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17/02/2023 | FRANCE | N°21/00922

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 17 février 2023, 21/00922


ARRÊT DU

17 Février 2023







N° 297/23



N° RG 21/00922 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TUS7



MLBR/CL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

23 Avril 2021

(RG F 18/00721 -section )






































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GROSSE :



aux avocats



le 17 Février 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [E] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me François PARRAIN, avocat au barreau de LILLE





INTIMÉE :



S.A.S.U. FONCIA [Localité 3] venant aux dro...

ARRÊT DU

17 Février 2023

N° 297/23

N° RG 21/00922 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TUS7

MLBR/CL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Lille

en date du

23 Avril 2021

(RG F 18/00721 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 17 Février 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [E] [K]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me François PARRAIN, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

S.A.S.U. FONCIA [Localité 3] venant aux droits de la SAS SOCIETE IMMOBILIERE DE GESTION DE LOCATION ET D ASSURANCE (SIGLA).

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me François ROCHET, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 03 Janvier 2023

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 décembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE':

Mme [E] [K] a été embauchée en qualité de négociatrice immobilière - responsable de l'agence [Localité 5] [Localité 6] par la SAS Société Immobilière de gestion de Location et d'Assurance (la société SIGLA) suivant un contrat à durée indéterminée du 3 janvier 2009.

Sa rémunération était initialement composée d'un minimal garanti de 30 000 euros bruts par an, de commission sur les ventes et de primes sur objectifs.

Par un avenant du 2 juin 2009, les parties ont fait évoluer les modalités de fixation de la part variable de la rémunération.

Par courriers des 17 juillet et 9 octobre 2017, Mme [K] a alerté directement et par la voix de son conseil, la directrice générale de la société, Mme [Z], de difficultés quant à ses conditions de travail.

Elle a été placée en arrêt maladie à compter du 26 octobre 2017.

À l'issue de deux visites de reprise en date des 6 et 19 février 2018, la salariée a été déclarée inapte par le médecin du travail en ces termes «'Inaptitude confirmée-2ème visite, au poste de responsable d'agence dans l'entreprise SIGLA. Capacités restantes': pourrait exercer le poste de responsable d'agence dans une autre entreprise. Pas de contre-indication à suivre une formation la préparant à occuper un poste adapté'».

Par courrier recommandé du 6 mars 2018, Mme [K] a été convoqué à un entretien fixé au 14 mars 2018, préalable à un éventuel licenciement, avant de se voir notifier son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 16 mars 2018.

Par requête du 19 juillet 2018, Mme [K] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin de juger son licenciement nul , à défaut de le juger sans cause réelle et sérieuse et d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

En cours de procédure, suite au rachat de la société, la SASU Foncia [Localité 3] est venue aux droits de la société SIGLA.

Par jugement contradictoire rendu le 23 avril 2021, le conseil de prud'hommes de Lille a':

- jugé que Mme [K] n'a pas été victime de harcèlement moral de la part de son employeur et l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre,

- jugé que le licenciement de Mme [K] n'est pas nul, qu'il est fondé et justifié par une inaptitude et l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts à ce titre,

- débouté Mme [K] de ses demandes de rappel de salaire au titre du droit de suite, du 13ème mois et au titre des congés payés,

- débouté Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,

- condamné Mme [K] aux dépens,

- débouté les parties de toutes autres demandes.

Par déclaration reçue au greffe le 27 mai 2021, Mme [K] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions déposées le 23 août 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [K] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et, statuant à nouveau de':

à titre principal,

- juger son licenciement nul,

- condamner la société Foncia [Localité 3] à lui payer les sommes suivantes':

*14 610 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 461 euros au titre des congés payés y afférents,

*73 050 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement nul,

*29 220 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice moral distinct,

à titre subsidiaire,

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner la société Foncia [Localité 3] à lui payer les sommes suivantes':

*14 410 euros (lire 14 610 suite à erreur matérielle) à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 461 euros au titre des congés payés y afférents,

*43 830 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*29 220 euros à titre de dommages-intérêts en raison du préjudice moral distinct,

-condamner la société Foncia [Localité 3] à lui payer les sommes suivantes':

*5 325 euros de rappel de salaire au titre du droit de suite, outre 532,50 euros au titre des congés payés y afférents,

*14 610 euros de rappel de salaire au titre du 13ème mois, outre 1 461 euros au titre des congés payés y afférents,

*25 957 euros à titre de rappel de salaire au titre des primes, outre 2 595,70 euros au titre des congés payés y afférents,

- lui donner acte qu'elle entend contester son solde de tout compte,

- condamner la société Foncia [Localité 3] à lui payer la somme de 1 916,20 euros à titre de rappel sur indemnité compensatrice de congés payés,

- condamner la société Foncia [Localité 3] à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens de l'instance,

- ordonner la capitalisation des intérêts au titre de l'article 1154 du code civil.

Dans ses dernières conclusions déposées le 7 juin 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens des parties, la société Foncia [Localité 3] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

à titre subsidiaire':

- confirmer que le licenciement pour inaptitude est fondé et justifié,

- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [K] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 70 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION':

- sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l'article L.1152-2 du même code, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral.

En application de l'article L. 1152-3 qui suit, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions susvisées est nulle.

Il résulte des dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments présentés par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [K] dénonce un harcèlement moral de la part de son employeur qui serait à l'origine de la dégradation de son état de santé et de son inaptitude, faisant état de difficultés multiples auxquelles la direction n'aurait pas apporté la moindre solution malgré plusieurs signalements, la maintenant ainsi dans une situation de souffrance au travail.

L'appelante invoque à ce titre :

- le refus de son employeur de procéder à la sécurisation de l'agence après 2 agressions consécutives de salariés en décembre 2016 et juin 2017, la seconde fois avec une séquestration pendant plus de 2 heures,

- le refus d'installer un système de climatisation dans l'agence malgré des températures dépassant régulièrement les 35°,

- le non-respect de l'engagement pris en mars 2017 de lui fournir rapidement un véhicule de fonction et une carte essence comme les autres chefs d'agence, ainsi que l'absence d'ordinateur et la remise d'un téléphone portable obsolète,

- la fixation le 7 juillet 2017 d'objectifs trimestriels inatteignables et qu'elle a en outre dû signer immédiatement sans pouvoir prendre le remps de les étudier,

- le non-versement de primes entre 2014 et 2016 et de 13ème mois,

- l'existence d'erreurs répétitives dans ses bulletins de salaire malgré de multiples relances.

Pour étayer ses dires, elle produit les pièces contractuelles, ses bulletins de salaire et le courrier de son conseil du 9 octobre 2017 ainsi que les pièces suivantes :

- les 2 courriers adressés par ses soins à Mme [Z], directrice générale de la société SIGLA le 17 juillet 2017 pour dénoncer dans l'une, l'absence de réaction pour remédier à l'insécurisation de l'agence et aux fortes températures, et dans l'autre, le refus de lui fournir un véhicule de fonction et de la dédommager de ses frais d'utilisation de son véhicule personnel ainsi que la fixation d'objectifs trimestriels inatteignables,

- la lettre fixant ses objectifs trimestriels pour la période juillet à septembre 2017,

- un tableau récapitulatif du chiffre d'affaires de l'agence et du calcul des commissions et primes devant lui être versés pour les années 2014 à 2016,

- des échanges de courriels sur des anomalies figurant sur certains bulletins de salaire,

- l'avis d'inaptitude,

- les avis d'arrêt de travail et de prolongation pour 'épisode anxieux' ainsi que des certificats médicaux et prescriptions médicamenteuses.

Etant rappelé que ses courriers et celui de son conseil ne peuvent à eux seuls établir la matérialité des faits qui y sont allégués, il convient de relever que Mme [K] ne verse aux débats aucune autre pièce relativement :

- à sa demande supposée demeurée sans réponse concernant l'installation d'une climatisation ainsi qu'aux températures excessives des locaux qui auraient été difficilement supportées par elle et les autres salariés,

- au désengagement de son employeur à lui fournir un véhicule de fonction, la société Foncia [Localité 3] s'appuyant à raison sur le contrat de travail pour faire valoir que cela n'était nullement prévu au contrat,

- au non-remboursement de frais kilométriques, aucun justificatif et demande antérieure n'étant notamment versé aux débats, le courrier du 17 juillet 2017 ne faisant par ailleurs état d'aucun chiffrage,

- à l'absence d'ordinateur et la possession d'un téléphone obsolète.

La matérialité de ces faits n'est donc pas établie.

- S'agissant de la mise en sécurité de l'agence, les parties s'accordent pour dire qu'à la suite de la première agression d'une salariée en décembre 2016, Mme [K] a transmis à son employeur, en tant que responsable d'agence, un devis concernant la pose d'une gâche électrique.

Cependant, en dehors de ce seul constat, Mme [K] ne produit aucune pièce. Il n'est donc pas matériellement établi que la société SIGLA aurait refusé malgré relance d'entreprendre des travaux de sécurisation des locaux ou jugé ce premier devis trop onéreux, celle-ci expliquant avoir simplement demandé à Mme [K] de lui fournir un second devis à titre de comparaison.

Mme [K] prétend également dans ses conclusions que 'le personnel était contraint de travailler porte close et dans une ambiance de travail marquée par une angoisse constante', sans produire aucune pièce, notamment des témoignages de salariés, pour étayer ses dires.

Ainsi, le fait allégué tiré du refus de sécuriser les lieux et des conditions de travail dégradées en résultant n'est pas établi.

- S'agissant du caractère inatteignable des objectifs fixés pour la période comprise entre le 1er juillet et le 30 septembre 2017, Mme [K] se borne à renvoyer à la lettre de notification desdits objectifs, à savoir '20 mandats, 8 ventes et 77000 euros de chiffre d'affaires HT' qu'elle a signé sans émettre de réserve.

Il ne peut se déduire de cette seule pièce, en l'absence d'élément sur les objectifs antérieurs réalisés ainsi que sur 'le contexte économique de l'entreprise'allégué sans autre précision, que le nouvel objectif, à le supposer même 7% supérieur à celui de l'année précédente, ce qui n'est pas excessif, était inatteignable.

Elle ne produit par ailleurs aucun élément de nature à caractériser un vice de son consentement au moment de la signature de cette lettre d'objectif.

Le fait allégué n'est donc pas matériellement établi.

- S'agissant du non-paiement du 13ème mois, il sera d'abord relevé que Mme [K] l'a invoqué pour la première fois au cours de la présente procédure, soit postérieurement à la fin de la relation de travail.

En outre, la société Foncia [Localité 3] invoque à raison les stipulations du contrat non modifiées sur ce point par l'avenant, qui prévoient qu'elle perçoit 'une avance sur commission qui représente un acompte sur la garantie minimale de salaire, comprenant le 13ème mois, les congés payés, la clause de non concurrence et les frais professionnels.'. Il est aussi précisément stipulé en point 1.4 du contrat que 'la négociatrice étant rémunérée exclusivement à la commission, le salaire global brut mensuel contractuel est réputé égal au treizième de la rémunération contractuelle perçue pendant les douze mois précédent l'ouverture du droit'.

Il s'en déduit que le versement du 13ème mois ne fait pas l'objet d'une mention spécifique sur un bulletin de salaire mais est réparti dans les sommes versées mensuellement au titre des commissions.

Le fait tiré du non-paiement du 13ème mois n'est donc pas matériellement établi.

- S'agissant du non paiement de primes, il sera d'abord relevé que ce sujet a été abordé pour la première fois dans le courrier du conseil de Mme [K] en date du 9 octobre 2017, celle-ci n'établissant pas avoir formulé auparavant une réclamation à ce sujet notamment dans ces 2 courriers de juillet 2017.

Dans ce courrier du 9 octobre 2017, Mme [K] rappelait par la voix de son conseil que le 'point mort' en deça duquel la prime d'objectif n'a pas à être versée était de 20 000 euros par mois, soit 240 000 euros annuels, conformément aux stipulations de l'avenant de 2009.

Si dans ses conclusions, Mme [K] fait évoluer son argumentation en soutenant à la fois que 'le point mort' était de 10 000 euros, ou dans sa pièce 9 de 15 000 euros, elle procède par affirmation, sans pièce à l'appui, de sorte que ce nouveau calcul ne peut être retenu à défaut d'explication.

Or, la société Foncia [Localité 3] produit en sa pièce 5, au demeurant reprise aussi par l'appelante, le tableau récapitulatif du chiffre d'affaires du service vente entre 2011 et 2016 qui est pour les années 2014 à 2016 inférieurs à 240 000 euros (236 822/201 854/177 667). 'Le point mort' fixé à l'avenant n'étant ainsi pas dépassé et Mme [K] ne produisant aucune pièce pour contredire ces éléments chiffrés, il n'est pas matériellement établi que la société Foncia [Localité 3] aurait dû payer une prime d'objectif à sa salariée entre 2014 et 2016, autre que celles déjà versées.

S'agissant en revanche de la prime annuelle de résultat qui selon l'avenant de 2009, est égale à '5% du résultat net avant impôt de la structure', la société Foncia [Localité 3] l'exclut en prétendant qu'elle est conditionnée au résultat créditeur du seul service vente dont Mme [K] avait la charge, sans tenir compte du service location.

Toutefois, Mme [K] lui oppose à raison qu'il s'agit selon l'avenant d'un élément de sa rémunération en tant que responsable d'agence et non de négociatrice, de sorte que c'est le résultat de l'agence, en ce compris le service location, qui doit être pris en compte. Or, la société Foncia [Localité 3] ne produit aucun élément chiffré intéressant l'ensemble de la structure, Mme [K] estimant quant à elle ce résultat pour chacune des années litigieuses à des montants supérieurs à 40 000 euros détaillés en sa pièce 9.

Le fait allégué est donc matériellement établi.

- s'agissant des anomalies sur les bulletins de salaire, il est établi à travers les échanges de courriels entre Mme [K] et les services ressources humaines de la société Foncia [Localité 3] contenus en sa pièce 11, que celle-ci a signalé le 7 novembre 2017, puis le 1er février 2018 des erreurs et retards concernant la prise en compte de commissions de vente.

Toutefois, il ressort de ce même échange que le service ressources humaines a réagi dans la journée aux 2 signalements de Mme [K] et corrigé les 2 anomalies relevées dans de très brefs délais, voir le jour même, sans réticence manifeste. Il n'y a pas eu besoin de multiples relances comme allégué par Mme [K], ni de retard dans la prise en compte desdites anomalies.

Le fait allégué n'est pas matériellement établi.

Par ailleurs, l'ensemble des pièces médicales produites établissent la réalité des difficultés de santé qu'elle a présentées, notamment des épisodes 'anxieux dépressifs' depuis son placement en arrêt maladie le 26 octobre 2017, mais pas leur genèse dès lors que les médecins n'ont connu de sa situation que ce qu'elle a bien voulu leur en dire. Elles ne peuvent donc suffire à elles seules à établir la matérialité des agissements retenus comme non établis.

Il s'ensuit que Mme [K] dénonce des faits qui, pour la plus grande majorité, ne sont pas matériellement établis, seul le non-paiement de la prime de résultat entre 2014 et 2016 étant établi.

Or, s'agissant d'un fait isolé, il ne peut suffire à caractériser une situation de harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 précité, de sorte qu'il convient, au vu de l'ensemble de ces éléments, de confirmer le jugement en ce qu' il a débouté Mme [K] de ses demandes en lien avec le harcèlement moral allégué et la nullité de son licenciement.

- sur le licenciement de Mme [K] :

Dans son subsidiaire, Mme [K] soutient que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse car résultant du manquement de son employeur à son obligation de sécurité et à son obligation de reclassement.

Selon l'article L. 1226-2 du code du travail, lorsque le salarié victime d'une maladie ou d'accident non professionnel, est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient, et ce, en prenant en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Aux termes de l'article L. 1226-2-1 du même code, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions susvisées.

Il appartient à l'employeur de justifier qu'il s'est acquitté loyalement de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens, étant précisé que l'employeur n'est pas tenu de rechercher des reclassements extérieurs à l'entreprise, lorsque celle-ci ne relève pas d'un groupe dans lequel des permutations d'emplois sont possibles.

Mme [K] fait en l'espèce le reproche à la société Foncia [Localité 3] de ne pas avoir procédé à une recherche de reclassement sérieuse et loyale au sein des 10 sociétés composant le groupe Pascal Boulanger, de ne pas avoir consulté les représentants du personnel avant d'initier la procédure de licenciement et enfin de ne pas l'avoir informée de l'impossibilité de la reclasser préalablement à l'engagement de la procédure.

La société Foncia [Localité 3] lui oppose qu'il n'existe pas de groupe Pascal Boulanger, ceci correspondant selon elle simplement à une appellation commerciale, sans lien entre une maison mère et des filiales.

Toutefois, l'intimée procède par affirmation sans produire aucune pièce pour contester l'existence d'un groupe et contredire l'extrait du site Internet du Groupe Pascal Boulanger que Mme [K] verse aux débats et sur lequel apparaissent les sociétés le composant, réparties en 'un pôle immobilier, un pôle propreté et services associés et un pôle gastronomie', sachant que la dénomination 'Groupe Pascal Boulanger' figure également en bas de page du contrat de travail de Mme [K] et dans le pavé de signature du représentant de la société SIGLA ayant envoyé les demandes de reclassement.

S'il peut être admis que la société SIGLA n'ait pas sollicité les 2 restaurants du groupe compte tenu de leur activité, il sera en revanche relevé que l'intimée ne justifie pas de la tentative de reclassement au sein de la société Vendôme Immobilier ainsi que des sociétés Pro Doma et Pro Actys figurant sur la pièce adverse, et ne précise pas les raisons de cette omission.

Ainsi, la société Foncia [Localité 3] ne justifie pas que la société SIGLA avait à l'époque exécuté de manière loyale et sérieuse son obligation de reclassement, ni d'ailleurs qu'elle avait consulté les instances représentatives du personnel, qui bien entendu ne sont pas celles de la société Foncia [Localité 3] mais de la société SIGLA aux droits de laquelle vient l'intimée, aucune des pièces produites, notamment la lettre de licenciement n'évoquant une telle consultation.

A défaut pour la société Foncia [Localité 3] de justifier du respect de l'obligation de reclassement et de la consultation des instances représentatives du personnel de la société SIGLA, il sera retenu que le licenciement de Mme [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse, sans qu'il soit nécessaire d'examiner ses moyens de contestation tirés du manquement à l'obligation de sécurité. Le jugement sera infirmé en ce sens.

- sur les demandes financières de Mme [K] :

* sur les rappels de salaire :

Au vu de ce qui a été précédemment statué, Mme [K] sera déboutée de sa demande de rappel de salaire de 14 610 euros au titre du 13ème mois et de 19 468 euros au titre des primes d'objectifs, sa créance à ces 2 titres n'étant pas établie.

Elle sera en revanche accueillie en sa demande relative à la prime annuelle de résultat pour la période 2014 à 2016, le montant de 6 489 euros résultant de ses calculs en sa pièce 9 n'étant pas utilement contredit par les pièces adverses, comme vu plus haut. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Mme [K] sollicite également un rappel de salaire au titre du droit de suite prévu à son contrat, et fixé à 30% de la commission. Elle produit un tableau sur lequel figure 4 ventes immobilières pour lesquelles elle revendique un droit de suite d'un montant global de 5 325 euros, outre les congés payés y afférents.

Force est de constater que l'intimée prétend que la société SIGLA a réglé en son temps les sommes dues au titre du droit de suite sans produire aucune pièce pour en justifier alors qu'il lui incombe de démontrer que l'employeur a respecté son obligation de verser l'entière rémunération due au salarié.

Il convient dès lors de faire droit à la demande financière de Mme [K] à ce titre.

* sur l'indemnité compensatrice de congés payés :

Mme [K] sollicite une somme de 1 916,20 euros à titre de rappel sur indemnité de congés payés non pris et non payés, au jour de son licenciement. Elle précise que seuls 29,5 jours lui ont été payés en fin de contrat sur 39,5 jours.

Il convient de relever que la société Foncia [Localité 3] ne formule aucune critique à l'encontre de cette demande. En outre, Mme [K] justifie par son bulletin de salaire de février 2018 de 39,50 jours de congés non pris et les premiers juges ont constaté, sans être contredits par l'intimée, que seuls 29,50 jours lui avaient été réglés sur son dernier bulletin de salaire de mars 2018.

Il convient en conséquence par voie d'infirmation de faire droit à la demande financière de Mme [K] à ce titre, à défaut pour la société Foncia [Localité 3] de rapporter la preuve que l'ensemble des congés payés non pris figurant sur le bulletin de salaire de février 2018 ont été réglés.

* sur les demandes financières en lien avec le licenciement :

Il sera d'abord constaté que la société Foncia [Localité 3] ne critique pas le salaire moyen de 4 870 euros retenu par Mme [K] comme base de calcul de ses demandes indemnitaires.

Le licenciement pour inaptitude de Mme [K] étant sans cause réelle et sérieuse, celle-ci a droit de percevoir une indemnité compensatrice de préavis, équivalent à 3 mois de salaire selon la convention collective applicable, ce point n'étant pas contesté par la société Foncia [Localité 3], soit à hauteur d'un montant de 14 610 euros, outre les congés payés y afférents.

Mme [K] sollicite également une somme de 43 830 euros, correspondant à 9 mois de salaire, à titre d'indemnité pour son licenciement sans cause réelle et sérieuse, demande que la société Foncia [Localité 3] considère comme excessive au vu de l'ancienneté de la salariée et de la reprise d'une activité, et dont elle suggère la limitation à 3 mois de salaire.

Au jour de son licenciement, Mme [K] était âgée de 49 ans et bénéficiait d'un peu plus de 9 ans d'ancienneté. Elle justifie par une attestation de Pôle emploi de l'ouverture de ses droits au chômage à compter de mai 2018, sans toutefois verser aux débats aucune pièce sur la durée de cette période de chômage et ses recherches d'une nouvelle activité.

Dès lors, au vu de l'âge et de l'ancienneté de Mme [K], sans autre preuve sur l'étendue du préjudice que la perte injustifiée de son emploi lui a nécessairement causé, il convient de fixer l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à un montant de 14 610 euros.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

Mme [K] sollicite enfin dans ses demandes subsidiaires la réparation d'un préjudice moral distinct à hauteur d'une somme de 29 220 euros, sans toutefois préciser quelle en est la cause et en quoi il se distinguerait de celui résultant du caractère abusif de son licenciement. A défaut de rapporter la preuve de ce préjudice distinct, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [K] de cette demande.

- sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance.

Mme [K] étant accueillie en plusieurs de ses demandes, la société Foncia [Localité 3] devra supporter les dépens de première instance et d'appel et sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

L'équité commande par ailleurs de condamner la société Foncia [Localité 3] à payer à Mme [K] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement entrepris en date du 23 avril 2021 sauf en ses dispositions déboutant Mme [E] [K] de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la nullité de son licenciement, ainsi qu'en celles rejetant ses demandes financières au titre du 13ème mois, de la prime d'objectif et du préjudice moral distinct ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme [E] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Foncia [Localité 3] venant aux droit de la société SIGLA, à payer à Mme [E] [K] les sommes suivantes :

- 14 610 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 461 euros au titre des congés payés y afférents,

-14 610 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 5 325 euros de rappel de salaire au titre du droit de suite, outre 532,50 euros au titre des congés payés y afférents,

- 6 489 euros à titre de prime de résultat, outre 648,90 euros de congés payés y afférents,

- 1 916,20 euros au titre du solde de l'indemnité compensatrice de congés payés ;

DIT qu'il sera fait application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus ;

CONDAMNE la société Foncia [Localité 3] à payer à Mme [K] 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que la société Foncia [Localité 3] supportera les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 21/00922
Date de la décision : 17/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-17;21.00922 ?
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