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17/02/2023 | FRANCE | N°22/00487

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 17 février 2023, 22/00487


ARRET DU

17 Février 2023





















N° RG 22/00487 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UGI2



N° 231/23



MLBR/AL



































































GROSSE



le 17 Février 2023





République Française

Au nom du Peup

le Français



COUR D'APPEL DE DOUAI



Renvoi après Cassation

- Prud'hommes -











CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE TOURCOING en date du 08 Décembre 2016

COUR D'APPEL DOUAI en date du 31 Janvier 2019

COUR DE CASSATION DU 02 Février 2022



APPELANTE :



Mme [P] [I] DIVORCEE [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Virginie STIENNE-DUWEZ, avocat au barreau de LILLE

(béné...

ARRET DU

17 Février 2023

N° RG 22/00487 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UGI2

N° 231/23

MLBR/AL

GROSSE

le 17 Février 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Renvoi après Cassation

- Prud'hommes -

CONSEIL DE PRUD'HOMMES DE TOURCOING en date du 08 Décembre 2016

COUR D'APPEL DOUAI en date du 31 Janvier 2019

COUR DE CASSATION DU 02 Février 2022

APPELANTE :

Mme [P] [I] DIVORCEE [S]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Virginie STIENNE-DUWEZ, avocat au barreau de LILLE

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/22/002649 du 17/03/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

INTIME :

Etablissement Public CCAS [Localité 3]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Isabelle MASAY, avocat au barreau de DUNKERQUE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

Marie LE BRAS

: PRESIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Séverine STIEVENARD

DEBATS : à l'audience publique du 13 Décembre 2022

ARRET : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLOTURE : rendue le 29 Novembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE :

Par délibération du 29 octobre 1987, le centre communal d'action sociale de [Localité 3] (ci-après dénommé le CCAS de [Localité 3]) a créé un service mandataire de garde à domicile lequel avait pour objectif de faciliter l'embauche par les personnes âgées d'aides à domicile. Dans ce cadre, ce service effectuait pour le compte de la personne âgée, en cas de besoin, toutes les démarches administratives afférentes à l'emploi d'un salarié que ce soit l'immatriculation à la sécurité sociale, la déclaration URSSAF, l'élaboration des fiches de paie ou encore les attestations de salaire.

À partir de 1990, Mme [P] [I] divorcée [S] (Mme [S]) a assuré par l'intermédiaire du CCAS de [Localité 3] des prestations de garde à domicile auprès de plusieurs personnes âgées. Le 24 juillet 1993, elle a été victime d'un accident de la circulation et n'a plus repris son activité professionnelle.

Par courrier du 5 mars 2012, le conseil de Mme [S] a sollicité du CCAS de [Localité 3] la transmission des contrats de travail et bulletins de salaires de sa cliente au titre des années 1991 à 1993, au motif que l'intégralité de cette période d'activité n'a pas été prise en compte dans le calcul de sa retraite.

Par requête du 30 avril 2014, Mme [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Tourcoing afin d'obtenir la condamnation du CCAS de [Localité 3] au paiement de dommages-intérêts notamment pour rupture abusive de ses contrats de travail et travail dissimulé et d'enjoindre à ce dernier de faire les déclarations adéquates et payer les cotisations pour qu'elle puisse bénéficier de la part retraite correspondant.

Par jugement contradictoire du 8 décembre 2016, le conseil de prud'hommes de Tourcoing a':

- dit que le CCAS de [Localité 3] n'a pas été l'employeur de Mme [S] pendant les années 1990 à 1993,

- débouté Mme [S] de ses demandes dirigées à l'encontre du CCAS de [Localité 3] et l'a invité à mieux se pourvoir,

- mis les dépens à la charge de la partie demanderesse.

Pa déclaration reçue au greffe le 18 janvier 2017, Mme [S] a interjeté appel de ce jugement.

Par arrêt contradictoire du 31 janvier 2019, la cour d'appel de Douai a':

- réformé le jugement entrepris en ce qu'il a statué au fond sur les demandes de Mme [S] et l'a confirmé dans ses dispositions relatives aux dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- constaté que l'action de Mme [S] est prescrite et que toutes ses demandes sont irrecevables,

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu'en cause d'appel,

- condamné Mme [S] aux dépens d'appel.

Statuant sur le pourvoi de Mme [S], la chambre sociale de la Cour de cassation, par arrêt du 2 février 2022, a'notamment :

- cassé et annulé l'arrêt déféré sauf en ce qu'il a constaté que les demandes de dommages-intérêts pour rupture abusive des contrats de travail et harcèlement moral de Mme [S] sont irrecevables,

- remis, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Douai autrement composée.

Par déclaration du 28 mars 2022, Mme [S] a saisi la cour d'appel de Douai.

Par ses dernières conclusions déposées le 26 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [S] demande à la cour de':

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a jugé que le CCAS de [Localité 3] n'était pas son employeur,

- condamner le CCAS de [Localité 3] à lui payer la somme de 270 000 euros à titre de dommages-intérêts en raison de l'absence de déclarations sociales auprès de l'URSSAF et des caisses de retraite,

- enjoindre au CCAS de [Localité 3] de déposer les déclarations adéquates et payer les cotisations auprès de l'URSSAF et de la caisse de retraite pour qu'elle puisse bénéficier de la part de retraite correspondant,

- condamner le CCAS de [Localité 3] à payer à Me [W] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de première instance et d'appel.

Par ses dernières conclusions déposées le 20 juillet 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, le CCAS de [Localité 3] demande à la cour de':

- juger l'action de Mme [S] prescrite,

En tout état de cause,

- juger qu'il n'a jamais été l'employeur de Mme [S],

- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [S] à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- sur la recevabilité des demandes de Mme [S] :

En suite de l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 2 février 2022, Mme [S] reprend devant la cour d'une part sa demande indemnitaire à hauteur de 270 000 euros en réparation du préjudice résultant du travail dissimulé par absence de déclaration sociales à l'URSSAF et aux caisses de retraite, et d'autre part, sa demande aux fins d'enjoindre au CCAS de [Localité 3] d'effectuer les déclarations manquantes et de payer les cotisations y afférentes, les estimant recevables car non prescrites.

Le CCAS de [Localité 3] se fonde quant à elle sur l'article L. 1471-1 du code du travail pour soulever à nouveau l'irrecevabilité desdites prétentions relatives au travail dissimulé, au motif qu'elles sont liées à l'exécution et à la rupture de la relation de travail et donc soumises au délai de prescription biennale, de sorte qu'au regard de la période de leur exécution, dans les années 90, et des dates auxquelles Mme [S] a reçu les informations concernant la reconstitution de sa carrière, à savoir les 18 janvier et 8 mars 2011, l'action de l'intéressée était nécessairement prescrite au 30 avril 2014, date de dépôt de sa requête.

Sur ce,

Il convient d'abord de rappeler que la durée de la prescription est déterminée par la nature de la créance, objet de la demande.

En l'espèce, l'objet des 2 demandes de Mme [S] est lié à la situation de travail dissimulé qu'elle dénonce et non à l'exécution ou la rupture d'une relation de travail dont l'existence et la qualification juridique serait indiscutable et admise par tous, de sorte que l'article L. 1471-1 du code du travail ne trouve pas à s'appliquer.

A défaut de texte spécifique, le délai de prescription applicable est donc, conformément à l'article 2224 du code civil, de 5 ans.

Par ailleurs, s'agissant de demandes fondées sur la supposée existence d'une dissimulation d'emploi par absence de déclaration sociale à l'URSSAF et aux caisses de retraite, ce délai de prescription ne court qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droit à la retraite dans la mesure où ce n'est qu'à cette date qu'il a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action.

En l'espèce, les parties ne produisent pas le document portant notification à l'appelante de ses droits à la retraite après liquidation. Toutefois, il résulte des termes du jugement, non critiqués sur ce point par les parties, que Mme [S] a pris connaissance du montant de sa retraite par notification de la CARSAT du 25 mai 2012, de sorte qu'au jour de sa requête, la prescription de son action n'était pas acquise.

Le CCAS de [Localité 3] avance le fait que l'appelante avait en sa possession les éléments relatifs à la liquidation de sa retraite dès qu'elle a été rendue destinataire de sa reconstitution de carrière par les courriers émanant de l'assurance retraite et de l'ARRCO des 18 janvier et 8 mars 2011.

Or, même en retenant une de ces 2 dates comme point de départ du délai quinquennal de prescription, celle-ci ne serait pas non plus acquise au 30 avril 2014.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré non prescrites et donc recevables les demandes de Mme [S] au titre du travail dissimulé.

- sur la situation de travail dissimulé :

Mme [S] prétend que le CCAS de [Localité 3] était bien son employeur entre 1991 et 1993 eu égard au lien de subordination juridique existant entre eux, l'intimé lui indiquant ses lieux et horaires de travail et ayant été à l'initiative de la rupture de ses contrats.

Elle lui reproche à ce titre de ne pas avoir déclaré l'intégralité de ses périodes de travail, ni réglé les cotisations y afférentes auprès des caisses de retraites, ce qui suffit à caractériser selon elle une situation de travail dissimulé.

Le CCAS de [Localité 3] conteste pour sa part le statut d'employeur à l'égard de Mme [S], faisant valoir qu'il est intervenu à l'époque uniquement dans le cadre d'une activité de mandataire de garde à domicile, pour exécuter si nécessaire à la demande des personnes âgées les formalités administratives relatives aux contrats de travail conclus entre elles et les personnes intervenant à leur domicile.

Rappelant qu'il appartenait aux employeurs de régler les salaires et charges sociales, il se dit totalement étranger aux irrégularités relatives à une activité salariée non déclarée.

Sur ce,

Pour être caractérisée au sens de l'ancien article L. 324-10 du code du travail en vigueur pendant la période litigieuse, une situation de travail dissimulé implique en premier lieu l'existence d'une relation de travail salariée.

Il sera aussi rappelé que l'existence d'une telle relation ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions effectives dans lesquelles est exercée l'activité du travailleur et plus particulièrement du lien de subordination juridique qui le lie à celui qui est présenté comme étant son employeur.

En l'absence d'écrit ou d'apparence de contrat, il appartient à celui qui invoque un contrat de travail d'en rapporter la preuve.

Il est en l'espèce constant qu'aucun contrat de travail n'a été conclu directement entre Mme [S] et le CCAS de [Localité 3], et n'est d'ailleurs produit à la cause.

L'appelante soutient pourtant que ce dernier était son employeur au titre des prestations réalisées au domicile de personnes âgées.

Toutefois aucune des pièces produites ne sont suffisantes pour établir l'existence d'un lien de subordination juridique entre elle et l'intimé.

En effet, si Mme [S] dénonce la fausseté des pièces contractuelles versées aux débats par le CCAS de [Localité 3], les contrats de travail et bulletins de salaire produits par ses soins (ses pièces 1 à 8) font tous état de manière explicite que son employeur était pour chacune de ces prestations, le particulier chez qui elle intervenait, aucune référence étant faite à l'intervention du CCAS de [Localité 3] à ce même titre.

Cela ressort également de l'attestation patronale établie par le tuteur de Mme [T] (sa pièce 12)

Enfin si dans son attestation établie en septembre 2011, Mme [O] relate que Mme [S] 'travaillait pour Mme [F] (sa belle-soeur) durant la période de juin, juillet et août 1992 pour le compte du CCAS de [Localité 3], le contrat étant rédigé par Mme [Z]', cette seule constatation est insuffisante à caractériser une relation de travail entre Mme [S] et le CCAS de [Localité 3], le contrat ayant pu être établi par le représentant du CCAS dans le cadre de son activité de mandataire de garde à domicile.

D'ailleurs, l'appelante produit aussi le contrat de travail qu'elle a signé avec Mme [F], en tant qu'employeur, pour cette période de travail en août 1992.

Mme [S] ne produit en outre aucune pièce de nature à établir qu'elle recevait des ordres et des directives de la part du CCAS de [Localité 3], qu'elle lui rendait compte de la bonne exécution de la prestation ou encore qu'il avait pris l'initiative de la rupture des différents contrats à la suite de son accident en juillet 1993.

A défaut pour Mme [S] de rapporter la preuve de la relation de travail salarié la liant au CCAS de [Localité 3], et donc de la qualité d'employeur de ce dernier, la situation de travail dissimulé qu'elle dénonce n'est pas établie.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [S] de ses demandes au titre du travail dissimulé, étant au surplus rappelé que si elle entendait engager la responsabilité du CCAS de [Localité 3] en sa qualité de mandataire, elle ne pouvait le faire sans attraire les employeurs devant la juridiction prud'homale, conformément à l'ancien article L. 511-1 du code du travail repris en l'article L. 1411-6 dudit code en vigueur depuis le 1er mai 2008.

- sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance.

Partie perdante, Mme [S] supportera également les dépens d'appel, y compris ceux afférents à la décision, objet de la cassation partielle, conformément à l'article 639 du code de procédure civile.

L'appelante sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au vu de la situation économique de Mme [S] qui bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, le CCAS de [Localité 3] sera également déboutée de sa demande indemnitaire sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation rendu le 2 février 2022,

CONFIRME le jugement entrepris en date du 8 décembre 2016 en ce qu'il a débouté Mme [S] née [I] de ses demandes au titre du travail dissimulé et en ses dispositions relatives aux dépens de première instance ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que Mme [P] [S] née [I] supportera les dépens d'appel, y compris ceux afférents à la décision, objet de la cassation partielle, conformément à l'article 639 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

Nadine BERLY Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 22/00487
Date de la décision : 17/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-17;22.00487 ?
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