ARRÊT DU
17 Février 2023
N° 344/23
N° RG 19/01615 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SPNF
MLB/NB
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS
en date du
28 Juin 2019
(RG 19/00065)
GROSSE :
aux avocats
le 17 Février 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANT :
M. [K] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par M. [Z] [R] (Défenseur syndical)
INTIMÉE :
S.A.R.L. ETABLISSEMENTS [H]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me Isabelle SAFFRE, avocat au barreau de LILLE
DÉBATS : à l'audience publique du 07 Décembre 2022
Tenue par Muriel LE BELLEC
magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Gaetan DELETTREZ
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Soleine HUNTER-FALCK
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 7 décembre 2022
EXPOSE DES FAITS
Par contrat de travail à durée indéterminée du 19 décembre 2003 faisant suite à un contrat à durée déterminée du 5 septembre 2003, M. [K] [S] a été embauché en qualité de peintre par la société Etablissements [H], qui applique la convention collective des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment occupant jusqu'à 10 salariés.
Son salaire mensuel brut de base s'élevait en dernier lieu à 1 687,20 euros.
Il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 21 janvier 2019 en imputant la responsabilité à son employeur.
La société Etablissements [H] a contesté en réponse les motifs énoncés dans le courrier de prise d'acte et, considérant qu'elle s'analysait en une démission, a indiqué au salarié qu'il était redevable d'un préavis de deux semaines.
Par requête reçue le 18 février 2019, M. [K] [S] a saisi le conseil de prud'hommes de Lens pour faire constater que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 28 juin 2019 le conseil de prud'hommes a requalifié la prise d'acte de rupture du contrat de travail en démission, débouté M. [K] [S] de l'ensemble de ses demandes et la société Etablissements [H] de sa demande de versement d'une indemnité compensatrice de préavis et condamné M. [K] [S] à verser à la société Etablissements [H] la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, laissant à chacune des parties la charge de ses propres dépens.
Le 16 juillet 2019, M. [K] [S] a interjeté appel de ce jugement.
Par ses conclusions reçues le 26 septembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [K] [S] sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement en toutes ses dispositions, dise que sa prise d'acte repose sur la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur et condamne la société Etablissements [H] à lui payer les sommes suivantes :
3 374,40 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
337,44 euros au titre des congés payés y afférents
8 905,10 euros net à titre d'indemnité de licenciement
10 405 euros net à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il demande également à la cour de dire que les sommes allouées au titre de salaire et accessoires de salaire porteront intérêt légal à compter de la demande et pour les autres au prononcé du jugement.
Par ses conclusions reçues le 20 décembre 2019 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Etablissements [H] sollicite de la cour qu'elle requalifie la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en démission, confirme le jugement en ce qu'il a requalifié la prise d'acte de la rupture du contrat de travail en démission, déboute M. [K] [S] de l'intégralité de ses demandes, infirme le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, condamne l'appelant à lui payer la somme de 843,60 euros d'indemnité compensatrice de préavis, confirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [K] [S] à lui payer la somme de 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 17 novembre 2021.
MOTIFS DE L'ARRET
En application de l'article L.1231-1 du code du travail, au soutien de sa demande tendant à ce que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [K] [S] rappelle les motifs invoqués dans son courrier du 21 janvier 2019, à savoir des heures de nuit payées comme heures de jour du 19 au 22 décembre 2016, trente minutes non payées chaque matin et la modification de son contrat de travail suite au déménagement de l'entreprise de [Localité 5] à [Localité 2].
S'agissant des heures de travail de nuit et le matin, il fait valoir qu'il avait formulé une demande verbale avant la prise d'acte, que l'employeur n'a jamais répondu et qu'il n'existe aucune certitude sur le paiement de ces heures.
La société Etablissements [H] répond que, si tant est que cela soit réel, la non rémunération de prétendues heures de travail n'a jamais empêché M. [K] [S] de travailler jusqu'au 21 janvier 2019, qu'il n'a formulé aucune demande financière à ce sujet ni en première instance ni en appel et n'a jamais mis son employeur en mesure ou en demeure de régulariser une situation éventuellement préjudiciable.
M. [K] [S] ne formule aucune demande de rappel de salaire et ne produit aucune pièce de nature à caractériser un manquement de l'employeur en la matière.
S'agissant de la modification de son contrat de travail, il fait valoir que l'entreprise a déménagé d'[Localité 5] à [Localité 2], que l'employeur ne lui a jamais proposé de lui laisser une camionnette à disposition, que cette solution n'a été envisagée qu'après la prise d'acte, qu'il a appris le 18 janvier 2019 qu'il devait se rendre à [Localité 2] le 21 janvier 2019, que ce changement impliquait l'allongement de la distance entre son domicile et l'entreprise, passant de 9 à 41,9 km, avec les conséquences que cela implique quand on se rend dans la région lilloise, qu'il a été mis devant le fait accompli.
Il produit le certificat de travail et le reçu pour solde de tout compte établis le 21 janvier 2019 et son bulletin de salaire de janvier 2019 qui mentionnent comme adresse de l'employeur le parc d'activités de la Houssoye Bruhat à la Chapelle d'Armentières, ainsi que l'avenant à effet du 15 janvier 2019 du contrat d'assurance Omnipro adressé à la société Etablissements [H] par le Gan Assurances à cette même adresse.
La société Etablissements [H] répond que les salariés étaient parfaitement informés de la situation pour en avoir discuté régulièrement avec M. [H], gérant qui travaille avec eux sur les chantiers, que l'annonce du futur déménagement de l'entreprise à [Localité 2] leur avait été faite au printemps 2018, que M. [H] avait emmené M. [K] [S] dans les nouveaux locaux en septembre 2018 pour les lui montrer, que les salariés, dont M. [K] [S], ont participé aux travaux d'aménagement intérieur à partir de novembre 2018, que M. [K] [S] a pris acte de la rupture du contrat de travail alors que les travaux n'étaient pas encore terminés et le déménagement pas effectif. Elle conteste l'allégation du salarié selon laquelle il aurait appris le 18 janvier 2019 qu'il devait se rendre à [Localité 2] à compter du 21 janvier 2019, ajoute qu'il ne lui a jamais été demandé de s'y rendre comme point de départ du chantier, que le déménagement n'a été effectif que le 25 février 2019, qu'une revalorisation de son salaire et un véhicule de fonction lui ont été proposés, qu'il n'a pas donné suite, que dans ces conditions, elle avait décidé de conserver l'ancien local pour que le salarié puisse continuer à travailler dans les mêmes conditions, qu'il a préféré prendre acte de la rupture de son contrat de travail après avoir annoncé à M. [H] le 18 janvier 2019 qu'il souhaitait créer son entreprise, que par souci d'économie et suite au départ brutal de M. [K] [S], elle s'est séparée de la partie de l'entrepôt qu'elle avait conservée toute l'année 2019, qui aurait permis le stockage d'une camionnette et du matériel nécessaire à l'activité de M. [K] [S] s'il était resté, que M. [K] [S] affirme péremptoirement qu'il y avait une modification de son contrat de travail alors qu'[Localité 5] et [Localité 2] se situent dans le même bassin d'emploi, qu'il ne justifie pas de sa situation professionnelle parce qu'il a probablement retrouvé un emploi, qu'il ne produit aucune pièce établissant la réalité et la gravité des manquements allégués.
M. [K] [S] ne produit aucune pièce de nature à permettre à la cour de considérer que [Localité 2] et [Localité 5] ne se situeraient pas dans le même secteur géographique et que la société Etablissements [H] ne pouvait lui imposer un changement de son lieu de travail, à tout le moins un changement de son lieu de départ sur les chantiers.
De plus, M. [K] [S] ne justifie pas s'être vu imposer un changement de son lieu de travail. Son affirmation qu'il aurait été mis devant le fait accompli et aurait appris le 18 janvier 2019 qu'il devait se rendre à [Localité 2] le 21 janvier 2019 ne repose sur aucun élément. Au contraire, les explications de la société selon lesquelles les salariés étaient informés du déménagement à venir de la société depuis le printemps 2018 et avaient participé aux travaux d'aménagement à compter de novembre 2018 sont confortées par les attestations en ce sens de Messieurs [X] et [V], anciens collègues de l'appelant, qui indiquent tous les deux connaître l'usage qui sera fait de leurs témoignages et les risques encourus en cas de fausses déclarations. De plus, ces derniers indiquent tous les deux que l'emménagement s'est fait dans les nouveaux locaux le 25 février 2019. Ainsi, à supposer même que [Localité 2] et [Localité 5] ne se situent pas dans le même secteur géographique, l'employeur n'avait pas imposé à M. [K] [S] la modification de son contrat de travail lorsqu'il a pris acte de la rupture du contrat de travail le 21 janvier 2019.
En outre, M. [K] [S] ne justifie pas s'être opposé au refus de son employeur d'envisager une solution lui permettant de conserver les mêmes conditions de travail. Au contraire, les explications de la société selon lesquelles elle avait décidé de conserver l'ancien local pour que M. [K] [S] puisse continuer à travailler dans les mêmes conditions et a effectivement conservé ce local toute l'année 2019 sont confortées par le témoignage du frère du gérant de la société Etablissements [H] et les documents émanant de Gan Assurances. M. [T] [H], gérant de la SCI la Tourelle, explique que suite à discussion avec son frère à la fin de l'année 2018 à propos du déménagement de sa société, celui-ci l'a informé de son souhait de conserver une partie du dépôt d'[Localité 5] afin qu'une équipe puisse continuer de rayonner autour de ce secteur, qu'une partie des locaux est donc restée à disposition de la société Etablissements [H], qui permettait de stocker une camionnette et du matériel, tandis que l'autre partie a été relouée fin janvier à une société d'espaces verts. La société Etablissements [H] produit également l'appel de cotisation de Gan Assurances pour le contrat Omnipro pour l'année 2019 en date du 24 novembre 2018, étant précisé que l'avenant à effet du 15 janvier 2019 produit par l'appelant, s'il est adressé à [Localité 2], porte sur l'établissement d'[Localité 5] de la société.
Par conséquent, M. [K] [S] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe d'un manquement grave de son employeur à ses obligations. Sa prise d'acte produit en conséquence les effets d'une démission. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [K] [S] de l'ensemble de ses demandes.
La société Etablissements [H] sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de deux semaines en application de la convention collective. M. [K] [S] ne fait pas d'observation.
Il résulte des explications de la société Etablissements [H] et du bulletin de salaire de janvier 2018 que M. [K] [S] a fait l'objet d'un arrêt de travail pour maladie du 21 janvier au 4 février 2019. Il s'est trouvé, du fait de sa maladie, dans l'incapacité d'effectuer le préavis de deux semaines, ce dont il résulte qu'aucune indemnité compensatrice de préavis ne peut être mise à sa charge. En, l'arrêt de travail n'interrompt pas le préavis et ne prolonge pas celui-ci d'autant. Le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté la société Etablissements [H] de ce chef de demande.
Il convient de confirmer le jugement du chef de ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile. Il n'y a pas lieu de faire application de ce texte en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement déféré, sauf sur les dépens.
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
Condamne M. [K] [S] aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Soleine HUNTER-FALCK