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17/02/2023 | FRANCE | N°20/01167

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 2, 17 février 2023, 20/01167


ARRÊT DU

17 Février 2023







N° 340/23



N° RG 20/01167 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S7MD



LB/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE SUR MER

en date du

10 Mars 2020

(RG 19/00132 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 17 Février 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [D] [C]

[Adresse 1]

représenté par Me Frédéric BRUN, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER





INTIMÉE :



S.A.S. ISAMPRO

[Adresse 2]

représentée par M...

ARRÊT DU

17 Février 2023

N° 340/23

N° RG 20/01167 - N° Portalis DBVT-V-B7E-S7MD

LB/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE SUR MER

en date du

10 Mars 2020

(RG 19/00132 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 17 Février 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [D] [C]

[Adresse 1]

représenté par Me Frédéric BRUN, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉE :

S.A.S. ISAMPRO

[Adresse 2]

représentée par Me Marthe BESLUAU, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER, assisté de Me Damien MOITTIE, avocat au barreau de CHALONS-EN-CHAMPAGNE

DÉBATS : à l'audience publique du 17 Novembre 2022

Tenue par Laure BERNARD

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

Le prononcé de l'arrêt a été prorogé du 27 janvier 2023 au 17 février 2023 pour plus ample délibéré.

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 septembre2022

EXPOSE DU LITIGE

La société Isampro exerce une activité de négoce de gros de produits d'emballages, d'hygiène et d'entretien, d'articles à usage unique, de papeterie, de fournitures de bureau, tous travaux d'imprimeries et toutes activités connexes et complémentaires pour le commerce, les collectivités, les entreprises, la restauration et l'hôtellerie.

M. [D] [C] a été engagé suivant contrat de travail à durée indéterminée daté du 1er mai 2009 en qualité de directeur des ventes par la société Lft Participations, dans laquelle il était également associé minoritaire.

Par acte sous seing privé du 22 décembre 2012, la société Lft Participations a promis de céder à M. [X] [H], avec faculté de substitution, l'intégralité des actions qu'elle détenait au capital de la société Isampro. Cette même convention prévoyait l'embauche de M. [D] [C] par la société Isampro, aux mêmes conditions d'ancienneté et de rémunération que celles acquises au sein de la société Lft Participations.

Par acte du 29 mars 2013, la promesse de vente a été réitérée, les sociétés Caplan Investissements et Jorina se substituant à M. [X] [H].

M. [D] [C] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 15 juin 2016'; il a été licencié par courrier daté du 21'juin'2016 rédigé en ces termes :

«Vous avez démontré un comportement dans vos fonctions de Directeur Commercial qui peut s'avérer préjudiciable aux intérêts de l'entreprise :

- non-réalisation des objectifs de chiffre d'affaires';

- perte de motivation et d'implication dans l'accomplissement de fonctions confiées';

- non-respect des objectifs et directives de la Direction.

Ces faits mettent en cause la bonne marche du service commercial de notre entreprise et les explications recueillies auprès de vous lors de cet entretien n'ont pas permis de modifier cette appréciation.»

Au cours de la même période, un protocole transactionnel, daté du 30 juin 2016, a été régularisé par les parties.

Par ordonnance rendue le 7'juillet'2017, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Boulogne sur Mer a dit n'y avoir lieu à référé.

Par jugement rendu le 10'mars'2020, le conseil de prud'hommes de Boulogne sur Mer a':

- constaté que le protocole transactionnel a été mis en place avant le licenciement,

- libéré M. [D] [C] de ses obligations afférentes,

- débouté la société Isampro de toutes ses demandes reconventionnelles concernant la transaction établie entre les parties,

- jugé le licenciement de M. [D] [C] sans cause réelle et sérieuse,

- jugé que la procédure de licenciement n'a pas été respectée conformément à la loi,

- condamné la société Isampro à payer à M. [D] [C]':

* 81'600'euros au titre de dommages et intérêts pour 1icenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 40'800'euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* 6'800'euros pour non-respect de la procédure de licenciement,

-débouté M. [D] [C] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement à caractère vexatoire,

- s'est déclaré compétent concernant la demande reconventionnelle de la société Isampro relative à la concurrence déloyale,

- débouté la société Isampro de sa demande de restitution de l'indemnité transactionnelle,

- jugé que M. [D] [C] s'est rendu responsable par personnes interposées de concurrence déloyale au préjudice de la société Isampro,

- condamné Monsieur [C] à payer à la société Isampro la somme de 255'000'euros au titre de dommages et intérêts pour perte économique,

- débouté la société Isampro de sa demande de versement de dommages et intérêts pour préjudice moral et d'image,

- débouté les parties de leur demande relative à l'article 700 du code de procédure civile,

- laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.

M. [D] [C] a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration du 27'avril'2020.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 20'janvier'2021, M. [D] [C] demande à la cour de':

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a':

* constaté que le protocole transactionnel a été mis en place avant le licenciement,

* libéré M. [D] [C] de ses obligations afférentes,

* débouté la société Isampro de toutes ses demandes reconventionnelles concernant la transaction établie entre les parties,

* jugé son licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* jugé que la procédure de licenciement n'a pas été respectée conformément à la loi';

* condamné la société Isampro à lui payer 81'600'euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* condamné la société Isampro à lui payer 40'800'euros au titre de l'indemnité de licenciement,

* condamné la société Isampro à lui payer 6'800'euros pour non-respect de la procédure de licenciement,

- infirmer ledit jugement pour le surplus,

- condamner la société Isampro à lui payer 13'600'euros pour licenciement à caractère vexatoire,

- se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce de Boulogne sur Mer concernant la demande reconventionnelle de la société Isampro relative à la concurrence déloyale'; à défaut, constater qu'il n'a commis aucun acte de concurrence déloyale ni directement ni par personnes interposées et débouter la société Isampro de l'ensemble de ses demandes reconventionnelles, celles-ci étant en tous points infondées,

- condamner la société Isampro à lui payer 3 000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers frais et dépens de la présente instance.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 15'novembre'2021, la société Isampro demande à la cour, sur le fondement des articles 1382 du code civil alors applicable, 4, 5 et 122 du code de procédure civile, 2052 du code civil, L.1235-2 du code du travail, et 4 et 5 du code de procédure civile, de':

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a':

* s'est déclaré compétent pour connaître des demandes indemnitaires à l'encontre de l'ancien salarié,

* condamné M. [D] [C] à lui payer 255'000'euros en réparation de son préjudice économique pour concurrence déloyale,

* débouté M. [D] [C] de sa demande indemnitaire du chef du caractère abusif et vexatoire de son licenciement,

- infirmer le jugement déféré pour le surplus,

- déclarer M. [D] [C] irrecevable en ses demandes indemnitaires au regard de l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction,

Subsidiairement,

- infirmer le jugement déféré des chefs d'indemnisation au titre de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement, de l'indemnité pour irrégularité formelle de la procédure de licenciement et de l'indemnité légale de licenciement et de la demande indemnitaire reconventionnelle en réparation du préjudice moral et d'image,

- débouter M. [D] [C] de sa demande indemnitaire du chef de l'irrégularité formelle de la procédure de licenciement,

- limiter l'indemnité de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse à la somme de 40'800'euros correspondant à 6 mois de salaires bruts,

- dire n'y avoir lieu à statuer sur une quelconque d'indemnité de licenciement, faute de demande à ce titre,

- condamner M. [D] [C] à lui payer':

* 100'000'euros en réparation de son préjudice moral et d'image,

* 1'500'euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [D] [C] aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14'septembre'2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la nullité du protocole transactionnel

La société Isampro soulève l'irrecevabilité des demandes de M. [D] [C] visant à contester son licenciement et à solliciter les indemnités afférentes, se prévalant de l'autorité de la chose jugée attachée à la transaction conclue entre les parties le 30 juin 2016.

M. [D] [C] invoque la nullité du protocole transactionnel daté du 30 juin 2016, et soutient, partant, que ses demandes relatives au licenciement son recevables.

Sur ce,

L'article 2044 du code civil dispose que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.

La transaction consécutive à une rupture du contrat de travail est une convention par laquelle l'employeur et le salarié préviennent ou mettent fin, par des concessions réciproques, à toute contestation résultant de cette rupture.

La transaction n'est donc valable que si elle a été conclue après que le salarié a reçu la lettre recommandée avec demande d'avis de réception lui notifiant son licenciement. La transaction ne peut ainsi valablement être conclue qu'une fois la rupture intervenue et définitive et le protocole transactionnel signé entre un salarié et son employeur doit être annulé lorsqu'il a été négocié ou signé avant la réception par le salarié de sa lettre de licenciement ou lorsqu'il a été postdaté.

En l'espèce, il ressort du constat d'huissier établi le 16 juin 2016 qu'à cette date, M. [D] [C] était déjà en possession du courrier de licenciement daté du 21 juin 2016 et du protocole transactionnel daté du 30 juin 2016 et destiné à mettre fin, au moyen de concession réciproques, au litige né entre les parties au sujet du licenciement de M. [D] [C].

Ce dernier est donc bien fondé à se prévaloir de la nullité de ce protocole transactionnel, qui a été postdaté et qui a été en réalité établi avant son licenciement.

En conséquence, les demandes de M. [D] [C] tendant à contester son licenciement et à obtenir des indemnités en lien avec celui-ci sont recevables.

Le jugement de première instance sera donc confirmé sur ce point.

Sur le licenciement

- Sur le caractère abusif du licenciement

Aux termes de l'article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel est motivé dans les conditions définies par le présent chapitre.

Il est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Pour que le licenciement disciplinaire soit justifié, l'existence d'une faute avérée et imputable au salarié doit être caractérisée.

En l'espèce, dans sa lettre de licenciement datée du 21 juin 2016 l'employeur formule les griefs suivants à l'encontre de M. [D] [C] :

- non-réalisation des objectifs de chiffre d'affaires,

- perte de motivation et d'implication dans l'accomplissement des fonctions confiées,

- non-respect des objectifs et directives de la direction.

La société Isampro admet dans ses écritures que les parties se sont livrées à une 'simulation' pour mettre fin au contrat de travail, en invoquant des motifs fictifs pour fonder le licenciement.

Si l'employeur invoque la volonté de M. [D] [C] de mettre fin à son contrat de travail, il n'y a eu ni démission, ni signature d'une rupture conventionnelle dans les conditions légales.

Le contrat de travail a bien pris fin par le licenciement de M. [D] [C] par un courrier postdaté au 21 juin 2016, sans qu'il ne soit justifié du bien fondé des motifs invoqués dans ce courrier.

Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [D] [C] est sans cause réelle et sérieuse.

- Sur les conséquences du licenciement

* L'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [D] [C] exerçait les fonctions de directeur commercial au sein de la société Isampro avec une reprise d'ancienneté au 1er mai 2009, moyennant un salaire de 6 800 euros brut par mois. Il était âgé de 50 ans lorsqu'il a été licencié.

Il est marié et partage ses charges avec son épouse qui est gérante de la société Opale Color.

Après avoir été indemnisé par Pôle Emploi, il a été engagé à compter du 1er juin 2020 comme agent administratif par la société Opale Color (dont il détient les parts sociales avec Mme [J] [C]), moyennant un salaire mensuel brut de 2 309 euros.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de fixer le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue à l'article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige à la somme de 48 000 euros.

* L'indemnité de licenciement

M. [D] [C] sollicite la confirmation du jugement de première instance en ce qu'il lui a alloué la somme de 40 800 euros à titre d'indemnité de licenciement. La société Isampro demande au contraire d'infirmer le jugement entrepris sur ce point, en ce qu'il a statué ultra petita, aucune demande d'indemnité de licenciement n'ayant été présentée par le salarié.

M. [D] [C] n'avait formulé aucune demande d'indemnité de licenciement devant le conseil de prud'hommes, qui a lui a alloué à tort la somme de 40 800 euros, en violation de l'article 5 du code de procédure civile. Il sollicite toutefois en cause d'appel la confirmation de cette disposition du jugement de première instance.

Le conseil de prud'hommes ne donne pas de précision sur le calcul d'une indemnité de licenciement à hauteur de 40 800 euros.

M. [D] [C] a perçu la somme de 10 240 euros à titre d'indemnité de licenciement, calculée sur la base de la convention collective applicable. Pourtant, dans la mesure où l'indemnité légale lui était plus favorable, c'est celle-ci qui aurait dû être appliquée.

Il est donc bien fondé à obtenir un complément d'indemnité de licenciement d'un montant de 1 768,33 euros, le jugement de première instance étant infirmé en ce sens.

* L'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement

Les indemnités prévues en cas de rupture dépourvue de motifs réels et sérieux ne se cumulent pas avec celles sanctionnant l'inobservation des règles de forme.

Dans la mesure où M. [D] [C] a perçu une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il doit être débouté de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Le jugement entrepris sera infirmé en ce sens.

* Les dommages et intérêts pour licenciement vexatoire

M. [D] [C] ne verse aux débats aucune pièce permettant de retenir que son licenciement est intervenu dans des circonstances vexatoires. La société Isampro au contraire produit le courriel envoyé par celui-ci à tous ses collaborateurs lors de son départ de l'entreprise le 30 septembre 2016 dans lequel il exprime sa gratitude pour les années passées à travailler ensemble, sans évoquer les circonstances de son départ. Il doit être relevé en outre qu'il a continué de collaborer avec la société sur le dossier Valeo plusieurs mois après son départ par l'intermédiaire de sa société Lft Participations.

C'est donc de manière justifiée que le conseil de prud'hommes a débouté de sa demande d'indemnisation pour licenciement vexatoire.

Sur les demandes indemnitaires de la société Isampro

Sur la compétence matérielle de la chambre sociale de la Cour d'appel

M. [D] [C] soutient que les demandes indemnitaires présentées par la société Isampro pour concurrence déloyale sont en réalité dirigées contre des personnes morales et qu'elles relèvent de la compétence du tribunal de commerce et non du juge prud'homal ; qu'en outre, la clause de non concurrence prévue au protocole daté du 30 juin 2016 étant nulle, et les agissements qui lui sont reprochés ayant eu lieu après la rupture du contrat de travail, le juge prud'homal n'est plus compétent pour statuer sur les demandes de l'employeur.

La société Isampro répond que le fait qu'elle ait déclaré une créance dans la liquidation judiciaire de la société Lft Participations ne fait pas obstacle à ce qu'elle engage la responsabilité personnelle de M. [D] [C] devant le juge prud'homal ; qu'en outre la nullité de la clause de non concurrence prévue au protocole daté du 30 juin 2016 ne la prive pas de la possibilité d'agir en responsabilité contre son ancien salarié devant le juge prud'homal pour des actes de concurrence déloyale.

En l'espèce, les demandes indemnitaires de la société Isampro sont dirigées contre M. [D] [C] en sa qualité d'ancien salarié, et non comme représentant d'une personne morale.

En outre, la nullité de la clause de non-concurrence ne fait pas obstacle à l'action en responsabilité engagée par l'employeur contre son ancien salarié pour des actes de concurrence déloyale.

Dans ces conditions, la juridiction prud'homale est bien compétente pour connaître des demandes indemnitaires de la société Isampro. Le jugement du conseil de prud'hommes doit donc être confirmé en ce que cette juridiction s'est déclarée compétente pour statuer sur celles-ci.

Sur la responsabilité de M. [D] [C] à l'égard de la société Isampro

La société Isampro reproche à M. [D] [C] d'avoir agi de façon déloyale en exerçant une activité concurrente à la sienne, d'abord par l'intermédiaire de la société Opale Color, puis par celui de la société Jossmag, après avoir débauché deux de ses commerciaux (M. [A] et M. [B]), qui, malgré la clause de non concurrence à laquelle ils étaient tenus, ont détourné nombre de ses clients au profit de ces sociétés ; que les liens entre M. [D] [C] et la société Jossmag sont évidents, cette société appartenant à M. [F] avec lequel M. [D] [C] s'était associé en vue de racheter plusieurs établissements à l'enseigne Isambourg pour la concurrencer directement sachant que les noms des sociétés sont très proches ; que ces agissements de M. [D] [C] lui ont causé un préjudice considérable.

M. [D] [C] conteste tout acte de concurrence déloyale à l'encontre de son ancien employeur ; il fait valoir que la société Opale Color n'a pas la même activité que la société Isampro ; qu'il n'a en outre aucun lien avec la société Jossmag ; que le préjudice allégué par la société Isampro n'est pas prouvé, la société ayant vu son chiffre d'affaire continuellement augmenter depuis 2016.

Sur ce,

Aux termes de l'article 1240 code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En application de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de tarvail est exécuté de bonne foi.

En l'espèce, M. [D] [C] est (en partie) propriétaire d'une société Opale Color créée en 1989 et dont l'activité est le négoce, le marquage de tous articles, supports et accessoires publicitaires ou de communication, sous toutes ses formes, ainsi que toutes activités s'y rapportant directement ou indirectement.

Les rapports établis par les différents commerciaux de la société Isampro à compter de la fin de l'année 2016 font ressortir que M. [A] et M. [B], anciens commerciaux de la société, se sont livrés à des démarchages auprès de clients de la société Isampro.

Si une carte de visite au nom de M. [A] avec le sigle Opale Color a été retrouvée chez un client de la société Isampro (la mairie de [Localité 3] sur mer), aucun acte de démarchage concret n'a été réalisé au nom de cette société auprès de ce client.

En effet, tous les clients concernés ont rapporté que M. [A] leur avait indiqué qu'il reviendrait bientôt (au début de l'année 2017) avec des offres de produits de gamme similaire à celle proposée par la société Isampro, ce qui correspond, temporellement, à la création de la société Jossmag (en janvier 2017) laquelle avait une activité concurrente de celle de la société Isampro (la vente de tous articles ou marchandises professionnels,

collectivités, association ou encore particuliers en rapport avec l'art de la table, l'hygiène en général (produits et matériels), les emballages boutique ou alimentaires ainsi que tous consommables ou équipements pour métier de bouche, ainsi que la location de matériel en rapport avec ces activités, et ce par point de vente sédentaire type magasin ou démarchage avec service de livraison). De fait, tous les devis concurrentiels établis par M. [A] auprès d'anciens clients de la société Isampro l'ont été pour le compte de la société Jossmag.

Il se déduit de ces éléments que seule la société Jossmag est impliquée dans les actes de concurrence déloyale commis par M. [A] et M. [B], qui étaient tenus à une clause de non concurrence à l'égard de leur ancien employeur la société Isampro. Or, si M. [F], fondateur de la société Jossmag, avait des liens d'affaires avec M. [D] [C] pour un autre projet (achat de magasins Isambourg), il n'est pas établi de lien entre ce dernier et la société Jossmag, pour laquelle il n'intervenait en aucune qualité et dans laquelle il n'avait aucun intérêt financier ni directement, ni par l'intermédiaire de l'une de ses sociétés.

Il s'ensuit qu'il n'est pas démontré que M. [D] [C] s'est rendu coupable de concurrence déloyale ou complice des actes de concurrence déloyale imputables à M. [B] et M. [A] à l'encontre de la société Isampro.

En conséquence, par infirmation du jugement déféré, la société Isampro doit être déboutée de toutes ses demandes indemnitaires présentées contre M. [D] [C].

Sur les dépens et l'indemnité de procédure

Le jugement de première instance sera infirmé concernant le sort des dépens et l'indemnité de procédure.

La société Isampro qui succombe à l'instance au sens de l'article 696 du code de procédure civile sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à M. [D] [C] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

INFIRME le jugement rendu le 10'mars'2020 par le conseil de prud'hommes de Boulogne sur Mer sauf en ce qu'il a dit que le protocole d'accord a été conclu avant le licenciement, débouté la société Isampro de ses demandes afférentes à l'exécution de cette transaction, débouté M. [D] [C] de sa demande d'indemnisation pour licenciement vexatoire, s'est déclaré matériellement compétent pour connaître des demandes indemnitaires de la société Isampro et a débouté celle-ci de sa demande de dommage et intérêt pour atteinte à son image ;

Statuant à nouveau,

DIT que le licenciement de M. [D] [C] est sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS Isampro à payer à M. [D] [C] :

- 48 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1 768,33 euros à titre de complément d'indemnité de licenciement ;

DEBOUTE M. [D] [C] de sa demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

DEBOUTE la SAS Isampro de ses demandes indemnitaires présentées contre M. [D] [C] ;

CONDAMNE la SAS Isampro aux dépens ;

CONDAMNE la SAS Isampro à payer à M. [D] [C] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Nadine BERLY

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 2
Numéro d'arrêt : 20/01167
Date de la décision : 17/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-17;20.01167 ?
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