ARRÊT DU
17 Février 2023
N° 280/23
N° RG 21/01472 - N° Portalis DBVT-V-B7F-T3DH
PS/AL
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES-SUR-HELPE
en date du
23 Août 2021
(RG F20/00009 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 17 Février 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [K] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Roseline CHAUDON, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Gérald CHALON, avocat au barreau de REIMS
INTIMÉE :
S.A.S. MAINTENANCE EXPERTISE REALISAIONS CONVOYEURS INDUS TRIELS SOLUTIONS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Eglantine CAMPBELL-BOULOGNE, avocat au barreau de DOUAI assisté de Me Fabrice HAGNIER, avocat au barreau de MEUSE
DÉBATS : à l'audience publique du 10 Janvier 2023
Tenue par Patrick SENDRAL
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Valérie DOIZE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 03 Janvier 2023
FAITS ET PROCEDURE
la société Merci solutions Paris Nord (la société MSPN) exerce son activité dans la métallurgie. Par contrat du 4 décembre 2017 prévoyant une durée de travail de 39 heures par semaine elle a engagé M.[B] en qualité de coordinateur de travaux. Les 22 mai et 21 juin 2019 elle l'a sanctionné d'avertissements avant de le licencier pour faute grave le 20 janvier 2020. Suivant requête du 20 janvier 2020 réceptionnée au greffe le lendemain le salarié a saisi le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la résiliation du contrat de travail aux torts de son employeur et sa condamnation au paiement de salaires et d'indemnités pour rupture nulle ou à défaut dénuée de cause réelle et sérieuse.
La cour est saisie de son appel formé le 20/9/2021 contre le jugement l'ayant débouté de ses demandes et condamné au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu ses conclusions du 17/5/2022 ainsi closes:
«INFIRMER le jugement du Conseil de Prud'hommes dans toutes ses dispositions,
CONDAMNER la société MERCI SOLUTIONS PARIS NORD à verser à Monsieur [B] les sommes suivantes:
563,00 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires structurelles pour juin et juillet 2019 ;
56,30 euros au titre des congés payés y afférents;
3.517,00 euros à titre de rappel de remboursements de frais de déplacements;
652 euros à titre de rappel de salaire pour travail les jours fériés outre les congés payés
168 euros à titre de rappel d'indemnités de repas;
1.215,50 euros à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur au-delà du contingent
16.768 euros à titre de rappel de salaires, lié à la requalification des ITR outre les congés payés
1.000 euros à titre de dommages et intérêts pour mutation géographique illégale;
ANNULER l'avertissement du 22 mai 2019 et celui du 21 juin 2019
CONDAMNER la même société à verser à Monsieur [B] 300 euros de dommages et intérêts pour avertissements abusifs;
CONDAMNER la société MERCI SOLUTIONS PARIS NORD à verser:
12.000,00 euros de dommages et intérêts pour non-respect de l'obligation de prévention des risques professionnelles et de l'obligation de bonne foi,
12.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour harcélement moral;
PRONONCER la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur;
CONDAMNER la société MERCI SOLUTIONS PARIS NORD à verser:
4.507,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
450,70 euros au titre des congés payés y afférents,
1.126,00 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
1.127,00 euros à titre de remboursement de la mise à pied conservatoire,
112,70 euros au titre des congés payés y afférents,
13.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et, à tout le moins,
sans cause réelle et sérieuse; A titre subsidiaire,
JUGER nul et sans cause réelle et sérieuse le licenciement de Monsieur [B] ;
En conséquence,
CONDAMNER la même société à verser: 4.507,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
450,70 euros au titre des congés payés y afférents, 1.126,00 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 1.127,00 euros à titre de remboursement de la mise à pied conservatoire, 112,70 euros au titre des congés payés y afférents, 13.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul et, à tout le moins,
sans cause réelle et sérieuse;
En tout état de cause,
CONDAMNER la société MERCI SOLUTIONS PARIS NORD à verser à Monsieur [B] la
somme de 3.500 euros au visé de l'article 700 du Code de Procédure Civile;
CONDAMNER la société MERCI SOLUTIONS PARIS NORD aux entiers dépens'»
Vu les conclusions du 21/3/2022 par lesquelles la société MSPN demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes adverses ainsi qu'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
MOTIFS
LES DEMANDES AU TITRE DE L'EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL
les heures supplémentaires
M.[B] réclame la somme de 563 euros au motif que ses heures entre la 151 eme et la 169 eme ne lui ont pas toutes été payées en juin et juillet 2019 ce que conteste l'employeur.
Il est constant que le contrat de travail prévoyait une durée de travail de 169 heures par mois et qu'en juin et juillet 2019 le salarié n'a pas perçu la rémunération afférente. L'employeur ne justifie pas du paiement et ne fournit aucune explication. La demande sera par conséquent accueillie.
Les frais de déplacements
M.[B] fait valoir que jusqu'au 1/9/2018 ses déplacements donnaient lieu, à titre d'usage, à paiement d'une indemnité journalière de 105 euros et que par la suite elle a été réduite à 67,30 euros. L'employeur rétorque à juste titre que faute d'accord collectif le litige est soumis aux dispositions de l'article L 3121-4 du code du travail prévoyant que le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat dépassant le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu de travail habituel fait l'objet d'une contrepartie. Le contrat prévoyait une indemnité de temps de route (ITR) de 6 euros par tranche de 50 km effectués et le salarié n'établit pas l'existence d'un usage ou d'un engagement unilatéral de l'employeur à verser une rémunération supérieure à celle convenue. Il résulte du reste des justificatifs versés aux débats et il n'est pas utilement contesté que compte tenu des distances parcourues l'intéressé a perçu ses indemnités de déplacements conformément à ce qui était convenu. Sa demande sera donc rejetée.
les majorations pour travail les jours fériés et les repas
M.[B] prétend que la majoration de 50 % prévue par la Convention collective de la métallurgie de l'Aisne, régissant sans conteste la relation contractuelle, ne lui a pas appliquée les 1, 8, 10 mai 2018, 1er et 8 mai 2019. Sur cette demande étayée par la production de justificatifs concrets l'employeur, sur qui pèse la charge de la preuve, n'établit pas le paiement des sommes dues en application de la Convention collective. Il sera donc fait droit à la demande et à celle concernant les indemnités de repas effectivement dues au salarié.
la contrepartie obligatoire en repos
En application de l'article L 3121-11 du code du travail les heures supplémentaires accomplies au- delà du contingent annuel ouvrent droit à une contrepartie obligatoire en repos ou à défaut à une indemnisation équivalente. Présentement, il n'est pas contesté qu'en 2019 M.[B] a effectué 389 heures supplémentaires soit 169 heures en plus du contingent conventionnel. La société MSPN fait plaider que M.[B] ne lui pas demandé l'autorisation de dépasser la durée légale mais l'accomplissement d'heures supplémentaires était prévu au contrat de travail à hauteur de 17,33 heures par semaine'; en sus de celles-ci le salarié a accompli d'autres heures supplémentaires pour mener à bien ses missions, dans un contexte d'importante charge de travail. Force est de constater que l'employeur n'a pas mis le salarié en mesure de prendre les repos auxquels il avait droit. Il sera donc fait droit à la demande exactement chiffrée.
La demande de dommages-intérêts pour mutation géographique indue
Le contrat de travail contient une clause ainsi rédigée':
«'..en fonction des nécessités d' organisation du travail, Monsieur [K] [B] pourra être affecté à tout poste compatible avec sa qualification tant au sein de la société MSPN qu'au sein des autres entreprises appartenant à cette dernière. Il est expressément convenu entre les parties au présent contrat de travail que la Société MERCI SOLUTIONS PARIS NORD pourra détacher temporaire sans limitation de durée Monsieur [K] [B], sans qu'il puisse valablement s'y opposer, sur un autre site que celui constitué par le siège social de la Société et cela sur l'ensemble du territoire national. Il est parfaitement convenu entre les parties que la clause d' affectation et de détachement temporaire sans limitation de durée prévue à l'alinéa précédent est une clause essentielle de conclusion du présent contrat de travail. En effet, si Monsieur [K] [B] n'avait pas librement et après avoir disposé d'un délai nécessaire de réflexion accepté la clause prévue à l'alinéa précédent alors le présent contrat de travail n'aurait pas été conclu et il n'aurait pas été recruté par la Société MERCI SOLUTIONS PARIS NORD. La liste des fonctions dévolues à M. [B] et ci-dessus définie n'est ni exhaustive ni limitative. Elle est par nature évolutive et le salarié accepte d'effectuer des tâches annexes ou accessoires. Le salarié reconnaît le caractère nécessairement évolutif de ses attributions et déclare accepter
par avance que celles-ci soient complétées ou adaptées en cours d'exécution du présent contrat, la présente liste n'ayant aucun caractère exhaustif..'»
Il ressort de ce contrat que le salarié a consenti à sa mobilité sur l'ensemble des sites exploités par l'employeur sur le territoire français et que celui-ci n'a fait qu'appliquer les dispositions convenues. La demande sera donc rejetée.
la demande de rappel de salaires au titre de la requalification des temps de trajet en temps de travail effectif
M.[B] soutient en substance que tous ses temps de trajets, ayant donné lieu à paiement d'indemnités de déplacement ITR, auraient dû être rémunérés comme temps de travail effectif.
Il appert d'une part que ses heures de travail lui ont été rémunérées au taux contractuel parfois majoré sur la base de ses relevés de temps de travail effectif transmis à sa direction; d'autre part, il a utilisé le véhicule de service de l'entreprise pour se rendre sur les chantiers et ses relevés de temps de travail ont tenu compte des trajets effectués avec ce véhicule depuis la prise de service jusqu'au retour dans l'entreprise. Il sera ajouté qu'aucun élément ne permet de considérer ses temps de trajet entre ses domiciles et lieux de travail respectifs avant et après sa mutation comme des temps de travail effectif, aucune pièce n'établissant en effet que pendant ces trajets le salarié était soumis aux directives de son employeur sans pouvoir vaquer à ses occupations personnelles. Sa demande est donc infondée.
la demande d'annulation de l'avertissement du 22/5/2019
il est ainsi rédigé:
«...'nous sommes contraints de revenir vers vous suite à la découverte de deux tricheries de votre part s'assimilant, d'une part, à une exécution déloyale de votre contrat de travail et d'autre part, à une tricherie en vue d'obtenir le paiement de sommes indues. Les faits découverts, le 06/05/2019 justifient très clairement la notification, par la présente, d'un courrier d'avertissement qui sera porté à votre dossier disciplinaire.
En effet, nous avons été amenés à découvrir:
Que vous aviez triché sur les heures supplémentaires d'Avril 2019 dans la mesure où vous avez déclaré:
o Avoir réalisé 8 Heures de travail le Lundi 1 Avril 2019 alors que vous n'en n'aviez réalisé que 6. heures
o Avoir réalisé 12 Heures de travail le Mercredi 3 Avril 2019 alors que vous n'en n'aviez réalisé que 11 heures
Naturellement, les heures supplémentaires déclarées et non réellement réalisées ne vous seront pas rémunérées. Nous vous rappelons que ne peuvent être considérées comme des heures supplémentaires et être rémunérées comme telles que les heures effectuées en sus des heures normales et contractuelles de travail que les heures supplémentaires réalisées à l'initiative de la Direction ou alors autorisées par cette dernière. A l'avenir vous ne devez en aucun cas réaliser des heures supplémentaires non demandées par la Direction ou réalisées sans autorisation préalable de cette dernière.
Que vous aviez triché sur vos déclarations de temps de déplacement générant ainsi
l'octroi d'indemnité de temps de route (ITR) ce qui fut le cas notamment:
o Le 2 Avril 2019 en déclarant 21TR au lieu d'un seul alors que vous étiez en GD sur [Z] et que vous deviez résider au plus près du client. o Le 3 Avril 2019 en déclarant 21TR au lieu d'un seul alors que vous étiez en
GD sur [Z] et que vous deviez résider au plus près du client. o Le 4 Avril 2019 en déclarant 21TR au lieu d'un seul alors que vous étiez en GD sur [Z] et que vous deviez résider au plus près du client.
o Le 15 Avril 2019 en déclarant 11 ITR au lieu de 10 ITR pour un déplacement
de 493km....Soit un total de 11 ITR soit 66€.
Nous vous rappelons que vous devez respecter scrupuleusement les règles relatives au paiement des I.T.R. qui sont, nous vous le rappelons, les suivantes:
' Pour les interventions dites de petits déplacements autrement dit pour les activités de maintenance et montage travaux neufs ci-dessus visés (soit sur un rayon de 200 kilomètres autour de l'agence), paiement d'un ITR de 6 € bruts par tranche de 50 kilomètres effectués et cela quelque soit la durée du trajet. Cette ITR sera calculée à partir du domicile du salarié dans la mesure où il n'a pas à passer à l'agence avant de se rendre chez le client sauf exception. Cette indemnité sera versée, y compris, pour les trajets effectués en cours de journée de travail. Les comportements ci-dessus décrits constituent une exécution déloyale et défectueuse de votre contrat de travail consistant à obtenir le paiement de sommes au titre des ITR et des heures supplémentaires non réellement dues. Par voie de conséquence et compte tenu de ce qui précède, nous vous notifions, par la présente, un courrier d'avertissement qui sera porté à votre dossier disciplinaire...'»
M.[B] conteste tout manquement mais il ressort des éléments concordants versés aux débats qu'il lui est arrivé de surévaluer le nombre d'indemnités de déplacements ITR réclamées à l'employeur ne correspondant pas systématiquement aux kilométrages effectivement parcourus dans l'exercice de ses missions. L'avertissement, reposant sur des faits fautifs, ne peut donc être annulé.
La demande d'annulation de l'avertissement du 21 juin 2019
il est ainsi motivé:
«'...nous revenons vers vous, suite, d'une part, au courrier d'avertissement que nous vous avons notifié le 22 mai dernier et à votre réponse en date du 1er juin 2019 reçu le 3 juin 2019 et d'autre part, aux faits survenus le 4 juin dernier lors de votre intervention auprès de la Société Carrières et Fours à Chaux de DUGNY. ' Sur votre avertissement du 22 mai dernier et votre réponse du 1er juin 2019 : Nous avons pris bonne note de votre correspondance dans laquelle vous contestez, d'une part,la fraude à la déclaration aux heures supplémentaires et d'autre part, la fraude relatif aux I.T.R. En ce qui concerne la fraude aux heures supplémentaires nous maintenons purement et simplement notre avertissement. En ce qui concerne les I.T.R. :
' Nous vous avons reprochés, dans notre correspondance du 22 mai dernier, 11
irrégularités sur vos I.T.R. ' Dans votre correspondance du 1er juin 2019 vous ne revenez que sur 2 I.T.R. à savoir:
L'I.T.R. du 1er avril 2019 pour laquelle votre seule justification est de soutenir que votre hôtel était à plus de 30 kilomètres du site. Le choix de votre hôtel vous est personnel et il incombe de votre responsabilité de choisir un hôtel au plus proche du site du client.
Les I.T.R. ne sont versés que pour l'hôtel le plus proche du site d'intervention. En optant pour un hôtel distant de plus de 30 kilomètres vous ne pouvez prétendre au paiement de deux I.T.R. dans la mesure où il la règle est de prendre un hôtel proche du site d'intervention. Ce jour là vous avez décidé de prendre un hôtel à 30 kilomètres du site du client et cela relève de votre responsabilité pleine et entière mais vous ne pouvez en aucun prétendre à 2 I.T.R. à ce titre là. L'I.T.R. du 15 avril 2019 pour laquelle votre seule justification est de soutenir que vous étiez à 493 kilomètres pour aller sur le site plus les kilomètres pour aller à votre hôtel soit 11 I.T.R.
Or, il n'est attribué des I.T.R. que par tranche de 50 kilomètres. En divisant 493 kilomètres par 50 kilomètres cela représente 9,86 I.T.R. Pour avoir droit à 11 I.T.R. il aurait été nécessaire que votre hôtel soit à plus de 57 kilomètres du site dans la mesure où pour avoir droit à 11 I.T.R.
il faut parcourir 550 kilomètres (50 x 11 = 550). Or, votre hôtel n'était pas à plus de 57 kilomètres du site d'intervention et quand bien même cela aurait été le cas, vous n'auriez pu prétendre à 11 I.T.R. dans la mesure où l'hôtel le plus proche du site d'intervention doit être retenu par vos soins. Si pour des raisons personnelles vous souhaitez prendre un hôtel plus lointain que l'hôtel proche du site cela relève de vos convenances personnelles et ne peut en aucun cas générer de droit à I.T.R. Par voie de conséquence, nous ne donnerons pas de suite favorable à votre demande de paiement des I.T.R. que nous vous avons retenu suite à la découverte de votre triche à ce sujet
et nous maintenons votre avertissement disciplinaire du 22 mai 2019.
' Sur vos dénonciations de harcèlement moral de Monsieur [V]:
Dans votre courrier du 1er juin 2019 vous soutenez par ailleurs que vous seriez victime de harcèlement moral de la part de Monsieur [V] dans la mesure où ce dernier, aurez été à l'initiative d'une proposition de rupture conventionnelle que vous auriez refusé et car il ferait preuve d'acharnement à votre encontre. Nous attirons votre attention sur le fait que la proposition de rupture conventionnelle qui vous a été faite: D'une part, n'émane pas en personne de Monsieur [V] mais de la Direction de la Société, à savoir moi-même. Monsieur [V] n'a été que le relais entre vous et moi-même. Le fait de proposer une rupture conventionnelle de votre contrat de travail est une possibilité offerte à l'employeur en application des dispositions des articles L 1237- 11 et suivants du Code du Travail et ne peut en aucun cas s'assimiler à une quelconque situation de harcèlement moral mais simplement en l'exercice d'un droit que l'employeur possède. D'une part, le fait que Monsieur [V] ait dénoncé auprès de moi vos tricheries quant à vos demandes de paiement des I.T.R. n'est que l'exercice d'une de ses missions. II ne s'agit là nullement d'un quelconque acte de harcèlement sauf à ce que vous considériez que l'exercice normal du pouvoir hiérarchique de l'employeur est à lui seul constitutif d'un acte de harcèlement moral. Toutefois, et si vous considérez que Monsieur [V] fait preuve de harcèlement moral à votre encontre et d'acharnement nous vous remercions de nous faire connaître, sans délai, et par écrit:
Les faits ou évènements vous laissant penser que vous êtes victimes de harcèlement moral; Le nom et prénoms des personnes qui auraient pu assister aux agissements de Monsieur [V] à votre encontre afin que nous puissions vérifier vos observations; Les dates précises de survenance des actes de harcèlement moral dont Monsieur
[V] aurait fait preuve à votre encontre. A réception desdits éléments de votre part, nous analyserons ces derniers et sanctionnerons, si besoin, Monsieur [V] s'il s'avère que ce dernier a fait preuve de harcèlement ou de management zélé à votre encontre. Toutefois, pour cela il est IMPERATIF que vous puissiez nous communiquer des éléments précis et écrits.
Outre ce qui précède, nous sommes malheureusement contraints de vous notifier un nouvel avertissement disciplinaire pour les faits survenus le 4 juin dernier. En effet, le 4 juin dernier vous avez été affecté au sein de la Société Carrières et Fours à Chaux de DUGNY. Lors d'une opération de tronçonnage à la meuleuse au niveau des caillebotis, la meuleuse est venue heurter le câble d'alimentation électrique de la vis de chargement et a entamer deux phases. Vous avez été prévenir le représentant de la Société Carrières et Fours à Chaux de DUGNY de cet incident. Notre client nous a remonté cet incident en demandant à ce que chacun de nos collaborateurs fassent preuve d'une vigilance accrue afin d'éviter tout accident. Votre manque de vigilance dans la réalisation des tâches qui vous ont été confié le 4 juin dernier aurait pu avoir des conséquences graves: Dans le fonctionnement des services de notre cliente car la section d'un câble électrique aurait pu paralyser une partie de l'activité de notre client; Sur votre état de santé ou celui des personnes proches de votre zone de travail si vous aviez coupé un câble électrique et si vous aviez été électrocuté ou si vous aviez électrocuté un tiers. II est tout simplement impensable et inimaginable que vous n'ayez pas vu le câble d'alimentation électrique dans le cadre de votre opération de tronçonnage. Cela caractérise clairement un manque d'attention justifiant, compte tenu des risques encourus, la notification d'un nouvel avertissement disciplinaire qui sera porté à votre dossier disciplinaire. Nous vous informons que toute réitération des faits ci-dessus décrits à l'avenir, vous exposera clairement à une sanction disciplinaire plus lourde que le présent avertissement et qui pourra aller jusqu'au licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité. Nous vous prions, Monsieur [B], de bien vouloir agréer nos sincères salutations.»
Il n'est pas fourni de pièce caractérisant un manquement du salarié à ses obligations le 4 juin 2019 alors qu'il le conteste. Il y a donc lieu d'annuler cette sanction et d'allouer à M.[B] 200 euros de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral.
les demandes de dommages-intérêts au titre du harcèlement moral, du manquement à l'obligation de sécurité et de l'exécution déloyale du contrat de travail
M.[B] se plaint de son affectation dans un entrepôt dépourvu d'eau et électricité, sans toilettes, pendant plus d'un an à compter de sa mutation en Isère. L'employeur se borne à indiquer que le changement de lieu de travail était prévu au contrat mais il ne conteste pas utilement les dires du salarié sur son obligation de travailler dans le lieu incommode voire insalubre décrit par le témoin [E]. Par ailleurs, il vient d'être jugé que la société MSPN n'avait pas mis le salarié en mesure de bénéficier d'une contrepartie obligatoire en repos et qu'elle ne lui avait réglé ni ses heures supplémentaires, ni ses frais de repas ni les majorations pour travail les jours fériés. Le salarié et son avocat avaient pourtant invité l'employeur à régulariser la situation en matière de contrepartie en repos et M.[B] s'était plaint de harcèlement moral dans une lettre du 20 juin 2019. Il résulte des développements précédents que le salarié présente des faits laissant dans leur globalité présumer le harcèlement moral. L'employeur, dont les manquements sont avérés, n'établit pas que ses décisions étaient justifiées par des raisons objectives étrangères au harcèlement moral. Les faits, répétés, ont eu pour effet une dégradation des conditions de travail du travailleur susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Le harcèlement moral est donc constitué. En réparation du préjudice moral causé à M.[B] par la dégradation de ses conditions de travail il lui sera alloué 3000 euros de dommages-intérêts lesquels ne réparent pas le dommage distinct causé par l'exécution déloyale du contrat de travail et le manquement à l'obligation de prévention. A ce titre il lui sera alloué 1000 euros de dommages-intérêts.
LES DEMANDES AU TITRE DE LA RUPTURE DU CONTRAT DE TRAVAIL
la demande de résiliation du contrat de travail
Il n'est pas discuté que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes après l'envoi de la lettre de licenciement ayant immédiatement rompu le contrat de travail. La résiliation étant impossible dans ce cas de figure les demandes afférentes seront rejetée.
le bien-fondé du licenciement
La lettre de licenciement est ainsi rédigée':
«... nous vous avons convoqué, par courrier en date du 8 janvier 2020 par LRAR (et nous vous avons remis un exemplaire en main propre le 9 janvier 2020), à un entretien préalable à une éventuelle mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité avec mise à pied à titre conservatoire immédiate. Cet entretien préalable était programmé le 16 janvier 2020. Vous ne vous êtes pas présenté à cet entretien sans information préalable de notre part quant à votre absence et quant au motif de ladite absence ce que nous regrettons vivement car cela aurait pu permettre d'échanger avec vous sur les griefs exprimés dans la lettre de convocation à entretien préalable mais également sur les faits du 9 janvier 2020 survenus postérieurement à la remise de la convocation à entretien préalable. Nous sommes malheureusement contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité de quelque nature que ce soit. Cette mesure de licenciement est motivée par une série de faits absolument intolérables et ne nous permettant pas d'envisager votre maintien dans l'entreprise notamment compte tenu de votre comportement agressif, violent et dangereux du 9 janvier 2020 qui aurait pu dégénérer et occasionner une bagarre avec vos collègues de travail. En effet, nous avons été amenés à constater que les 6 et 7 janvier 2020 vous avez adopté, sur l'un de nos chantiers, une attitude absolument déloyale et irrespectueuse de vos obligations et de votre hiérarchie. Ainsi:
I ' Vous avez refusé d'appliquer les consignes de travail donnée par Monsieur [P], collaborateur de la Société SERVA e en charge d'organiser votre travail, prétextant que ce-dernier n'était.pas votre responsable hiérarchique. Or, compte tenu des conditions de réalisation du chantier sur lequel vous étiez affecté ces deux jours là, votre supérieur hiérarchique en charge de l'organisation de votre travail et surtout de votre sécurité, était Monsieur [P].
Vous ne pouviez en aucun cas refuser d'exécuter les consignes de travail communiquées par M. [P] que ce dernier soit ou non un collaborateur de la Société MERCI SOLUTIONS. Votre refus d'exécuter les consignes de travail de Monsieur [P] s'assimile clairement à un acte d'insubordination qui a généré, d'une part, une mauvaise image de la Société MERCI SOLUTIONS et d'autre part, une inexécution de vos obligations contractuelles.
'Vous avez clairement incité votre collègue de travail, Monsieur [I] [E], a agir de manière identique à votre comportement à savoir refuser les ordres et consignes de travail de Monsieur [P], collaborateur de la Société SERVA en charge de l'organisation de son travail sur le chantier sur lequel vous étiez affecté. Ce comportement s'assimile clairement à une exécution défectueuse et déloyale de votre contrat de travail dans la mesure où vous avez incité un autre collaborateur de la Société MERCI SOLUTIONS à renier le pouvoir d'organisation du chantier de M. [P] et à ne pas exécuter les tâches confiées. Une fois encore cela est une exécution défectueuse et déloyale de votre contrat de travail. Vous avez adopté un comportement de « chef» en ne réalisant pas le travail demandé et en décidant seul ce que vous deviez ou non faire dans le cadre des tâches que vous deviez réaliser et cela nonobstant les consignes claires de travail communiquées par Monsieur [P] ..
Les attitudes et comportements ci-dessus décrits s'assimilent clairement à de l'insubordination et sont générateurs d'une exécution défectueuse et déloyale de votre contrat de travail dans la mesure où, d'une part, cela donne une mauvaise image de la Société MERCI SOLUTIONS et d'autre part, génère un retard sur les travaux devant être réalisés par la Société MERCI SOLUTIONS. Face à ce comportement il a été décidé de prononcer à votre encontre une mesure de mise à pied à titre conservatoire afin, d'une part, de vous permettre de ne plus avoir d'influence négative voir dangereuse sur votre collègue de travail et d'autre part, de vous permettre de réfléchir sereinement à votre attitude et comportement des 6 et 7 janvier 2020 et ainsi de retrouver une certaine sérénité dans l'entreprise dans l'attente de la tenue de l'entretien préalable à sanction disciplinaire programmé le 16 janvier 2020. Lorsque nous avons décidé de vous communiquer, le 9 janvier 2020, en main propre contre décharge en sus du courrier envoyé le 8 janvier 2020, votre courrier de convocation à entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire, vous avez adopté en présence de Monsieur [E], Monsieur [P] et Monsieur [Y], un comportement absolument intolérable et inadmissible compte tenu des conséquences dangereuse qu'il aurait pu avoir. ' Le 9 janvier 2020, alors que vous étiez affecté sur le chantier de la Société [M], Monsieur [V], par délégation, a souhaité vous remettre en main propre...
Il apparaît clairement que les comportements ci-dessus décrits constituent une violation évidente des dispositions légales, réglementaires mais également contractuelles telles que prévue notamment à l'article 12 de votre contrat de travail. Votre attitude agressive et violente du 9 janvier 2020 et votre dénigrement de l'entreprise auprès de l'un de nos clients, le 10 janvier 2020, ne nous permettent pas d'envisager la poursuite de votre contrat de travail en cela y compris durant votre préavis. Dès lors nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour faute grave sans aucun préavis ni même aucune indemnité de quelque nature que ce soit'»
Il sera ajouté que l'employeur reproche au salarié de s'être énervé à l'occasion de la remise en main propre de la convocation à l'entretien préalable et d'avoir coincé son supérieur hiérarchique M.[V] contre un collègue en proférant des propos agressifs. Il lui est également reproché d'avoir le 10 janvier 2020 contacté le client société [M] pour lui signaler que le personnel de MERCI SOLUTIONS et de la société SERVA, oeuvrant avec elle sur le chantier dudit client, n'étant pas en règle il avait avisé l'inspection du travail. Pour étayer l'ensemble des griefs l'employeur produit uniquement une lettre de M.[P] à son employeur, la société SERVA, ainsi rédigée (outre une attestation n'apportant aucun élément supplémentaire):
«'le 10 Janvier 2020 A l'attention de Mme [W], société SERVA
Objet: Comportement de Monsieur [B]
Madame;
Je reviens vers vous par rapport à l'attitude de Monsieur [B] lors de ses diverses interventions sur le site de [M]. Lors du début de chantier [M], Monsieur [B] m'a indiqué ne pas avoir le CASES pour conduire le chariot élévateur, et je lui ai dit avoir une attestation de l'employeur indiquant le contraire. A plusieurs reprises, il voulait savoir quel poste j' occupais au sein de la Société SERY A, et je lui ai dit que je suis technicien, et que cela ne le concerne pas. Le Mercredi 8 janvier 2020, je devais quitter le chantier à 15h00. Quand j'ai informé Monsieur [B] qu'il devait quitter le chantier en même temps que moi sur ordre de Mrs [H] et [V], il me rétorqua qu'il ne partirait pas et ferait ses heures. Le problème fut réglé lorsqu'il a contacté Monsieur [V]. Le Jeudi 8 Janvier 2020, Monsieur [V] est venu lui remettre un pli en main propre et la situation a vite dégénérée. En effet, Monsieur [B] dès le début de la lecture du courrier, nous a conviés autour de lui, moi et mes collègues, pour faire lecture du courrier à haute voix. Je l'ai vu transmettre alors le courrier à Monsieur [E], et de suite Monsieur [V] c'est interposé pour reprendre le courrier. Monsieur [B] haussa le ton et devint très vulgaire, ne voulant pas que Monsieur [V] reprenne le courrier des mains de Monsieur [E]. Monsieur [V], prit en sandwich entre Mrs [E] et [B] se dégagea en écartant Monsieur [E] du bras. Puis dès que Monsieur [B] fut calmé, Monsieur [V] nous indiqua de reprendre le travail. Puis il est parti avec Monsieur [B].'»
Le refus de conduire un chariot n'est pas établi, le témoignage sujet à caution de M.[P] ne permettant pas de retenir l'insubordination alors même que la conduite de ce chariot nécessitait un permis CACES spécifique dont sans être utilement contredit le salarié affirme être dépourvu. Par ailleurs, de l'attestation précitée ne saurait être déduite la preuve de violences physiques ou de propos excédant le cadre de la liberté d'expression dont jouit tout salarié, ce d'autant que leur teneur précise n'est pas rapportée. Il ressort d'ailleurs du témoignage de M.[E], collègue de M.[B], que la remise de sa convocation à l'entretien préalable a été effectuée au mépris des règles de confidentialité en présence de plusieurs personnes dont M.[P], salarié d'une entreprise tierce. Le dénigrement par M.[B] du travail de son entreprise ou de celui de la société SERVA ne ressort enfin d'aucun élément.
Il y a donc lieu, en l'absence de manquement du salarié à ses obligations, de déclarer son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse mais il ne peut être annulé faute d'élément le justifiant.
Les conséquences financières
Leurs montants n'étant pas discutés il convient de faire droit aux demandes au titre des salaires de la mise à pied conservatoire et des indemnités de rupture.
Il ressort de l'article L 1235-3 du code du travail que lorsque le licenciement survient pour une cause non réelle et sérieuse, le juge condamne l'employeur au paiement d'une indemnité comprise entre des minima et des maxima. Compte tenu des effectifs de l'entreprise, de l'ancienneté de M.[B], de son âge, du revenu dont il a été privé (2250 euros bruts par mois avant revenus de remplacement), de ses qualifications, de ses difficultés relatives à retrouver un emploi dans ce secteur d'activité et des justificatifs sur sa situation postérieure à la rupture (aucun) il y a lieu de lui allouer 9000 euros de dommages-intérêts. Cette somme, excédant le plancher d'indemnisation prévu par l'article L 1235-3 du code du travail, répare en totalité et de manière adéquate le préjudice moral et financier causé par la perte d'emploi injustifiée.
Les frais de procédure
L'appel ayant occasionné des frais qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de son ancien salarié la société MSPN devra lui payer une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
INFIRME le jugement
statuant à nouveau et y ajoutant
DIT que le licenciement de M.[B] est dénué de cause réelle et sérieuse
CONDAMNE la société MSPN à lui payer les sommes suivantes:
- heures supplémentaires': 563 euros
- indemnité de congés payés: 56,30 euros
- indemnité pour travail les jours fériés: 652 euros
- indemnité de congés payés: 65,20 euros
- indemnités de repas: 168 euros
- indemnité de contrepartie obligatoire en repos: 1215,50 euros
- dommages-intérêts pour avertissement infondé: 200 euros
- dommages-intérêts pour harcèlement moral: 3000 euros
- dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail': 1000 euros
- salaires de la mise à pied conservatoire: 1127 euros
- indemnité de congés payés: 112,70 euros
- indemnité compensatrice de préavis: 4507 euros
- indemnité de congés payés: 450,70 euros
- indemnité de licenciement: 1126 euros
- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 9000 euros
indemnité de procédure: 2000 euros
ORDONNE le remboursement par la société MSPN à Pôle emploi des indemnités de chômage versées à M.[B] suite au licenciement, dans la limite de 2 mois
DEBOUTE M.[B] du surplus de ses demandes
CONDAMNE la société MSPN aux dépens d'appel et de première instance.
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS