République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 16/02/2023
N° de MINUTE : 23/187
N° RG 22/00263 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UB3O
Jugement (N° 21/01297) rendu le 05 Janvier 2022 par le Juge de l'exécution de Cambrai
APPELANT
Monsieur [J] [N]
né le 28 Septembre 1976 à [Localité 9]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me Loïc Le Roy, avocat au barreau de Douai, avocat constitué assisté de Me Nicolas Ballaloud, avocat au barreau d'Annecy, avocat plaidant
INTIMÉE
SA Clesence prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Cathy Beauchart, avocat au barreau de Cambrai, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 19 janvier 2023 tenue par Sylvie Collière, magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 février 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 10 janvier 2023
****
EXPOSE DU LITIGE
Par acte notarié en date du 4 mai 1999 la société Maisons du Cil, aux droits de laquelle vient la société Clésence, a acquis de la SA d'HLM du Hainaut un ensemble immobilier situé [Adresse 2] cadastré section [Cadastre 6].
La société venderesse avait elle-même fait l`acquisition de cet ensemble le 7 mars 1985 de Mme [D], laquelle conservait pour elle une partie des bâtiments, cadastrés section [Cadastre 5].
Cet acte précisait que les biens vendus consistaient en une maison d'un étage et grenier et de ' divers bâtiments à usage de garage' et contenait la clause suivante, intégralement retranscrite dans l'acte du 4 mai 1999 :
'L'immeuble présentement vendu et celui contigu cadastré section [Cadastre 5] restant appartenir à la venderesse et dont l'origine de propriété est identique à celle de l'immeuble objet des présentes, sont délimités au plan sus-énoncé.
Par suite, la situation quant aux mitoyennetés, servitudes et conditions particulières de la vente résultera des indications portées audit plan, étant
précisé :
- que les 89 m² de servitude de passage sur la parcelle cadastrée section [Cadastre 5] devront être libres de tout véhicule ;
-que le droit de passage pourra être exercé en tout temps et toute heure par les propriétaires des immeubles section [Cadastre 6], les membres de leur famille, leurs domestiques et employés, puis ultérieurement dans les mêmes conditions par les propriétaires successifs de l'immeuble présentement vendu pour se rendre à celui-ci et en revenir, avec les instruments, machines ou autres choses nécessaires à la seule exploitation de l'immeuble à l'exception de tout droit de stationnement (...)
L'entretien de l'ensemble de la servitude de passage, murs et plafond sera assuré aux frais exclusifs de l'acquéreur et des propriétaires successifs.'
Le fonds servant, initialement cadastré section [Cadastre 5] a, par la suite, été divisé en trois fonds cadastrés section [Cadastre 7],[Cadastre 8] et[Cadastre 4].
M. [J] [N] a acquis les fonds cadastrés section [Cadastre 8] et [Cadastre 4] le 1er avril 2016. Au titre des servitudes, l'acte de vente reprenait les termes de la servitude bénéficiant au fonds cadastré section [Cadastre 6].
Par jugement du 12 décembre 2019, le tribunal de grande instance de Cambrai a :
- dit que la servitude consentie par acte notarié du 7 mars 1985 est destinée au passage piétonnier, mais également au passage de véhicules motorisés à deux et quatre roues ;
- condamné M. [N] à procéder ou faire procéder à la dépose de l'arceau et tout autre obstacle à la circulation des véhicules sur la servitude de passage et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision ;
- dit que passé ce délai et à défaut d'exécution, une astreinte de 150 euros par jour de retard commencera à courir contre M. [N] et ce, pendant une période de quatre mois ;
- condamné M. [N] à verser à la société Clésence une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- condamné la société Clésence à procéder ou faire procéder à l'entretien du passage voûté, à réparer et repeindre les murs et plafonds dudit passage et à faire toutes démarches utiles pour la reprise et la sécurisation des gaines électriques et ce, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision ;
- dit que passé ce délai et à défaut d'exécution, une astreinte de 100 euros par jour de retard commencera à courir contre la société Clesence et ce pendant une période de quatre mois ;
- condamné la société Clésence à payer à M. [N] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
- ordonné l'exécution provisoire.
Cette décision a été signifiée à M. [N] le 23 décembre 2019 et à la société Clésence le 16 novembre 2020.
Par déclaration du 22 janvier 2020, M. [N] a interjeté appel de ce jugement.
Par arrêt du 23 juin 2022, la cour d'appel de Douai a notamment :
- infirmé le jugement sauf en ce qu'il a :
* condamné M. [N] à procéder ou faire procéder à la dépose de l'arceau et tout autre obstacle à la circulation des véhicules sur la servitude de passage dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, passé ce délai et à défaut d'exécution, sous astreinte de 150 euros par jour de retard pendant une période de quatre mois ;
* condamné la société Clésence à payer à M. [N] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
- dit que la servitude consentie par acte notarié du 7 mars 1985 est destinée au passage des piétons et des véhicules motorisés à deux ou quatre roues des occupants des garages du fonds dominant et à tout véhicule nécessaire à l'exploitation de l'immeuble, à l'exception de tout stationnement dans le passage ;
- condamné M. [N] à payer à la société d'HLM Clésence la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice de jouissance subi ;
- condamné la société d'HLM Clésence à procéder ou faire procéder à ses frais exclusifs, aux travaux suivants d'entretien et de réparation des porte, murs et plafond de l'ensemble de l'assiette de la servitude :
* badigeon à la chaux naturelle sur les moulures
* poses d'enduit lisse à la chaux sur les parties briques
* peinture des soubassements dans le ton d'origine
* pose de faux plafond en BA 13 hydrofuge au niveau de l'ancien plafond et projection de plâtre, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, quatre mois après signification de l'arrêt, pendant quatre mois ;
- déclaré irrecevables les demandes de M. [N] au titre des frais de réparation de la porte cochère, du préjudice moral et du préjudice financier.
Entre temps, par acte du 27 août 2021, M. [N] avait fait assigner la société Clésence devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Cambrai aux fins de voir liquider l'astreinte prononcée par le jugement du 12 décembre 2019, fixer une nouvelle astreinte et obtenir le paiement de dommages et intérêts.
Par jugement du 5 janvier 2022, le juge de l'exécution a :
- déclaré irrecevable la demande de dommages et intérêts ;
- débouté M. [N] de ses demandes ;
- autorisé la société HLM Clésence à faire réaliser les travaux définis par M. [W], architecte du patrimoine, par les professionnels de son choix et sous astreinte de 500 euros par refus dûment constaté de M. [N] de laisser libre accès au chantier, et ce à partir d'un délai de 15 jours suivant signification de la présente décision et pendant 8 mois ;
- condamné M. [N] à payer à la société HLM Clésence la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [N] aux dépens de l'instance.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 17 janvier 2022, M. [N] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Par ordonnance du premier président de la cour d'appel de Douai du 28 avril 2022, M. [N] a été débouté de sa demande de sursis à exécution du jugement déféré.
Aux termes de ses dernières conclusions du 6 janvier 2023, il demande à la cour, sur le fondement des articles L. 131-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution et 1240 du code civil, d'infirmer le jugement et en conséquence de :
- constater que la société Clésence n'a pas exécuté la condamnation ordonnée le 12 décembre 2019 par le tribunal de grande instance de Cambrai ;
- liquider l'astreinte au montant fixé par le tribunal de grande instance de Cambrai par jugement du 12 décembre 2019 à savoir 100 euros par jour de retard pendant une durée de quatre mois à compter du 16 décembre 2020 jusqu'au 16 avril 2021 ;
- condamner la société Clésence à lui verser la somme de 12 100 euros au titre de l'astreinte ;
- condamner la société Clésence à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts ;
- condamner la société Clésence à lui payer la somme de 9 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société Clesence aux dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 3 janvier 2023, la société Clésence demande à la cour de :
- constater que la demande de liquidation d'astreinte et la demande de prononcé d'une astreinte définitive sont devenues sans objets depuis l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 23 juin 2022 qui infirme partiellement le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Cambrai du 12 décembre 2019 ;
- subsidiairement confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [N] de sa demande de liquidation d'astreinte et de sa demande de prononcé d'une astreinte définitive ;
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a autorisée à faire réaliser les travaux définis par M. [W], architecte du patrimoine, par les professionnels de son choix et sous astreinte de 500 euros par refus dûment constaté de M. [N] de laisser libre accès au chantier, et ce à partir d'un délai de 15 jours, suivant la signification du jugement et pendant huit mois, condamné M. [N] à lui payer la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux
dépens ;
- y ajoutant condamner M. [N] au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;
- à titre infiniment subsidiaire, limiter la liquidation d'astreinte et dire que l'astreinte n'a pas pu courir du 17 mars 2020 au 10 mai 2020, période de confinement national ;
- débouter M. [N] de sa demande d'astreinte définitive, de sa demande de dommages et intérêts et de toutes demandes plus amples ou contraires.
MOTIFS
Sur la liquidation de l'astreinte :
Si le jugement du 12 décembre 2019 qui avait condamné la société Clésence à procéder ou faire procéder à l'entretien du passage voûté, à réparer et repeindre les murs et plafonds dudit passage et à faire toutes démarches utiles pour la reprise et la sécurisation des gaines électriques et ce, dans un délai d'un mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant quatre mois passé ce délai, a été confirmé sur le principe de la condamnation de la société Clésence, l'arrêt du 23 juin 2022 l'a infirmé sur les modalités et sur le point de départ de l'astreinte, condamnant la société d'HLM Clésence à procéder ou faire procéder à ses frais exclusifs, aux travaux suivants d'entretien et de réparation des porte, murs et plafond de l'ensemble de l'assiette de la servitude :
- badigeon à la chaux naturelle sur les moulures
- poses d'enduit lisse à la chaux sur les parties briques
- peinture des soubassements dans le ton d'origine
- pose de faux plafond en BA 13 hydrofuge au niveau de l'ancien plafond et projection de plâtre, et ce sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard, quatre mois après signification de l'arrêt, pendant quatre mois.
Il convient donc de déclarer sans objet la demande de liquidation de l'astreinte fixée par le jugement du 12 décembre 2019 formée par M. [N] à l'encontre de la société Clésence et la demande subséquente en paiement du montant de l'astreinte liquidée.
La cour relève qu'il n'est pas demandé par M. [N] dans ses dernières conclusions la fixation d'une nouvelle astreinte (dont l'arrêt du 23 juin 2022 a d'ailleurs assorti la condamnation de la société Clésence à exécuter les travaux d'entretien et de réparation susvisés). Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il avait rejeté cette demande.
Sur la demande de dommages et intérêts :
Selon l'article L. 121-3 du code des procédures civiles d'exécution, le juge de l'exécution a le pouvoir de condamner le débiteur à des dommages et intérêts en cas de résistance abusive.
Il résulte de ces dispositions que le juge de l'exécution ne pouvait déclarer la demande indemnitaire de M. [N] irrecevable au motif qu'aucune mesure d'exécution forcée ou mesure conservatoire n'avait été pratiquée. Le jugement sera donc infirmé de ce chef et la demande indemnitaire déclarée recevable.
Toutefois, M. [N] ne peut reprocher à la société Clésence de ne pas avoir exécuté le jugement du 12 décembre 2019 en refusant d'exécuter 'son obligation' alors que celle-ci a été modifiée par l'arrêt du 23 juin 2022 dont l'exécution n'est pas ici en cause. Quant au manque de sécurisation du passage voûté, force est de constater, en tout état de cause, que la société Clésence n'a pas été condamnée à sécuriser le passage.
Il convient donc de débouter M. [N] de sa demande indemnitaire.
Sur le chef du jugement déféré ayant autorisé la société Clésence à faire réaliser des travaux sous astreinte de 500 euros par refus dûment constaté de M. [N] :
Le chef du jugement déféré ayant autorisé la société HLM Clésence à faire réaliser les travaux définis par M. [W], architecte du patrimoine, par les professionnels de son choix et sous astreinte de 500 euros par refus dûment constaté de M. [N] de laisser libre accès au chantier, et ce à partir d'un délai de 15 jours suivant signification de la décision ne fait l'objet d'aucune prétention dans le dispositif des dernières conclusions de M. [N] de sorte que la cour ne peut que confirmer la décision déférée de ce chef.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le sens de la présente décision conduit à confirmer le jugement déféré en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Partie perdante en appel, M. [N] sera condamné aux dépens d'appel, débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles et condamné à régler à la société Clésence au titre des frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer en appel la somme de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Déclare sans objet la demande de liquidation de l'astreinte fixée par le jugement du 12 décembre 2019 formée par M. [J] [N] à l'encontre de la société Clésence et la demande subséquente en paiement du montant de l'astreinte
liquidée ;
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré la demande en dommages et intérêts de M. [N] irrecevable ;
Statuant à nouveau de ce chef,
Déclare la demande indemnitaire de M. [J] [N] recevable ;
Déboute M. [J] [N] de sa demande indemnitaire ;
Confirme le jugement déféré sur le surplus ;
Y ajoutant,
Déboute M. [J] [N] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel ;
Condamne M. [J] [N] à payer à la société Clésence la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'appel ;
Condamne M. [J] [N] aux dépens d'appel.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Sylvie COLLIERE