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09/03/2023 | FRANCE | N°20/05030

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 2 section 1, 09 mars 2023, 20/05030


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 2 SECTION 1



ARRÊT DU 09/03/2023





****





N° de MINUTE :

N° RG 20/05030 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TKKD



Jugement n° 2020J65 rendu le 26 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Dunkerque

Ordonnance n° 21/285 rendue le 04 novembre 2021 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Douai





APPELANTE



Madame [L] [P] épouse [T]
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demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée deMe Eric Aghiles Arezki, avocat au bar...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 2 SECTION 1

ARRÊT DU 09/03/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 20/05030 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TKKD

Jugement n° 2020J65 rendu le 26 octobre 2020 par le tribunal de commerce de Dunkerque

Ordonnance n° 21/285 rendue le 04 novembre 2021 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Douai

APPELANTE

Madame [L] [P] épouse [T]

née le 18 octobre 1973 à [Localité 2] (Belgique)

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée deMe Eric Aghiles Arezki, avocat au barreau de Marseille, avocat plaidant

INTIMÉE

SAS BCC agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

ayant son siège social [Adresse 4]

représentée par Me Julien Sabos, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 07 décembre 2022 tenue par Pauline Mimiague magistrat chargé d'instruire le dossier et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Valérie Roelofs

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Dominique Gilles, président de chambre

Pauline Mimiague, conseiller

Clotilde Vanhove, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 09 mars 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Dominique Gilles, président et Valérie Roelofs, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 16 novembre 2022

****

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant contrat du 1er juillet 2019, la société BCC a donné en location à Mme [L] [P] une remorque équipée pour être exploitée pour un commerce de friterie mobile, moyennant un loyer mensuel de 950 euros hors taxe et pour une durée d'un an.

Par acte du 25 juin 2020, la société BCC a fait assigner Mme [P] devant le tribunal de commerce de Dunkerque pour obtenir paiement des loyers et de la clause pénale et restitution du bien loué.

Par jugement réputé contradictoire en date du 26 octobre 2020 le tribunal a :

- rejeté la demande de réouverture des débats,

- condamné Mme [P] à payer à la société BCC la somme de 7 980 euros en principal majorée des intérêts au taux légal à compter du 25 juin 2020, 240 euros pour indemnité de recouvrement et 1 000 euros pour indemnité procédurale,

- ordonné à Mme [P] de restituer la remorque n° série VF9RE2409489002 à la société BCC, ce sous astreinte journalière provisoire de 100 euros à compter de la signification de la présente décision, sans réservation de la liquidation de l'astreinte,

- rejeté la demande présentée au titre de la clause pénale,

- condamné Mme [P] aux dépens de l'instance dont les frais de greffe liquidés pour débours et formalités sur la présente décision à la somme de 63,36 euros TTC.

Par déclaration reçue au greffe de la cour le 7 décembre 2020 Mme [P] a relevé appel de l'ensemble des chefs de ce jugement à l'exception du chef relatif à la demande de réouverture des débats.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 14 novembre 2022, l'appelante demande à la cour de :

- déclarer recevable et bien fondé son appel,

- infirmer le jugement rendu par tribunal de commerce de Dunkerque,

- débouter la société BCC de son appel incident et de toutes ses demandes,

- condamner la société BCC à lui payer la somme de 17 550 euros au titre de dommages-intérêts pour inexécution contractuelle,

- juger que la cour est incompétente quant à la demande de liquidation d'astreinte,

- rejeter l'ensemble des demandes de la société BCC,

- rejeter la demande au titre des frais de remorquage du véhicule,

- débouter la société BCC de son appel incident et de toutes ses demandes,

- à titre subsidiaire, constater que l'astreinte ne court qu'à partir du 1  novembre et en ramener le montant à de plus juste proportion,

- en tout état de cause, condamner la société BCC à lui payer la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par voie électronique le 10 novembre 2022 la société BCC demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il condamne Mme [P] à lui payer la somme de 7 980 euros avec intérêts, la somme de 240 euros et la somme de 1 000 euros,

- infirmer le jugement en ce qu'il rejette la demande au titre de la clause pénale,

- condamner Mme [P] à lui payer la somme de 5 500 euros au titre de la clause pénale,

y ajoutant,

- liquider l'astreinte ordonnée par le tribunal de commerce et condamner Mme [P] à lui payer la somme de 1 200 euros,

- la condamner à lui payer la somme de 5 700 euros au titre du préjudice de jouissance subi entre le 30 juin 2020, terme du contrat, et le 30 novembre 2020, date de restitution du véhicule,

- la condamner à la somme de 2 580 euros au titre des frais de remorquage du véhicule au siège de la société BCC,

- la débouter de l'ensemble de ses demandes,

- la condamner à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

La clôture de l'instruction est intervenue le 16 novembre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoiries du 7 décembre suivant.

+9

MOTIF

Sur la demande en paiement des loyers

En vertu de l'article 1719 du code civil, le bailleur a l'obligation de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée.

Selon l'article 1728 le preneur est tenu notamment, de payer le prix du bail aux termes convenu.

Pour s'opposer au paiement des loyers, Mme [P] invoque l'exception d'inexécution en application de l'article 1219 du code civil qui dispose qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave, faisant valoir que la société BCC a manqué gravement à son obligation de délivrance d'un bien conforme aux stipulations contractuelles et à l'usage envisagé.

Il est acquis aux débats que la remorque a rencontré des dysfonctionnements dès le mois de juillet 2019, comme cela résulte d'un procès-verbal de constat dressé à la demande de Mme [P] le 30 juillet 2019, et que, selon un accord des parties, la société BCC a repris la remorque le 16 octobre 2019 pour procéder à des réparations et l'a restituée à Mme [P] à la fin du mois, le 29 selon la société BCC, le 31 selon Mme [P].

Il ressort des pièces versées aux débats qu'après cette intervention Mme [P] a, par deux courriers électroniques, le 21 novembre 2019 et le 8 janvier 2020, informé la société BCC qu'une friteuse était inutilisable ou ne fonctionnait que très rarement et demandait à être dispensée du paiement du loyer des mois de décembre et janvier. Le 15 janvier la société BCC lui indiquait rechercher un technicien dans la région en vue d'une intervention sur la friteuse de la remorque, intervention qui était effectuée le 29 janvier 2020 par l'entreprise Grand Sud qui a établi un rapport d'intervention (signé par Mme [P]) qui mentionne :

Travaux effectués :

problème de flamme sur robinet gauche et milieu

Robinet gauche : nettoyage chambre de mélange air/gaz et réglage flamme

Robinet milieu : remise en service thermostat de sécurité car débranché versification fonctionnement ok pas de coupure aléatoire.

Après cette intervention la société BCC a écrit un courrier électronique le 6 février 2020 pour indiquer qu'au regard du rapport d'intervention le problème était lié à un problème de nettoyage, un réglage pour un robinet et un câble débranché par mégarde, dont elle ne pouvait être responsable. Mme [P] signalait encore un dysfonctionnement d'une friteuse le 19 février 2020.

Mme [P] verse aux débats un document intitulé 'Audit', réalisé par '[B] [W]/Climlab' le 2 mars 2020. Ce document, qui n'est pas signé, présente un descriptif des défauts constatés (en reprenant l'ensemble des défauts initialement dénoncés par la locataire), puis les interventions effectuées par M. [W] en juillet 2019 et les opérations effectuées, avec une estimation du coût des réparations, et qui conclut à la responsabilité du bailleur. Ce document ne permet toutefois pas d'établir que la remorque était inutilisable après les interventions des mois d'octobre 2019 et février 2020 dans la mesure où il fait état de dysfonctionnements qui ont donné lieu à des réparations en 2019 et ne sont plus évoqués ensuite par la locataire, à l'exception de la panne d'une friteuse. La société BCC verse par ailleurs aux débats des extraits du compte 'facebook' de Mme [P] qui démontrent qu'elle a poursuivi son activité après le mois de février 2020.

Tout en se prévalant d'une résiliation anticipée au 22 février 2020, suite à l'envoi d'un courrier recommandé à la locataire le 11 février 2020 intitulé 'rappel avant mise en demeure' pour lui indiquer 'si vous ne payez pas les loyers en retard nous vous mettrons donc en demeure de nous restituer la remorque dans notre atelier de [Localité 3] sous 8 jours suivant mail de M. [O] [S] du 8 février 2020', la société BCC, qui ne justifie pas d'une mise en demeure adressée après ce courrier, vient réclamer le règlement des loyers jusqu'au 30 juin 2020 en faisant valoir que le contrat est arrivé à son terme à cette date. Il n'y a donc pas lieu de considérer qu'elle agit sur le fondement d'une résiliation anticipée.

Il n'est pas réclamé de loyers sur la période antérieure au mois de décembre 2019 et, s'agissant de la période de décembre 2019 à juin 2020, il n'a pas été démontré que la remorque ne fonctionnait pas, alors que la société BCC est intervenue pour faire des réparations, et, par conséquent, il n'est pas démontré un manquement suffisamment grave à l'obligation de délivrance pour justifier le non-paiement des loyers.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement qui a condamné Mme [P] au paiement des loyers réclamés par la société BCC, soit la somme de 7 980 euros.

Sur les demandes au titre des indemnités et de dommages-intérêts présentées par la société BCC

Le montant accordé par le premier juge au titre de l'indemnité de recouvrement en application de l'article L. 441-10 du code de commerce ne faisant pas l'objet de contestation autrement que sur le fondement de l'exception d'inexécution, il convient de confirmer la condamnation prononcée à ce titre.

L'intimée réclame par ailleurs une indemnité à hauteur de 5 500 euros au titre de la clause pénale prévue à l'article 10 du contrat en cas de résiliation anticipée, réduite à néant par le premier juge au motif qu'elle serait manifestement excessive, mais dans la mesure où il doit être considéré qu'elle ne se fonde pas sur une résiliation anticipée puisqu'elle réclame le paiement des loyers impayés jusqu'au terme du contrat, il n'y pas lieu de faire application de la clause pénale. Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande.

Il convient en revanche de faire droit à la demande au titre de la perte de loyers ou d'un 'préjudice de jouissance' à raison de l'impossibilité pour la société BCC de louer le véhicule à l'issue du contrat, Mme [P] n'ayant pas restitué le véhicule qui a fait l'objet d'une appréhension le 30 novembre 2021, étant relevé que l'article 6 du contrat stipule aussi qu'à défaut de restitution 'le véhicule sera rapatrié aux frais du locataire par les soins du loueur, la location continue de courir jusqu'au retour du véhicule'. Il y a lieu d'allouer à la société BCC la somme de 4 750 euros au titre de la perte de loyers (5 mois à 950 euros HT), outre la somme de 2 580 euros au titre des frais de remorquage jusqu'au lieu de son siège social à [Localité 3] et dont il est justifié (facture du 24 décembre 2020).

Sur la demande de restitution du véhicule

Si la demande est désormais sans objet dans la mesure où la société BCC a fait procéder à l'appréhension du véhicule, c'est à bon droit que le premier juge l'a ordonnée au regard de ce qui précède et le principe d'une condamnation assortie d'une astreinte n'est pas remis en cause par l'appelante. Le chef du jugement ordonnant la restitution du véhicule sous astreinte sera en conséquence confirmé.

La cour n'a pas le pouvoir, en vertu de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, qui dispose que l'astreinte est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir, de liquider l'astreinte prononcée par le premier juge dans la mesure où le tribunal de commerce n'est plus saisi de l'affaire et ne s'est pas réservé la liquidation.

Il n'y a pas lieu en conséquence de statuer sur la demande de liquidation.

Sur la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [P]

Il résulte des éléments exposés ci-dessus que la société BCC engage sa responsabilité à raison de son manquement à son obligation de délivrance sur la période du 1er juillet jusqu'à la fin du mois d'octobre 2019, qui a causé un préjudice à Mme [P] qui n'a pu exploiter la friterie qu'en partie, même si les loyers ne lui ont pas été réclamés par ailleurs.

Au regard des éléments versés aux débats, le préjudice doit être évalué à la somme de 4 000 euros.

Sur les demandes accessoires

Il y a lieu, eu égard aux circonstances du litige, de laisser à chacune des parties la charge de ses dépens, de première instance comme d'appel, et de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné Mme [L] [P] au paiement de 1 000 euros pour indemnité procédurale et aux dépens ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Condamne Mme [L] [P] à payer à la société BCC la somme de 4 750 euros euros au titre du préjudice de jouissance et la somme de 2 580 euros au titre des frais de remorquage ;

Condamne la société BCC à payer à Mme [L] [P] la somme de 4 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de liquidation de l'astreinte ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier

Valérie Roelofs

Le président

Dominique Gilles


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 2 section 1
Numéro d'arrêt : 20/05030
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;20.05030 ?
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