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17/02/2023 | FRANCE | N°21/00966

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 17 février 2023, 21/00966


ARRÊT DU

17 Février 2023







N° 217/23



N° RG 21/00966 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TVBJ





MLBR/NB*CK





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

22 Avril 2021

(RG 19/00390 -section )



































GROSSE :



Aux avocats



le 17 Février 2023



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [W] [K]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Sarah DJABRI, avocat au barreau de PARIS



INTIMÉS :



L'...

ARRÊT DU

17 Février 2023

N° 217/23

N° RG 21/00966 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TVBJ

MLBR/NB*CK

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

22 Avril 2021

(RG 19/00390 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 17 Février 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [W] [K]

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Fiodor RILOV, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Sarah DJABRI, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉS :

L'Association de soins et services à domicile de [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 6]

représentée par Me Tiphaine AUZIERE, avocat au barreau de PARIS

L'Unédic AGS-CGEA d'[Localité 5]

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Adeline HERMARY, avocat au barreau de BETHUNE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Valérie DOIZE

DÉBATS : à l'audience publique du 29 Novembre 2022

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 27 janvier 2023 au 17 février 2023 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 8 novembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE :

L'association de soins et de services à domicile (ci-après dénommée l'ASSAD) de [Localité 6] est une association dédiée aux services à la personne. Elle appartient au groupement d'associations d'actions sociales (le GAAS) qui regroupe les services administratifs et supports communs à toutes les associations le composant.

La convention collective nationale de la branche de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile du 21 mai 2010 est applicable à la relation de travail.

Un accord de branche relatif aux temps modulés a par ailleurs été adopté le 30 mars 2006 auquel a fait suite au sein de l'ASSAD un accord d'entreprise relatif à l'aménagement du temps de travail conclu le 16 novembre 2011.

À compter de 2012, des salariés ont formulé un certain nombre de revendications concernant principalement le décompte de leur temps de travail effectif et certaines modalités de leur rémunération.

Un collectif de salariés a interpellé l'inspection du travail, le conseil départemental ainsi que des élus. Des autorités et élus sont intervenus en vain pour tenter de trouver une issue à cette situation.

C'est dans ce contexte que plusieurs salariées, auxiliaires de vie, dont Mme [W] [K], ont saisi le conseil de prud'hommes de Lens afin d'obtenir la condamnation de l'ASSAD au paiement de diverses sommes au titre de l'exécution de leur contrat de travail.

En cours de procédure, par jugement du 26 avril 2019, l'ASSAD a fait l'objet d'un redressement judiciaire et Me [G] a été nommé en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement du 24 mars 2021, Me [S] a été désigné comme commissaire à l'exécution du plan de redressement de l'ASSAD.

Par jugement contradictoire du 22 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Lens a':

- fixé la créance de Mme [W] [K] dans le redressement judiciaire de l'ASSAD aux sommes suivantes':

*3 264,13 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le temps de trajet pour les années 2012 à 2014,

*415,66 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le taux de majoration de 45% pour les dimanches et jours fériés pour les années 2012 à 2014,

*576,82 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les jours de fractionnement de 2012 à 2014,

*285,51 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le temps d'organisation et de répartition du travail pour l'année 2012 à 2014,

*1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour absence de notification des plannings dans les délais conventionnels,

- condamné Me [G] et Me [S], es-qualités à payer à la salariée la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté les parties de leurs autres demandes,

- dit que le jugement est exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de 9 mois de salaire et a fixé à 1 533 euros bruts la moyenne des 3 derniers mois de salaire,

- précisé que le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majorations,

- dit que ces sommes seront inscrites sur l'état des créances de l'ASSAD conformément aux dispositions de l'article L. 621-129 du code de commerce,

- dit le jugement opposable au CGEA d'[Localité 5] dans la limite des dispositions légales et réglementaires relatives à l'étendue de sa garantie,

- fixe l'intégralité des frais et dépens au passif de l'ASSAD en redressement judiciaire.

Par déclaration reçue au greffe le 4 juin 2021, Mme [W] [K] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a fixé ces créances de 3 264,13 euros, 415,66 euros, 576,82 euros et 285,51 euros au passif du redressement judiciaire de l'ASSAD et en ses dispositions au titre des frais irrépétibles.

Dans ses dernières conclusions déposées le 7 novembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties, Mme [W] [K] demande à la cour de :

- infirmer le jugement en ses dispositions critiquées,

et statuant à nouveau,

- constater la parfaite recevabilité de ses demandes,

- condamner l'ASSAD à lui payer les sommes suivantes':

*2 267,38 euros au titre de la modulation des heures supplémentaires et complémentaires,

*44,95 euros au titre du remboursement des cotisations mutuelles indues,

*3 400 euros au titre de l'absence des plannings dans les délais conventionnels,

*10 000 euros à titre d'indemnité en réparation du préjudice subi,

En tout état de cause,

- dire la décision à intervenir opposable au CGEA d'[Localité 5],

- assortir les condamnations à intervenir au taux légal,

- condamner l'ASSAD aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 30 novembre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, l'ASSAD demande à la cour de':

sur l'appel principal,

- juger que l'appel de la salariée est recevable en la forme mais mal fondé,

- confirmer le jugement rendu en ses dispositions critiquées par l'appelante,

sur l'appel incident,

- juger que son appel est recevable et bien fondé,

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a alloué à la salariée les sommes suivantes':

*3 264,13 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le temps de trajet pour les années 2012 à 2014,

*1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour absence de notification des plannings dans les délais conventionnels,

*415,66 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le taux de majoration de 45% pour les dimanches et jours fériés pour les années 2012 à 2014,

*576,82 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les jours de fractionnement de 2012 à 2014,

*285,51 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le temps d'organisation et de répartition du travail pour l'année 2012 à 2014,

*500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau,

- débouter la salariée de l'intégralité de ses demandes,

en tout état de cause,

- condamner la salariée au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la salariée aux dépens.

Dans ses dernières conclusions déposées le 16 novembre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, l'Unédic Délégation AGS CGEA d'[Localité 5] demande à la cour de :

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a fixé la créance de la salariée dans le redressement judiciaire de l'ASSAD aux sommes suivantes':

*3 264,13 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le temps de trajet pour les années 2012 à 2014,

*1 000 euros nets à titre de dommages-intérêts pour absence de notification des plannings dans les délais conventionnels,

*415,66 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le taux de majoration de 45% pour les dimanches et jours fériés pour les années 2012 à 2014,

*576,82 euros bruts à titre de rappel de salaire pour les jours de fractionnement de 2012 à 2014,

*285,51 euros bruts à titre de rappel de salaire sur le temps d'organisation et de répartition du travail pour l'année 2012 à 2014,

- le confirmer pour le surplus,

- débouter la salariée de l'ensemble de ses demandes,

- déclarer que ce n'est qu'en l'absence de fonds disponibles que l'AGS devra sa garantie l'ASSAD étant en l'état in bonis,

à titre infiniment subsidiaire,

- déclarer la décision lui étant opposable en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L. 3253-1 et suivants du code du travail et les plafonds prévus aux articles L. 3253-17 et D. 3253-5 du code du travail,

en tout état de cause et si l'opposabilité à l'AGS est prononcée,

- dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justifications par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,

- condamner la salariée aux entiers frais et dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Il convient en liminaire de constater que l'appelante n'a pas procédé à la pagination de ses conclusions en dehors de ses pages 9 à 12 où elle annonce un nombre total manifestement erroné de 44 pages alors qu'il ressort de manière évidente de la lecture des conclusions que celles-ci comprennent en réalité 19 pages, outre le bordereau de communication des pièces. Celles-ci se suivant de manière cohérente, la cour considère qu'elle a bien eu connaissance de l'ensemble des moyens et prétentions énoncé par l'appelante. 

- observations liminaires :

Au visa de l'article 954 du code de procédure civile, l'ASSAD fait valoir qu'à défaut pour la salariée d'avoir précisément formulé dans la partie discussion de ses conclusions, ses prétentions financières au titre de la modulation des heures supplémentaires et complémentaires, des temps d'organisation et de répartition du travail ainsi qu'au titre du préjudice subi, la cour n'a pas à examiner les moyens et arguments développés par l'appelante à leur soutien et ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a débouté l'intéressée desdites demandes.

Toutefois, sauf à ajouter à l'article 954 précité qui dispose notamment que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion », l'examen desdits moyens n'est nullement conditionné au rappel des prétentions s'y rattachant dans la partie discussion des conclusions comme prétendu par l'ASSAD.

Ainsi, ne peut prospérer le moyen avancé par celle-ci et retenu par les premiers juges pour certains chefs de demandes dès lors qu'en l'espèce, les prétentions financières de l'appelante sont toutes précisément énoncées dans le dispositif rappelé plus haut de ses conclusions et que les moyens invoqués à leur soutien figurent dans la partie discussion conformément à l'article 954 du code de procédure civile.

- sur la modulation des heures supplémentaires et complémentaires :

L'appelante soutient, en se fondant sur l'accord de branche du 30 mars 2006 relatif aux temps modulés dans la branche de l'aide à domicile, que chaque année, lors du calcul du temps de travail effectif du salarié, l'ASSAD omet de prendre en compte les jours de repos pourtant rémunérés comme du travail effectif, ce qui lui permet d'obtenir un nombre d'heures de travail effectif plus proche du nombre d'heures théoriques de travail et de réduire le nombre d'heures supplémentaires ou complémentaires à rémunérer. Elle demande ainsi réparation du préjudice résultant du non-respect des règles relatives à la modulation des heures supplémentaires et complémentaires.

En réponse aux moyens adverses, elle soutient en outre que l'accord d'entreprise du 16 novembre 2011 invoqué par les intimés n'a aucune incidence dans la mesure où aucune de ces dispositions ne remplace ou annule celles de l'accord de branche qui demeurent donc applicables.

Sur ce dernier point, les intimés lui opposent cependant à raison que l'ancien article L. 3122-2 du code du travail issu de la loi du 20 août 2008 et repris en l'article L. 3121-44 du même code, a posé le principe de la primauté de l'accord d'entreprise sur l'accord de branche.

De surcroît, en son article 1.3, l'accord d'entreprise du 16 novembre 2011 portant révision de l'aménagement du temps de travail au sein de l'ASSAD prévoit expressément, au visa de l'ancien article L. 3122-2 précité alors en vigueur, que ses dispositions s'appliquent à l'ASSAD de [Localité 6] « nonobstant les prescriptions des accords de branche en matière d'aménagement du temps de travail. Ce principe de primauté vise tout particulièrement l'accord de branche du 30 mars 2006 portant modulation du temps de travail », mettant ainsi fin au régime de modulation pour y substituer un régime d'annualisation.

Or, ainsi que l'ASSAD le fait justement remarquer, il résulte d'une part des articles 3.3, s'agissant des heures supplémentaires, et 3.6 s'agissant des heures complémentaires, que celles-ci sont constituées uniquement des heures de travail effectif accomplies au-delà des 1 607 heures annuelles, et d'autre part, de l'article 2.1 de cet accord d'entreprise que ne sont notamment pas considérés comme du temps de travail effectif,« les congés payés, les jours fériés et chômés, les journées de pont et la contrepartie obligatoire en repos ».

Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'appelante ne peut donc en se fondant uniquement sur l'accord de branche de 2006 reprocher à son employeur un mauvais décompte du temps effectif de travail dès lors que l'accord d'entreprise de 2011 qui s'y est substitué ne retient pas les jours de repos et congés comme tel.

Par une substitution de motifs, il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande indemnitaire de ce chef.

- sur les jours de congés fractionnés :

Dans le cadre de son appel incident, les intimés reprochent aux premiers juges d'avoir accueilli la demande financière de la salariée au titre des jours de congés fractionnés, faisant valoir que celle-ci y a valablement renoncé.

La salariée ne développe aucun moyen à hauteur d'appel pour s'opposer à l'appel incident des intimés, de sorte qu'elle est réputée s'approprier les motifs du jugement aux termes duquel les premiers juges ont retenu que l'employeur avait imposé à sa salariée de signer la renonciation aux jours fractionnés pour pouvoir bénéficier de congés en dehors de la période allant du 1er mai au 31 octobre, de sorte qu'il ne s'agissait pas d'une renonciation individuelle, et que l'intéressée justifiait des sommes réclamées par un décompte détaillé en sa pièce 73.

Toutefois, peu importe que le formulaire de renonciation dont chaque partie communique un exemplaire, soit en partie pré-rédigé par l'ASSAD, dès lors qu'il s'agit d'un acte de renonciation individuel particulièrement clair et non équivoque complété par le salarié uniquement lorsqu'il demande à prendre des congés payés en dehors de la période allant du 1er mai au 31 octobre.

En outre, il n'y a aucune contrainte imposée aux salariés à prendre leur 4ème semaine de congé pendant cette période dans la mesure où ils ont la possibilité de la prendre, en dehors de la période estivale, au cours des mois de mai, juin, septembre et octobre.

Enfin, la pièce 73 retenue par les premiers juges et versée aux débats par la salariée est un décompte des congés acquis au cours de la relation de travail, sans précision concernant les dates auxquelles ils ont été pris. Ainsi, aucune pièce de Mme [W] [K] est de nature à établir qu'elle a personnellement déposé des congés en dehors de la période allant du 1er mai au 31 octobre et a dû renoncer aux jours de fractionnement, de sorte que, comme le souligne l'ASSAD, la créance salariale alléguée n'est en tout état de cause pas caractérisée.

Il convient en conséquence d'infirmer le jugement de ce chef.

- sur le paiement du temps consacré à l'organisation du travail :

Dans le cadre de leur appel incident, les intimés reprochent aux premiers juges d'avoir accordé à la salariée un rappel de salaire au titre de temps d'organisation et de répartition du travail, qui selon eux n'ont pas eu lieu, la convention collective laissant à l'appréciation discrétionnaire de l'employeur le choix de les mettre ou pas en place.

La salariée ne développe aucun moyen à hauteur d'appel pour s'opposer à l'appel incident des intimés, de sorte qu'elle est réputée s'approprier les motifs du jugement.

Or, il résulte de l'article 3 du titre V chapitre 1er A de la convention collective produit aux débats par la salariée en sa pièce 7, que dans le cadre de l'organisation du temps de travail, l'employeur peut fixer des temps d'organisation et de répartition du travail dans la limite de 11 heures par an et salarié.

Comme le font observer les intimés, la mise en place de tels temps d'échange n'est ainsi qu'une possibilité laissée à l'appréciation de l'ASSAD. Il ne s'en déduit aucun droit acquis à une quelconque rémunération s'ils ne sont pas organisés.

A supposer même qu'il s'agissait d'un usage au sein de l'entreprise, comme retenu par les premiers juges, celui-ci a nécessairement pris fin au jour de l'entrée en vigueur de la convention collective qui en a fait une option au choix de l'employeur, étant par ailleurs observé que l'accord d'entreprise du 16 novembre 2011 prévoit aussi en son point 2.6.3 relatif aux modalités de communication des plannings individuels, une remise en main propre contre décharge ou par envoi par courrier, sans aucune référence à un temps consacré à l'organisation et la répartition du travail.

Par ailleurs, les premiers juges se sont fondés sur la pièce 77 de la salariée pour lui accorder ce qu'elle réclame. Or, ce document établi par ses soins pour étayer sa demande se limite à présenter le mode de calcul appliqué, à savoir 0,92 heure par mois entre décembre 2011 et juin 2014, sans autre information sur la date éventuelle fixée par l'employeur de ces temps d'échange relatifs à l'organisation du travail. Ce document qui ne fait que reprendre la méthode de calcul définie dans la note de service de 2009 produite par la salariée est ainsi trop imprécis, à défaut d'élément plus circonstancié, pour permettre à l'employeur de justifier que des temps d'organisation du travail n'ont pas eu lieu sur ladite période.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera infirmé en ce qu'il a accueilli l'appelante en sa demande financière de ce chef.

- sur les cotisations salariales indues concernant la mutuelle :

La salariée prétend en s'appuyant sur l'article 28-1 de l'avenant n°2 du 12 juillet 2011 relatif aux garanties sociales et de prévoyance qui répartit la charge de la cotisation mutuelle entre employeur (40%) et salarié (60%) que l'ASSAD a prélevé chaque mois au titre de la part salariale de la cotisation mutuelle, un montant trop élevé, à savoir 23,85 euros au lieu de 22,30 euros, sollicitant le remboursement du différentiel sur 29 mois, soit 44,95 euros. Elle explique qu'elle n'a pas à assumer la taxe spéciale sur les conventions d'assurance de 7% sur sa part de cotisation.

Si, contrairement à ce que soutient l'ASSAD, la salariée a produit aux débats l'intégralité du texte conventionnel qu'elle invoque (sa pièce 83), il n'en demeure pas moins que rien n'établit que la part salariale de la cotisation mutuelle prélevée sur sa rémunération serait excessive.

En effet, la cotisation est fixée par cet avenant à 37,29 euros dont 60% à la charge du salarié, hors taxe spéciale sur les conventions d'assurance qui en augmente nécessairement le montant.

Par ailleurs, l'arrêté du 23 décembre 2011 portant extension de ce texte a étendu l'article 28-1 sous réserve « de l'application de l'article 991 du code général des impôts » qui prévoit simplement que la taxe de 7% est perçue sur le montant des sommes dues à l'assureur, sans précision quant à une éventuelle exonération du salarié.

L'analyse contraire faite par les organismes syndicaux, au demeurant antérieure à l'arrêté du 23 décembre 2011, ne peut ainsi valoir preuve que l'employeur aurait procédé à des prélèvements indus de cette taxe sur la part salariale de la cotisation.

Il ressort par ailleurs des bulletins de salaire que la part salariale de 23,85 euros correspond bien à 60% de la cotisation globale de 39,75 euros, conformément aux notes d'information diffusées aux salariés.

A défaut d'autre élément de nature à établir le caractère indu des prélèvements, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de restitution.

- sur la réparation des préjudices subis par la salariée :

L'appelante demande réparation à hauteur de 10 000 euros des préjudices subis du fait des manquements de l'ASSAD au titre de la modulation des heures supplémentaires et complémentaires, des jours de congés fractionnés, des temps consacrés à l'organisation du travail et du prélèvement indû des cotisations mutuelle.

Il ressort toutefois de ce qui précède que les manquements allégués ne sont pas établis, de sorte que le jugement sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté la salariée de cette demande indemnitaire.

- sur le respect du délai de prévenance pour la répartition des horaires des salariés :

L'ASSAD conteste dans le cadre de son appel incident les dispositions du jugement retenant qu'elle n'aurait pas respecté le délai conventionnel pour la notification aux salariés de leur planning d'activité, tandis que la salariée critique pour sa part le montant de la réparation allouée qu'elle entend voir porter à 3 400 euros, correspondant à 100 euros par mois sur 34 mois.

Toutefois, c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont constaté que l'employeur ne justifie pas que les plannings étaient alors systématiquement communiqués à la salariée avant le début de chaque mois, conformément à l'ancien article L. 3123-14 3° du code du travail et l'article 2.6.1 de l'accord d'entreprise.

En effet, ses pièces 37 et 38 constituées d'un exemplaire de planning et d'ordre de mission ne portent ni le nom du salarié concerné, ni la date de leur remise dont il sera rappelé qu'elle doit être faite en main propre contre décharge ou par courrier. Elles sont donc insuffisantes à valoir preuve du respect de ces dispositions légales et conventionnelles.

Le jugement sera ainsi confirmé en ce qu'il a retenu le manquement de l'employeur à son obligation de respecter ce délai de prévenance.

Par ailleurs, à défaut d'élément produit par la salariée pour établir l'ampleur du préjudice dont elle demande réparation et démontrer l'insuffisance des sommes allouées par les premiers juges, le jugement sera également confirmé en ce qu'il a fixé à 1 000 euros la réparation du préjudice subi du fait de la gêne occasionnée.

- sur la rémunération du temps de trajet :

Dans le cadre de son appel incident, l'ASSAD conteste devoir un quelconque rappel de salaire à sa salariée au titre des temps de trajet.

Si l'intimée admet que les temps de déplacement entre 2 séquences consécutives de travail sont aussi considérés comme des temps de travail effectif et doivent être rémunérés comme tel, elle fait cependant valoir qu'elle a fait le choix non prohibé par les textes légaux et conventionnels d'appliquer une rémunération forfaitaire de ces temps de déplacement correspondant à un pourcentage du temps de travail effectif, reflet du temps de trajet moyen, fixé en toute transparence après discussion et consensus avec les représentants du personnel.

Elle ajoute que ces modalités de rémunération ne sont nullement inégalitaires entre salariés, contrairement à ce qu'a retenu le conseil de prud'hommes, dans la mesure où un salarié à temps plein se déplace nécessairement plus qu'un salarié à temps partiel, ce qui explique que la somme versée soit moindre pour ces derniers.

Enfin, l'ASSAD émet un certain nombre de critiques concernant les pièces adverses et le sérieux des calculs avancés, soutenant qu'il n'est pas démontré que la rémunération au forfait serait moins favorable que la rémunération sur la base du temps de trajet réel.

Pour sa part, la salariée ne développe aucun moyen, de sorte qu'elle est réputée s'être appropriée les motifs du jugement.

Il sera d'abord rappelé que l'article 14.2 de la convention collective prévoit que « les temps de déplacement entre deux séquences consécutives de travail sont considérés comme du temps de travail effectif et rémunérés comme tel».

S'agissant d'un litige sur le temps de travail et non sur le remboursement de frais de trajet, l'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande de rappel de salaire, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires.

Il convient de relever que contrairement à ce qui est prétendu par l'ASSAD, le contrôleur du travail dans son rapport de contrôle du 18 février 2013 produit par la salariée, a fait observer que les temps de déplacement devaient être rémunérés comme du temps de travail effectif et non faire l'objet d'une allocation forfaitaire de 5% des heures effectivement travaillées, se référant en cela à l'article 14.2 susvisé.

Par ailleurs, la commission nationale paritaire de conciliation et d'interprétation de la convention collective a émis le 30 janvier 2014 l'avis que les temps de trajet devaient être comptabilisés au réel sans se limiter au temps « véhicule », faisant observer que « la mise en place de forfait temps est encore moins conforme à la convention collective et illégale au regard du code du travail ».

Il sera enfin observé que dans un courrier du 2 décembre 2016 adressé au contrôleur du travail produit par l'intimée, celle-ci a indiqué que la rémunération au forfait a été mise en place depuis 2011« afin de réduire le coût des temps de trajet », tout en précisant que « dès que la situation financière le permettra nous continuerons tant que faire ce peut à nous rapprocher de la législation », ce dont il se déduit qu'elle a parfaitement conscience du caractère contestable de ces modalités de rémunération des temps de trajet.

Si celles-ci peuvent être admises dans l'hypothèse où elles ne seraient pas défavorables au salarié ainsi que l'avait envisagé la commission nationale paritaire dans un précédent avis du 24 mars 2011, il incombe à l'employeur d'en rapporter la preuve.

Au soutien de sa demande financière, la salariée produit un décompte détaillé sous forme notamment de planning des temps de trajet réels pour la période litigieuse ainsi que ses bulletins de salaire avec mention des temps de trajet retenus par son employeur, régulièrement inférieurs à ses propres évaluations.

L'ensemble de ces pièces apparait suffisamment précis pour permettre à l'ASSAD d'y répondre et démontrer que la rémunération forfaitaire des temps de trajet est au contraire équivalent ou plus favorable.

Or, l'intimée ne produit aucune pièce en ce sens, notamment pour contredire la salariée sur son décompte du temps de trajet. Faisant porter à tort la charge de la preuve sur la seule salariée, elle émet des critiques générales sur les décomptes produits sans aucun détail précis, ni pièce à l'appui et surtout ne démontre par aucun élément le caractère non défavorable du décompte forfaitaire qu'elle applique.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il sera retenu que l'ASSAD n'a pas versé à la salariée une rémunération équivalente à celle fondée sur les temps réels de trajet qui constitue pourtant des temps de travail effectif.

Il convient en conséquence de confirmer le jugement de ce chef.

- sur la majoration des heures travaillées les dimanches et jours fériés :

L'ASSAD conteste l'application du taux de majoration de 45% retenu par les premiers juges concernant les heures travaillées les dimanches et jours fériés, en faisant valoir que l'accord d'entreprise du 16 novembre 2011 qui prévaut sur la convention collective et l'accord de branche du 30 mars 2006 ne prévoit pas une telle majoration, un usage au sein de l'entreprise accordant cependant une majoration à 20%.

Elle fait aussi observer que 100% des temps sont intégrés au compteur de modulation, or la revendication au titre de la majoration ne peut porter que sur les heures payées et majorées hors du compteur de la modulation. Elle critique en outre les décomptes produits.

Pour sa part, la salariée ne développe aucun moyen, de sorte qu'elle est réputée s'être appropriée les motifs du jugement.

Il est constant que la convention collective du 21 mai 2010 prévoit à l'article 18 du chapitre sur la durée du travail « qu'à l'exception du 1er mai régi par les dispositions légales, et à défaut d'accord collectif prévoyant d'autres modalités de rémunération, les heures travaillées les dimanches et jours fériés donnent lieu soit à une majoration de salaire égale à 45% du taux horaire du salarié, soit à un repos compensateur de 45% du temps travaillé le dimanche ou jour férié ».

Comme l'ont justement relevé les premiers juges, aucune des dispositions de l'accord d'entreprise du 16 novembre 2011 ne porte sur le travail les dimanches et jours fériés et ne fixe d'autres modalités de rémunération, de sorte que l'article 18 de la convention collective au demeurant plus favorable trouve encore à s'appliquer.

Dans son rapport du 18 février 2013, le contrôleur du travail a d'ailleurs relevé que l'ASSAD devait appliquer la majoration susvisée, à défaut de repos compensateur, et la faire apparaître distinctement sur le bulletin de salaire.

Par ailleurs, la majoration est due en raison du travail fait un dimanche ou jour férié, peu importe leur intégration dans le compteur du temps de travail annualisé pour le décompte des éventuelles heures supplémentaires.

Enfin, les premiers juges ont justement relevé que l'ASSAD émet des critiques très générales sur les pièces produites par la salariée sans préciser le détail des anomalies alléguées qu'il n'appartient pas à la cour de rechercher à défaut d'être précises, l'intimée affirmant que les calculs sont faux sans toutefois opposer un décompte par ses soins des sommes qui seraient dues en appliquant la majoration de 45%.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé de ce chef.

- sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance et en ce qu'il a dit la décision opposable au CGEA d'[Localité 5] dans les limites prévues par les dispositions légales et réglementaires.

Il convient par ailleurs de laisser à chaque partie la charge des dépens qu'elle aura exposés en appel.

L'équité commande en outre de débouter l'ASSAD de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en date du 22 avril 2021 sauf en ses dispositions relatives aux rappels de salaire au titre des jours de fractionnement et du temps d'organisation du travail ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

DÉBOUTE Mme [W] [K] de ses demandes ;

DÉBOUTE l'association de soins et de services à domicile de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle aura exposés en appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 21/00966
Date de la décision : 17/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-17;21.00966 ?
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