La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2023 | FRANCE | N°22/02565

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 16 février 2023, 22/02565


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 16/02/2023





****





N° de MINUTE : 23/52

N° RG 22/02565 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJPN



Ordonnance (N° 21/00399) rendue le 05 Avril 2022 par le Juge de la mise en état de Bethune





APPELANTE



Société Macif la dénomination complète de la cliente est Mutuelle Assurance des Commercants et Industriels de France et des Cadres et Salarie

s de l'Industrie et du Commerce, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 10]



Représentée par Me Catherine ...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 16/02/2023

****

N° de MINUTE : 23/52

N° RG 22/02565 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UJPN

Ordonnance (N° 21/00399) rendue le 05 Avril 2022 par le Juge de la mise en état de Bethune

APPELANTE

Société Macif la dénomination complète de la cliente est Mutuelle Assurance des Commercants et Industriels de France et des Cadres et Salaries de l'Industrie et du Commerce, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 10]

Représentée par Me Catherine Camus-Demailly, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Jean Chroscik, avocat au barreau d'Arras, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [D] [H]

[Adresse 2]

[Localité 7]

Défaillant à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 30 aout 2022 (art 659 cpc)

Madame [K] [J]

de nationalité Française

[Adresse 9]

[Localité 8]

Représentée par Me Jérôme Delbreil, avocat au barreau de Bethune, avocat constitué

Madame [G] [N]

[Adresse 5]

[Localité 6]

Défaillante à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 30 aout 2022 (art 659 cpc)

SA Axa France Iard

[Adresse 4]

[Localité 11]

Représentée par Me Pierre Vandenbussche, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

SCP Seroux - Merlier - Bonfils - Dumas Drien Dumas Notaires Associes prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 8]

Représentée par Me Lynda Peirenboom, avocat au barreau de Bethune, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 24 novembre 2022 tenue par Guillaume Salomon magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT RENDU PAR DEFAUT prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 février 2023 après prorogation en date du 02 février 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 7 novembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE :

Les époux [Y] sont propriétaires d'un immeuble qu'ils ont assuré auprès de la SA Axa France Iard.

Cet immeuble est mitoyen de celui ayant appartenu à Mme [R] [H], décédée en 2005 et aux droits de laquelle viennent ses héritiers, Mme [K] [J], M. [D] [H] et Mme [G] [N] (les consorts [H]), et assuré auprès de la société d'assurances mutuelles Macif au titre d'un contrat propriétaires non occupants.

Les opérations liquidatives de la succession ont été confiées à la SCP Seroux-Merlier-Bonfils-Dumas (la SCP notariale, ainsi dénommée selon sa composition actuelle).

L'immeuble est inoccupé depuis le décès d'un coindivisaire y ayant vécu jusqu'en 2010.

Le 3 mars 2015, un incendie s'est produit dans l'immeuble appartenant aux consorts [H], qui s'est propagé à celui des époux [Y].

La société Axa a missionné le cabinet CERIPE, enquêteur privé, pour examiner les circonstances ayant conduit au sinistre. Le rapport a conclu qu'il résultait de l'incurie des consorts [H].

Par acte du 12 novembre 2015, les époux [Y] ont assigné exclusivement les consorts [H] devant le juge des référés aux fins d'expertise judiciaire.

Par ordonnance du 13 janvier 2016, le juge des référés a désigné l'expert [F], dont le rapport a été déposé le 8 février 2017. La Macif est intervenue volontairement à l'instance et a été déboutée de sa demande d'extension des opérations d'expertise à l'égard de la SCP notariale, selon ordonnance du 1er juin 2016.

Sans que leur propre assureur n'intervienne à l'instance, les époux [Y] ont assigné par actes des 16 et 23 décembre 2019 les consorts [H] et la Macif devant le tribunal de grande instance en indemnisation de leur préjudice résultant du sinistre. Par ordonnance du 2 décembre 2020, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable leur demande indemnitaire au motif que seule la société Axa avait qualité à agir dès lors qu'elle était subrogée à ses assurés à la date de l'acte introductif d'instance.

Par acte du 29 décembre 2020, la société Axa a saisi le tribunal judiciaire de Béthune aux fins de condamnation solidaire des consorts [H] et de la Macif.

Dans le cadre de chacune des instances précitées, la Macif a assigné en intervention forcée la SCP notariale aux fins de garantie, estimant que cette dernière était chargée de la gestion de l'immeuble appartenant aux consorts [H].

Par ordonnance rendue le 5 avril 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Béthune a notamment :

- rejeté les fins de non-recevoir tirées de l'absence d'intérêt à agir et de la prescription

- déclaré la société Axa France Iard recevable à agir ;

- condamné in solidum Mme [J], M. [H] et la Macif à payer à la société Axa France Iard la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les dépens de l'incident.

- renvoyé l'affaire à une audience de mise en état.

Par déclaration du 24 mai 2022, la Macif a formé appel de l'intégralité du dispositif de cette ordonnance.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 22 septembre 2022, la Macif demande à la cour d'infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions visées par la déclaration d'appel et, statuant à nouveau, de :

=$gt; à titre principal : déclarer irrecevables les demandes de la société Axa, pour défaut d'intérêt et de qualité à agir, faute de justifier d'une subrogation légale ou conventionnelle dans les droits des époux [Y], au visa des articles L. 121-12 du code des assurances et 1250 ancien du code civil ;

=$gt; à titre subsidiaire : déclarer irrecevables les demandes de la société Axa, pour cause de prescription, au visa de l'article 2224 du code civil ;

=$gt; à titre infiniment subsidiaire : surseoir à statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription et faire injonction à la société Axa de produire aux débats les justificatifs des dates de paiement des indemnités d'assurances qu'elle indique avoir versées aux époux [Y] ;

=$gt; en tout état de cause :

- débouter la société Axa de l'ensemble de ses demandes ;

- réformer l'ordonnance critiquée en ce qu'ielle a condamné la Macif à payer 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

- condamner la société Axa à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.

A l'appui de ses prétentions, la Macif fait valoir que :

- aucune subrogation légale n'est établie par la société Axa : si cet assureur a tardivement produit les conditions générales et particulières du contrat d'assurance souscrit par les époux [Y], il persiste en revanche à ne fournir qu'une quittance de règlement au profit de ces derniers qui n'a été régularisée que le 15 juillet 2021, soit six ans après le sinistre, et qui ne permet pas de rattacher les paiements visés aux conditions particulières du contrat ; plus généralement, l'opacité est entretenue sur l'exécution du contrat d'assurance souscrit par les époux [Y] ; à cet égard, les montants visés par les demandes indemnitaires varient d'un recours à l'autre ;

- aucune violation du principe d'Estoppel ne lui est imputable, alors que la charge de la preuve des conditions d'une subrogation légale repose sur les époux [Y], qui manquent en revanche de loyauté en ne produisant pas les pièces susceptibles de justifier leur recours ; elle s'est limité à opposer les conditions de mise en 'uvre de la subrogation, sans qu'il en résulte une contradiction de position au cours de l'instance ;

- la prescription est acquise, dès lors que : (i) l'effet interruptif de l'assignation en référé de novembre 2015 ne profite qu'aux époux [Y] et uniquement pour les préjudices qui n'auraient pas été encore indemnisés à cette date par la société Axa : à cet égard, une indemnité immédiate a été versée dès juillet 2015 par cet assureur, qui a permis le paiement d'une facture de reconstruction ; (ii) l'action engagée par Axa résulte d'une assignation signifiée plus de cinq ans après l'incendie ; (iii) l'action engagée par les époux [Y] postérieurement au règlement de l'indemnité et à la subrogation subséquente de cet assureur ne produit un effet interruptif au profit de la société Axa qu'à l'égard des seuls préjudices qui seraient restés à la charge des assurés à la date de son introduction : à cet égard, la société Axa ne prouve pas que les règlements sont intervenus après le 12 novembre 2015, date de l'assignation en référé, de sorte qu'elle ne peut bénéficier de son effet interruptif.

Aux termes de ses conclusions notifiées le 12 septembre 2022, la société Axa demande à la cour de :

- confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance critiquée ;

y ajoutant, de

- opposer à la Macif et à Mme [K] [J] une fin de non-recevoir quant à leur argument d'absence de subrogation de la société Axa ;

- condamner solidairement la Macif et Mme [K] [J] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'instance.

A l'appui de ses prétentions, la société Axa fait valoir que :

- l'argumentaire de la Macif sur l'absence de subrogation d'Axa dans les droits des époux [Y] est irrecevable en application du principe d'Estoppel, dès lors qu'elle plaidait l'inverse en 2020 et qu'elle se contredit ainsi à son préjudice ;

- la subrogation est valablement établie : ayant été retenue par le juge de la mise en état en 2020, elle est justifiée par les conditions du contrat et la quittance délivrée par ses assurés ; la quittance n'a vocation qu'à confirmer la subrogation, de sorte que sa datation n'a pas d'incidence sur la concomittance entre le paiement de l'indemnisation et la subrogation ; cette subrogation est intervenue au fur et à mesure des règlements au profit des époux [Y] ;

- la prescription quinquenale a été interrompue par les époux [Y] par l'assignation en référé du 12 novembre 2015, puis a été suspendue pendant l'expertise jusqu'au 17 mars 2017, de sorte que l'instance engagée le 29 décembre 2020 n'est pas prescrite ; la Macif ne prouve pas que la subrogation de la société Axa serait intégralement antérieure à la délivrance de l'assignation du 12 novembre 2015.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 octobre 2022, Mme [K] [J] formule des demandes strictement identiques à celles présentées par la Macif, à la seule exception de la demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'elle présente à son profit. Les moyens développés sont identiques à ceux de son assureur.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2022, la SCP notariale s'associe également aux demandes et moyens développés par la Macif.

Elle fait par ailleurs valoir qu'elle n'a jamais été mandatée pour gérer l'indivision successorale de Mme [R] [H], et notamment l'immeuble dans lequel l'incendie s'est déclenché. N'étant chargée que de la licitation des biens à partager, la Macif ne peut rechercher sa responsabilité du fait de l'incurie ayant conduit au sinistre.

Elle insiste notamment sur la circonstance que le point de départ de la prescription du subrogeant ne bénéficie à l'assureur subrogé que si ce subrogeant avait qualité et intérêt à agir au moment de l'assignation qu'il signifie. Or, les époux [Y] n'avait plus qualité lors de l'assignation en référé, dès lors qu'ils avaient été dès 2015 subrogé par la société Axa leur ayant versé l'indemnisation permettant la reconstruction de l'immeuble. A défaut d'avoir agi avant le 5 mars 2020, les demandes de la société Axa sont irrecevables comme prescrites.

Mme [G] [N] et M. [D] [H], auxquels la déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été valablement signifiées, n'ont pas constitué avocat devant la cour.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui :

La fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d'autrui sanctionne l'attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d'une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.

La seule circonstance qu'une partie se contredise au détriment d' autrui n'emporte pas nécessairement fin de non-recevoir.

La contradiction doit d'une part intervenir au cours d'une même instance judiciaire et doit d'autre part porter sur les prétentions de son auteur, et non sur les moyens qu'il a antérieurement développés au cours de cette même instance.

En l'espèce, l'invocation par la Macif de l'absence de subrogation de l'assureur Axa dans les droits de ses assurés s'analyse d'une part comme un moyen de défense opposé à la demande indemnitaire formulée à son encontre et s'inscrit d'autre part dans une instance distincte de celle antérieurement diligentée par les époux [Y] et ayant donné lieu à une ordonnance d'irrecevabilité prise par le juge de la mise en état au motif d'une subrogation d'Axa dans les droits de ces derniers.

Le principe d'interdiction de se contredire n'a ainsi doublement pas vocation à s'appliquer à l'espèce. Aucune fin de non-recevoir ne peut en effet être opposée à un moyen.

Sur la fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt et de qualité à agir

A titre liminaire, il s'observe que les parties discutent exclusivement dans leurs conclusions respectives la subrogation légale de l'article L. 121-12 du code des assurances. Si l'article 1250 du code civil est incidemment et exclusivement visé dans le dispositif des conclusions de la Macif et de Mme [K] [J], l'article 954 du code de procédure civile dispose que la cour n'examine les moyens au soutien d'une prétention que s'ils sont invoqués dans la discussion. Aucune subrogation conventionnelle n'est enfin invoquée.

Sur l'existence d'une subrogation légale fondée sur l'article L. 121-12 du code des assurances :

L'article L. 121-12 du code des assurances dispose que l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.

Ce recours subrogatoire légal spécial est institué au profit de l'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance et s'exerce quel que ce soit le fondement de l'action en responsabilité à caractère indemnitaire.

Pour bénéficier de la subrogation légale à hauteur de l'indemnité versée à son assuré, l'assureur doit établir :

'   d'une part qu'il a payé préalablement l'indemnité, la preuve d'un tel paiement étant libre : à cet égard, l'exigence formelle d'une quittance signée par l'assuré n'est pas requise pour établir un tel fait. En effet, le défaut de production par l'assureur d'une quittance subrogatoire signée par son assuré, qui constitue exclusivement une condition de la subrogation conventionnelle, est dépourvu d'incidence sur la recevabilité de son action.

En l'espèce, la circonstance que la quittance ne soit signée par les époux que très postérieurement aux paiements effectués par la société Axa est par conséquent indifférente, dès lors que l'existence du paiement est valablement établie par une telle pièce et que la subrogation invoquée par la société Axa n'est pas conventionnelle. La « quittance dommages » signée le 15 juillet 2021 par les époux [Y] indique à cet égard que ces derniers reconnaissent avoir reçu de la société Axa « la somme de 221 995 euros au titre des indemnités contractualisées entre [eux] et Axa France, certaines de ces sommes ayant été réglées directement aux entreprises par délégation de paiement avec [leur] accord ».

Les termes de cette quittance sont en outre concordants avec la chronologie qu'établissent les pièces produites par les parties.

À cet égard, l'expert [F] indique d'une part dans son rapport du 17 mars 2017 que « les travaux de remise en état de l'immeuble ['] avaient été réalisés avant tenue de la première réunion d'expertise le 13 juillet 2016 », de sorte qu'aucune constatation n'a pu être effectuée à cette dernière date en lien avec le sinistre du 3 mars 2015.

De façon parfaitement compatible, l'ensemble des factures correspondant à ces travaux et produites par la société Axa datent d'autre part du second semestre 2015 et de 2016.

Enfin, une telle chronologie concorde avec les conclusions notifiées par Mme [K] [J] devant le juge de la mise en état, par lesquelles elle a reconnu le caractère avéré à son égard d'un fait de nature à produire contre elle des conséquences juridiques, en l'espèce, l'existence d'un paiement intégral par l'assureur entraînant sa subrogation dans les droits et actions de ses assurés, en indiquant que « la société Axa a procédé à l'indemnisation de ses assurés, avant même le dépôt du rapport d'expertise judiciaire ». Le même aveu extrajudiciaire émane de la société Macif, qui a également conclu devant le juge de la mise en état que l'indemisation des victimes était intervenue « avant même le dépôt du rapport d'expertise judiciaire ». La SCP notariale admet également devant la cour que les époux [Y] avaient « nécessairement perçu l'indemnisation » lorsqu'ils ont agi en référé-expertise, pour en conclure qu'ils n'avaient plus qualité à agir lors de l'assignation du 12 novembre 2015.

Dans ces conditions, la société Axa établit valablement qu'en tout état de cause, elle était subrogée dans les droits des époux [Y] au 13 juillet 2016.

Au surplus, conformément à l'article 126 du code de procédure civile, l'assureur est recevable à agir à l'encontre du responsable et de son assureur en qualité de subrogé, dès lors que la fin de non-recevoir tirée de son absence de subrogation est régularisée au moment où la juridiction statue. En l'espèce, quelle que soit la date des paiements, la société Axa est valablement subrogée au jour du présent arrêt.

'   et d'autre part que l'indemnité a été payée en vertu du contrat d'assurance.

La production de la police d'assurance et des justificatifs de paiement effectif suffit à démontrer l'indemnisation par l'assureur de son assuré et la subrogation légale dans les droits de celui-ci.

Alors que l'existence du contrat d'assurance et des garanties convenues est établie par la production de ses conditions générales et particulières, la précision figurant dans la quittance qu'il s'agit du paiement d'indemnités « contractualisées » implique que les paiements sont intervenus en exécution des garanties souscrites par les époux [Y]. La variation des montants sollicités par la société Axa au titre de son recours subrogatoire est à cet égard indifférente. Le versement de l'indemnisation n'est ainsi pas intervenu à un autre titre que l'exécution du contrat d'assurance souscrit par les époux [Y].

Sur l'assiette de la subrogation :

La subrogation légale instituée par ce texte a lieu dans la mesure de ce qui a été payé et dans la limite de la créance détenue par l'assuré contre le responsable.

A nouveau, en dépit des variations antérieures dans le chiffrage des demandes formulées par la société Axa, cette dernière prouve valablement par la quittance signée par les époux [Y] qu'elle est subrogée dans leurs droits et actions à hauteur du montant y figurant, étant observé que la subrogation légale de l'assureur de dommages est admise en cas de paiement de l'indemnité d'assurance entre les mains d'un tiers.

Il en résulte que la société Axa établit sa subrogation légale dans les droits de ses assurés et que son action exercée en qualité de subrogée est par conséquent recevable en considération de sa qualité à agir dans l'exercice des droits et actions de ses subrogeants.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action subrogatoire de l'assureur dans les droits de la victime :

Le débiteur, poursuivi par un créancier subrogé dans les droits de son créancier originaire, peut opposer au créancier subrogé les mêmes exceptions et moyens de défense que ceux dont il aurait pu disposer initialement contre son créancier originaire (1re Civ., 4 avril 1984, pourvoi n° 82-16.683, Bull. 1984, I, n° 131 ; 1re Civ., 18 octobre 2005, pourvoi n° 04-15.295, Bull. 2005, I, n° 375 ; Com., 11 décembre 2007, pourvoi n° 06-13.592, Bull. 2007, IV, n° 261). Il en résulte que celui qui est subrogé dans les droits de la victime d'un dommage ne dispose que des actions bénéficiant à celle-ci, de sorte que son action contre le responsable est soumise à la prescription applicable à l'action directe de la victime (1re Civ., 4 février 2003, pourvoi n° 99-15.717, Bull. 2003, I, n° 30 ; 2e Civ., 15 mars 2007, pourvoi n° 06-11.509). En application de ces principes, le point de départ de la prescription de l'action du subrogé est enfin identique à celui de l'action du subrogeant (1re Civ., 2 février 2022, pourvoi n° 20-10.855).

La cour étant saisie de l'effet interruptif d'un délai de prescription, il lui appartient de vérifier que ses conditions d'application sont remplies.

Les parties s'accordent sur l'application du délai quinquennal de prescription prévu par l'article 2224 du code civil, mais également sur son point de départ : à cet égard, la société Axa conclut elle-même (page 7 de ses conclusions) que « l'incendie a eu lieu le 3 mars 2015, faisant courir la prescription quinquennale contre les époux [Y] ».

Ce délai de prescription expirait par conséquent le 3 mars 2020, sous la double réserve d'un acte interruptif ou suspensif du délai de prescription réalisé :

soit par les époux [Y], en qualité de titulaires de l'action en responsabilité avant qu'ils n'y subrogent leur assureur et dont profiterait la société Axa après sa subrogation ;

soit directement par la société Axa, postérieurement à sa subrogation dans leurs droits et actions.

Sur l'effet interruptif de l'assignation en référé-expertise du 12 novembre 2015 :

La société Axa invoque l'effet interruptif de l'assignation en référé-expertise signifiée le 12 novembre 2015 aux seuls consorts [H] par les époux [Y] pour estimer qu'elle est recevable à agir à l'encontre de la Macif, assureur de ces derniers.

L'effet interruptif de la demande en justice ne pouvant toutefois bénéficier qu'à l'auteur de l'acte extrajudiciaire et n'ayant d'effet qu'à l'égard de la ou des seules personnes attraites en justice, il en résulte que cette assignation en référés ne produit aucun effet interruptif à l'encontre de la Macif, qui n'est pas concernée par cette assignation et n'est intervenue volontairement aux opérations d'expertise qu'ultérieurement à l'ordonnance du 13 janvier 2016 ayant désigné l'expert [F].

Elle n'est pas davantage interruptive à l'encontre de la SCP notariale dans ses relations avec les époux [Y], dès lors que l'assignation en extension des opérations d'expertise est intervenue à l'initiative et au profit de la Macif exclusivement.

Par conséquent, le subrogé ne pouvant avoir davantage de droits que ses subrogeants, la société Axa n'établit pas, dans ses relations avec la Macif ou avec la SCP notariale, une interruption du délai quinquennal résultant de l'assignation délivrée par les époux [Y] devant le juge des référés, puis une suspension de ce délai pendant et au-delà des opérations d'expertise dans les conditions prévues par l'article 2239 du code civil.

Sur l'effet interruptif de l'assignation délivrée par la Macif à la SCP notariale, aux consorts [Y] et aux époux [Y] :

Si l'interruption de la prescription peut résulter d'une demande présentée devant le juge des référés tant par le créancier que par le débiteur de l'obligation, quelle que soit sa nature (demande initiale, intervention ou demande reconventionnelle), une telle interruption :

implique d'une part que ce débiteur reconnaisse au moins implicitement les droits du créancier,

ne profite d'autre part qu'à ce seul débiteur,

et ne produit enfin effet qu'à l'encontre des parties que ce dernier a assignées.

En l'espèce, il résulte de l'ordonnance du 1er juin 2016, dont la cour a contradictoirement sollicité la communication au cours de son délibéré, que le juge des référés a certes donné acte à la Macif de son intervention volontaire aux opérations d'expertise ordonnée le 13 janvier 2016 et a débouté cette dernière de sa demande d'extension de l'expertise à la SCP notariale, mais a également donné acte à la Macif de ses protestations et réserves à l'égard de la mesure d'instruction, ce qui équivaut à une contestation de sa garantie.

A défaut d'une quelconque reconnaissance de son obligation de garantie, aucun effet interruptif de l'assignation en intervention volontaire de la Macif ne peut par conséquent être invoqué à son encontre par la société Axa, subrogée dans les droits de ses assurés, eux-mêmes défendeurs à l'assignation que leur a délivrée la Macif.

Dans les relations entre la Macif et la SCP notariale, l'assignation ayant donné lieu à l'ordonnance du 1er juin 2016 n'est pas enfin davantage interruptive, dès lors que l'interruption en résultant est non avenue en application de l'article 2243 du code civil après que le juge des référés a définitivement rejeté la demande d'extension.

Sur l'effet interruptif de l'assignation au fond délivrée les 16 et 23 décembre 2019 par les époux [Y] :

Par cette assignation délivrée avant l'expiration du délai quinquennal, les époux [Y] ont assigné tant les consorts [H] que la Macif devant le tribunal de grande instance.

Par ordonnance du 2 décembre 2020, le juge de la mise en état a toutefois déclaré irrecevable leur demande indemnitaire au motif que seule la société Axa avait qualité à agir dès lors qu'elle était déjà subrogée dans les droits et actions de ses assurés à la date de l'acte introductif d'instance.

Sans que la cour puisse apprécier différemment la solution adoptée par le juge de la mise en état, il en résulte que la demande des époux [Y] a été ainsi définitivement rejetée en considération d'une telle fin de non-recevoir, de sorte que l'effet interruptif de l'assignation délivrée en décembre 2019 est par conséquent non avenu, conformément aux dispositions de l'article 2243 précité.

En définitive, à défaut d'invoquer d'autres causes d'interruption du délai de prescription ayant couru depuis le 3 mars 2015, les demandes de la société Axa étaient prescrites lorsqu'elle a assigné le 29 décembre 2020 tant les consorts [H] que la Macif devant le tribunal judiciaire.

L'ordonnance du juge de la mise en état critiqué est par conséquent réformée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Sur les dépens et les frais irrépétibles de l'article 700 du code de procédure civile :

Le sens du présent arrêt conduit :

d'une part à infirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,

d'autre part, à condamner la société Axa, outre aux entiers dépens de première instance et d'appel, à payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure au titre des procédures devant les premiers juges et d'appel, respectivement à Mme [K] [J] et à la Macif ;

enfin, à débouter la SCP notariale de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile formulée exclusivement à l'encontre de la société Axa, alors que sa mise en cause devant le tribunal judiciaire résulte d'une assignation en intervention forcée que lui a délivrée la Macif.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

Confirme l'ordonnance rendue le 5 avril 2022 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Béthune en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée de l'absence d'intérêt à agir ;

La réforme pour le surplus de ses dispositions ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'interdiction de se contredire au préjudice d'autrui ;

Dit que les demandes formulées par la SA Axa France Iard à l'encontre de M. [D] [H], Mme [G] [N] et Mme [K] [J], et de la Macif sont prescrites ;

Déclare par conséquent irrrecevables lesdites demandes ;

Condamne la SA Axa France Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Condamne la SA Axa France Iard à payer respectivement à Mme [K] [J], et à la Macif la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elles ont exposés en première instance et en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples.

La Greffière Le Président

Harmony Poyteau Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/02565
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;22.02565 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award