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09/03/2023 | FRANCE | N°21/03414

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 09 mars 2023, 21/03414


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 09/03/2023



****





N° de MINUTE : 23/92

N° RG 21/03414 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWNT



Jugement (N° 16/00215) rendu le 11 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune





APPELANT



Monsieur [P], [B] [T]

né le [Date naissance 1] 1980 à[Localité 9])

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 6]


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INTIMÉES



SARL ABJ 62 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 7]
...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 09/03/2023

****

N° de MINUTE : 23/92

N° RG 21/03414 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWNT

Jugement (N° 16/00215) rendu le 11 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune

APPELANT

Monsieur [P], [B] [T]

né le [Date naissance 1] 1980 à[Localité 9])

de nationalité Française

[Adresse 8]

[Localité 6]

Représenté par Me Didier Darras, avocat au barreau de Bethune, avocat constitué

INTIMÉES

SARL ABJ 62 prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 10]

[Localité 7]

Représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué,constituée aux lieu et place de Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, assistée de Christian Delevacque, avocat au barreau d'Arras, avocat plaidant

SCI CLIM

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me René Despieghelaere, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de Chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

---------------------

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé

DÉBATS à l'audience publique du 15 décembre 2022 après rapport oral de l'affaire par Claire Bertin

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 décembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Suivant compromis de vente sous seings privés du 14 décembre 2012, M. [D] [Z] s'est porté acquéreur, avec faculté de substitution, d'un ensemble immobilier à usage industriel sis [Adresse 4], cadastré section AH [Cadastre 2], pour une contenance de 2 hectares, 37 ares et 87 centiares, appartenant à la SCI Clim au prix de 284 000 euros, frais d'acquisition en sus.

Les parties ont convenu que le vendeur prendrait à sa charge le coût de démolition de certains bâtiments du site ainsi que l'évacuation de l'amiante contenue dans les gravats entreposés dans ces bâtiments, la réalisation desdits travaux étant confiée à M. [P] [T].

L'acte authentique de vente a été régularisé le 15 mars 2013 entre la SCI Clim et la société ABJ 62 venant aux droits de M. [Z].

Après la vente, l'acquéreur s'est plaint de la présence de déchets polluant le sol du site et de la destruction d'éléments non prévus lors des travaux de démolition confiés à M. [T].

C'est dans ces conditions que suivant ordonnance de référé rendue le 8 janvier 2014, le président du tribunal de grande instance de Béthune a ordonné une mesure d'expertise judiciaire et désigné pour y procéder M. [J].

Par acte du 7 janvier 2016, la société ABJ 62 a fait assigner la SCI Clim devant le tribunal de grande instance de Béthune afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices à raison des dommages subis à la suite des travaux de démolition, et de la présence de déchets polluant les sols.

Par assignation du 29 janvier 2016, la SCI Clim a attrait M. [T] à la procédure pour qu'il soit condamné à la garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre au titre des travaux de démolition réalisés par ses soins.

Les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 4 avril 2017.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 11 mai 2021, le tribunal judiciaire de Béthune a :

écarté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Clim ;

dit que la société ABJ 62 était recevable en son action ;

condamné M. [T] à payer à la société ABJ 62 la somme de 86 666 euros HT en réparation de son préjudice résultant de la démolition partielle des bâtiments ;

condamné la SCI Clim à payer à la société ABJ 62 la somme de 10 000 euros TTC en réparation de son préjudice au titre de la pollution liée à la présence de cuves de fuel ;

débouté la société ABJ 62 du surplus de ses demandes ;

condamné la SCI Clim et M. [T] à régler chacun la somme de 2 500 euros à la société ABJ 62 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes au titre des frais irrépétibles ;

laissé à chaque partie la charge de ses dépens et dit que les frais d'expertise seraient partagés par tiers entre les parties ;

débouté les parties du surplus de leurs demandes non présentement satisfaites.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 24 juin 2021, M. [T] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de l'intégralité du dispositif du jugement.

4. Les prétentions et moyens des parties :

4.1. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 30 juin 2022, M. [T], appelant principal, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1, 1343-2, 1353 du code civil, 515 du code de procédure civile, d'infirmer en totalité le jugement dont appel, et de :

- juger n'y avoir lieu à le condamner à payer à la société ABJ 62 la somme de 86 666 euros HT en réparation du préjudice résultant de la démolition partielle des bâtiments et de toute autre somme ;

- débouter la société ABJ 62 et la SCI Clim de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société ABJ 62 et la SCI Clim à lui payer la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société ABJ 62 et la SCI Clim à lui payer les entiers dépens d'instance en ce compris les frais d'expertise ;

à titre infiniment subsidiaire, si par impossible la cour entend retenir sa responsabilité dans les dommages supportés par la société ABJ 62,

- juger que la SCI Clim est à l'origine des instructions ayant conduit aux dommages occasionnés à l'immeuble acquis par la société ABJ 62 ;

- en conséquence, condamner la SCI Clim à supporter conjointement le paiement de la somme de 86 666 euros HT correspondant au coût des travaux de réfection au profit de la société ABJ 62 ;

en toute hypothèse,

- condamner les sociétés ABJ 62 et Clim à lui payer la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner les sociétés ABJ 62 et Clim à lui payer les entiers dépens d'instance en ce compris les frais d'expertise.

A l'appui de ses prétentions, M. [T] fait valoir que :

- sur la base d'un devis du 9 octobre 2012, accepté par la SCI Clim, il s'est vu confier les travaux de démolition de certains bâtiments du site industriel, et d'évacuation de l'amiante contenue dans les gravats, moyennant un prix HT de 34 546,26 euros ;

- les travaux entrepris ont été exécutés à partir du 7 mars 2013 ; aucune réserve sur la qualité des travaux entrepris n'a été émise lors de la signature de l'acte authentique, date à laquelle les travaux de démolition avaient d'ores et déjà été réalisés ; la SCI Clim a réglé l'intégralité de la facture ;

- bien que régulièrement assuré au titre de sa responsabilité civile auprès de la société Elite insurance company, il n'a pu la mettre en cause, dès lors que celle-ci était insolvable à la suite de son placement sous administration judiciaire le 11 décembre 2019 ;

- lors des travaux de démolition, il s'est conformé aux instructions reçues de la SCI Clim, sa mandante et cocontractante qui, seule, connaissait les locaux vendus et les accords passés avec l'acquéreur du site ;

- la reconnaissance de son intervention sur le chantier et la déclaration de sinistre effectuée à toutes fins auprès de son assureur ne sauraient valoir reconnaissance de sa responsabilité exclusive ;

- s'agissant des démolitions, le devis flou prévoit « démolition du bâtiment à l'entrée, démolition du bâtiment au fond à gauche, démolition du bâtiment », sans qu'il soit question de démolition partielle ; conformément aux instructions, il a procédé à la démolition de l'intégralité du bâtiment A, dont le mur du fond servait de mur séparatif avec le bâtiment D ; le mur litigieux démoli ne pouvait tenir sans la structure du bâtiment A démoli, et n'était aucunement solidaire du bâtiment D subsistant ;

- lors de sa construction, le bâtiment D a été accolé au bâtiment A préexistant, faisant l'économie de l'édification d'un mur qui devenait alors commun aux deux bâtiments ; selon l'expert d'assurance [V], le hangar [D] à l'est n'avait pas de mur en façade avant et était refermé par le mur arrière des anciens bains-douches [A], et ce mur qui n'était pas solidaire du hangar subsistant s'est partiellement effondré lors des travaux de démolition ;

- la volonté des sociétés ABJ 62 et Clim sur le périmètre de la démolition n'était pas compatible avec la structure des deux bâtiments, et il n'a personnellement commis aucun manquement ;

- les travaux commandés ont été acceptés implicitement par la société ABJ 62, qui a différé la date de la signature de l'acte de vente dans l'attente de l'exécution des travaux, et a signé sans réserve l'acte notarié du 15 mars 2013, acceptant ainsi de recevoir les lieux en l'état, alors même qu'elle avait connaissance de la difficulté posée par la démolition du mur litigieux, puisqu'une déclaration de sinistre avait été régularisée dès le 13 mars 2013 ;

- il a exécuté les travaux qui lui avaient été commandés par la SCI Clim s'agissant de la démolition du bâtiment A de l'ensemble immobilier cédé, d'autant que la régularisation de la vente immobilière a été différée pour s'assurer de leur exécution effective ;

- la société ABJ 62 doit être déboutée de son appel incident, dès lors que son prétendu préjudice subi à la suite du défaut d'exploitation lié aux travaux de reprise n'est pas démontré, et que le paiement de ses impôts fonciers résulte du droit de propriété et ne constitue pas un poste de préjudice indemnisable ;

- la société ABJ 62 ne justifie pas avoir entrepris, ni même envisagé la reconstruction du mur litigieux, et a déjà revendu en l'état à la SCI le Becq au prix de 950 000 euros, par acte du 29 décembre 2021, l'ensemble industriel acquis en 2013 auprès de la SCI Clim ; la lecture de cet acte notarié enseigne qu'aucuns travaux n'ont été entrepris pour reconstruire le mur ou dépolluer le terrain, et que la charge du risque et de l'état général du site a été intégralement transférée au nouvel acquéreur ;

- aucun lien de causalité n'est démontré entre les fautes alléguées de M. [T] et de la SCI Clim et le prétendu dommage subi par la société ABJ 62.

4.2. Aux termes de ses conclusions notifiées le 17 novembre 2022, la SCI Clim, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- confirmer la décision entreprise à l'exception de ses condamnations à payer à la société ABJ 62 la somme de 10 000 euros TTC pour inertage des cuves de fuel, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens ;

- la recevoir en son appel incident et réformer le jugement entrepris sur ces trois points ;

- débouter la société ABJ 62 et M. [T] de toutes leurs demandes dirigées contre elle ;

- dire n'y avoir lieu à la condamner aux dépens, fût-ce par tiers notamment au titre des frais d'expertise ;

- condamner la société ABJ 62 à lui payer la somme de 15 000 euros, et M. [T] à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société ABJ 62 et M. [T] aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel, en ce compris les frais d'expertise.

A l'appui de ses prétentions, la SCI Clim fait valoir que :

- le 15 mars 2013, la société ABJ 62 a signé l'acte de vente sans réserve ni remarque après l'accomplissement des travaux de démolition et d'évacuation de l'amiante contenue dans les gravats, lesquels ont été la condition sine qua non de la régularisation de la vente ;

- l'acte de vente précisait au titre de la protection de l'environnement que la réglementation sur l'amiante exonérait totalement le vendeur, dans la mesure où l'acquéreur déclarait faire son affaire personnelle de la situation sans aucun recours contre le vendeur ; les prélèvements effectués en accord entre le vendeur et l'acquéreur sous l'égide du notaire ne révélaient pas de pollution significative ;

- les travaux de démolition ont été effectués à la satisfaction de la société ABJ 62, qui n'était plus légitime à agir eu égard à la prise de possession des lieux anticipée et aux prélèvements effectués ;

- les conventions doivent être exécutées de bonne foi, et la société ABJ 62 est irrecevable à agir eu égard à sa connaissance complète et parfaite de l'ensemble immobilier acquis à la signature de l'acte ;

- le litige porte sur la démolition du mur séparatif entre le bâtiment A et le bâtiment D, lequel avait un mode constructif identique au bâtiment A, mais servait de mur séparatif entre les deux bâtiments A et D ; selon l'expert [J], les pièces remises ne lui permettent pas de conclure que M. [T] a provoqué des désordres sur les immeubles voisins et subsistants ; l'expert estime le coût des reprises à 104 000 euros TTC ;

- elle n'a pas personnellement supervisé les travaux de démolition, laissant le futur acquéreur en la personne de son représentant, M. [Z], s'y immiscer et donner ses directives à M. [T] ;

- M. [Z] connaissait l'environnement minier du site qu'il a choisi d'acquérir, et le rapport d'expertise ne conclut pas à une pollution anormale des sols par des produits toxiques ou dangereux, mais par des déchets qui doivent être en décharge classée ;

- selon l'expert [J], le traitement des fosses et cuves à fuel, découvertes sur le site par la société ABJ 62 après la cession, ne figurait pas dans la commande passée à M. [T] ; les cuves à fuel doivent être dégazées, inertées, ou enlevées, et l'expert évalue le coût de leur traitement à la somme de 10 000 euros TTC ;

- la société ABJ 62 échoue à démontrer l'existence et l'étendue de son préjudice, dès lors qu'elle ne produit aucun élément comptable ou financier, aucun bilan, aucun projet de bail ;

- la société ABJ 62 pouvait fonctionner sans être entravée dans son développement économique et sans subir la prétendue pollution des sols ; le bien vendu lui convenait, la cession n'était pas un obstacle à l'exploitation qu'elle entendait faire des lieux, et elle n'a même pas fait inerter les cuves de fuel ;

- la société ABJ 62 n'a jamais sollicité la résolution de la vente initiale, et a cédé l'ensemble immobilier à la SCI le Becq au prix de 950 000 euros ; ce nouvel acquéreur va prendre à sa charge le coût de la dépollution du site estimé à 1 020 118,25 euros, sans que la société ABJ 62 ne l'indemnise à ce titre ; elle ne lui a pas davantage indiqué qu'elle allait formuler une telle demande devant la cour ;

- M. [T], soit personnellement, soit sous l'autorité de la société ABJ 62, a excédé les termes et limites de son devis, sans qu'elle puisse en être tenue responsable ;

- dès lors que l'utilité de l'inertage des cuves de fuel n'est pas démontrée, elle n'a pas à en supporter le coût.

4.3. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2022, la société ABJ 62, intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

- juger recevable et fondé son appel incident ;

- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :

écarté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Clim ;

dit qu'elle était recevable en son action ;

condamné la SCI Clim et M. [T] à lui régler chacun la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- pour le surplus, infirmer le jugement critiqué en ce qu'il a :

condamné M. [T] à lui payer la somme de 86 666 euros HT en réparation de son préjudice résultant de la démolition partielle des bâtiments ;

condamné la SCI Clim à lui payer la somme de 10 000 euros TTC en réparation de son préjudice au titre de la pollution liée à la présence de cuves de fuel ;

l'a déboutée du surplus de ses demandes ;

laissé à chaque partie la charge de ses dépens et dit que les frais d'expertise seraient partagés par tiers entre les parties ;

statuant de nouveau,

- juger que la SCI Clim a manqué à ses obligations contractuelles et qu'elle est responsable des dommages occasionnés par M. [T], à titre principal, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun (anciens articles 1134 et suivants, 1143 et suivants, 1147 et suivants du code civil, devenus articles 1103 et 1231-1 et suivants dudit code) et, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'ancien article 1384 du code civil devenu article 1242 dudit code ;

- juger que M. [T] est responsable sur le fondement de l'article 1240 du code civil et, à titre subsidiaire, sur le fondement des articles 1103 et 1231-1 du code civil, des dommages qu'il a occasionnés dans le cadre des travaux de démolition, constitués d'une part par le coût des travaux de réfection à mettre en 'uvre, et d'autre part à raison des taxes foncières qu'elle a réglées ;

- en conséquence, condamner in solidum la SCI Clim et M. [T] à lui payer la somme de 293 684,94 euros (soit 185 684,94 + 108 000) à titre de dommages et intérêts pour la démolition des bâtiments ;

- juger que la SCI Clim est responsable, à titre principal, sur le fondement du manquement à l'obligation de délivrance, de la responsabilité contractuelle de droit commun (anciens articles 1134 et suivants du code civil), et de l'arrêté du 1er juillet 2004 et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la garantie des vices cachés (articles 1641 et suivants du code civil) des préjudices qu'elle a subis du fait de la présence en très grande quantité de déchets et de cuves à fuel non dégazées ;

- en conséquence, juger que la SCI Clim doit l'indemniser intégralement des préjudices subis au titre des travaux de dépollution à engager ;

- en conséquence, condamner la SCI Clim à lui payer la somme de 1 020 118,25 euros ;

- condamner in solidum la SCI Clim et M. [T] au paiement d'une somme de 10 000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

- condamner in solidum la SCI Clim et M. [T] en tous les frais et dépens, en ce compris les frais et honoraires de l'expert judiciaire et dire que la SCP Processuel pourra se prévaloir des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, la société ABJ 62 fait valoir que :

- alors qu'il avait été demandé à M. [T] de démolir le bâtiment A, celui-ci a également démoli des ouvrages contigus qui devaient être préservés ;

- un procès-verbal de constat d'huissier du 10 juin 2013 montre que les murs des bâtiments voisins du bâtiment A ont été endommagés, les murs pignon présentent des fissures, des briques sont fendues et cassées, un bloc de mur détaché de l'ouvrage est en équilibre instable ;

- le 11 mars 2013, M. [T] a régularisé auprès de son assureur, la société de droit anglais European insurance services LTD, une déclaration de sinistre, aux termes de laquelle il a reconnu que lors de ses travaux de démolition, deux murs qui ne devaient pas être détruits s'étaient partiellement effondrés ;

- à tout le moins, M. [T] a manqué à son obligation de renseignement et de conseil, dès lors qu'il devait se rendre compte que le mur à démolir du bâtiment A servait de mur séparatif avec le bâtiment D, et entraînait l'ouverture de ce second bâtiment ;

- le coût de réfection des deux murs sinistrés s'est élevé à la somme de 185 684,94 euros HT ;

- ne pouvant utiliser l'ensemble immobilier à sa guise, elle n'occupait que la moitié du site ; elle ne parvenait pas à trouver acquéreur, et a supporté une taxe foncière d'environ 27 000 euros par an pendant huit ans ;

- elle a par ailleurs constaté que le terrain qu'elle avait acquis contenait une quantité importante de déchets dans le sol ;

- des fosses à eau et des cuves à fuel, présentes sur le site, n'ont pas fait l'objet de vidange ni de dépollution ;

- dans l'acte vente régularisé le 15 mars 2013, la SCI Clim a expressément précisé qu'il n'avait jamais été déposé ni utilisé sur le terrain ou enfoui dans celui-ci de déchets ou substances quelconques ;

- or le site s'est avéré pollué, et il y a été découvert de multiples déchets, tels des pièces métalliques, des tiges de fer, des morceaux et feuilles de plastique sur plusieurs dizaines de centimètres ; l'expert judiciaire n'a pas pris ces déchets en considération, estimant à tort qu'ils n'étaient ni polluants ni dangereux ;

- alors qu'elle avait pris l'engagement de vendre un bien immobilier exempt de tout déchet, la SCI Clim a manqué à son obligation de délivrance conforme et engage sa responsabilité contractuelle à son égard ;

- suivant devis de la société Atem, les travaux consistant en l'enlèvement et au traitement des déchets du terrain, et au traitement des fosses à eau et des cuves de fuel, s'élèvent à la somme HT de 1 020 118,25 euros ;

- elle a dû consentir à une importante réduction du prix de vente de l'ensemble immobilier au profit de la SCI le Becq en raison des destructions réalisées par M. [T] et et de la pollution du site.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction du dossier a été clôturée par ordonnance du 12 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour rappelle qu'elle n'est pas tenue de statuer sur les « dire et juger » et les « constater » qui ne sont pas des prétentions en ce qu'ils ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert dès lors qu'ils s'analysent en réalité comme le rappel des moyens invoqués, ou en ce qu'ils formulent exclusivement des réserves alors que la partie qui les exprime n'est pas privée de la possibilité d'exercer ultérieurement les droits en faisant l'objet.

I - Sur la fin de non-recevoir

Dans le dispositif de leurs écritures, les appelants ne critiquent pas le jugement dont appel en ce qu'il a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Clim et déclaré celle-ci recevable en son action.

Le jugement querellé sera confirmé sur ce point.

II - Sur l'action en responsabilité au titre de la démolition des bâtiments

A - Sur la responsabilité contractuelle de la SCI Clim

Aux termes de l'article 1147 ancien de code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au payement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

Au titre des conditions particulières en page 6 du compromis de vente d'immeuble, régularisé le 14 décembre 2012 entre la SCI Clim et M. [Z], ainsi qu'en page 9 de l'acte définitif de cession régularisé le 15 mars 2013 entre la SCI Clim et la société ABJ 62 substituée à M. [Z], il est prévu que le vendeur prenne à sa charge le coût de la démolition des bâtiments désignés sous les lettres A et B figurant au plan annexé aux présentes, ainsi que l'évacuation de l'amiante contenue dans les gravats entreposés dans ces deux bâtiments.

La cour observe ici que le litige porte exclusivement sur la démolition du bâtiment A, et non sur celle du bâtiment B.

Le devis du 9 octobre 2012 établi par M. [T] est joint en annexe de l'acte de cession.

Libellé au nom de Rapide dépannage, laquelle est en réalité la société Rapidépannage 62 dirigée par M. [Z], ce devis est expressément accepté et signé avec la mention « bon pour accord » par le gérant de la SCI Clim, M. [E], et par M. [Z]. S'agissant du périmètre des travaux, il prévoit notamment, sans plus de précision, la démolition de trois unités en ces termes : « la démolition du bâtiment à l'entrée, la démolition du bâtiment au fond à gauche, et la démolition du bâtiment ».

Le devis accepté vaut bon de commande de la SCI Clim, alors seule propriétaire de l'ensemble immobilier ; il ne précise pas les limites de la démolition à entreprendre, ne décrit pas les murs contigus à conserver et à abattre. Sa lecture enseigne néanmoins que M. [Z] s'est immiscé dans la commande des travaux confiés à M. [T].

Aux termes de ces documents contractuels, la SCI Clim a commandé les travaux de démolition, ce qu'au demeurant elle ne conteste pas, et s'est notamment engagée à prendre à sa charge le coût de la démolition du bâtiment A suivant devis proposé par M. [T] ; elle a d'ailleurs réglé sans difficulté la prestation de démolition, dès que celle-ci a été exécutée le 7 mars 2013.

La société ABJ 62, qui avait conditionné la régularisation de la vente à la bonne exécution des travaux commandés, a signé le 15 mars 2013 l'acte de cession sans formuler ni réserves ni observations.

Si la SCI Clim s'est bien acquittée de son obligation de payer les travaux à l'entrepreneur, il reste pour autant qu'en qualité de donneur d'ordre, il lui appartenait de définir précisément le périmètre des travaux qu'elle confiait à l'entrepreneur, et d'en assurer le contrôle dans le seul intérêt de la société ABJ 62.

Ainsi, en s'abstenant de définir la nature exacte et le périmètre des démolitions qu'elle confiait à l'entrepreneur, la SCI Clim a commis un manquement fautif à l'égard de la société ABJ 62 et engage sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 ancien précité.

B - Sur la responsabilité délictuelle de l'entrepreneur résultant de la violation d'une obligation contractuelle à l'égard d'un tiers

Aux termes des articles 1382 et 1383 anciens du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. En outre, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

Le tiers, victime par ricochet d'un préjudice contractuel, ne peut, pas plus que le contractant lui-même, choisir le fondement juridique de son action en réparation : son action est nécessairement délictuelle. S'il ne dispose d'aucune option, il peut toutefois panacher, en mêlant son action délictuelle d'éléments contractuels.

En vertu de l'opposabilité du contrat par le tiers aux parties, le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage.

Il résulte de l'article 1165 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et de l'article 1382 ancien du même code que le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu'il subit n'est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi-délictuelle distincte de ce manquement.

En l'espèce, le 11 mars 2013, M. [T] a régularisé à toutes fins utiles auprès de son assureur une déclaration de sinistre, aux termes de laquelle il reconnaissait avoir, le 7 mars 2013, sur le chantier situé [Adresse 11], dégradé deux murs qui s'étaient partiellement effondrés alors qu'il démolissait un bâtiment. Dans sa déclaration, il précisait toutefois que le propriétaire des lieux ne l'avait pas officiellement mis en cause, et qu'il n'était pas certain de « son effective responsabilité ».

Cependant, lors de la réunion d'expertise amiable du 7 juin 2013 confiée, à l'initiative de son assureur, au cabinet Saretec, M. [T] a réitéré ses aveux. Il a en effet admis à nouveau que deux murs avaient été détruits alors qu'ils n'auraient pas dû l'être : la partie du mur sud-est de l'entrepôt qui longe les anciens bains-douches (bâtiment A), et le mur du fond des anciens bains-douches (bâtiment A).

Le procès-verbal de constat d'huissier du 10 juin 2013 relève qu'à l'occasion des travaux de démolition du bâtiment A, M. [T] a démoli des ouvrages contigus, à savoir les murs pignons des autres bâtiments, lesquels sont devenus instables, fragiles et dangereux par risque d'effondrement. L'huissier constate la présence d'une dalle en béton sur laquelle se trouve des résidus de démolition. Sur le pourtour de cette emprise, il constate que les murs des bâtiments voisins sont endommagés, que les coupes de murs ne sont pas franches, que les murs pignons présentent des fissures, que les briques qui les composent sont fendues et cassées, que dans le prolongement du pignon endommagé se trouve la trace d'un ancien mur récemment rasé. Il ajoute enfin que le mur pignon du bâtiment qui fait l'angle (hangar) a été enlevé, et qu'un bloc de ce mur se trouve détaché de l'ouvrage, en équilibre instable.

Lors d'une réunion d'expertise judiciaire le 4 mars 2014, M. [V] du cabinet Saretec a expliqué à M. [J] qu'il avait relevé lors de ses constatations que :

- le mur pignon du hangar était partiellement abattu et menaçait ruine, et il en avait demandé la démolition ;

- le mur de l'entrepôt était totalement démoli ;

- le mur des bureaux était endommagé.

Selon l'expert judiciaire dans son rapport du 4 avril 2017, le litige porte sur la démolition du mur séparatif entre le bâtiment A (anciens bains-douches) et le bâtiment D (hangar) ; ce mur construit avec le bâtiment A servait de fermeture au hangar, et en constituait le mur pignon.

Si l'expert [J] souligne que la question de la conservation ou non des murs séparatifs lors de la démolition du bâtiment A aurait dû être posée entre les parties, il retient néanmoins que l'entrepreneur a respecté son contrat, car aucun document ne spécifie la conservation du mur pignon séparant le bâtiment A du bâtiment D ; il considère que les documents produits ne lui permettent pas de conclure que M. [T] a provoqué des désordres sur les immeubles voisins ou existants.

La cour constate cependant qu'aucun échange écrit n'est intervenu entre la SCI Clim, la société ABJ 62, et M. [T], précisant les attentes et engagements de chacun sur le périmètre de la démolition. De l'examen du compromis de cession et du devis, il apparaît que les travaux commandés portaient notamment sur la démolition du bâtiment A (anciens bains-douches) sans spécifier le sort à réserver aux murs des bâtiments contigus (hangar, bureaux et entrepôt).

M. [T], professionnel en matière de travaux publics et de démolition, n'établit pas avoir valablement apprécié le périmètre de la démolition du bâtiment A qui lui avait été commandée, ni évalué les risques du chantier et les conséquences prévisibles sur les bâtiments attenants résultant de la destruction de murs contigus, ni informé et conseillé sa cliente des risques inhérents à la démolition envisagée, de sorte qu'il a gravement manqué à son devoir d'information et de conseil vis à vis de la SCI Clim, et que cette faute contractuelle se trouve bien en lien de causalité direct et certain avec le préjudice subi par le tiers, la société ABJ 62, en raison de la non conformité des travaux exécutés à la commande.

Il s'ensuit que M. [T] engage sa responsabilité délictuelle à l'égard de la société ABJ 62 en application des articles 1382 et 1383 anciens précités, et doit réparer l'entier préjudice de celle-ci.

C - Sur l'évaluation du préjudice

Depuis son acquisition du site industriel le 15 mars 2013, la société ABJ 62 démontre avoir engagé des dépenses d'entretien et de préservation du terrain et des bâtiments existants.

Pour apprécier son entier préjudice, il n'est pas nécessaire qu'elle justifie de l'engagement effectif de la dépense au titre des travaux de réfection.

Il n'importe pas davantage qu'en cours de procédure d'appel, la société ABJ 62 ait revendu l'ensemble immobilier à la SCI le Becq suivant acte de cession du 29 décembre 2021. A cet égard, il est précisé en page 23 dudit acte notarié que le prix de vente n'a été fixé qu'à la somme de 950 000 euros en raison des destructions réalisées par M. [T] et de la pollution du site.

Selon l'expert [J], les travaux de reprise consistent en la réfection de la couverture du hangar, des tôles s'étant envolées et étant tombées, en la fermeture du pignon du hangar, et en la fermeture du long pan des bureaux et du bâtiment mitoyen, et s'élèvent à la somme de 104 000 euros TTC.

La cour ne retiendra pas le devis d'un montant très supérieur de 222 079,19 euros TTC, établi le 12 juin 2013 par la société Trione Antoine, dès lors que les parties ont pu débattre contradictoirement du chiffrage retenu par l'expert judiciaire.

Par conséquent, M. [T] et la SCI Clim seront condamnés in solidum à payer à la société ABJ 62 la somme de 104 000 euros en réparation du préjudice matériel pour la reprise des immeubles.

S'agissant du remboursement des taxes foncières, si la société ABJ 62 soutient n'avoir pu occuper que la moitié du site en raison des destructions réalisées, elle n'en rapporte nullement la preuve.

Celle-ci ne justifie d'aucun préjudice lié à un défaut d'exploitation du site industriel en raison des travaux de reprise rendus nécessaires à la suite du sinistre, et ce d'autant moins que l'acte de cession du 29 décembre 2021 démontre qu'elle a revendu en l'état le site industriel sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit, et notamment pour mauvais état de la ou des constructions pouvant exister, du sol ou du sous-sol, vices mêmes cachés, erreur dans la désignation cadastrale.

Le paiement de la taxe foncière, s'agissant d'une charge courante supportée par tout propriétaire foncier indépendamment de l'étendue de l'occupation des locaux, ne constitue pas un poste de préjudice indemnisable en lien de causalité direct et certain avec les manquements reprochés à la SCI Clim et à M. [T].

La société ABJ 62 est déboutée sur ce point.

II - Sur l'action en responsabilité du fait de la pollution des sols

A - Sur la responsabilité contractuelle de la SCI Clim

1 - Sur la présence alléguée de déchets toxiques ou dangereux pour la santé de l'environnement

En page 12 de l'acte de cession du 15 mars 2013, le vendeur a notamment déclaré qu'il n'avait jamais été déposé ni utilisé sur le terrain ou enfoui dans celui-ci de déchets ou substances quelconques telles que, par exemple, amiante, polychlorobiphényles, polychloroterphényles directement ou dans des appareils ou installations pouvant entraîner des dangers ou inconvénients pour la santé de l'environnement.

Contrairement à ce que tente de soutenir la société ABJ 62, la SCI Clim n'a jamais pris l'engagement contractuel de lui vendre un ensemble immobilier exempt de tous déchets, mais seulement de déchets dangereux ou présentant des inconvénients pour la santé de l'environnement.

Comme l'a exactement apprécié le premier juge, la lecture de l'acte de cession enseigne que la société ABJ 62 a été parfaitement informée de la situation de l'ensemble immobilier au regard de son exploitation industrielle antérieure comme ancien site minier, puis lieu de stockage et de vente de matériaux de construction, outre de l'installation d'un transformateur au pyralène, et enfin des risques de pollution.

L'acte de vente du 15 mars 2013 ne met pas à la charge du vendeur l'évacuation des déchets industriels banals (DIB) ou autres déchets inertes.

L'expert [J] ne relève pas dans le sol la présence de déchets dangereux, mais seulement de déchets de type bois, morceaux de canalisation, plastiques, métal, briques et béton, qui sont des déchets inertes non dangereux provenant de travaux de bâtiment ; les sols contiennent donc de façon visible, compte-tenu des fouilles réalisées, des déchets sur une hauteur de 1 ou 1,5 mètres lesquels, s'ils doivent être déposés en décharge, ne revêtent pas de dangerosité particulière, et ne gênent pas l'exploitation du site.

L'expert ajoute que conformément à la commande, M. [T] a bien procédé à l'évacuation des déchets amiantés qui lui avait été confiée.

L'expert considère qu'il n'est pas nécessaire de dépolluer le sol du site industriel pour en permettre un usage normal, et ne retient aucun préjudice lié à l'état du sol.

Il s'ensuit que la non conformité des sols à l'acte de vente n'est pas caractérisée en l'espèce, et la société ABJ 62 doit être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour les travaux de dépollution des sols.

2 - Sur l'inertage des cuves de fuel

Aux termes de l'article 1149 ancien du code civil, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

Dans son rapport du 4 avril 2017, l'expert [J] relève sur le site que deux cuves d'origine ancienne sont partiellement remplies de fuel, et qu'il est nécessaire de les vider et de les rendre inertes, les hydrocarbures étant classés comme déchets dangereux ; il évalue le coût de traitement des deux cuves à la somme TTC de 10 000 euros.

Si la société ABJ 62 ne justifie pas avoir fait elle-même inerter les cuves avant de revendre l'ensemble immobilier le 29 décembre 2021, il reste pour autant qu'elle est fondée à engager la responsabilité de la SCI Clim pour lui avoir cédé un ensemble pollué par la présence d'hydrocarbures classés comme déchets dangereux, alors que celle-ci avait déclaré en page 12 de l'acte de cession que le bien n'était frappé d'aucune pollution susceptible de résulter notamment de l'exploitation actuelle ou passée ou de la proximité d'une installation soumise à autorisation (loi n°92-646 du 13 juillet 1992).

En conséquence, le jugement dont appel sera confirmé en ce qu'il a condamné la SCI Clim à payer à la société ABJ 62 la somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice matériel lié à l'inertage des cuves de fuel.

B - Subsidiairement, sur l'action en garantie des vices cachés

Au termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminue tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix s'il les avait connus.

La cour relève qu'en l'espèce, la société ABJ 62 ne sollicite ni la résolution de la vente immobilière ni la restitution d'une partie du prix, comme l'y invite l'article 1644 du code civil, mais des dommages et intérêts pour dépollution du site. Elle ne démontre pas en quoi la présence de déchets apparents sur les sols d'un site industriel constituerait une anomalie de nature à constituer un vice rédhibitoire, demeuré caché pour elle-même.

La société ABJ 62 échoue à démontrer que les conditions de mise en 'uvre de la garantie des vices cachés sont réunies en l'espèce.

IV - Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à infirmer le jugement attaqué sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance.

M. [T] et la SCI Clim qui succombent seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, la cour autorisera la SCP Processuel à recouvrer directement contre les personnes condamnées les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

M. [T] et la SCI Clim seront condamnés in solidum à payer à la société ABJ 62 la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité de procédure de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [T] et la SCI Clim seront déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 mai 2021 par le tribunal judiciaire de Béthune en ce qu'il a :

- écarté la fin de non-recevoir soulevée par la SCI Clim ;

- dit la société ABJ 62 recevable en son action ;

- condamné la SCI Clim à payer à la société ABJ 62 la somme de 10 000 euros TTC en réparation de son préjudice pour pollution liée à la présence de cuves de fuel ;

- débouté la société ABJ 62 du surplus de ses demandes ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes non présentement satisfaites ;

L'infirme pour le surplus ;

Prononçant à nouveau et y ajoutant,

Condamne in solidum M. [P] [T] et la SCI Clim à payer à la société ABJ 62 la somme TTC de 104 000 euros en réparation du préjudice résultant de la démolition partielle des bâtiments ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne in solidum M. [P] [T] et la SCI Clim aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ;

Dit qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, la SCP d'avocats Processuel recouvrera directement contre M. [P] [T] et la SCI Clim les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision ;

Condamne in solidum M. [P] [T] et la SCI Clim à payer à la société ABJ 62 la somme de 6 000 euros à titre d'indemnité de procédure de première instance et d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Fabienne Dufossé

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/03414
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;21.03414 ?
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