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16/02/2023 | FRANCE | N°22/01142

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 16 février 2023, 22/01142


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 16/02/2023





****





N° de MINUTE : 23/49

N° RG 22/01142 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UEWS



Ordonnance (N° 20/01379) rendue le 25 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lille







APPELANTE



SA Swisslife Assurances de Biens agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

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[Localité 3]



Représentée par Me René Despieghelaere, avocat au barreau de Lille, avocat constitué





INTIMÉES



SCP [K] [T] [C], poursuites et diligences de ses cogérants Me [O] [K], [Y] [T] et [V...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ARRÊT DU 16/02/2023

****

N° de MINUTE : 23/49

N° RG 22/01142 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UEWS

Ordonnance (N° 20/01379) rendue le 25 Janvier 2022 par le tribunal judiciaire de Lille

APPELANTE

SA Swisslife Assurances de Biens agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me René Despieghelaere, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

INTIMÉES

SCP [K] [T] [C], poursuites et diligences de ses cogérants Me [O] [K], [Y] [T] et [V] [C]

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Alain-François Deramaut, avocat au barreau de Lille, avocat constitué,

SA Axa France Iard Prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assisté de Me Gilles Grardel, avocat au barreau de Lille, avocat plaidant, substitué par Me Stanislas Leroux, avocat au barreau de Lille,

DÉBATS à l'audience publique du 07 décembre 2022 tenue par Claire Bertin magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe

GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Yasmina Belkaid, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 février 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 28 novembre 2022

****

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

Le 18 octobre 2018, les locaux de la SCP [K] ' [T] ' [C] (SCP de notaires) ont été endommagés en raison de la propagation d'un incendie ayant affecté les locaux voisins du restaurant exploité par la société Caldo la boucherie (le restaurant).

Par actes des 6 et 9 mai 2019, la SA Swisslife assurances de biens (Swisslife), assureur de la SCP de notaires suivant police « Multi pro + » référencée WE011132044, a saisi le juge des référés aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire.

Par ordonnance du 20 septembre 2019, le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire et a désigné M. [B] [M] en qualité d'expert.

Par acte du 24 décembre 2020, la SCP de notaires a fait assigner Swisslife devant le président du tribunal judiciaire de Lille statuant en référé aux fins notamment de voir Swisslife condamnée à lui verser une provision de 100 000 euros.

Par acte 23 février 2021, Swisslife a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Lille la SA Axa france Iard (Axa), assureur du restaurant, aux fins de voir notamment ordonner la jonction de ces deux procédures, de constater qu'Axa est l'assureur du restaurant et de ses locaux, point de départ de l'incendie, et de condamner Axa à la garantir et à la relever indemne de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

Par ordonnance du 25 janvier 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Lille a notamment :

ordonné la jonction de la procédure n° RG 21/222 à celle enrôlée initialement sous le n° 20/1379 ;

condamné Swisslife à payer à la SCP de notaires la somme provisionnelle de 150 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive due par l'assureur à son assuré, au titre du contrat d'assurance multirisque professionnel ;

rejeté l'exception de nullité de l'assignation du 23 février 2021 soulevée par la société AXA France Iard ;

dit n'y avoir lieu à référé sur l'appel en garantie formé par Swisslife à l'encontre d'Axa ;

condamné Swisslife à payer à la SCP de notaires la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ;

condamné Swisslife aux dépens.

Par déclaration au greffe du 7 mars 2022, Swisslife a interjeté appel de l'ordonnance querellée en ce qu'elle l'a condamné à payer à la SCP de notaires la somme provisionnelle de 150 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive due par l'assureur à son assuré, au titre du contrat d'assurance multirisque professionnel, dit n'y avoir lieu à référé sur son appel en garantie formé à l'encontre d'Axa, condamné à payer à la SCP de notaires la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles et condamné aux dépens.

Dans ses conclusions récapitulatives n°2 notifiées le 29 juin 2022, Swisslife demande à la cour de :

=$gt; infirmer la décision rendue en toutes ses dispositions ;

le cas échéant, dire et juger que l'ordonnance a été exécutée en deniers et quittances par le paiement de la somme de 264 249,87 euros ;

débouter la SCP de notaires de son appel incident et de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

déclarer opposable à Axa la procédure en cours ;

condamner Axa à la garantir des condamnations éventuellement prononcées contre elle en sa qualité d'assureur du restaurant ;

condamner la SCP de notaires et Axa à payer chacune, la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens tant de première instance que d'appel.

Elle fait valoir que :

le fondement de la demande de provision de la SCP de notaires est incertain puisque la SCP de notaires mélange sa garantie de celle qui lui est due par Axa au titre de son préjudice d'exploitation, Axa assurant la SCP de notaires pour la perte d'exploitation ;

au regard du procès-verbal d'accord intervenu entre toutes les parties et leurs experts et au regard des lettres successives adressées au conseil de la SCP de notaires, la provision a été largement pourvue par le versement effectué ;

en effet, un paiement d'un montant de 264 249,87 euros est intervenu le 20 janvier 2022, complétant ainsi les versements de 15 000 euros du 10 mai 2019, de 10 839,22 euros du 31 octobre 2019, de 10 000 euros du 11 mai 2020 et de 17 145,77 euros du 15 décembre 2020 ;

plus rien n'est dû en l'état à la SCP de notaires et les causes de l'ordonnance doivent être réputées réglées, sauf à excéder en l'état et même à terme le montant de la garantie due à la SCP de notaires ;

compte tenu des règlements de 52 984,99 euros et 264 249,87 euros, une somme de 300 089,20 euros a été versée au titre des travaux, un solde interviendra en fonction des travaux effectivement réalisés mais en l'état, la demande de la SCP de notaires à hauteur de 200 000 euros est difficile à interpréter puisque la provision totale demandée s'élève désormais à la somme de 464 249,87 euros alors que 300 089,20 euros ont déjà été versés pour les travaux ;

le solde ne peut pas intervenir faute de justification de la reconstruction et/ou de travaux non justifiés ;

une demande complémentaire de 200 000 euros qui porterait à 500 089,20 euros le montant total des travaux n'est ni cohérente ni conforme au procès-verbal signé par toutes les parties ;

concernant la mise en cause d'Axa, cette dernière est à la fois garante des pertes d'exploitation de la SCP de notaires et garante des risques incendie du restaurant ;

elle a vocation à exercer à l'encontre du restaurant et d'Axa un recours pour 300 089,20 euros ;

eu égard à la responsabilité du restaurant, elle est fondée à solliciter, sans reconnaissance du bien-fondé de l'appel incident formé par la SCP de notaires, la garantie d'Axa.

Dans ses conclusions notifiées le 14 septembre 2022, la SCP de notaires demande à la cour, au visa des articles 484 et suivants et 835 du code de procédure civile, de :

déclarer son appel incident recevable et bien fondé ;

réformer la décision dont appel ;

à titre principal,

condamner Swisslife à lui payer la somme de 345 339,03 euros en deniers et valable quittance (dont 264 249,87 euros déjà réglés) à titre de provision à valoir sur ses droits comme constituant une provision au sens des articles 484 et suivants du code de procédure civile ;

à titre subsidiaire,

condamner Swisslife à lui payer la somme de 81 049,16 euros (en sus du règlement spontané du 20 janvier 2022 pour 264 249,87 euros) à titre de provision à valoir sur ses droits comme constituant une provision au sens des articles 484 et suivants du code de procédure civile ;

lui donner acte de ce qu'elle ne formule aucune demande en l'état à l'encontre d'Axa ;

condamner Swisslife à lui payer une somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Swisslife aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Elle soutient que :

il n'est pas discuté par Swisslife qu'elle est régulièrement assurée pour toutes les conséquences du sinistre ;

néanmoins, son assureur retarde volontairement l'indemnisation incontestablement due ;

jusqu'au 30 octobre 2020, elle a bénéficié d'une prise en charge au titre des pertes d'exploitation par Axa ainsi que le surcoût de loyer pour son relogement temporaire ;

depuis le 1er novembre 2020, elle doit faire face à une charge supplémentaire, le paiement de ses loyers et charges mensuelles pour les locaux qu'elle occupe temporairement pour une seule cause, la non-réalisation des travaux de rénovation de l'étude sinistrée et ce retard s'explique par l'expertise diligentée par Swisslife et ce dans le seul but de ménager son recours ultérieur ;

lors des opérations d'expertise judiciaire, l'expert a constaté qu'il n'était ni discuté ni discutable que l'incendie ne pouvait en aucun cas provenir de ses locaux de sorte qu'aucune exception ou exclusion de garantie ne peut lui être opposée ;

elle n'a entrepris aucune démarche à l'encontre de Swisslife en vue du recouvrement de la provision allouée par la décision querellée, de sorte que l'appel de Swisslife n'est aucunement motivé par la moindre tentative de recouvrement forcé et il est manifeste que cette compagnie d'assurance confond la réformation d'une ordonnance de référé et les problèmes d'exécution éventuels que celle-ci pourrait poser ;

la demande de Swisslife visant la réformation au motif qu'une somme versée, cinq jours auparavant, éteindrait les causes d'une condamnation, n'est pas une cause de réformation mais éventuellement un problème d'exécution ;

or, par ce versement, l'assureur a reconnu l'exigibilité des sommes dues, ce qui légitime le remboursement des frais irrépétibles exposés ;

elle a refusé de régulariser la quittance qui lui a été soumise à propos de la somme de 264 249,87 euros puisque cette quittance est incomplète et imprécise et doit être accompagnée d'un tableau de règlement détaillé permettant de comprendre et de vérifier les montants proposés par l'assureur et ce d'autant plus qu'il existe des écarts entre les montants indiqués dans le procès-verbal des dommages et la quittance proposée par son assureur ;

il n'existe aucune difficulté au sens de l'article 835 du code de procédure civile à l'indemniser en vue de la restauration des locaux dont les travaux ont enfin pu commencer après le premier versement de Swisslife le 20 janvier 2022 pour un montant de 264 249,87 euros ;

l'état des pertes émarge pour un montant de 480 831,29 euros, de sorte qu'il existe un déficit pour financer et terminer les travaux, soit la somme de 216 581,45 euros ;

bien d'autres frais sont à prévoir pour terminer le chantier de rénovation de l'immeuble et le seul versement de la somme de 264 249,87 euros ne saurait à lui seul purger la garantie et financer le chantier actuellement en cours d'achèvement ;

une provision de 200 000 euros pour poursuivre les travaux de reconstruction apparaît toujours nécessaire nonobstant le règlement spontané de Swisslife du 20 janvier 2022 ;

en l'état actuel du règlement, il est tout à fait légitime de solliciter le paiement d'une indemnité différée contractuelle d'un montant de 81 049,16 euros HT eu égard à la facture de l'architecte de 23 230,25 euros HT, les factures de démolition d'un montant total de 51 449 euros HT et les factures de travaux pour un total de 295 152 euros HT.

Dans ses conclusions notifiées le 4 mai 2022, Axa demande à la cour, au visa de l'article 835 du code de procédure civile et des articles 1240 et 1242 du code civil, de :

=$gt; confirmer l'ordonnance de référé rendue par le tribunal judiciaire de Lille le 25 janvier 2022 en ce qu'elle a débouté Swisslife de son appel en garantie dirigé contre elle ;

- condamner Swisslife à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir :

il n'est pas démontré de faute du restaurant, son assuré, et les demandes de Swisslife à son encontre sont prématurées dans la mesure où les opérations d'expertise sont toujours en cours ;

la note d'expertise n°1 de l'expert est provisoire, d'autant plus que les parties sont dans l'attente d'une prochaine ordonnance de référé consécutive aux extensions de mission sollicitées par le restaurant ;

les demandes présentées par Swisslife à son encontre sous le visa des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile se heurtent à une contestation sérieuse en l'absence de rapport d'expertise permettant d'éclairer définitivement le juge des référés ;

par ailleurs, Swisslife, en sa qualité d'assureur dommage subrogé dans les droits de son assurée, la SCP de notaires, ne dispose pas à l'égard des tiers de plus de droit que son assurée et en l'absence de tous liens contractuels entre la SCP de notaires et le restaurant, seule une action en responsabilité quasi-délictuelle fondée sur l'article 1240 du code civil est susceptible d'être initiée et il appartiendra donc à Swisslife d'établir l'existence d'une faute imputable au restaurant en lien de causalité avec le sinistre litigieux ;

le juge des référés a fait une juste appréciation des faits et du droit pour constater que l'existence d'une telle faute n'était absolument pas démontrée alors que l'expertise judiciaire est en cours ;

par ailleurs, Swisslife, en sa qualité d'assureur dommage, doit préfinancer les travaux et ne peut tarder à honorer ses garanties à l'égard de son assurée ;

elle est totalement étrangère à l'inertie dans le financement des travaux, laquelle est strictement imputable à Swisslife.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 juillet 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de provision

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

La cour rappelle qu'une contestation sérieuse survient lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du requérant n'apparaît pas immédiatement vain, et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond, qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point, si les parties entendaient saisir le juge du fond ; qu'en conséquence, la contestation sérieuse est celle qui paraît susceptible de prospérer au fond.

Il appartient au débiteur de l'obligation de démontrer le caractère sérieusement contestable de son obligation de payer.

Tout d'abord, s'agissant du fondement de la demande de la SCP de notaires, la cour constate que, contrairement à ce que soutient Swisslife, l'assurée fonde sa demande de provision sur les garanties contractuelles de son assureur sans confondre dans ses demandes les garanties de Swisslife et celles d'Axa.

Ensuite, sur le caractère sérieusement contestable de l'obligation de payer du débiteur, la cour constate que Swisslife ne conteste pas devoir indemniser la SCP de notaires des préjudices qu'elle a subis et qui ont été causés par l'incendie du 18 octobre 2018.

Il n'est pas non plus contesté que Swisslife a adressé un règlement d'un montant de 264 249,20 euros à son assurée le 20 janvier 2022.

Par ailleurs, si l'indemnisation du préjudice peut être ordonnée en référé, dès lors que la juridiction dispose de l'ensemble des éléments utiles à une telle liquidation et que tant le principe que le montant des différents postes de préjudice ne sont pas sérieusement contestables, la cour constate que l'expertise judiciaire est toujours en cours et que l'expert judiciaire n'a pas rendu son chiffrage définitif mais qu'il a néanmoins autorisé les parties à réaliser un procès-verbal contradictoire concernant les dommages subis par la SCP de notaires.

Suivant « procès-verbal de constatations relatives aux causes circonstances et l'évaluation des dommages » du 3 septembre 2021, toutes les parties se sont accordées dans l'évaluation ci-dessous des dommages subis par la SCP de notaires et qui sont imputables au sinistre du 18 octobre 2018 :

Valeur vétusté déduite HT

Valeur à neuf HT

Mesures conservatoires

47 228,00 €

47 228,00 €

Bâtiment

232 150,06 €

294 951,67 €

Maîtrise d''uvre

44 278,00 €

44 278,00 €

Mobilier

15 804,12 €

21 652,31 €

Frais de démolition / Déblais

73 828,00 €

73 828,00 €

Mise en conformité

9 407,46 €

9 407,46 €

Honoraires techniques

9 225,00 €

9 225,00 €

Frais de replacement mobilier et de garde meuble

7 362,00 €

7 362,00 €

Total

439 282,65 €

508 132,44 €

Il n'est pas contesté que la police souscrite par la SCP de notaires garantit la valeur à neuf, laquelle est réglée sur présentation des factures de remise en état.

Néanmoins, la quittance adressée par Swisslife à son assurée est contestée par cette dernière. Cette quittance indique les montants suivants :

Indemnité immédiate totale : 300 089,20 euros (dont 8 169,20 euros d'honoraires d'expert) ;

Indemnité différée : 161 623,77 euros (dont 1 600,24 euros d'honoraires d'expert) ;

Indemnité totale : 461 712,97 euros (soit 9 769,44 euros d'honoraires d'expert).

La contestation relative à cette quittance impose d'analyser les garanties du contrat d'assurance, or une telle analyse relève du juge du fond et non du juge des référés, d'autant plus que les parties ne discutent pas cette question devant la cour et que l'expert judiciaire n'a pas déposé son chiffrage définitif. En effet, la différence entre les montants indiqués dans le procès-verbal et ceux de la quittance pourrait s'expliquer par les limites contractuelles liant l'assureur et son assurée. Toutefois, dès lors que Swisslife propose les indemnités exposées ci-dessus, il convient de retenir que la SCP de notaires pourra prétendre obtenir au minimum ces sommes et que le montant de la provision à laquelle elle aura droit s'évaluera sur la base de ces sommes et selon les factures et acomptes réglés.

Sur ce point, il ressort des pièces produites que les factures suivantes doivent être prises en compte pour connaître les montants déjà réglés par la SCP de notaires et par conséquence la provision qui pourra lui être accordée :

note d'honoraires de l'architecte :

du 1er avril 2022 d'un montant de 12 000 euros ;

du 6 mai 2022 d'un montant de 7 200 euros ;

du 10 juin 2022 d'un montant de 7 200 euros ;

facture de la société Apave du 22 mars 2022 d'un montant de 666 euros ;

factures de la société Apave du 28 avril 2022 d'un montant de 632,70 euros et 843,60 euros ;

factures de la société Di muzio frères du :

28 mars 2022 d'un montant de 8 058,85 euros ;

28 avril 2022 d'un montant de 14 262,71 euros ;

28 avril 2022 d'un montant de 35 858,44 euros ;

28 avril 2022 d'un montant de 13 355,31 euros ;

27 mai 2022 d'un montant de 58 542,24 euros ;

27 mai 2022 d'un montant de 5 181,62 euros ;

27 mai 2022 d'un montant de 29 859,95 euros ;

8 juin 2022, avoir d'un montant de 30 725,60 euros à déduire ;

facture de la société Kone du 11 mars 2022 d'un montant de 29 597,40 euros ;

facture de la société Stami du 30 avril 2022 d'un montant de 21 580,87 euros ;

facture de la société Stami du 4 juillet 2022 d'un montant de 35 968,12 euros ;

factures de la société Declercq et debruyne du :

17 mars 2022 d'un montant de 6 189,44 euros ;

17 mars 2022 d'un montant de 764,59 euros ;

2 juin 2022 d'un montant de 3 596,22 euros ;

facture de la société Eva domotique du 5 mai 2022 d'un montant de

15 025,74 euros ;

facture de la société Eva domotique d'un montant de 4 326,18 euros ;

facture de la société Catteau du 30 juin 2022 d'un montant de 21 364,34 euros ;

facture d'honoraires d'expert de la société expertises Galtier du 16 novembre 2021 d'un montant de 30 487,94 euros.

Après déduction de l'avoir d'un montant de 30 725,60 euros, le total de ces factures s'élève à la somme de 331 836,66 euros.

En revanche, les frais d'honoraires d'expert d'un montant de 30 487,94 euros peuvent faire l'objet d'une contestation sérieuse dès lors que la garantie de l'assureur limite la prise en charge de tels frais. En effet, les conditions générales produites stipulent que ces frais pourront être pris en charge dans la limite de la somme calculée de la manière suivante :

4,5% de 150 000 euros (lorsque l'indemnité totale est supérieure à 150 000 euros) ;

+ 1% du surplus dès lors que l'indemnité totale est inférieure à 1 450 000 euros.

Le montant de l'indemnité totale restant à définir en raison de la contestation de la quittance, il n'est pas possible en l'état de déterminer avec précision le montant des frais d'honoraires d'expert devant être pris en charge par l'assureur. Il sera néanmoins tenu compte des montants indiqués dans la quittance pour ces frais et il conviendra ainsi de retenir que l'assurée peut au minimum prétendre obtenir une indemnisation à hauteur de 8 169,20 euros par son assureur au titre des frais d'honoraires d'expert, montant correspondant à l'indemnité immédiate pour ces frais, la cour rappelant que les modalités de règlement de l'indemnité différée ne relève pas du juge des référés.

Dès lors, le montant total réglé par la SCP de notaires et dont il n'est pas sérieusement contestable qu'il devra être pris en charge par Swisslife s'élève à la somme de 309 517,92 euros (frais d'honoraires d'expert réduit à la somme de

8 169,20 euros, soit 30 487,94 euros ' 8 169,20 euros = 22 318,74 euros ;

331 836,66 euros ' 22 318,74 euros = 309 517,92 euros).

Concernant les montants déjà réglés par l'assureur, la SCP de notaires ne conteste pas avoir reçu un règlement de son assureur d'un montant de 264 249,87 euros.

Les pièces produites par Swisslife permettent également d'établir que cet assureur a également réglé les sommes suivantes :

15 000 euros d'acompte le 10 mai 2019 à son assurée ;

10 839,22 euros le 31 octobre 2019 à la société Belfor france au titre de la délégation de paiement pour la décontamination ;

10 000 euros d'acompte le 11 mai 2020 à son assurée ;

17 145,77 euros le 20 janvier 2022 à la société Ads décontamination.

Au total, Swisslife justifie ainsi avoir déjà versé la somme totale de 317 234,86 euros.

Par conséquent, Swisslife a déjà réglé un montant supérieur au montant total justifié par son assurée et qui ne peut faire l'objet d'une contestation sérieuse au sens de l'article 835 du code de procédure civile.

Le contrat subordonnant le règlement de l'indemnité différée à la production des factures d'exécution des travaux, dès lors qu'il est sérieusement contestable que les factures produites concernent l'intégralité des travaux de remise en état, l'assureur ne peut être condamné au versement d'une provision correspondant à l'indemnité différée et donc à faire l'avance de cette indemnité différée alors que le versement de celle-ci est subordonné à la reconstruction dont il n'est pas encore justifié à ce stade, étant rappelé que le montant même de cette indemnité différée est contestée par l'assurée. En l'espèce, l'analyse consistant à distinguer les factures pouvant relever d'une prise en charge au titre de l'indemnité immédiate ou de l'indemnité différée relève du juge du fond et non du juge des référés.

En conséquence, la cour considère qu'il est sérieusement contestable que les montants déjà perçus par la SCP de notaires soient insuffisants eu égard aux factures produites et qu'il n'y a pas lieu de condamner Swisslife au paiement d'une provision.

En revanche, le règlement de Swisslife de 264 249,87 euros étant intervenu le 20 janvier 2022, soit avant l'ordonnance critiquée, il convient d'infirmer cette ordonnance uniquement en ce qu'elle a condamné Swisslife à payer à la SCP de notaires la somme provisionnelle de 150 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive due par l'assureur à son assurée au titre du contrat d'assurance multirisques professionnels.

Sur l'appel en garantie formé par Swisslife à l'encontre d'Axa

Swisslife demande à la cour de déclarer opposable à Axa la procédure en cours et de la condamner à la garantir des condamnations éventuellement prononcées à encontre en sa qualité d'assureur du restaurant.

Axa, en tant qu'assureur responsabilité civile du restaurant pourra voir sa responsabilité recherchée sur le fondement de l'article 1242 du code civil s'il est prouvé que l'incendie doit être attribué à sa faute ou à la faute des personnes dont il est responsable.

Or, en l'espèce, l'expert judiciaire n'a pas rendu son rapport définitif et en l'état des avancées de l'expertise, il n'est pas possible d'affirmer que le restaurant ou une personne dont il est responsable ait commis une faute à l'origine de l'incendie.

En conséquence, il est prématuré de rechercher la responsabilité du restaurant ou de son assureur responsabilité civile et la demande de Swisslife à l'encontre d'Axa se heurte ainsi à une contestation sérieuse au sens de l'article 835 du code de procédure civile.

Il sera par ailleurs donné acte à la SCP de notaires qu'elle ne formule dans le cadre de la présente procédure aucune demande à l'encontre d'Axa en sa qualité d'assureur pour ses pertes d'exploitation.

L'ordonnance sera ainsi confirmée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur l'appel en garantie formé par Swisslife à l'encontre d'Axa.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer l'ordonnance querellée sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

En effet, les frais irrépétibles engagés par la SCP de notaires antérieurement au règlement de son assureur intervenu cinq jours avant l'ordonnance querellée justifie de ne pas infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné Swisslife à payer à la SCP de notaires la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Swisslife et la SCP de notaires qui succombent seront condamnées aux entiers dépens d'appel et Swisslife sera condamnée à payer à Axa une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Confirme l'ordonnance de référé rendue le 25 janvier 2022 par le président du tribunal judiciaire de Lille sauf en ce qu'elle a condamné la SA Swisslife assurances de biens à payer à la SCP [K] ' [T] ' [C] la somme provisionnelle de 150 000 euros à valoir sur l'indemnisation définitive due par l'assureur à son assurée au titre du contrat d'assurance multirisques professionnels,

L'infirme de ce chef,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à provision,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la SA Swisslife assurances de biens et la SCP [K] ' [T] ' [C] aux dépens d'appel,

Condamne la SA Swisslife assurances de biens à payer à la SA Axa France Iard la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier

Harmony Poyteau

Le Président

Guillaume Salomon


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 22/01142
Date de la décision : 16/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-16;22.01142 ?
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