La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/02/2023 | FRANCE | N°21/00087

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 17 février 2023, 21/00087


ARRÊT DU

17 Février 2023







N° 326/23



N° RG 21/00087 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TMOU



MLBR/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

11 Décembre 2020

(RG F 19/00242 -section )





































r>




GROSSE :



aux avocats



le 17 Février 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [D] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Laurence BONDOIS, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Seham EL MOKHTARI, avocat au barreau de ...

ARRÊT DU

17 Février 2023

N° 326/23

N° RG 21/00087 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TMOU

MLBR/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LILLE

en date du

11 Décembre 2020

(RG F 19/00242 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 17 Février 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [D] [Z]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Laurence BONDOIS, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Seham EL MOKHTARI, avocat au barreau de LILLE

INTIMÉE :

SOCIETE COQLIQO venant aux droits de S.A.R.L. SOLUCIA

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Jean-Luc HAUGER, avocat au barreau de LILLE, substitué par Me Sophie BONNEVALLE, avocat au barreau de LILLE

DÉBATS : à l'audience publique du 03 Janvier 2023

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 décembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE':

La SARL Solucia aux droits de laquelle vient désormais la SAS Coqlico propose à des entreprises clientes des solutions informatiques ayant notamment pour objet de faciliter le commerce électronique ou encore leur gestion interne.

Mme [D] [Z] a été embauchée par la SARL Solucia dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée prenant effet le 25 novembre 2013 en qualité d'ingénieur commercial.

La convention collective dite SYNTEC est applicable à la relation de travail.

Le 30 mars 2015, Mme [Z] a été placée en arrêt de travail prolongé jusqu'au 30 septembre 2015.

Lors de la visite de reprise en date du 1er octobre 2015, la salariée a été déclarée apte à reprendre son poste.

Toutefois, le 20 octobre 2015, Mme [Z] a de nouveau été placée en arrêt maladie.

Par courrier du 26 avril 2016, son employeur l'a convoquée à un entretien fixé au 9 mai 2016 préalable à un éventuel licenciement.

Par lettre recommandée du 23 mai 2016, Mme [Z] s'est vue notifier son licenciement motivé par la nécessité de la remplacer définitivement du fait de la désorganisation causée à l'entreprise par ses absences prolongées.

Par requête du 22 février 2017, Mme [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Lille afin d'une part, que soit ordonnée avant dire droit la communication d'un certain nombre de documents relatifs à l'entreprise et le versement d'une provision, et d'autre part, de contester son licenciement et obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Par jugement contradictoire du 11 décembre 2020, le conseil de prud'hommes de Lille a':

- débouté Mme [Z] de sa demande avant dire droit relative à la communication de pièces sous astreinte et au paiement d'une provision sur commissions,

- jugé que le licenciement de Mme [Z] repose sur une cause réelle et sérieuse et l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes indemnitaires y afférents,

- débouté Mme [Z] de sa demande au titre de l'obligation de sécurité,

- débouté Mme [Z] de sa demande au titre de du rappel de salaire,

- pris acte du versement par la société Solucia du rappel de prime de vacances à hauteur de 14,89 euros,

- débouté Mme [Z] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée à payer à la société Solucia la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,

- condamner Mme [Z] aux dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 15 janvier 2021, Mme [Z] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions déposées le 21 février 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, Mme [Z] demande à la cour de :

- infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

avant dire droit sur la rémunération variable,

- ordonner à la société Coqlico venant aux droits et obligations de la société Solucia la communication des bilans de la SARL Solucia sur les années 2013 et 2016, sous astreinte de 150 euros par jour et par document,

- ordonner la communication de l'ensemble des contrats signés entre 2013 et 2016 par la SARL Solucia, les annexes financières et les factures émises relativement à ces contrats, sous astreinte de 150 euros par jour et par document,

- condamner la société Coqlico venant aux droits et obligations de la société Solucia au versement de 100 000 euros à titre de provision sur le rappel de salaire au titre de la rémunération variable,

sur le fond,

- juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- jugé que la société Coqlico venant aux droits et obligations de la société Solucia a manqué à son obligation de sécurité,

- condamner la société Coqlico venant aux droits et obligations de la société Solucia à lui payer les sommes suivantes':

*3 000 euros à titre de provision sur rappel d'indemnité de licenciement,

*49 199,60 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*954,99 euros à titre de rappel de salaire au titre des dispositions transitoires, outre 95,50 euros au titre des congés payés y afférents,

*8 350 euros à titre de rappel de salaire sur bonus de fin d'année, outre 835 euros au titre des congés payés y afférents,

*14,89 euros à titre de rappel de prime de vacances,

- ordonner à la société Coqlico la communication des attestations Pôle emploi, solde de tout compte, certificat de travail et fiches de paie rectifiées, sous astreinte de 150 euros par jour et par document,

- condamner la société Coqlico à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel,

- condamner la société Coqlico aux dépens,

- débouter la société Coqlico de l'ensemble de ses demandes.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 décembre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Coqlico venant aux droits de la société Solucia demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu en toutes ses dispositions,

- condamner Mme [Z] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION':

- sur les demandes de Mme [Z] au titre de sa rémunération :

* sur les demandes avant dire droit :

Soutenant que la part variable de sa rémunération correspond en vertu de l'article 5 de son contrat de travail, à 1 % du chiffre d'affaires HT de la société Solucia et qu'elle n'a jamais eu communication de ce chiffre d'affaires pour s'assurer qu'elle a été justement rémunérée, Mme [Z] sollicite, avant dire droit, qu'il soit enjoint à la société Coqliqo de lui transmettre les bilans comptables des années 2013 à 2016 qui font état du chiffre d'affaires global de la société Solucia, et à tout le moins, l'ensemble des contrats conclus, factures et annexes financières correspondant aux nouveaux clients de la société Solucia sur cette même période.

Elle considère que les pièces adverses, dont elle remet aussi en cause la valeur probante, sont insuffisantes pour lui permettre de connaître les montants exacts sur lesquels elle aurait dû être commissionnée, rappelant qu'elle n'a reçu en tout et pour tout que 5 279,85 euros, soit 1 % d'un chiffre d'affaires de 527 985 euros.

Elle demande également une provision de 100 000 euros au titre de la rémunération variable dans le cas, précise-t-elle en page 37 et 42 de ses conclusions, 'où la société ne communiquerait pas ces éléments.'

Toutefois, c'est par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que les premiers juges ont retenu que la rémunération variable de Mme [Z] devait être calculée uniquement à partir du chiffre d'affaires résultant des contrats signés avec les nouveaux clients ainsi que cela est précisément stipulé dans son contrat.

Sa demande de communication des bilans comptables de la société Solucia apparaît donc infondée.

En outre, les pièces 48 et 49 de la société Coqliqo, comportant le détail des comptes des clients sur la base desquels Mme [Z] a été commissionnée, et sa pièce 51 constituée des balances clients entre 2013 et 2016, en ce compris les clients non apportés par Mme [Z], sont suffisamment détaillés pour permettre à celle-ci de connaître le chiffre d'affaire réalisé pour chacun et vérifier si le montant des commissions reçues est exact, sachant que la conformité de ces 3 pièces à la comptabilité de l'entreprise a été certifiée par l'expert comptable, ce qui conforte leur valeur probante, contrairement à ce qu'allègue Mme [Z] sans produire aucune pièce pour remettre en cause leur authenticité.

Ainsi qu'il a été retenu par les premiers juges, l'ensemble de ces pièces, outre le relevé des commissions qui lui ont été versées produites par l'intimée, apparaît suffisamment précis pour la renseigner utilement et lui permettre de faire le décompte des commissions qui lui sont dues.

A défaut de motif légitime avéré, le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté Mme [Z] de sa demande de communication des contrats conclus, facture et annexes financières correspondant aux nouveaux clients de la société Solucia entre 2013 et 2016.

En conséquence de ce rejet, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande subséquente de provision de Mme [Z] qui était conditionnée au bien fondé de sa demande de remise des documents susvisés. Le jugement sera confirmé en ce sens.

* sur les dispositions transitoires du contrat portant garantie de rémunération :

C'est par des motifs pertinents qu'il convient d'adopter que les premiers juges ont retenu que la garantie sur 12 mois s'appliquait entre décembre 2013 et novembre 2014, et non à compter du 1er novembre 2013, et qu'il ressort des pièces que sur cette période, Mme [Z] a perçu une somme globale supérieure aux 50 000 euros garantis au contrat, de sorte qu'aucun solde ne lui est dû. Le jugement sera confirmé de ce chef.

* sur le bonus de fin d'année :

Mme [Z] fait grief à la société Solucia de ne pas lui avoir fixé d'objectif annuel pour les années 2015 et 2016 en vue de l'obtention du bonus de fin d'année, contrairement à ce qui est stipulé au contrat de travail. Elle soutient également que les seuils fixés pour l'année 2014 ne peuvent être retenus dès lors que la société Coqliqo admet elle-même qu'ils étaient inatteignables. Elle sollicite en conséquence le versement du bonus maximal de 5 000 euros pour 2015 et de 3350 euros pour l'année 2016, outre les congés payés y afférents.

Il est acquis aux débats que les seuils de chiffre d'affaires fixés pour l'obtention du bonus de fin d'année n'ont pas fait l'objet d'une renégociation annuelle écrite entre Mme [Z] et son employeur avant les 31 janvier 2015 et 31 janvier 2016, contrairement à ce qui est stipulé au contrat. La société Coqliqo allègue d'une tacite reconduction entre 2014 et 2015 sans toutefois produire aucune pièce pour en justifier.

S'agissant de l'année 2016, il ne peut être cependant reproché à la société Solucia de ne pas avoir entrepris cette négociation avant le 31 janvier 2016 dès lors que Mme [Z] était alors en arrêt maladie depuis le 20 octobre 2015 et qu'elle a été maintenue en arrêt jusqu'à la date de son licenciement. Aucun bonus ne doit donc lui être versé au titre de l'année 2016.

En revanche, la société Solucia a manqué à son obligation de renégociation annuelle du pallier d'obtention du bonus pour l'année 2015 qui aurait dû intervenir avant le 31 janvier 2015, négociation qui était d'autant plus nécessaire que la société Coqliqo reconnaît elle-même en page 59 de ses conclusions que Mme [Z] avait fort peu de chance de parvenir ne serait-ce qu'au premier palier d'un million d'euros de chiffre d'affaires prévu au contrat au titre de l'année 2014 qui était la première année d'exercice, ce qui impliquait de revoir d'un commun accord en fonction du marché, de l'activité et du chiffre d'affaires réalisé par Mme [Z] en 2014, les seuils à appliquer en 2015 pour en vérifier le caractère atteignable.

Mme [Z] fait observer que M. [K], son supposé remplaçant, s'est vu appliquer en 2016 un pallier de 300 000 euros de chiffre d'affaires pour obtenir un bonus de 1 500 euros, et non 1 million d'euros comme elle, ce qui confirme le caractère inatteignable de ce seuil initialement fixé à Mme [Z].

La société Coqliqo précise que Mme [Z] a réalisé 349 348,84 euros HT en 2015 sachant qu'elle n'a travaillé que durant 3 mois compte tenu de son arrêt maladie. Elle a ainsi atteint facilement le premier seuil défini avec M. [K].

Il convient en conséquence par voie d'infirmation de condamner la société Coqliqo à payer à Mme [Z] au titre du bonus de fin d'année de l'année 2015 la somme de 1 500 euros, outre les congés payés y afférents.

- sur le licenciement de Mme [Z] :

Mme [Z] conteste le bien fondé de son licenciement en faisant principalement valoir que contrairement à ce qui est allégué dans la lettre de licenciement, son employeur ne justifie pas des perturbations causées par son absence prolongée et de la nécessité de la remplacer définitivement.

Elle soutient en premier lieu qu'il n'y a pas eu d'absence prolongée pendant plus d'un an dès lors qu'elle a repris le travail durant 3 semaines au mois d'octobre 2015.

Elle ajoute que l'intimée ne rapporte pas la preuve des perturbations invoquées, affirmant au contraire que M. [G] d'une part, et M. [X], gérant de la société, d'autre part, ont toujours exercé des fonctions de prospection, même en sa présence, et ont continué en son absence, aucune des pièces adverses n'établissant selon elle que le portefeuille de prospects se serait peu à peu épuisé en raison de son absence et de l'impossibilité de la suppléer en interne.

Mme [Z] prétend également en procédant à une analyse comparative des contrats de travail et des missions que M. [K], présenté par son employeur comme étant son remplaçant, aurait en réalité été recruté le 7 mars 2016, soit plus de 2 mois avant son licenciement, pour remplacer M. [G] qui a quitté la société le 9 octobre 2015, contestant que M. [T], qui n'a aucune mission commerciale, ait été recruté à cet effet.

Selon elle, la société Solucia a en fait procédé à la réorganisation de ses services notamment commerciaux après le départ de M. [G] et a décidé de la licencier car son emploi n'apparaissait plus nécessaire dans cette nouvelle organisation, M. [K] assumant à la fois la gestion des clients existants précédemment dévolue à M. [G] et la mission de prospection auparavant partagée. Elle en conclut que l'intimée ne démontre ni la nécessité de la remplacer définitivement, ni l'effectivité de ce remplacement.

En réponse, la société Coqliqo qui vient aux droits de la société Solucia, radiée du RCS le 3 août 2021 à la suite d'une opération de fusion-absorption, fait valoir en substance que Mme [Z] était la seule salariée chargée des fonctions de prospection de nouveaux clients, M. [G], à qui elle a succédé, ayant pris le poste 'd'account manager' (gestionnaire de compte) chargé de la gestion et du développement de projets avec les clients déjà en relation contractuelle avec la société, lui et M. [X] ayant conservé le suivi de futurs clients avec lesquels des contacts avaient préexisté à l'arrivée de Mme [Z].

La société Coqliqo précise qu'en mars 2015, les discussions étaient en cours avec 19 prospects dont 4 pour lesquels Mme [Z] a pu signer un contrat. Elle explique qu'en son absence, M. [X] a repris lui-même le suivi des dossiers en cours avec le concours de M. [G], mais que contrairement aux allégations de l'appelante, il leur était impossible, plus encore après le départ de M. [G] en octobre 2015, d'assumer en plus le travail de prospection de clients potentiels, de sorte que le portefeuille de prospects était vide au jour du licenciement de Mme [Z].

Elle précise que s'agissant d'une preuve négative, il ne peut lui être reproché de ne pas être en mesure de démontrer l'absence de nouveau prospect pendant l'absence de sa salariée. En s'appuyant sur la balance clients de la société Solucia entre 2013 et 2016 certifiée par un cabinet d'expertise comptable, la société Coqliqo met cependant en avant le fait que les seuls nouveaux clients ont été ceux ayant conclu un contrat avec Mme [Z].

Elle précise que si la finalisation des dossiers initiés par celle-ci avant son absence a permis à la société Solucia de maintenir un chiffre d'affaires satisfaisant jusqu'au début de l'année 2015, l'épuisement du stock de nouveaux dossiers en cours et l'absence de prospection nouvelle ne permettaient pas de garantir la pérennité de la société, de sorte qu'il était impératif de pourvoir au remplacement définitif de Mme [Z].

La société Coqliqo fait valoir à ce sujet qu'il n'était pas possible de remplacer temporairement Mme [Z] compte tenu des qualifications particulières et du temps important d'intégration d'une durée minimum de 6 mois qu'exigeaient ses fonctions d'ingénieur commercial en raison notamment du domaine d'activité de la société Solucia.

Elle entend enfin démontrer à travers les pièces contractuelles que M. [K] a bien été engagé en mars 2016 en qualité d'ingénieur commercial pour principalement remplacer Mme [Z], même si son champs d'intervention a pu évoluer, avec la reprise de certaines fonctions de M. [G] qu'elle qualifie d'annexes, relatives à la négociation de projets 'de migration et d'extension de périmètre fonctionnel' avec les clients déjà intégrés dans la base, M. [T] qui a remplacé M. [G] comme chef de projet conservant, outre les attributions techniques de suivi de projet, la gestion des 'les propositions courantes' et des contrats de maintenance.

Sur ce,

L'article L. 1232-1 du code du travail subordonne la légitimité du licenciement à l'existence d'une cause réelle et sérieuse. La cause doit ainsi être objective, exacte et les griefs reprochés doivent être suffisamment pertinents pour justifier la rupture du contrat de travail.

S'agissant d'un salarié dont le contrat de travail est suspendu dans le cadre d'un arrêt de travail délivré pour une pathologie non professionnelle, repose sur une cause réelle et sérieuse, le licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié. Celui-ci ne peut toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié, lequel doit intervenir à une date proche du licenciement ou dans un délai raisonnable après celui-ci.

Selon l'article L. 1235-1 du même code, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, au besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Aux termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, la société Solucia a motivé le licenciement de Mme [Z] en ces termes : 'votre absence prolongée depuis maintenant plus d'un an perturbe gravement l'organisation et le fonctionnement de la société, et cette situation nous conduit aujourd'hui à devoir procéder à votre remplacement définitif car les solutions temporaires que nous avons mises en oeuvre jusqu'ici ne sont pas satisfaisantes et ne peuvent être pérennisées plus longtemps. En effet, Solucia a un besoin impérieux d'un responsable de la prospection commerciale afin de mettre en oeuvre de nouveaux contrats avec de nouveaux clients pour assurer son activité présente et future. Cette activité est en effet de l'ordre de 50 % de son chiffre d'affaires total. La signature de nouveaux projets avec des prospects est donc indispensable, signatures auprès de prospects auxquelles vous avez pu contribuer par votre action passée. Malheureusement, votre absence prolongée a interrompu la présence de Solucia sur le marché de clients potentiels depuis maintenant 1 an. La société Solucia a donc besoin d'un apport en nouveaux projets pour assurer son équilibre financier et donc sa pérennité. Si à ce jour elle a pu finaliser les dossiers en cours, il lui est maintenant indispensable de relancer la prospection pour assurer le chiffre d'affaires de la fin de l'année 2016 et de 2017. Elle ne peut donc pas prendre plus longtemps le risque de ne pas se doter d'un responsable de la prospection, poste que vous occupiez, la survie de l'entreprise et le maintien de ses emplois en dépendant. Malheureusement, Solucia ne peut pas procéder à votre remplacement de façon temporaire... ce poste nécessite un temps d'intégration et une implication qui s'inscrit dans la durée... ce qui exclut de pouvoir recourir à des embauches en contrat à durée déterminée ou en interim... Nous sommes malheureusement contraints de procéder à une embauche définitive pour procéder à votre remplacement.

Il est en l'espèce constant que Mme [Z] était en arrêt maladie, sans date de retour connue ou prévisible, pendant toute la procédure de licenciement initiée le 26 avril 2016.

Si elle a pu reprendre temporairement son poste courant octobre 2015 pendant 3 semaines, il n'est pas sérieusement contestable que ses absences ont effectivement été longues et répétées, s'échelonnant entre mars 2015 et le 1er octobre 2015 puis à compter du 20 octobre 2015 sans interruption jusqu'au terme de la relation de travail.

En revanche, il incombe à la société Coqliqo, venant aux droits de l'employeur de Mme [Z], de démontrer ainsi qu'il est allégué dans la lettre de licenciement que les absences prolongées et répétées de Mme [Z] ont généré de telles perturbations de l'activité de l'entreprise qu'il a été nécessaire de la remplacer définitivement.

Il est constant que la salariée, selon les stipulations de son contrat de travail, exerçait les fonction d'ingénieur commercial chargé 'de prospecter de nouveaux clients pour l'offre omnicanal de la société Solucia portant actuellement le nom de 'Neeet', son rôle consistant notamment à :

'- identifier les prospects potentiels, mener une veille concurrentielle, mettre en oeuvre les contacts utiles à la notoriété des applicatifs proposés, à tisser et entretenir un réseau de professionnels pour la vente directe et indirecte,

- identifier les clients potentiels et organiser l'avant vente des produits en s'appuyant sur les ressources de la société,

- gérer les relations commerciales avec les prospects et rédiger les propositions commerciales,

- mener les négociations et présenter aux prospects les tarifications définies en lien avec la direction de l'entreprise,

- clôturer la vente par la mise au point et la signature de contrats signés'.

La société Coqliqo affirme que pendant l'absence de Mme [Z], M. [X], le gérant de la société Solucia, et M. [G], anciennement chargé de la prospection commerciale avant de devenir gestionnaire des clients existants à la suite du recrutement de l'appelante, ont suppléé en partie l'absence de cette dernière en reprenant le suivi du portefeuille de prospects déjà identifiés par la salariée et dont le nombre selon l'intimée s'élevait précisément à 19 au début de l'arrêt maladie en mars 2015.

Elle prétend qu'en revanche, les intéressés n'ont pas repris la prospection de clients potentiels, ce qui constituerait la perturbation alléguée dans la lettre de licenciement, la société Solucia invoquant dans celle-ci le fait que cette activité, à travers la signature de nouveaux contrats, constitue 'de l'ordre de 50 % de son chiffre d'affaires total' et que si 'elle a pu finaliser les dossiers en cours, il lui est maintenant indispensable de relancer la prospection pour assurer le chiffre d'affaires de la fin de l'année 2016 et de 2017... la survie de l'entreprise et le maintien de ses emplois en dépendant".

Force est cependant de constater que la société Coqliqo ne produit aucune pièce pour établir que l'activité de prospection de nouveaux prospects a été entièrement suspendue en l'absence de Mme [Z] alors qu'il lui incombe de rapporter la preuve de la réalité de la perturbation alléguée.

Sa pièce n° 51 est sur ce point sans portée dès lors qu'il s'agit de la liste des clients et non des prospects qui contrairement aux premiers, correspondent à des cibles potentielles avec lesquelles aucune relation contractuelle n'a été et ne sera peut-être formalisée.  

Dans la mesure où elle est en capacité d'affirmer qu'il y avait 19 prospects identifiés au jour où Mme [Z] a été arrêtée (sa pièce 8), l'intimée aurait pu notamment produire des éléments sur l'évolution du portefeuille des prospects sur les années 2015 et 2016, qui a nécessairement fait l'objet d'un suivi compte tenu de la reprise de contact avec ceux déjà identifiés, pour justifier qu'il s'est progressivement épuisé jusqu'au jour du licenciement de la salariée, et que n'y figurait aucun nouveau prospect à contacter notamment au jour de la prise de fonction de M. [K], censé la remplacer.

Afin aussi de vérifier qu'aucun prospect n'a été attribué à M. [G] en l'absence de Mme [Z], l'intimée aurait également pu produire la liste des 'clients base installée' affectés à M. [G] au cours de l'année 2015, l'avenant du 20 décembre 2013 du contrat de travail de M. [G] stipulant que 'des prospects pourront également être confiés à M. [G] et à son équipe en cours d'année. Dans ce cas un avenant à la liste figurant en annexe 1 sera établi, tout CA net généré en cours d'année par transformation de ces prospects sera intégré dans la comptabilisation du CA servant de base à la rémunération variable immédiatement', ce dont il se déduit qu'il entrait bien dans les attributions de M. [G], même après le recrutement de Mme [Z], de se voir éventuellement confiés, en plus des clients en base installée, des prospects en vue d'en faire des clients, avec une rémunération à la clé qui impliquait nécessairement un suivi de l'évolution de son portefeuille dont la copie aurait pu être produite aux débats.

Il sera aussi relevé qu'outre l'absence de preuve de la perturbation alléguée, la société Coqliqo ne communique aucun élément chiffré pour en mesurer l'incidence réelle sur l'activité et la situation financière de la société Solucia.

Elle ne justifie donc pas du caractère essentiel de l'activité de prospection dévolue à Mme [Z] et supposée 'mise en sommeil' pour la pérennité à court et moyen terme de la société et se faisant, de la nécessité de remplacer définitivement Mme [Z], alors qu'elle soutient, sans pièce à l'appui, que 50 % de son chiffre d'affaires provient de l'apport de nouveaux clients après prospection. Aucun bilan d'activité ou comptable n'est notamment présenté pour apprécier l'évolution entre 2014 et 2016, voire 2017, de la part de la nouvelle clientèle dans son chiffre d'affaires en comparaison de celui résultant de nouveaux contrats et projets conclus avec les clients déjà en relation commerciale avec elle.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société Coqliqo échoue à établir d'une part la réalité des perturbations alléguées dans la lettre de licenciement et d'autre part qu'elles entraînaient la nécessité de pourvoir au remplacement de Mme [Z].

Sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens de contestation, notamment tiré du manquement de la société Solucia à son obligation de sécurité, il convient de retenir au vu de ce qui précède que le licenciement de Mme [Z] est dépourvue de cause réelle et sérieuse et d'infirmer le jugement en ce sens.

Mme [Z] sollicite en raison de la rupture de son contrat :

- 3 000 euros à titre de provision sur rappel d'indemnité de licenciement,

- 40 199,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sera relevé que Mme [Z] fonde ses calculs sur un salaire mensuel moyen de 4 019,96 euros que la cour ne saurait réévaluer à la hausse.

Au vu de ce qui a été précédemment statué concernant ses demandes au titre de sa rémunération variable, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a débouté de la demande de provision sur un solde d'indemnité de licenciement sachant qu'il ressort des pièces 6 et 17 de la société Coqliqo que celle-ci a été calculée sur la base d'un salaire moyen de 4 248,19 euros, nettement supérieur à celui retenu par Mme [Z] dans ses conclusions, même en y intégrant le bonus de fin d'année de 1 500 euros accordé plus haut.

Etant relevé que la société Coqliqo ne prétend pas que l'effectif de la société Solucia était inférieur à 11 salariés à la date du licenciement de Mme [Z], celle-ci, qui avait alors plus de 2 ans d'ancienneté dès lors qu'il doit être tenu compte des périodes d'arrêts maladie, est en droit de solliciter une indemnisation de la perte injustifiée de son emploi qui ne saurait être inférieure à 6 mois de salaire conformément à l'article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable au jour du licenciement.

Mme [Z] allègue de l'impact psychologique de son licenciement, eu égard à son hospitalisation le jour de la réception de la lettre de notification, ainsi que d'une longue période de chômage avant de retrouver un contrat à durée déterminée puis un contrat à durée indéterminée à compter du 18 décembre 2019, avec une perte importante de revenus.

La société Coqliqo lui oppose cependant à raison qu'elle ne justifie pas de sa situation professionnelle ou période de chômage ainsi que de ses revenus entre avril 2016 et juin 2018 pour établir le lien entre son licenciement et la perte de revenus à partir de cette dernière date. Toutefois, les éléments produits établissent qu'elle n'a pas réussi à trouver rapidement une situation professionnelle stable et avec un même niveau de revenus.

Ainsi, au regard de l'âge de l'appelante au jour de son licenciement (48 ans), des difficultés à retrouver un emploi aussi rémunérateur ainsi que de l'impact psychologique de ce licenciement illustré par son hospitalisation le jour de sa notification, mais également en tenant compte de sa faible ancienneté dans l'entreprise, il convient de condamner la société Coqliqo à payer à Mme [Z] une indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse d'un montant de 32 159,68 euros.

- sur les demandes accessoires :

La société Coqliqo devra transmettre à Mme [Z] les documents de fin de contrat ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif, rectifiés conformément au présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

Au vu de ce qui précède, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

Mme [Z] ayant été accueillie en partie en ses demandes, la société Coqliqo devra supporter les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande par ailleurs de condamner la société Coqliqo à payer à Mme [Z] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en date du 11 décembre 2020 sauf en ses dispositions relatives au bonus de fin d'année et au licenciement ainsi qu'en celles relatives aux dépens et frais irrépétibles de première instance ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DIT que le licenciement de Mme [D] [Z] est dépourvue de cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Coqliqo venant aux droits de la société Solucia, à payer à Mme [D] [Z] les sommes suivantes :

- 1 500 euros au titre du bonus de fin d'année 2015, outre 150 euros de congés payés y afférents,

- 32 159,68 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT que la société Coqliqo devra transmettre à Mme [D] [Z] les documents de fin de contrat ainsi qu'un bulletin de salaire récapitulatif, rectifiés conformément au présent arrêt ;

CONDAMNE la société Coqliqo à payer à Mme [D] [Z] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que la société Coqliqo supportera les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 21/00087
Date de la décision : 17/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-17;21.00087 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award