu'elle reproche à l'expert-comptable, la SCI n'a toutefois pas invoqué un tel transfert du compte d'associé de la société Publi Europ vers le compte d'associé « [S] Publi Europ », mais un transfert du compte courant ouvert au nom de M. [S] vers un « nouveau compte courant créé au profit d'un des associés de la SCI ».

La SCI a ainsi recherché la faute de l'expert-comptable par un moyen erroné, alors qu'il n'appartient pas à la cour de lui substituer celui tiré d'un transfert de la somme de 73 030 euros depuis la compte d'associé de la société Publi Europ vers celui dont bénéficiait M. [S] et qui a été ainsi soldé sans qu'une cession de créance soit intervenue.

=$gt; sur les préjudices invoqués au titre des pénalités :

En pages 8 et 9 du corps de ses conclusions, la SCI mentionne à deux reprises la somme de 73 030,31 euros qui y figurent en caractère gras et soulignés, estimant qu'à hauteur de cette somme, il convient de retenir la responsabilité de l'expert-comptable.

Pour autant, le dispositif des conclusions de la SCI ne comporte pas une telle demande indemnitaire, de sorte que la cour n'en est pas saisie, étant au surplus observé que :

- ce montant est visé au titre d'une « amende fiscale de 100 % », qui sanctionne l'absence de fourniture à l'administration fiscale de l'identité des bénéficiaires de revenus distribués irrégulièrement : sur ce point, il a toutefois été précédemment jugé qu'il n'est pas prouvé que l'assistance de sa cliente au cours de la vérification fiscale était incluse dans la mission de l'expert-comptable, de sorte que la SCI ne peut invoquer un manquement de ce dernier pour ne pas avoir fourni une telle indication au contrôleur fiscal dans le délai de 30 jours en application de l'article 117 du code général des impôts, étant enfin précisé que cette société était elle-même en capacité de révéler dans ce délai que le bénéficiaire de ces distributions de revenus était M. [S].

- la SCI n'évoque en revanche jamais la pénalité d'un même montant que l'administration fiscale a en réalité retenu pour sanctionner l'absence d'inscription au bilan de la SCI de l'écriture du 31 décembre 2008 en application de l'article 1729 du code général des impôts, en estimant qu'il résultait d'une telle omission la démonstration d'une volonté délibérée par l'assujettie d'éluder l'impôt. La cour observe au surplus que si la SCI évoque que l'écriture du 31 décembre 2008 résulte exclusivement d'une mention comme « opérations diverses », elle n'en tire aucune conséquence et ne reproche en réalité pas à l'expert-comptable une faute consistant à ne pas avoir procédé à l'inscription au bilan de ce mouvement, alors que seule cette circonstance a déterminé une telle pénalité.

En l'absence de démonstration d'un lien de causalité entre la seule faute prouvée à l'encontre de la société Henri Wédier et les préjudices invoqués, la SCI n'a pas établi la responsabilité contractuelle de cet expert-comptable. Le jugement dont appel sera par conséquent confirmé en ce qu'il a débouté la SCI de l'ensemble de ses demandes à son encontre.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

et d'autre part, à condamner la SCI aux entiers dépens d'appel et à débouter la SCI de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme le jugement rendu le 11 janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer dans toutes ses dispositions critiquées par la déclaration d'appel ;

Y ajoutant :

Condamne la SCI Dasca aux dépens d'appel ;

Déboute la SCI Dasca de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/00462
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;22.00462 ?
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