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09/03/2023 | FRANCE | N°21/04412

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 09 mars 2023, 21/04412


République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 09/03/2023

N° de MINUTE : 23/96

N° RG 21/04412 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZL7

Jugement (N° 19/00844) rendu le 09 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Saint Omer



APPELANTE



SA Axa France Iard prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 12]



Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Marc Joua

nen, avocat au barreau de Saint-Omer avocat plaidant substitué par Me Dooghe, avocat au barreau de Saint Omer



INTIMÉS



Monsieur [R] [A] [V]

né le 20 Janv...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 09/03/2023

N° de MINUTE : 23/96

N° RG 21/04412 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZL7

Jugement (N° 19/00844) rendu le 09 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Saint Omer

APPELANTE

SA Axa France Iard prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 12]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Marc Jouanen, avocat au barreau de Saint-Omer avocat plaidant substitué par Me Dooghe, avocat au barreau de Saint Omer

INTIMÉS

Monsieur [R] [A] [V]

né le 20 Janvier 1951 - de nationalité Portugaise

[Adresse 1]

[Localité 4]

Madame [P] [I] épouse [A] [V]

née le 19 Décembre 1949 à [Localité 15] - de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, constitué aux lieu et place de Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, assistés de Me Christian Delevacque, avocat au barreau d'Arras, avocat plaidant

Monsieur [F] [H]

né le 19 Juillet 1978 à [Localité 14]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 30/09/2021 à domicile

Madame [U] [B] épouse [H]

née le 14 Août 1975 à [Localité 13]

[Adresse 9]

[Localité 4]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 30/09/2021 à sa personne

SCI [Adresse 8]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représentée par Me Guy Lenoir, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat constitué

SA ACMN IARD ([Localité 6]) prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représentés par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué aux lieu et place de Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, assistés de Me Christian Delevacque, avocat au barreau d'Arras, avocat plaidant

SA BPCE Assurances

[Adresse 11]

[Localité 10]

Représentée par Me Olivier Desloover, avocat au barreau de Saint-Omer, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 15 décembre 2022 après rapport oral de l'affaire par

[Y] [L]

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 novembre 2022

EXPOSE DU LITIGE :

1. Les faits et la procédure antérieure :

M. [R] [A] [V] et Mme [P] [I] épouse [A] [V] (les époux [A] [V]) sont propriétaires d'un ensemble immobilier qu'ils ont assuré auprès de la société Assurances du Crédit mutuel Iard (les ACM), aux droits de laquelle vient la société ACMN Iard.

Leur propriété est voisine de celle appartenant à M. [F] [H] et de Mme [U] [B] épouse [H] (les époux [H]), et assurée auprès de la société BPCE Assurances.

Les époux [H] ont acquis leur propriété de la SCI [Adresse 8] (la SCI), selon acte notarié du 9 juin 2012. La SCI a été assurée au titre d'un contrat d'assurance habitation propriétaire non occupant par la SA Axa France Iard (Axa).

Le 2 février 2013, le mur mitoyen séparant leurs propriétés respectives s'est effondré dans la cour des époux [H].

M. [M] a réalisé une expertise judiciaire au contradictoire de l'ensemble des propriétaires et assureurs précédemment visés. L'effondrement du mur litigieux est notamment imputable à des travaux de décaissement réalisés par la SCI.

Par actes des 29 et 30 janvier 2018, les époux [A] [V] et les ACM ont assigné devant le tribunal de grande instance de Saint-Omer les époux [H] et la BPCE, ainsi que la SCI et Axa.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 9 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Saint-Omer a :

1- déclaré recevable l'action en garantie des vices cachés engagée par les époux [H] ;

2- prononcé la résolution de la vente de l'immeuble consentie le 9 juin 2012 par la SCI au profit des époux [H] ;

3- condamné la SCI à payer aux époux [H] les sommes de :

'' 70 000 euros au titre de la restitution du prix de vente;

'' 15 800 euros au titre de leur préjudice de jouissance ;

'' 17 775 euros au titre de la perte de loyers ;

'' 20 095,68 euros au titre des travaux de rénovation ;

4- condamné la SCI à payer la somme de 101 837,13 euros aux époux [A] [V] et celle de 57 301 euros aux ACM au titre des travaux de réfection

5- condamné la SCI à payer la somme de 18 200 euros aux époux [A] [V] au titre de leur préjudice de jouissance ;

6- condamné la SCI à payer la somme de 3 000 euros aux époux [A] [V] au titre de leur préjudice moral ;

7- condamné Axa à garantir la SCI des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages subis par les époux [A] [V] ;

8- Ordonné la publication de son jugement auprès du service de la publicité foncière aux frais de la SCI ;

9- condamné in solidum la SCI et Axa à payer aux époux [A] [V] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

10- condamné la SCI à payer aux époux [H] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

11- condamné in solidum la SCI et Axa aux dépens, incluant les frais

d'expertise ;

12- ordonné l'exécution provisoire de son jugement ;

13- débouté les parties du surplus de leurs demandes.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 9 août 2021, Axa a formé appel de ce jugement en limitant la contestation du jugement critiqué aux seuls chefs du dispositif numérotés 7, 10, 11 et 12 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties :

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 13 octobre 2022, Axa, appelante principale, demande à la cour de réformer le jugement en ses chefs visés par sa déclaration d'appel, et statuant à nouveau, de :

=$gt; à titre principal : « la mettre hors de cause, au regard de la théorie du trouble anormal de voisinage, du fait générateur du sinistre, et subsidiairement des dispositions contractuelles ; »

- débouter les parties de toutes leurs demandes à son encontre ;

=$gt; à titre subsidiaire, sur le quantum : dire que les demandes pécuniaires principales et accessoires non fondées ;

- condamner « solidairement » les époux [A] [V] et les ACM à lui payer

5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, Axa fait valoir que :

- la responsabilité de la SCI ne peut être retenue au titre de la théorie des troubles anormaux de voisinage, dès lors que seule celle des propriétaires actuels du bien est susceptible d'être engagée sur ce fondement, de sorte qu'elle n'a aucune vocation à garantir le sinistre, à défaut de responsabilité de son assurée ;

- la garantie responsabilité civile est stipulée en fait dommageable : à cet égard, la jurisprudence oscille entre deux dates : (i) soit la date du sinistre lui-même, en l'espèce le 2 février 2013, de sorte qu'à cette date, elle n'était plus l'assureur de l'immeuble ; (ii) soit le fait générateur du sinistre, en l'espèce, la réalisation du chantier ayant conduit à l'effondrement ultérieur du mur et ayant débuté le 28 septembre 2011, soit antérieurement au début de sa garantie entrée en vigueur le 2 décembre 2011. En matière d'assurance couvrant un chantier, c'est le démarrage effectif du chantier qui détermine l'assureur impliqué, qu'il y ait ou non une DROC, alors qu'il y a en l'espèce unicité du fait dommageable et que le tribunal a relevé que les travaux étaient toujours en cours lors de la souscription du contrat. La connaissance concrète du chantier par l'assureur est par ailleurs indifférente. En tout état de cause, même en écartant le principe d'unicité du fait dommageable, aucune date précise du « coup de pioche fatal » n'est établie, alors que la chronologie du chantier est floue.

- les garanties souscrites ne sont pas applicables, notamment en ce que le mur mitoyen n'entre pas dans la liste des annexes qui sont couverts au titre de la garantie des bâtiments assurés.

Vu les conclusions notifiées le 10 juin 2022 par les époux [A] [V] et les ACM, intimés et appelants incidents en ce qu'ils sollicitent la réformation du jugement critiqué dans ses dispositions numérotées 1 à 6 et 8 à 11 ci-dessus.

A l'appui de leurs prétentions, ils font valoir que :

- la responsabilité de la SCI et des époux [H] est engagée.

Ils sollicitent par conséquent la condamnation in solidum de ces derniers à leur payer la somme principale de 132 615,11 euros HT, outre TVA de 20 % applicable à la date de la décision à intervenir :

à titre principal, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage

subsidiairement, sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil au titre d'une faute imputable à la SCI lors des travaux de décaissement, puis d'une faute imputable aux époux [H] à défaut de toute mise en 'uvre de mesures de nature à compenser les effets de ce décaissement.

plus subsidairement, sur le fondement des articles 1242, mais également 1244 du code civil.

Les ACM invoquent avoir payé sur ce montant global la somme de 57 301 euros, soit directement à ses assurés, soit à l'entreprise Novebat ayant réalisé des travaux de mise en sécurité, de sorte qu'elle est subrogée dans les droits des époux [A] [V], alors qu'une franchise de 2 000 euros est applicable.

* la réparation de leur préjudice implique :

- l'obligation pour les propriétaires du fonds inférieur de laisser exécuter les travaux préconisés par l'expert judiciaire ;

- leur condamnation in solidum à payer les sommes de (i) 18 200 euros à titre de préjudice de jouissance, correspondant à 200 euros par mois depuis février 2013 ; (ii) 10 000 euros au titre du préjudice résultant de l'impossibilité de vendre leur immeuble alors qu'ils subissent des dépenses d'entretien et de chauffage particulièrement importantes ; (iii) 3 000 euros, au titre d'un préjudice moral, dès lors que ce sinistre a généré un stress important, et une dépression chez Mme [A] [V] ;

* l'action fondée sur la garantie des vices cachés qu'ont engagé les époux [H] est :

- d'une part, irrecevable, pour être forclose au motif de l'expiration du délai visé par l'article 1648 du code civil, à défaut d'avoir agi au fond avant le 31 mars 2018. Ils font valoir à cet égard que (i) le sursis à statuer n'est qu'un incident d'instance, qui n'est pas interruptif du délai, alors que les conclusions prises dans le cadre d'un tel incident ne s'analysent pas comme une demande en justice ; (ii) l'extension de la mesure d'instruction à Axa n'a pas interrompu le délai de deux ans, alors que les époux [H] n'ont pas assigné la SCI devant le juge des référés. Ils en concluent que les époux [H] sont toujours propriétaires du fonds voisin et doivent à ce titre répondre du sinistre.

- d'autre part, infondée, dès lors qu'il n'est pas établi qu'au jour de la vente de l'immeuble, le mur mitoyen présentait un défaut, alors que les travaux de décaissements effectués étaient visibles tout comme leur médiocrité.

* la garantie d'Axa est acquise au titre du sinistre. Sur ce point, le fait dommageable est défini et ne correspond pas à l'effondrement lui-même, mais au fait qui constitue la cause génératrice du dommage. La DROC n'a une incidence qu'en matière de contrat d'assurance de responsabilité décennale, alors qu'il s'agit en l'espèce d'un contrat d'assurance couvrant la responsabilité civile des propriétaires à l'égard des tiers. Les travaux s'étant étalés sur 8 mois, Axa couvrait l'immeuble sur une période importante de leur réalisation. Peu importe que les travaux litigieux aient commencé avant le début de la garantie. La garantie au titre de la responsabilité de l'assuré du fait des bâtiments assurés a vocation à s'appliquer, dès lors qu'elle concerne non seulement les parties principales du bâtiment, mais également ses parties annexes, parmi lesquelles peut figurer le mur litigieux s'étant effondré ou la cour dont le décaissement a causé cet effondrement.

* la garantie de la société BPCE Assurances est acquise. L'annulation de la vente au titre d'une action en garantie des vices cachés est sans incidence, dès lors que l'annulation du contrat d'assurance lui-même est exclusivement réglementée par les articles L. 121-15, L. 113-8, L. 121-3 et L. 121-4, et qu'aucune des hypothèses visées ne trouvent pas à s'appliquer en l'espèce.

La garantie des dommages matériels causés aux tiers par les bâtiments s'applique, alors que l'exclusion de garantie prévue en matière de troubles anormaux de voisinage ne concerne que la garantie responsabilité civile dans le cadre de la vie privée, dont la mise en 'uvre n'est pas sollicitée en l'espèce.

Par conclusions notifiées le 5 septembre 2022, la BPCE Assurances demande à la cour de :

- confirmer le jugement critiqué en qu'il l'a mise hors de cause ;

- débouter l'ensemble des parties en leur demandes dirigées à son encontre ;

- condamner solidairement toutes parties succombantes au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, elle fait valoir que :

- la responsabilité de la SCI est entière, en ce qu'elle a réalisé des travaux au mépris des règles de l'art ;

- l'immeuble que ses assurés ont acquis était atteint d'un vice caché, le rendant impropre à l'usage auquel il était destiné ;

- le contrat d'assurance souscrit par les époux [H] ne couvre pas les travaux réalisés par la SCI antérieurement à la vente ;

- le contrat exclut de garantir les troubles anormaux de voisinage ;

- les époux [H] n'ont eu connaissance de la difficulté que postérieurement à la réalisation du sinistre, de sorte qu'il ne peut leur être reproché une faute consistant à ne pas avoir pris de mesure pour éviter l'effondrement ;

- le mur étant mitoyen, il n'est pas placé sous la garde des époux [H] ;

- la résolution de la vente conclu avec la SCI exclut une quelconque responsabilité des époux [H], étant observé qu'elle entraîne l'anéantissement du contrat d'assurance, dont le remboursement des primes est inclus dans les préjudices subis par les acquéreurs.

Les époux [H], auxquels la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été valablement signifiées, n'ont pas constitué avocat devant la cour.

La SCI n'a pas conclu devant la cour, bien qu'ayant constitué avocat le 28 mars 2022.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la forclusion de l'action en garantie des vices cachés :

A titre liminaire, la cour observe qu'alors que la SCI n'avait pas constitué avocat devant le tribunal judiciaire, les époux [H] n'ont pas constitué avocat devant la cour, alors qu'ils étaient les demandeurs à l'annulation de la vente. Aucune partie ne conteste toutefois devant la cour l'intérêt à agir des époux [A] [V] à critiquer le chef du jugement ayant prononcé la nullité de la vente au titre de vices cachés.

Le délai de deux ans dans lequel doit être intentée l'action résultant de vices cachés, en application de l'article 1648 du code civil dans sa rédaction issue de la loi n°2009-323 du 25 mars 2009 applicable à la vente conclue le 9 juin 2012, est un délai de forclusion qui n'est pas susceptible de suspension, mais qui, en application de l'article 2242 du code civil, peut être interrompu, notamment par une demande en justice, jusqu'à l'extinction de l'instance. Il en résulte notamment que la suspension de la prescription lorsque le juge fait droit à une demande d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, puis jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois à compter du jour où la mesure a été exécutée, telles que prévues par l'article 2239 du code civil, n'est pas applicable à un tel délai de forclusion.

En l'espèce, l'effondrement du mur n'est d'une part survenu que le 2 février 2013, alors qu'aucun élément n'établit qu'antérieurement à cette date, les époux [H] avaient connaissance de l'existence d'une fragilité de ce mur résultant des travaux réalisés par la SCI, étant observé que la vente n'était intervenue que quelques mois auparavant.

Le gérant de la SCI a déclaré à l'expert judiciaire qu'il avait réalisé lui-même divers travaux entre le 28 septembre 2011 et le 9 juin 2012, sans qu'il soit précisé si l'existence de ces travaux et leur caractère défectueux étaient ou non directement révélés par l'état des lieux tels que les époux [H] ont pu l'observer au moment de la vente.

L'expertise judiciaire ne permet en effet pas de déterminer quel était l'état des lieux à la date de la conclusion de la vente : plus généralement, l'existence d'indices matériels susceptibles de révéler cette fragilité du mur aux époux [H] avant qu'il ne s'effondre, n'est prouvée par aucune des pièces produites. À cet égard, les étais observés sur les photographies du rapport d'expertise sont notamment postérieurs à cet effondrement, dès lors qu'ils n'ont été installés que les 29 et 30 octobre 2013.

Il en résulte que le point de départ du délai biennal doit être fixé au 2 février 2013, date à laquelle les époux [H] ont eu connaissance du vice qu'ils invoquent.

D'autre part, il résulte de l'article 2241 du code civil que, pour interrompre le délai de prescription ou de forclusion, la demande en justice doit émaner de celui dont le droit est menacé de prescription et être adressée à la personne en faveur de laquelle court la prescription. L'effet interruptif d'une demande en justice ne peut bénéficier qu'à l'auteur de l'acte extrajudiciaire et n'a d'effet qu'à l'égard de la ou des seules personnes attraites en justice.

En l'espèce, alors que l'action en garantie des vices cachés concerne exclusivement les relations contractuelles entre la SCI et les époux [H], il appartenait par conséquent à ces derniers d'interrompre le délai de forclusion en introduisant eux-mêmes des demandes en justice pour bénéficier de l'effet interruptif prévu par l'article 2241 du code civil. À cet égard, l'assignation du 9 août 2013 a été délivrée à la SCI à l'initiative des époux [H], de sorte que ces derniers peuvent valablement s'en prévaloir à titre d'acte interruptif de leur propre action rédhibitoire à l'encontre de la SCI.

En application de l'article 2242 du code civil, l'interruption résultant de la demande en justice produit en outre ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance. À cet égard, alors que le juge des référés est dessaisi par la reddition de son ordonnance, il en résulte que l'instance introduite par l'assignation du 9 août 2013 a pris fin le 3 septembre 2013, date à laquelle le juge des référés a ordonné l'expertise judiciaire.

Par ailleurs, toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d'expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, y compris à l'égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale, et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige.

L'exposé du litige par le premier juge mentionne que les époux [H] ont fait notamment assigner la SCI par assignation du 10 avril 2015 aux fins d'extension des opérations d'expertise. Cette assignation a par conséquent produit un effet interruptif de l'action engagée au fond par les époux [H], dès lors que cette demande en justice a été sollicitée par ces derniers et que la SCI figure parmi les parties initiales qu'ils ont assignés au titre d'une telle extension de la mesure d'instruction.

En revanche, l'ordonnance du juge des référés du 17 octobre 2017 (pièce 4 d'Axa) fait apparaître que l'assignation délivrée le 30 septembre 2017 par les époux [H] aux fins d'extension de la mesure d'instruction à l'égard d'Axa n'a pas été également délivrée à la SCI. Il en résulte que cette assignation ne produit aucun effet interruptif à l'encontre de cette dernière.

Pour autant, conformément à l'article 2242 précité, l'interruption du délai résultant de l'assignation du 10 avril 2015 a produit ses effets jusqu'à l'intervention de l'arrêt du 31 mars 2016, par lequel la cour d'appel de Douai a réformé l'ordonnance du juge des référés ayant initialement rejeté la demande d'extension, cette interruption n'étant ainsi pas non avenue.

En dernier lieu, le délai biennal de forclusion expirait ainsi au 31 mars 2018.

Dès lors que l'assignation au fond devant le tribunal de grande instance n'a été délivrée les 29 et 30 janvier 2018 qu'à l'initiative des époux [A] [V] et des ACM, les époux [H] ne peuvent s'en prévaloir à titre d'acte interruptif de leur propre délai de forclusion.

La circonstance que le juge de la mise en état ait ordonné le 28 juillet 2018 un sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise est en outre indifférente, dès lors qu'une telle décision n'est pas interruptive du délai de forclusion.

Alors que la cour ne dispose pas des premières conclusions notifiées par les époux [H] dans le cadre de cette instance au fond, il ressort enfin de l'examen de l'exposé du litige par le premier juge que ces derniers ont formulé leur demande aux fins d'annuler la vente selon conclusions récapitulatives du 27 novembre 2019.

Dans ces conditions, une telle demande est intervenue postérieurement à l'expiration du délai survenue le 31 mars 2018.

L'action en garantie des vices cachés engagée par les époux [H] est par conséquent irrecevable comme forclose.

Le jugement est par conséquent réformé en ce qu'il a déclaré tant recevable que bien fondée l'action en garantie des vices cachés pour prononcer la résolution de la vente de l'immeuble litigieux. Il n'y a pas en outre pas lieu d'ordonner l'inscription auprès du service de publicité foncière d'une décision prononçant la nullité d'une vente immobilière.

Sur le trouble anormal de voisinage :

Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.

Sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage :

Il est constant que :

les travaux réalisés par le gérant de la SCI ont causé le 2 février 2013,

antérieurement à la prise de possession des lieux par les nouveaux propriétaires, un effondrement partiel du mur soutenant la cour de la propriété des époux Netode Jesus, ainsi que leur maison d'habitation ; le mur en retour soutenant leur jardin potager a également subi un phénomène de déstabilisation ; (pages 30 et 31 du rapport d'expertise judiciaire) ;

l'importance d'un tel dommage, qui met en péril l'immeuble voisin et la sécurité de ses habitants, s'analyse comme un trouble anormal de voisinage, dès lors qu'il excède les conséquences que toute personne doit supporter à l'occasion des travaux réalisés sur un fonds voisin ;

ce dommage a subsisté après que les époux [H] ont acquis l'immeuble dans lequel ces troubles trouvent leur origine.

Sur le cumul de responsabilité des propriétaires successifs :

L'action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extracontractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble, responsable de plein droit (Civ. 3e, 16 mars 2022, FS-B, n° 18-23.954).

Dès lors que le trouble de voisinage subsiste postérieurement à la vente de l'immeuble où il trouve sa source, les nouveaux propriétaires engagent leur responsabilité délictuelle à l'égard de leurs voisins.

La Cour de cassation a ainsi exclu le cumul de responsabilités entre le propriétaire actuel et celui lui ayant vendu l'immeuble duquel proviennent les troubles : à cet égard, elle rejette le pourvoi par lequel était contesté que seul le propriétaire actuel engage sa responsabilité et doit par conséquent intégralement réparer le préjudice résultant du trouble anormal de voisinage dès lors que ce trouble subsiste après la vente de l'immeuble litigieux.

Pour autant, elle n'a pas précisé le fondement d'une telle exclusion de la responsabilité du propriétaire précédent ayant vendu l'immeuble litigieux.

Parallèlement, s'agissant du délai de prescription extinctive applicable, la Cour de cassation a toutefois précisé d'une façon absolument générale que l'action fondée sur un trouble anormal du voisinage constitue, non une action réelle immobilière, une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui peut être dirigée contre tout voisin auteur des nuisances, quel que soit son titre d'occupation (3e Civ, 16 janvier 2020, 16-24.352, publié ; 3e Civ., 20 mai 2021, pourvoi no 20-11.926).

Il en résulte notamment que l'action en réparation d'un tel trouble ne repose pas sur une obligation « propter rem » du nouveau propriétaire ayant vocation à expliquer qu'il soit seul tenu à indemniser le préjudice persistant qui en résulte après que l'immeuble litigieux lui a été vendu.

Plus généralement, l'autonomie du régime de responsabilité fondé sur les troubles anormaux de voisinage a été consacrée. Il s'est notamment affranchi de l'article 544 du code civil et n'est ainsi pas fondé sur un abus du droit réel de propriété, mais sur une responsabilité délictuelle reposant sur le principe général selon lequel nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage.

N'étant pas attachée à la chose et étant déconnectée de la faute, la responsabilité objective qui résulte de ce principe général a par conséquent vocation à s'appliquer à chacun des propriétaires successifs de l'immeuble, dès lors qu'au cours de leur détention respective de ce dernier, les troubles anormaux de voisinage ont existé.

En outre, le cumul de responsabilités n'est pas en soi prohibé, dès lors qu'il est admis que soient tenus in solidum de réparer de tels troubles à la fois le propriétaire de l'immeuble au moment de leur réalisation et le constructeur ayant réalisé les travaux dans lesquels ils ont trouvé leur origine.

Admettre le cumul de responsabilités entre les propriétaires successifs n'équivaut enfin pas à consacrer l'exonération du propriétaire actuel à raison du fait d'un tiers, solution exclue par la jurisprudence, dès lors qu'il ne s'agit pas de reconnaître un partage de responsabilité entre les propriétaires successifs, mais au contraire de retenir une obligation d'indemnisation pour le tout par chacun des deux propriétaires successifs.

Conformément au droit de la responsabilité extra-contractuelle, les propriétaires successifs sont ainsi obligés in solidum à la dette, dès lors qu'ils ont respectivement et successivement concouru à la réalisation du préjudice subi par le voisin, alors qu'ils disposent entre eux d'un recours en contribution, notamment en fonction de la durée de leur détention de l'immeuble litigieux ou de la gravité de leurs fautes respectives.

Au surplus, les époux [A] [V] invoquent valablement, à titre subsidiaire, une responsabilité pour faute de la SCI dans la survenance du préjudice qu'ils subissent. À cet égard, l'expertise judiciaire établit que les travaux réalisés pour le compte de la SCI par son propre gérant ne respectent pas les règles de l'art et que les travaux de décaissement excessif de la cour et de démolition d'une ancienne dépendance sont à l'origine du sinistre, alors que de telles structures assuraient antérieurement la stabilité du mur litigieux. Les travaux de démolition de dépendance sur la propriété de la SCI et de décaissement de la cour ont été ainsi réalisés fautivement, par un retrait excessif de terre conjugué à une absence de mesures particulières permettant d'assurer la stabilité du mur litigieux. L'expertise judiciaire a établi que la réalisation fautive des travaux a causé l'effondrement du mur mitoyen au préjudice des époux [A] [V].

En considération d'une telle faute imputable au maître de l'ouvrage, la responsabilité délictuelle de la SCI est par conséquent engagée à ce titre sur le fondement de l'article 1240 du code civil et l'oblige à indemniser les époux [A] [V] des conséquences dommageables qui en résultent.

En revanche, alors que l'invocation par les époux [A] [V] et des ACM d'une responsabilité délictuelle des époux [H] pour faute n'est que subsidiaire, il n'appartient pas à la cour de statuer, même au surplus, sur une telle prétention, dès lors qu'elle a admis à titre principal leur responsabilité au titre de troubles anormaux du voisinage.

Sur l'incidence de l'annulation de la vente de l'immeuble litigieux :

L'annulation rétroactive de la vente entre les parties, résultant d'un manquement par le vendeur à son obligation de vendre un immeuble exempts de vices cachés, est opposable aux tiers.

Pour autant, contrairement à l'appréciation du premier juge, cette annulation n'a aucune incidence sur la responsabilité des époux [H] fondée sur ce régime autonome de responsabilité. Leur responsabilité délictuelle n'est en effet pas engagée en leur qualité juridique de propriétaires, laquelle était au surplus apparente à l'égard des tiers à la vente, mais en leur qualité de voisins ayant contribué à la réalisation des troubles anormaux de voisinage subis par les époux [A] [V], quel que soit leur titre d'occupation (3e Civ., 20 mai 2021, pourvoi no 20-11.926 précité).

Or, cette qualité de voisin s'analyse comme une circonstance factuelle que l'annulation de la vente n'a pas remise en cause.

La cour ayant au surplus réformé le jugement en ce qu'il avait prononcé la résolution de la vente de l'immeuble litigieux, le moyen est en tout état de cause inopérant.

En définitive, tant la SCI que les époux [H] doivent répondre in solidum des conséquences dommageables du trouble anormal de voisinage subi par les époux Noto [V].

Sur les préjudices :

Sur le préjudice matériel :

Dans son rapport du 28 septembre 2018, l'expert judiciaire a estimé les dommages matériels subis par les époux [A] [V] en lien de causalité avec les faits générateurs de responsabilité à hauteur de 132 615,11 euros HT, soit 159 138,13 euros TTC en valeur à octobre 2018, qui inclut le coût des mesures de sécurité effectuées en 2013 et 2017.

Sur ce montant global, les ACM justifient avoir indemnisé le préjudice subi par les époux [A] [V] à hauteur de 57 301 euros. Alors que la récupération de la TVA par ces derniers n'est pas établie, ce dernier montant s'entend TTC.

Ayant versé ces indemnités en exécution du contrat d'assurance les liant à ces derniers, les ACM produisent valablement le contrat multirisques habitation souscrit par Mme [A] [V] à effet au 1er janvier 2010 et des quittances subrogatives correspondant aux différents versements qu'elles ont effectués au profit des époux [A] [V]. Les ACM établissent ainsi être subrogées dans les droits et actions de leurs assurés, tant légalement en application de l'article L. 121-12 du code des assurances que conventionnellement en application de l'article 1250, 1° du code civil.

Dans ces conditions, il convient de condamner in solidum la SCI et les époux [H] à payer :

- d'une part, aux ACM la somme de 57 301 euros,

- d'autre part, aux époux [A] [V] celle de 159 138 ' 57 301, soit 101 837,13 euros.

Sur la cessation du trouble anormal de voisinage :

Pour permettre que les travaux de reprise puissent être exécutés conformément aux préconisations de l'expert et selon les indications fournies par la société Novebat, il convient en outre d'enjoindre aux propriétaires de l'immeuble voisin d'autoriser l'accès à leur fonds pendant le temps nécessaire à leur réalisation, selon les modalités fixées au dispositif du présent arrêt.

Sur le préjudice de jouissance :

Les époux [A] [V] subissent un préjudice de jouissance qui résulte de la privation totale de l'utilisation de la cour de leur immeuble, étant notamment relevé que leurs petits-enfants n'ont pu profiter de celle-ci en considération du danger pour la sécurité des personnes que l'expert judiciaire a relevé.

Il en résulte une dévalorisation de la valeur locative de leur immeuble à hauteur de 200 euros par mois, telle qu'elle a été proposée par l'expert judiciaire :

- ayant débuté à compter du 2 février 2013

- s'étant prolongé jusqu'au présent arrêt, à défaut de réalisation des travaux permettant de mettre fin au trouble anormal de voisinage.

Pour autant, la demande indemnitaire est limitée à la période s'achevant au jour du jugement critiqué.

La période du 2 février 2013 au 9 juillet 2021, soit 3 080 jours, correspond à 101 mois (3 080 / 30,4166 [mois normalisé]), soit une indemnisation de 101 x 200 euros = 20 200 euros.

La demande étant plafonnée à 18 200 euros, il convient de condamner in solidum la SCI et les époux [H] à payer aux époux [A] [V] cette dernière somme.

Sur le préjudice financier :

Le premier juge a débouté les époux [A] [V] de leur demande de ce chef, à défaut d'avoir produit des pièces justificatives d'un projet de vente de leur immeuble.

Devant la cour, ils n'apportent pas davantage la démonstration d'un projet de vente de leur immeuble, de sorte que leur débouté par le tribunal est confirmé, alors que leurs seules déclarations devant l'expert judiciaire ne sont pas probantes de l'existence d'un tel préjudice.

Sur le préjudice moral :

Bien que les justificatifs de troubles de santé allégués par les époux [A] [V] en lien de causalité avec les faits subis ne sont pas produits devant la cour, la durée particulièrement importante des désagréments subis par ces derniers et résultant d'une telle relation conflictuelle avec leur voisinage permet de retenir l'existence d'un préjudice moral, de nature extra-patrimoniale, qui se distingue de l'indemnisation fixée au titre de leur préjudice de jouissance.

Le quantum fixé par le premier juge n'étant pas contesté, il convient de confirmer cette évaluation et de condamner in solidum la SCI et les époux [H] à payer aux époux [A] [V] la somme de 3 000 euros à ce titre.

Sur la garantie de la BPCE :

A titre liminaire, la cour ayant déclaré irrecevable l'action en garantie des vices cachés engagée par les époux [H], le moyen tiré de la « disparition des événements intermédiaires intervenus » entre la vente et son annulation est par conséquent inopérant.

De même, la contestation d'une faute civile imputable aux époux [H] ou de la garde du mur est également indifférente, dès lors qu'à titre principal, la cour a retenu leur responsabilité au titre d'un trouble anormal de voisinage, et non sur le fondement des responsabilités du fait personnel ou du fait des choses.

S'agissant de la charge probatoire, alors qu'il appartient d'abord au tiers lésé d'établir que les conditions de la garantie qu'il invoque sont remplies, il incombe ensuite à l'assureur qui lui oppose une clause d'exclusion d'établir que ses conditions d'application sont réunies.

Sur les conditions de garanties :

D'une part, les époux [H] ont conclu avec la BPCE un contrat d'assurance multirisques habitation selon une formule 2 résidence principale « propriétaire résident », dont les conditions particulières font apparaître qu'au titre des garanties de base visées par les conditions générales, figure notamment leur « responsabilité civile liée à [leur] habitation » dans la limite d'un plafond de 100 millions d'euros et sans franchise.

Les époux [A] [V] et les ACM invoquent l'article 4.1. des conditions générales du contrat, qui stipule qu'est garantie leur « responsabilité civile à l'égard des voisins et des tiers en tant que propriétaires » : cette clause précise que « si [leur] responsabilité est engagée, [la BPCE] garantit les conséquences pécuniaires qu'ils peuvent encourir en raison des dommages corporels, matériels et immatériels causés à des tiers par : les bâtiments et le terrain situés à l'adresse indiquée dans leurs conditions particulières ainsi que les arbres, plantations, éléments extérieurs fixes et piscines qui s'y trouvent [...] ».

En l'espèce, les dommages subis par les époux [A] [V] résultent du terrain appartenant aux époux [H] et dont le décaissement excessif a diminué le poids de la butée des terres sur la fondation du mur, facilitant le mouvement de renversement, ainsi qu'il résulte de l'expertise judiciaire.

Alors que les époux [A] [V] n'invoquent pas une responsabilité fondée sur l'article 1792 du code civil, les dommages qu'ils subissent résultent par conséquent des circonstances visées par la clause de définition.

Sur l'exclusion de garantie :

D'autre part, la BPCE invoque une série d'exclusions de garantie, qui figure en page 4 des conditions particulières et mentionne en particulier que : « quels que soient votre type d'habitation et votre formule, la garantie responsabilité civile vie privée ne couvre pas : ['] les troubles anormaux de voisinage ».

Pour autant, alors que la clause 4 vise globalement « les garanties de responsabilité civile » couvertes par le contrat et rassemble ainsi une série de garanties ouvertes à la souscription, cette clause d'exclusion figure toutefois dans sa clause 4.5 visant exclusivement la garantie « responsabilité civile dans le cadre de votre vie privée », que les époux [A] [V] et leur assureur n'ont pas invoqué pour solliciter l'indemnisation par la BPCE.

Il en résulte qu'à défaut de figurer dans la clause 4.1., cette exclusion conventionnelle des dommages résultant des « troubles anormaux de voisinage » n'est pas valablement opposée par la BPCE aux époux [H], en leur qualité de tiers lésés par leurs assurés, et aux ACM, dès lors qu'elle ne s'applique pas à la garantie couvrant la responsabilité civile des propriétaires du fait de leur immeuble.

Le jugement critiqué ayant rejeté les demandes formées à l'encontre de la BPCE est par conséquent réformé de ce chef.

La BPCE est à l'inverse condamnée à garantir les condamnations prononcées à l'encontre des époux [H] par le présent arrêt.

Sur la garantie d'Axa :

Sur l'existence d'une responsabilité de la SCI :

La responsabilité de la SCI tant au titre des troubles anormaux de voisinage qu'au surplus au titre d'une faute dans la réalisation des travaux litigieux a été retenue, de sorte que le moyen tiré par Axa d'une absence de responsabilité de son assurée est inopérant.

Sur l'application dans le temps de la garantie :

S'agissant d'un contrat d'assurance de responsabilité civile couvrant des personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle, la garantie d'Axa est d'une part déclenchée, conformément à l'article L. 124-5 du code des assurances, par le fait dommageable. L'application dans le temps d'une telle garantie est déterminée par son alinéa 3, qui dispose que « la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre ».

L'article L. 124-1-1 du code des assurances dispose d'autre part que « le fait dommageable est celui qui constitue la cause génératrice du dommage. Un ensemble de faits dommageables ayant la même cause technique est assimilé à un fait dommageable unique ».

En premier lieu, le fait dommageable, qui est exclusivement constitué par la cause génératrice du dommage, ne se confond pas avec la manifestation de ce dommage.

Il est par conséquent indifférent que l'effondrement du mur, qui constitue la manifestation du dommage, soit survenu le 2 février 2013, soit postérieurement à la période de garantie.

L'expertise judiciaire permet de retenir une pluralité de faits dommageables ayant contribué à causer le dommage : l'expert a en effet établi que le dommage a été causé par les travaux réalisés par la SCI sur sa propriété, au cours d'une période allant du 28 septembre 2011 au 9 juin 2012 :

« démolition d'une ancienne dépendance d'environ 30 m² au lieu et place de la cour actuelle ;

enlèvements des ancrages métalliques de la structure fixée sur le mur ;

décaissement de la cour d'environ 50 centimètres selon ses dires »

En second lieu, si plusieurs faits dommageables sont ainsi identifiés, le sinistre déclaré ne présente toutefois pas un caractère sériel, de sorte que la question de l'unicité du fait dommageable permettant de retenir une globalisation de sinistres successifs est étrangère au litige.

En effet, si ces différents faits dommageables ont entraîné un effet technique unique, constitué par la pression exercée sur le mur litigieux ayant conduit à l'effondrement du mur mitoyen, ils ne procèdent en revanche pas d'une cause technique unique.

Les dispositions de l'article L. 124-1-1 in fine précité sont par conséquent inapplicables à l'espèce, de sorte que le chantier ne constitue pas un sinistre unique dont le point de départ devrait être fixé à son commencement. Par conséquent, il importe peu que la date du 28 septembre 2011 indiquée par le gérant de la SCI soit retenue comme date de démarrage du chantier.

A l'inverse, les garanties souscrites par la SCI jouent pour tout fait entraînant la responsabilité de cette dernière, dès lors qu'il est commis au cours de la période où le contrat d'assurance est en cours.

Il est constant que les garanties souscrites par la SCI ont pris effet à compter du 2 décembre 2011, date figurant sur les conditions particulières signées par cette dernière, alors que les parties ne contestent pas par ailleurs qu'elles ont cessé à compter de la vente de l'immeuble assuré, intervenue en juin 2012, en dépit des dispositions de l'article L. 121-10 du code des assurances et de l'absence de justification d'une résiliation du contrat par la SCI selon les modalités prévues en pages 42 et 43 des conditions générales.

La preuve de la datation des faits dommageables est librement administrée par le tiers victime qui s'en prévaut. À cet égard, alors que le contrat d'assurance souscrit par la SCI a pour objet la responsabilité civile du fait des bâtiments dont elle est propriétaire, l'identification d'une date de DROC est notamment indifférente.

A l'inverse, un faisceau d'indices concordants établit que les faits dommageables précités sont intervenus au cours de la période d'effet des garanties souscrites : à cet égard, il convient de prendre en compte :

- la déclaration du gérant de la SCI, qui a indiqué que les différents faits générateurs étaient survenus entre le 28 septembre 2011 et le 9 juin 2012 (page 24/53 du rapport d'expertise), soit majoritairement sur la période couverte par la garantie d'Axa ;

- la précision apportée par l'expert en réponse à un dire, selon laquelle ce même gérant a mentionné plus spécifiquement que la fin des travaux est intervenue « juste avant la signature de l'acte » de vente, conclue le 9 juin 2012 ;

- l'importance des travaux décrits par l'expert, qui implique qu'ils n'étaient pas achevés au 2 décembre 2011, soit seulement deux mois après leur commencement. A ce titre, s'il n'est pas établi avec certitude que la démolition d'une ancienne dépendance s'est poursuivie au-delà du 2 décembre 2011, la chronologie des travaux implique en revanche que le décaissement excessif de la cour est intervenu en dernier lieu, de sorte que ce fait générateur est nécessairement survenu pendant la période de garantie.

Le rattachement temporel du sinistre à la période de garantie est par conséquent établi, dès lors qu'entre le 2 décembre 2011 et le 9 juin 2012, les époux [A] [V] et les ACM démontrent qu'au moins le fait dommageable constitué par le décaissement de la cour, que l'expert analyse comme la principale cause du sinistre, est survenu au cours de cette période pendant laquelle les garanties souscrites par la SCI étaient temporellement applicables.

Sur l'application des garanties souscrites :

Les conditions particulières du contrat du 2 décembre 2011 comportent la garantie « responsabilité du fait des bâtiments assurés ».

En page 37 des conditions générales du contrat, figurent les stipulations suivantes, concernant la garantie « responsabilité du fait des bâtiments assurés (responsabilité immeuble) :

Ce que nous garantissons :

Les conséquences pécuniaires des dommages corporels, matériels et immatériels, causés par les bâtiments assurés tels que définis au paragraphe Biens assurés, et les dépendances garantis par ce contrat.

Si vous êtes propriétaire, il s'agit :

* des bâtiments assurés : votre habitation, ses dépendances et les parties annexes en dépendant tels que parcs, cours, jardins et clôtures, piscines ainsi que les arbres et plantations ».

En page 4 des conditions générales, figure la définition des « biens assurés » à laquelle renvoie la précédente stipulation, dans les termes suivants :

« vos bâtiments :

ce que nous garantissons :

[']

les clôtures et les murs de soutènement de vos bâtiments situés au lieu de l'assurance, si vous en êtes propriétaires ;

[']

les aménagements immobiliers, si vous être propriétaire ou copropriétaire et sous réserve :

qu'ils aient été réalisés à vos frais ou acquis par vous, [']. »

En premier lieu, l'examen de cette dernière liste vise notamment « les clôtures », et pas seulement les murs de soutènement des bâtiments, alors que la circonstance que le mur litigieux soit reconnu comme mitoyen par les parties implique qu'il appartient conjointement à chacun des voisins, étant observé que la clause n'exige pas que l'assuré soit propriétaire exclusif du bien assuré dont résulte la responsabilité civile de celui-ci.

En second lieu, dès lors que les stipulations de la page 37 comportent des précisions supplémentaires par rapport à celles de la page 4, en visant les « parties annexes » qui ne sont pas visées parmi les « biens assurés », elles ont vocation à primer les stipulations plus générales et applicables à l'ensemble des garanties visées par le contrat multirisques souscrit, étant par ailleurs rappelé qu'en application de l'article 1190 du code civil, l'interprétation des clauses qu'implique une telle contrariété entre deux séries de clauses doit s'effectuer contre l'assureur ayant proposé les conditions générales, lesquelles s'analysent comme un contrat d'adhésion contenant des clauses non négociables et déterminées à l'avance par l'une des parties.

À cet égard, les stipulations particulières à la garantie « responsabilité du fait des bâtiments assurés » visent une liste de « parties annexes », dont le caractère non exhaustif résulte de l'emploi de la locution « tels que ». Cette liste compte par ailleurs spécifiquement les « cours » et « clôtures » parmi de telles parties annexes assurées, lesquelles correspondent, en l'absence de définition contractuelle spécifique, aux différentes parties de l'ensemble immobilier de la SCI ayant causé les dommages subis par ses voisins.

En effet, dès lors que le sinistre trouve son siège dans la cour de l'immeuble appartenant à la SCI, que cette dernière a excessivement creusé jusqu'à déstabiliser le mur mitoyen, et dans le mur lui-même, dont la stabilisation n'a pas été garantie en l'absence de mise en 'uvre de mesures particulières de confortement, ces deux éléments immobiliers s'analysent par conséquent comme des « parties annexes » des bâtiments et sont ainsi assurés par Axa.

Il résulte de l'ensemble de ces constatations et énonciations que le sinistre subi par les époux [A] [V] et partiellement pris en charge par les ACM est couvert par la garantie « responsabilité civile du fait des bâtiments » souscrite par la SCI auprès d'Axa, qui est par conséquent condamnée à garantir son assurée et à indemniser les victimes.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

- d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a exclusivement condamné in solidum Axa et la SCI

- et d'autre part, à condamner in solidum la SCI, Axa, les époux [H] et la BPCE, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer aux époux [A] [V] et aux ACM la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des procédures devant les premiers juges et d'appel.

Enfin, dès lors que les époux [H] sont irrecevable à agir en résolution de la vente dans leurs rapports avec la SCI, il convient de réformer le jugement ayant condamné cette dernière à leur payer une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Réforme le jugement rendu le 9 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Saint-Omer en toutes ses dispositions soumises à la cour, sauf en ce qu'il a :

- condamné la SA Axa France Iard à garantir la SCI [Adresse 8] des condamnations prononcées à son encontre au titre des dommages subis par les époux [A] [V] ;

- débouté M. [R] [A] [V] et Mme [P] [I] épouse [A] [V] de leur demande au titre d'un préjudice financier ;

Statuant à nouveau sur les chefs réformés :

Déclare irrecevable l'action en garantie des vices cachés engagée par les époux [H] à l'encontre de la SCI [Adresse 8] ;

Déclare la SCI [Adresse 8] responsable des préjudices subis par M. [R] [A] [V] et Mme [P] [I] épouse [A] [V] et résultant de l'effondrement du mur principal de soutènement de leur cour et d'un mur en retour côté jardin ;

Déclare M. [F] [H] et Mme [U] [B] épouse [H] responsables des préjudices subis par M. [R] [A] [V] et Mme [P] [I] épouse [A] [V] et résultant de l'effondrement du mur principal de soutènement de leur cour et d'un mur en retour côté jardin ;

Condamne in solidum M. [F] [H] et Mme [U] [B] épouse [H], d'une part, et la SCI [Adresse 8], d'autre part, à payer à :

M. [R] [A] [V] et Mme [P] [I] épouse [A] [V] : les sommes de :

* 101 837,13 euros, au titre des préjudices matériels subis ;

* 18 200 euros au titre du préjudice de jouissance subi jusqu'au 9 juillet 2021 ;

* 3 000 euros au titre du préjudice moral subi ;

- la société ACMN Iard, venant aux droits de la société Assurances du Crédit Mutuel Iard, subrogée dans les droits et actions de M. [R] [A] [V] et Mme [P] [I] épouse [A] [V], la somme de 57 301 euros ;

Fait injonction à M. [F] [H] et de Mme [U] [B] épouse [H] de laisser l'accès à leur propriété, située [Adresse 9], pour permettre l'exécution des travaux de reprise préconisés par l'expert judiciaire [M] dans son rapport du 28 septembre 2018 et visés par le devis Novebat qui y est annexé, moyennant la fourniture aux époux [H] par M. [R] [A] [V] et Mme [P] [I] épouse [A] [V] d'un calendrier des opérations, fixant dans un délai de prévenance de 2 mois, les dates et la durée prévisible des travaux nécessitant un tel accès ; Dit que cette injonction s'exécutera sous astreinte de 100 euros par infraction constatée pendant une période de deux mois, à l'issue de laquelle il appartiendra à toute partie intéressée de saisir le juge de l'exécution territorialement compétent pour procéder à la liquidation de cette astreinte et en ordonner, le cas échéant, une nouvelle ;

Dit que la société Axa France Iard doit garantir son assurée, la SCI [Adresse 8], à hauteur de l'intégralité des sommes principales mises à la charge de cette dernière par la présente condamnation ;

Dit que la société BPCE Assurances doit garantir ses assurés, M. [F] [H] et Mme [U] [B] épouse [H], à hauteur de l'intégralité des sommes principales mises à la charge de ces derniers par la présente condamnation ;

Condamne in solidum la SCI [Adresse 8], M. [F] [H] et Mme [U] [B] épouse [H], la société BPCE Assurances et la SA Axa France Iard :

'' aux entiers dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire,

'' et à payer à M. [R] [A] [V] et Mme [P] [I] épouse [A] [V] la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés tant en première instance qu'en appel ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

[Y] [L]


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04412
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;21.04412 ?
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