ARRÊT DU
17 Février 2023
N° 254/23
N° RG 21/01477 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T3HH
PS / GD
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Boulogne sur Mer
en date du
17 Septembre 2021
(RG 20/00129 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 17 Février 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
Mme [V] [L]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Jennifer VASSEUR, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
INTIMÉE :
M. [H] [M] (exerçant sous l'enseigne COIN SOLEIL)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me Audrey SART, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER
DÉBATS : à l'audience publique du 10 Janvier 2023
Tenue par Patrick SENDRAL
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Valérie DOIZE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 janvier 2023
FAITS ET PROCEDURE
M.[M] exploite à titre individuel un cabinet d'esthétique à [Localité 3]. Par contrat du 1er juin 2015 Mme [L] est entrée à son service en qualité d'esthéticienne. Le 19 avril 2017 elle lui a notifié sa démission "au vu des conditions de travail". Par jugement ci-dessus référencé auquel il est renvoyé pour plus ample connaissance du litige le conseil de prud'hommes, saisi par la salariée de réclamations salariales et d'une demande de qualification de sa démission en licenciement abusif, a condamné M.[M] au paiement d'une somme de 3009,08 euros à titre d'heures supplémentaires, à l'indemnité de congés payés afférente mais a rejeté les demandes indemnitaires.
Vu l'appel formé par Mme [L] contre ce jugement le 21/9/2021 et ses conclusions du 20 avril 2022 ainsi closes :
"CONDAMNER Monsieur [M] à payer à Madame [L] la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi
-JUGER que la démission n'était ni claire et était particulièrement équivoque au regard du contexte, JUGER que la rupture du contrat est imputable à l'employeur,REQUALIFIER la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse, CONDAMNER Monsieur [M] à payer à Madame [L] les sommes suivantes:
1.536,68 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 153,66 € Brut au titre des congés payés y afférents
577,55 € à titre d'indemnité de licenciement
3.073,36 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse...
-CONFIRMER le jugement du conseil de prud'hommes de BOULOGNE SUR MER du 17 juin 2021 en ce qu'il a condamné Monsieur [H] [M] à payer à Madame [L] :
1831,72 euros au titre de rappel de salaire d'heures supplémentaires effectuées en 2015
183,17 euros au titre des congés payés y afférents
1177,36 euros au titre de rappel de salaire d'heures supplémentaires pour l'année 2016
117,73 euros au titre de congés payés y afférents
-INFIRMER le jugement en ce qui a condamné Monsieur [H] [M] à payer à Madame [L] la somme de 750 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
DEBOUTER M.[M] de ses demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau,
-CONDAMNER Monsieur [H] [M] à payer à Madame [L] la somme de 1.500 € titre des dispositions du code de procédure civile en premier instance
-CONDAMNER Monsieur [H] [M] à payer à Madame [L] la somme de 2.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel "
Vu les conclusions du 21/2/2022 par lesquelles M.[M] demande :
-la confirmation du jugement sauf sa disposition l'ayant condamné au titre des heures supplémentaires et congés payés afférents
-le rejet des demandes adverses
-la condamnation de l'appelante au paiement d'une indemnité de procédure
MOTIFS
Les heures supplémentaires
aux termes de l'article L 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées prétendument accomplies afin de permettre à l'employeur, assurant le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre en produisant ses propres éléments.
En l'espèce, Mme [L] indique que son employeur lui imposait illégalement de travailler les dimanches, ce qui l'a privée de son repos dominical. Elle réclame à ce titre 3000 euros de dommages-intérêts outre une somme à titre d'heures supplémentaires.
S'agissant des heures supplémentaires, la salariée produit des copies d'agendas mentionnant tout au plus des rendez-vous épars sans indication de leur durée. Elle verse également un décompte des heures supplémentaires effectuées selon elle sur la période de référence de juin 2015 à son départ en congé fin 2016 immédiatement suivi d'un arrêt-maladie, mentionnant invariablement 5 heures de travail tous les deux dimanches. M.[M], qui produit un relevé partiel des heures effectuées par l'appelante, pointe des discordances entre son agenda et son premier décompte ainsi que des raturages. Il fait également valoir que l'établissement était fermé les dimanches de basse saison alors que l'appelante prétend avoir travaillé.
Sur ce,
il ressort des attestations concordantes produites par l'employeur, non utilement discutées, que le salon était fermé en période hivernale (du 1/10 au 30/4) ce qui ne conforte pas les décomptes de la salariée. L'examen de ses bulletins de paie révèle par ailleurs qu'une somme totale de 1391 euros lui a été payée à titre d'heures supplémentaires. Il appert que l'intéressée était soumise à l'horaire collectif en vigueur dans l'entreprise, soit 35 heures par semaine et elle n'apparaît pas avoir travaillé en dehors des heures d'ouverture du salon. Dans ses calculs elle sollicite parfois le paiement d'heures supplémentaires déjà réglées, ainsi en est-il par exemple de ses 10 heures supplémentaires en juin 2015 et de 12 le mois suivant. Il ressort d'attestations concordantes établies par des collègues qu'elle était volontaire pour travailler les dimanches et qu'elle avait accepté de travailler les dimanches par disposition claire du contrat de travail. De ses décomptes il s'évince que M.[M] ne lui a jamais imposé de travailler au-delà des durées maximales de travail journalier ou hebdomadaire. N'ayant subi aucune atteinte à son droit à repos sa demande de dommages-intérêts sera rejetée par confirmation du jugement entrepris.
Vu les éléments produits par les deux parties la cour dispose d'éléments suffisants pour juger que certaines de ses heures supplémentaires n'ont pas été payées mais que le conseil de prud'hommes a notablement surévalué sa créance. Celle-ci sera chiffrée à la somme de 325,64 euros augmentée de l'indemnité de congés payés afférente. La salariée sera déboutée du surplus de sa demande.
Le licenciement
dans la lettre de démission la salariée n'a pas fait état de manquements de l'employeur mais la mention " au vu des conditions de travail " atteste de son caractère équivoque même si elle n'est assortie d'aucun grief et si préalablement la salariée n'avait formulé aucune réclamation sur ses conditions de travail. Cette démission s'analyse donc en une prise d'acte de la rupture du contrat de travail dont les effets seront ceux d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si l'employeur a commis des manquements à ses obligations d'une gravité rendant impossible la poursuite des relations contractuelles et à défaut d'une démission.
Mme [L] prétend que l'employeur n'a pas réglé les heures supplémentaires mais celles-ci sont en très faible nombre et elle n'a été confrontée à aucun refus de régularisation puisqu'elle ne lui a adressé aucune réclamation. Elle soutient que le gérant a eu un " comportement déplacé " mais cette allégation imprécise n'est étayée d'aucun élément tout comme rien n'établit un manquement (non précisé) de l'employeur à ses obligations durant l'arrêt-maladie. L'appelante lui fait grief de l'avoir sermonnée après une erreur de caisse mais ce fait, relevant du pouvoir de direction de l'employeur, est anodin tel qu'il est présenté. Son argumentation sur l'absence de visite de reprise est par ailleurs inopérante puisqu'elle était en arrêt-maladie lorsqu'elle a démissionné. Le terme de son arrêt-maladie étant le 20 avril 2017 elle s'est bornée à demander à son employeur l'organisation d'une visite de pré-reprise, effectuée le 13 avril 2017, sans l'informer clairement de son souhait de reprendre le travail. De manière plus générale, elle indique que M.[M] n'a pas pris en compte son état de santé mais elle n'étaye ce grief d'aucune explication et d'aucune preuve étant observé que le médecin du travail n'a jamais émis de réserve sur son employabilité. Elle n'a pas signalé à son employeur des problèmes de santé en ce qu'ils auraient dû l'inciter à réorganiser son travail. L'employeur a du reste respecté la législation sur les durées maximales de travail et les repos. Il est observé que par lettre du 21 décembre 2016 Mme [L] a proposé à sa direction une rupture conventionnelle car elle souhaitait " se consacrer à d'autres projets professionnels ", ce sans élever la moindre récrimination sur ses conditions de travail. Suite au refus opposé par l'employeur elle a été placée en arrêt-maladie ; n'ayant plus travaillé jusqu'à sa démission aucun manquement ne peut par la suite être mis en évidence.
Pour l'ensemble de ces raisons le jugement sera confirmé.
Les frais de procédure
eu égard aux frais occasionnés par l'appel, infondé, il n'est pas inéquitable d'allouer à M.[M] une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
CONFIRME le jugement sauf sur le montant alloué à la salariée à titre d'heures supplémentaires et congés payés afférents
statuant à nouveau sur les dispositions infirmées et y ajoutant
DIT que la prise d'acte par la salariée de la rupture du contrat de travail produit les effets d'une démission
CONDAMNE M.[M] à payer à Mme [L] la somme de 325,64 euros à titre d'heures supplémentaires outre 32,56 euros d'indemnité de congés payés
DEBOUTE Mme [L] du surplus de ses demandes
LA CONDAMNE à payer à M.[M] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
LA CONDAMNE aux dépens d'appel.
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS