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17/02/2023 | FRANCE | N°20/02393

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 3, 17 février 2023, 20/02393


ARRÊT DU

17 Février 2023







N° 263/23



N° RG 20/02393 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TLHA



PS/NB





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

19 Novembre 2020

(RG 19/00293)































GROSSE :



Aux avocats


> le 17 Février 2023



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [V] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Marc DEBEUGNY, avocat au barreau de DUNKERQUE





INTIMÉE :



S.A.S. ETS [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Sébastie...

ARRÊT DU

17 Février 2023

N° 263/23

N° RG 20/02393 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TLHA

PS/NB

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

19 Novembre 2020

(RG 19/00293)

GROSSE :

Aux avocats

le 17 Février 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [V] [N]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représenté par Me Marc DEBEUGNY, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMÉE :

S.A.S. ETS [M]

[Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Sébastien BOULANGER, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Séverine STIEVENARD

DÉBATS : à l'audience publique du 13 Décembre 2022

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 12 décembre 2022

FAITS ET PROCEDURE

La société Etablissements [M], exerçant dans la région de [Localité 4] une activité dans le secteur du bâtiment, a engagé M.[N] courant mars 2015 en qualité de couvreur. Dans cette entreprise M.[N] était collègue de son fils avec qui il a travaillé sur des chantiers. Le 9 juillet 2019 il a été licencié pour faute grave après avoir été mis à pied à titre conservatoire.

La cour est saisie de l'appel interjeté par M.[N] le 17/12/2020 contre le jugement ci-dessus référencé ayant :

-rejeté ses demandes d'heures supplémentaires, salaires de la mise à pied conservatoire, repos compensateurs, indemnité de travail dissimulé, indemnités de rupture et dommages-intérêts pour licenciement abusif

-débouté l'employeur de sa demande d'indemnité de procédure

-condamné le demandeur aux dépens.

Vu ses conclusions du 12/12/2022 tendant à l'infirmation du jugement et à la de la société [M] au paiement des sommes suivantes :

' salaires de la mise à pied conservatoire : 1135,48 euros outre les congés payés afférents

' indemnité compensatrice de préavis : 4541,92 euros outre les congés payés

' indemnité de licenciement : 2270,96 euros

' dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 11 354 euros

' heures supplémentaires : 5622,64 euros

' repos compensateurs : 1329 euros

' dommages-intérêts pour travail dissimulé : 13 625 euros

' frais hors dépens : 4500 euros

Vu les conclusions du 12/12/2022 par lesquelles la société [M] demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes adverses ainsi qu'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

MOTIFS

Les heures supplémentaires

A l'appui de sa demande M.[N] fait valoir que :

-ses horaires contractuels étaient de 39 heures par semaine, avec une prise de service théorique à 8 heures, mais son employeur lui a imposé d'être présent au siège de l'entreprise dès 7 h 30 pour préparer la journée

-lors de son passage dans les locaux de l'entreprise un huissier de justice a constaté la présence de l'ensemble de ses collègues à 7 h 31

-la demi-heure supplémentaire effectuée chaque jour doit être réglée comme temps de travail effectif et majorée comme supplémentaire.

La société [M] s'oppose à cette demande aux motifs que :

-M.[N] a été rémunéré sur la base de ses propres relevés manuscrits hebdomadaires ne mettant en exergue aucun dépassement des 39 heures

-son heure de prise de service variait en fonction de l'éloignement des chantiers

-ses temps de trajets pour s'y rendre ne sont pas du temps de travail effectif mais donnaient lieu au paiement d'indemnités de trajet

-le salarié prenait son petit-déjeuner dans les locaux professionnels ce qui ne constitue pas du temps de travail

-le constat d'huissier, concernant des tiers, ne prouve rien quant à sa propre situation.

Sur ce,

Aux termes de l'article L 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées prétendument accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre en produisant ses propres éléments.

A l'appui de ses demandes M.[N] produit un constat d'huissier postérieur à la saisine de la juridiction prud'homale établissant la présence de plusieurs de ses collègues un jour donné à 7 h 31 mais cette pièce est équivoque en ce qu'interrogés par l'huissier tous les salariés concernés ont mentionné 8 heures du matin comme heure de prise de service habituelle. Par ailleurs, l'huissier n'a pas constaté qu'ils étaient en situation de travail. Ce constat n'est donc pas d'une force probante suffisante en ce qu'il accréditerait une prise systématique de service à 7 h 30. Il ressort surtout des débats que son salaire lui a été réglé sur la base de ses relevés de temps dont il ressort qu'il travaillait généralement 8 heures par jour et que s'il a parfois oeuvré 8 h 30 voire exceptionnellement plus il lui est également arrivé de travailler moins. Il résulte de surcroît des débats que si M.[N] a pu parfois arriver quelques minutes avant 8 heures pour préparer les véhicules, ce temps de travail effectif a été récupéré à l'occasion de retours de chantiers anticipés pour diverses raisons dont les intempéries.

Aucune pièce n'étant de nature à établir l'accomplissement d'heures supplémentaires au-delà des 17,33 mensuelles payées par l'employeur en application du contrat c'est à bon droit que le conseil de prud'hommes a rejeté la demande et celles au titre des repos compensateurs et de l'indemnité de travail dissimulé.

Le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi rédigée :

«...le lundi 24 juin 2019 à 6 heures 45, nous avons reçu un SMS de votre fils nous informant de son absence à son poste de travail au motif qu'il devait terminer ce qu'il avait commencé vendredi ! A votre arrivée, nous vous avons interrogé afin d'en savoir davantage sur les raisons de cette absence qui perturbait l'organisation de notre service. En guise de réponse, vous répliquiez au représentant légal de notre Société sur un ton agressif et menaçant et ce, en présence de collègues de travail:

«votre organisation, ce n'est pas mon problème. Vous n'allez pas commencer à me faire chier. Vous pouvez aller vous faire enculer et si vous continuez, je vous foutrais mon poing dans la gueule. »

De tels propos sont manifestement indignes de vos fonctions de couvreur au sein de notre Société. Nous vous précisons que ces insultes et ces menaces à l'égard de votre employeur sont passibles de poursuites pénales. En outre, en répondant de la sorte à une demande d'explications de votre Direction, vous entendez délibérément faire échec à l'autorité hiérarchique qui gouverne votre contrat de travail. Nous vous rappelons vous avoir d'ores et déjà notifié un avertissement disciplinaire en raison d'un acte d'insubordination dans l'exercice de vos fonctions. De toute évidence, vous n'avez pas pris conscience de la nécessité de changer d'attitude, bien au contraire. Vos menaces de violences physiques génèrent désormais un sentiment d'insécurité au sein de notre Société. Votre comportement constitué un manquement grave à vos obligations contractuelles et rend impossible votre maintien au sein de nos effectifs. Dans ces conditions, nous avons pris la décision de vous notifier, par la présente lettre, votre licenciement pour faute grave.. »

M.[N] ne nie pas l'existence d'une «conversation franche » avec son employeur, portant sur ses conditions de travail, mais il conteste tout propos excessif et toute menace.

L'employeur produit les attestations recevables en la forme de MM. [E] et de M.[U], collègues de l'appelant présents le jour de l'altercation, ainsi rédigées :

M.[E]

«lundi 24 juin 2019 j'ai assisté à une dispute entre M.[M] et M.[N] où durant celle-ci M.[N] a insulté M.[M] : Cette discussion s'est déroulée à 7 h 45, les propos tenus par M.[N] : «Vous allez pas commencer à me faire chier. Vous pouvez aller vous faire enculer et si ça continue je vous foutrais mon poing dans la gueule.»

M.[U]

«lundi 24 juin 2019 j'ai assisté à une dispute entre M.[M] et M.[N] où durant celle-ci M.[N] a insulté M.[M]»

Sur ce,

Aux termes de l'article L 1232-1 du code du travail tout licenciement doit être justifié par une cause réelle et sérieuse. Lorsque l'employeur invoque une faute grave du salarié dans la lettre de licenciement il lui incombe d'en apporter la preuve à charge pour le juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des griefs et de rechercher s'ils constituaient une violation des obligations découlant du contrat de travail rendant impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

Il résulte des débats que l'appelant avait été averti quelques mois avant le licenciement suite à son refus de se rendre sur un chantier sans son fils. La cause de l'altercation survenue le 24 juin 2019 est une fois de plus liée à sa situation familiale dans la mesure où M.[N] prétend que ce jour-là son fils était malade et qu'en « représailles » son directeur lui a ordonné d'aller travailler seul sur un chantier en hauteur, ce qui était interdit. L'existence d'un tel ordre, contestée par l'employeur, ne ressort d'aucune pièce. M.[N] n'a pas fait valoir son droit de retrait. Il a été mécontent d'être questionné sur l'absence de son fils et envoyé sur un chantier avec d'autres collègues. Il a outrepassé les bornes de la liberté d'expression en tenant à son responsable hiérarchique les propos injurieux et menaçants rapportés de manière concordante par les témoins.

Il est indifférent que ces propos aient pu être tenus avant la prise de service, le fait étant que portant sur l'exécution du contrat de travail ils ont été adressés à un supérieur hiérarchique dans les locaux de l'entreprise.

Ces faits, survenus peu de temps après un avertissement ayant des causes identiques, rendaient impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée limitée du préavis. La faute grave étant ainsi caractérisée le jugement sera confirmé.

Vu la disparité des situations économiques respectives il serait inéquitable de condamner l'appelant au paiement d'une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

CONFIRME le jugement

DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNE M.[N] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 3
Numéro d'arrêt : 20/02393
Date de la décision : 17/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-17;20.02393 ?
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