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09/03/2023 | FRANCE | N°21/04050

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 09 mars 2023, 21/04050


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 09/03/2023



****



N° de MINUTE : 23/95

N° RG 21/04050 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYFF



Ordonnance (N° 21/00099) rendue le 23 Juin 2021par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer





APPELANTES



Madame [E] [P]

de nationalité Française

[Adresse 22]

[Localité 27]



SA LA Medicale prise en la personne de ses représe

ntants légaux domiciliés ès qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 20]



Représentées par Me Vincent Troin, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué, substitué par Me Deleye, avocat au ba...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 09/03/2023

****

N° de MINUTE : 23/95

N° RG 21/04050 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TYFF

Ordonnance (N° 21/00099) rendue le 23 Juin 2021par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer

APPELANTES

Madame [E] [P]

de nationalité Française

[Adresse 22]

[Localité 27]

SA LA Medicale prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 20]

Représentées par Me Vincent Troin, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué, substitué par Me Deleye, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer

INTIMÉS

Madame [L] [H] [X] [N] née [O]

née le [Date naissance 7] 1990 à [Localité 26]

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 17]

Madame [W] [Y] [M] [O]

née le [Date naissance 2] 1993 à [Localité 26]

de nationalité Française

[Adresse 19]

[Localité 18]

Monsieur [B] [F] [C] [O]

né le [Date naissance 9] 1999 à [Localité 26]

de nationalité Française

[Adresse 5]

[Localité 16]

Représentés par Me Moussa Kone, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué

Etablissement Public Centre Hospitalier de [Localité 15] prise en la personne de son représentant légal

Hôpital [29], [Adresse 25]

[Localité 15]

Représenté par Me Jean-François Segard, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué par Me Vermeesche-Bocquet, avocat au barreau de Lille

Etablissement Public Office National d'Indemnisation des Accidents Medicaux, des Affections Iatrogenes et des Infections Nosocomiales (Oniam) prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 1]

[Localité 24]

Représenté par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Céline Roquelle Meyer, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant

AG2R Reunica Prevoyance agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 13]

[Localité 12]

Défaillant à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 10 septembre 2021 à étude

SAS AON France prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Localité 21]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 10 septembre 2021 à personne habilitée

SAS Draka Compteq France agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 6]

[Localité 23]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 10 septembre 2021 à personne habilitée

Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 14]

Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 10 septembre 2021 à personne habilitée

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 15 décembre 2022 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 21 novembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

A la suite du diagnostic d'un cancer du moyen rectum, [S] [O] a, le 26 mai 2016, été opéré d'une résection rectale par Mme [E] [P], chirurgien viscéral et digestif exerçant son activité à la clinique des [28] à [Localité 27].

Le 8 septembre 2016, Mme [P] a opéré [S] [O] pour rétablissement de continuité digestive.

Le 24 septembre 2016, [S] [O] a consulté le service des urgences de la clinique des [28] pour des douleurs abdominales fébriles avec un syndrome inflammatoire ; le scanner alors réalisé a été interprété comme normal.

Le 26 septembre 2016, par suite d'une aggravation du tableau clinique, un nouveau scanner a révélé un pneumopéritoine, accompagné d'un épanchement libre péritonéal et d'une collection aérique de 64mm au niveau anastomotique.

Le 27 septembre 2016, Mme [P] a donc prescrit un lavement aux hydrosolubles, qui s'est compliqué d'un choc septique immédiatement après sa réa1isation. Elle a alors procédé à une reprise chirurgicale en urgence, avec toilette péritonéale large, vidange du grêle, fermeture d'un pertuis sur la ligne d'agrafe du réservoir, drainage du péritoine et réalisation d'une iléostomie.

[S] [O] a été, le même jour, transféré en réanimation au centre hospitalier de [Localité 15]. À son arrivée, il présentait une défaillance multi-viscérale sur péritonite stercorale avec défaillance circulatoire, respiratoire et rénale. Sur le plan vasculaire, l'hospitalisation s'est compliquée d'une ischémie aiguë du membre inférieur gauche avec thrombose, ayant conduit à une amputation transfémorale gauche le 3 octobre 2016, suivie d'une reprise du moignon d'amputation le lendemain en raison d'une déglobulisation et d'un saignement actif.

Le 26 octobre 2016, [S] [O] a présenté un pic fébrile. Un examen pratiqué le 27 octobre 2016 a révélé une thrombophlébite septique à staphylocoque doré justifiant une antibiothérapie.

Il a quitté le centre hospitalier de [Localité 15] le 31 octobre 2016 pour être transféré à la clinique des [28], où sa prise en charge s'est poursuivie, puis a regagné son domicile le 27 août 2017.

Le 11 avril 2017, [S] [O] a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) d'une demande d'indemnisation, laquelle est toujours en cours d'instruction.

Par ordonnance du 12 septembre 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer a confié à MM. [D] [Z] et [G] [A] une mesure d'expertise médicale de [S] [O].

Les experts ont déposé leur rapport le 15 avril 2019, concluant à l'absence de consolidation, retenant plusieurs manquements dans la prise en charge de [S] [O], et proposant de fixer pour moitié la part respective de Mme [P] et du centre hospitalier de [Localité 15] dans la survenance du dommage subi.

Par ordonnance du 27 novembre 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Boulogne-sur-mer, saisi par [S] [O], a condamné in solidum Mme [P] et la société la Médicale à lui payer une provision de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel.

Par arrêt du 17 décembre 2020, la cour d'appel de Douai a confirmé l'ordonnance du 27 novembre 2019 s'agissant des prétentions de [S] [O], et condamné la société la Médicale à payer à l'organisme AG2R réunica prévoyance la somme de 10 352,42 euros à titre de provision à valoir sur les dépenses de santé exposées par la mutuelle.

Un pourvoi en cassation a été régularisé le 17 février 2021 contre cet arrêt ; la procédure est toujours pendante devant la Cour de cassation.

Suivant actes d'huissier du 9, 10, 11 et 30 mars 2021, [S] [O] a fait assigner en référé Mme [P], la société la Médicale, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes, et des infections nosocomiales (ONIAM), la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de l'Artois, la société Draka compteq France, l'organisme AG2R réunica prévoyance (AG2R), la société Aon France, et le centre hospitalier de [Localité 15] afin d'obtenir notamment :

-l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise, confiée à un collège d'experts composé d'un ergothérapeute et d'un architecte à titre principal, et à un expert à titre subsidiaire, avec pour mission notamment de dire si l'état de la victime, avant ou après consolidation, emporte un besoin temporaire ou définitif de logement adapté, de véhicule adapté ou de transport particulier, et s'il nécessite des soins et aides techniques de type prothèse ou appareillage ;

- la condamnation de Mme [P] et de la société la Médicale à lui verser une provision complémentaire de 100 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice, outre une provision ad litem de 5 000 euros.

2. L'ordonnance dont appel :

Par ordonnance rendue le 23 juin 2021, le président du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer, statuant en référé, a :

mis l'ONIAM hors de cause ;

confié à MM. [D] [Z] et [G] [A], experts judiciaires près la cour d'appel de Paris, une mesure d'expertise médicale avec mission habituelle notamment de se faire communiquer le dossier médical complet de [S] [O], décrire son état de santé, analyser l'imputabilité entre le fait dommageable et ses séquelles, fixer sa date de consolidation, indiquer poste par poste l'existence, la nature et l'intensité de ses préjudices ;

condamné in solidum Mme [P] et la société la Médicale à payer à [S] [O] une provision de 46 543,09 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ;

condamné Mme [P] et la société la Médicale à payer à [S] [O] une provision ad litem de 1 500 euros ;

condamné Mme [P] et la société la Médicale à payer à [S] [O] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

rejeté le surplus des demandes ;

condamné in solidum Mme [P] et la société la Médicale aux dépens, à l'exception de ceux afférents à l'action diligentée à l'encontre de l'ONIAM, lesquels seront supportés par [S] [O].

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 21 juillet 2021, Mme [P] et la société la Médicale ont formé appel partiel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de cette ordonnance en limitant leur contestation aux seuls chefs du dispositif numérotés 3 et 5 ci-dessus.

[S] [O] est décédé le [Date décès 4] 2021 en cours de procédure d'appel, laissant pour lui succéder ses enfants, M. [B] [O], Mme [W] [O], et Mme [L] [O] épouse [N], lesquels ont été appelés en cause d'appel par Mme [P] et la société la Médicale suivant assignation en intervention forcée délivrée le 9 mai 2022.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1 Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 17 octobre 2022,

Mme [P] et son assureur, la société la Médicale, demandent à la cour, au visa des articles 4, 6, 9, 378, 696 et suivants, 809 alinéa 2 du code de procédure civile, de :

in limine litis,

- sursoir à statuer dans l'attente de l'arrêt rendu par la Cour de cassation sur le pourvoi n°Z 21-12.296 ;

au fond,

- dire bien appelé, mal jugé ;

- en conséquence, infirmer l'ordonnance critiquée en ce qu'elle a :

condamné in solidum Mme [P] et la société la Médicale à payer à [S] [O] une provision de 46 543,09 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ;

condamné Mme [P] et la société la Médicale à payer à [S] [O] une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau,

- débouter les consorts [O] de leur demande de versement d'une nouvelle provision à valoir sur l'indemnisation du préjudice de [S] [O] ;

- les débouter de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

à titre reconventionnel,

- condamner les consorts [O] à leur verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Vincent Troin, avocat aux offres de droit.

A l'appui de leurs prétentions, Mme [P] et la société la Médicale font valoir que :

- le point de droit soumis à la Cour de cassation consiste précisément à déterminer s'il est possible pour le juge des référés d'allouer une provision à valoir sur un poste de préjudice définitif alors que la victime n'est pas consolidée ;

- hors les cas où la mesure est prévue par la loi, le juge du fond apprécie discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ;

- la possibilité pour le juge des référés d'accorder une provision est subordonnée à l'absence de contestation sérieuse tant sur le principe de l'obligation que sur le quantum de la demande ;

- le montant de la provision accordée ne doit pas excéder le montant non sérieusement contestable de l'obligation ;

- le juge des référés ne peut accorder une provision au titre de l'indemnisation du déficit fonctionnel permanent d'une victime d'un dommage corporel, en l'absence de consolidation de l'état de santé de celle-ci ;

- il n'est jamais certain que l'état de santé d'une victime puisse faire l'objet d'une consolidation médicalement constatée, [S] [O] étant d'ailleurs décédé avant d'avoir pu être consolidé ;

- [S] [O] a déjà obtenu le versement une indemnité provisionnelle de 100 000 euros ;

- les conclusions des experts, en ce qu'ils ont pu indiquer que le déficit fonctionnel permanent ne serait pas inférieur à 55%, ne sont que partielles et temporaires, dès lors qu'une nouvelle intervention chirurgicale pour cure d'éventration était prévue pour la victime, et aurait permis de le soulager et d'améliorer son état général, réduisant ainsi son déficit fonctionnel permanent ;

- les experts ont retenu l'existence d'une perte de chance, de sorte que la réparation du préjudice subi en lien avec les manquements relevés ne peut correspondre à la totalité du dommage et des postes évalués ;

- la victime étant décédée avant consolidation, seuls les postes temporaires d'indemnisation ont vocation à être retenus pour apprécier le versement provisionnel ;

- en présence d'une obligation sérieusement contestable, c'est à mauvais droit que le juge des référés a accordé à la victime une provision qui incluait pour partie une réparation à valoir sur un poste de préjudice définitif, la victime n'étant pas consolidée ;

- le montant total de la provision qui peut être allouée à [S] [O], victime non consolidée au titre des préjudices à caractère temporaire, s'élève à la somme de 54 873,75 euros sur laquelle doit s'appliquer un taux de perte de chance de 80% d'avoir pu échapper au risque qui s'est finalement réalisé s'il avait été correctement pris en charge ou diagnostiqué ;

- il est contraire au principe de réparation de faire peser sur elles l'intégralité du montant de l'indemnité provisionnelle sollicitée par la victime, alors que les experts ne retiennent que pour moitié la part de Mme [P] dans la réalisation du dommage.

4.2 Aux termes de leurs conclusions notifiées le 15 septembre 2022,

M. [B] [O], Mme [W] [O], et Mme [L] [O] épouse [N] (les consorts [O]) demandent à la cour, au visa des articles 564 et 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de :

- confirmer la décision entreprise ;

- mettre à la charge de Mme [P] et de la société la Médicale une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

- les condamner aux entiers dépens.

A l'appui de leurs prétentions, les consorts [O] font valoir que :

- leur père a présenté de multiples affections à la suite de sa prise en charge par Mme [P] pour rétablissement de continuité à la clinique des [28] et par M. [U] au centre hospitalier de [Localité 15] ;

- le juge des référés peut accorder une provision à valoir à la victime sur l'indemnisation de son déficit fonctionnel permanent malgré l'absence de consolidation de son état de santé ;

- le juge des référés peut condamner l'un des responsables à verser l'intégralité d'une provision même en cas de partage de responsabilité entre plusieurs fautifs ;

- le fait que plusieurs fautes aient concouru au préjudice de la victime ne fait pas obstacle à la condamnation de l'un des responsables à verser une provision dans la limite non sérieusement contestable de son obligation à indemnisation.

4.3 Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 novembre 2022, l'ONIAM, intimé, demande à la cour, au visa des articles L. 1142-1 II et suivants, D. 1142-1 et suivants du code de la santé publique, 835 alinéa 2 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance dont appel en ce qu'elle l'a mis hors de cause ;

- débouter toutes parties de toutes leurs demandes de condamnation à une provision, aux frais irrépétibles et aux dépens, en ce qu'elles seraient dirigées contre lui ;

- débouter toutes parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions à son encontre ;

- statuer ce que de droit quant aux dépens.

A l'appui de ses prétentions, l'ONIAM fait valoir que :

- un accident médical non fautif ou une infection nosocomiale ne se présume pas, et doit être démontré ;

- il y a bien eu des manquements commis dans la prise en charge de [S] [O], comme le relève le juge des référés pour faire droit à la demande provisionnelle ;

- or il ne peut intervenir au titre de la solidarité nationale qu'à titre subsidiaire, en l'absence de tout manquement imputable à un responsable fautif ;

- Mme [P] et son assureur ne critiquent nullement sa mise hors de cause dans leurs écritures.

4.4. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 17 septembre 2021, le centre hospitalier de [Localité 15], intimé, demande à la cour de :

- lui donner acte de ce qu'il s'en rapporte à l'appréciation de la cour sur les causes de l'appel formé par Mme [P] et son assureur, dès lors qu'aucun chef de l'ordonnance critiquée ne l'implique ;

- condamner Mme [P] et la société la Médicale à lui verser une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de l'instance d'appel.

4.5. L'organisme AG2R réunica prévoyance, la société Aon France, la société Draka compteq France et la CPAM de l'Artois, régulièrement intimées, n'ont pas constitué avocat en cause d'appel.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 21 novembre 2022.

Suivant message du 15 décembre 2022 diffusé par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA), les parties ont été invitées à présenter leurs observations :

- tout d'abord, sur la qualité des consorts [O] qui n'apparaissent pas en qualité d'intimés dans la déclaration d'appel, le décès de [S] [O] étant postérieur à cette déclaration d'appel ;

- ensuite, sur la rectification d'erreur matérielle envisagée par la cour concernant l'absence de mention de la société Draka compteq France dans le chapeau de l'ordonnance querellée.

Les consorts [O] et le centre hospitalier de [Localité 15] n'ont pas répondu à cette demande dans le délai qui leur était imparti.

Suivant note en délibéré du 4 janvier 2013, Mme [P] et la société la Médicale ont considéré que dans leurs dernières écritures, les consorts [O] agissaient bien en qualité d'ayants-droit de [S] [O] ; elles ont fait valoir que :

- elles s'en rapportaient sur la correction de l'erreur matérielle figurant dans le chapeau de l'ordonnance querellée ;

- les consorts [O] reprenaient exactement les mêmes écritures que leur auteur, et agissaient à l'évidence en qualité d'héritiers de la créance de leur père défunt ;

- ils ne formulaient aucune prétention au titre de leur préjudice personnel ;

- ils sollicitaient la confirmation de l'ordonnance dont appel ;

- ils avaient été assignés en intervention forcée en leur qualité d'ayants-droit par actes d'huissier du 9 mai 2022.

Par message RPVA du 10 janvier 2023, l'ONIAM n'a formulé aucune observation.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il est constaté que les appelantes ne contestent pas l'ordonnance querellée en ce qu'elle a prononcé la mise hors de cause de l'ONIAM.

Sur la rectification de l'erreur purement matérielle

Aux termes de l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs et omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

En application de ces dispositions, l'ordonnance arguée d'erreur est réputée déférée à la cour d'appel et ne peut plus être rectifiée que par elle à compter de l'inscription de l'appel au rôle de la cour.

En l'espèce, bien qu'assignée en référé expertise et provision devant le président du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer, la société Draka compteq France ne figure pas au rang des parties défenderesses dans le chapeau de l'ordonnance querellée.

Dans sa présentation du litige en page 4, le président a constaté que la société Draka compteq France n'avait pas comparu.

Les parties ne contestent pas que la société Draka compteq France a bien fait l'objet d'une assignation en référé devant le premier juge comme partie défenderesse.

C'est manifestement par erreur que le premier juge a omis de mentionner son existence même dans le chapeau de l'ordonnance dont appel.

L'ordonnance querellée sera donc rectifiée en ce sens.

Sur la qualité à agir des consorts [O]

Dès lors que les consorts [O] ont été assignés en intervention forcée devant la cour en leur qualité d'ayants-droit, qu'ils sollicitent la confirmation de l'ordonnance dont appel, qu'ils reprennent les mêmes prétentions que leur auteur sans formuler aucune prétention au titre de leur préjudice personnel, la lecture de leurs écritures enseigne à l'évidence qu'ils agissent en qualité d'ayants-droit de leur défunt père.

Sur la demande de sursis à statuer

Aux termes de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'évènement qu'elle détermine.

Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, le juge apprécie discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.

En l'espèce, les consorts [O] produisent l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 31 mars 2022 rejetant le pourvoi n° Z 21-12.296 de Mme [P] et de la société la Médicale au motif que, sous couvert de griefs non fondés de violation de l'article 809 alinéa 2 du code de procédure civile, devenu 835 alinéa 2 du code de procédure civile, et de manque de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause devant elle l'appréciation souveraine par laquelle la cour d'appel a caractérisé, à hauteur du montant qu'elle a retenu, l'existence d'une obligation non sérieusement contestable.

Il s'ensuit que la demande de sursis à statuer des appelantes dans l'attente de l'arrêt rendu par la Cour de cassation sur le pourvoi n°Z 21-12.296 est devenue sans objet.

Elle sera purement et simplement rejetée.

Sur le référé-provision

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La preuve d'une telle contestation sérieuse repose sur le débiteur de cette obligation.

La condition de l'urgence n'est en revanche pas exigée.

L'appréciation du caractère sérieusement contestable porte à la fois sur le principe et le montant de la provision sollicitée.

Par ailleurs, lorsqu'il s'agit d'apprécier si les critères du référé sont réunis, la juridiction peut valablement porter une appréciation sur une question juridique, qui n'a toutefois aucune autorité de chose jugée à l'égard de la juridiction ultérieure éventuellement saisie au fond.

La cour rappelle qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du requérant n'apparaît pas immédiatement vain, et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond, qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point, si les parties entendaient saisir le juge du fond ; qu'en conséquence, la contestation sérieuse est celle qui paraît susceptible de prospérer au fond.

En l'espèce, à la suite du dépôt du rapport d'expertise du 15 avril 2019, l'appréciation de la nature et de la gravité des manquements fautifs commis respectivement par Mme [P] et le centre hospitalier de [Localité 15] dans la prise en charge médicale de [S] [O], de l'entier dommage en résultant en l'absence de consolidation de celui-ci, et enfin de la responsabilité médicale en découlant pour le praticien et l'établissement de soins, relève à l'évidence de la compétence du juge du fond.

Par suite de l'ordonnance de référé du 27 novembre 2019 confirmée par arrêt du 17 décembre 2020, [S] [O] a déjà reçu de son vivant, de la part de Mme [P] et de l'assureur de celle-ci, une provision de 100 000 euros à valoir sur la liquidation ultérieure de son préjudice, la cour considérant alors que Mme [P] et son assureur ne contestaient pas devoir réparer 50% des dommages subis par la victime, tels que fixés par l'expert judiciaire dans son rapport du 15 avril 2019, ni certains préjudices retenus dans le rapport d'expertise.

En l'espèce, [S] [O] est décédé le [Date décès 4] 2021 pendant l'instance d'appel avant même la consolidation de son état de santé, de sorte qu'il ne pourra subir un déficit fonctionnel permanent.

Dans leurs écritures d'appel, les ayants-droit ne détaillent pas les postes de préjudices sur lesquels ils fondent leur demande de provision complémentaire.

Il en résulte qu'en considération du principe de réparation intégrale sans perte, ni profit, la demande provisionnelle des consorts [O] se heurte à une contestation sérieuse sur le quantum de l'indemnisation susceptible de rester manifestement à la charge définitive de Mme [P] et de son assureur.

Par conséquent, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a condamné in solidum Mme [P] et la société la Médicale à payer à [S] [O] une provision complémentaire de 46 543,09 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel.

Le consorts [O] seront purement et simplement déboutés de leur demande de provision complémentaire.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'ordonnance dont appel sera confirmée s'agissant des dépens et frais irrépétibles de première instance.

Chaque partie conservera à sa charge les dépens d'appel.

L'équité commande de débouter Mme [P], la société la Médicale, les consorts [O], et le centre hospitalier de [Localité 15] de leurs demandes d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rectifie l'ordonnance rendue le 23 juin 2021 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer en ce qu'elle a omis de mentionner dans son chapeau au rang des parties défenderesses la société SAS Draka compteq France, personne morale dont le siège social est situé [Adresse 6] ;

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 23 juin 2021 par le président du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-mer, sauf en ce qu'elle a condamné in solidum Mme [E] [P] et la société la Médicale à payer à [S] [O] une provision de 46 543,09 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel ;

L'infirme de ce seul chef ;

Prononçant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,

Rejette la demande de sursis à statuer ;

Déboute M. [B] [O], Mme [W] [O], Mme [L] [O] épouse [N], agissant en qualité d'ayants-droit de [S] [O], de leur demande de provision complémentaire à valoir sur la liquidation ultérieure du préjudice subi par leur auteur ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens d'appel ;

Déboute Mme [E] [P], la société la Médicale, M. [B] [O], Mme [W] [O], Mme [L] [O] épouse [N], agissant en qualité d'ayants-droit de [S] [O], le centre hospitalier de [Localité 15] de leurs demandes d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04050
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;21.04050 ?
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