République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 16/02/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 21/03493 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TWS6
Jugement (N° 20/001311)
rendu le 22 juin 2021 par le tribunal d'instance de Lille
APPELANTE
Madame [Y] [S]
demeurant [Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Arnaud Vercaigne, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, substitué à l'audience par Me Chloé Schulthess, avocat au barreau de Lille
INTIMÉ
Monsieur [T] [G]
demeurant [Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Me William Watel, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 28 novembre 2022 tenue par Catherine Courteille magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, président de chambre
Bruno Poupet, président de chambre
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 février 2023 après prorogation du délibéré en date du 09 février 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 12 septembre 2022
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Vu le jugement du tribunal judiciaire de Lille en date du 22 juin 2021,
Vu la déclaration d'appel de Mme [Y] [S] du 29 juin 2021,
Vu les conclusions de Mme [Y] [S] du 29 mars 2022,
Vu les conclusions de [T] [G] du 10 décembre 2021,
Vu l'ordonnance de clôture du 12 septembre 2022.
EXPOSE DU LITIGE
Mme [Y] [S] est propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 1].
M. [T] [G] est propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 2].
Les deux immeubles sont contigus.
Se plaignant des arbres implantés sur le terrain de son voisin, Mme [Y] [S] a, par acte d'huissier en date du 09 juin 2020, fait assigner M. [G] devant le tribunal judiciaire de Lille aux fins de le voir condamner à abattre certains arbres et à élaguer certains autres.
Par jugement en date du 22 juin 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :
- débouté Mme [S] de ses demandes,
- condamné Mme [S] à payer à M. [G] la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Par déclaration en date du 29 juin 2021, Mme [S] a interjeté appel de la décision (RG n°21/3493).
Par dernières conclusions du 29 mars 2022, Mme [S] demande à la cour de:
- infirmer le jugement,
- juger que Mme [S] est bien fondée dans son action fondée sur l'existence d'un trouble anormal de voisinage et condamner en conséquence M. [G] à abattre les arbres se trouvant sur son terrain à proximité du mur mitoyen de l'extension de l'immeuble de Mme [S],
- condamner M. [G] sur les fondements des articles 671 et suivants à couper les branches des arbres et arbustes situés le long de la clôture en plaques de béton délimitant sa propriété de celle de Mme [S] et surplombant celle-ci,
- assortir ces deux condamnations d'une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du trentième jour suivant la signification du jugement et pour une durée de quatre mos,
- condamner M. [G] au remboursement du coût des constats d'huissier,
- condamner M. [G] à payer à Mme [S] la somme de 3000 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamner M. [G] à payer à Mme [S] la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Par conclusions en date du 10 décembre 2021, M. [T] [G] demande à la cour, au visa des articles L110 et L 110-2 du code de l'environnement, 670 et suivants du code civil, 1353 du code civil et l'article 9 du code de procédure civile, de :
- dire mal appelé bien jugé,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes,
Réformant le jugement sur le surplus et statuant à nouveau :
- débouter Mme [S] de l'ensemble de ses demandes, fins et concluisons,
- dire n'y avoir lieu à astreinte,
- condamner reconventionnellement Mme [S] à payer à M. [G] la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- condamner Mme [S] à payer à M [G] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens tant de première instance que d'appel,
- dire et juger qu'à défaut de règlement spontané des condamnations, prononcer dans le jugement à intervenir, que l'exécution forcée devant être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article A. 444-32 du Code de commerce devra être supporté par Mme [S].
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l'audience et rappelées ci-dessus.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1-Sur le trouble anormal de voisinage
L'action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extra-contractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l'immeuble à l'origine du trouble, responsable de plein droit.
Mme [S] soutient que des arbres de hautes tiges plantés sur la parcelle de son voisin à distance de sa propriété lui causent des troubles excédant les inconvénients normaux de voisinage.
M. [G] objecte que les arbres bénéficient d'une protection au titre de la préservation de l'environnement.
Il est constant que les arbres incriminés plantés sur la parcelle de M. [G] sont distants de plus de 2 mètres du mur de clôture de Mme [S].
Mme [S] soutient que les feuilles des arbres de son voisin emplissent le chéneau de la toiture de l'extension de sa maison la contraignant à intervenir régulièrement, elle ajoute que les feuilles s'amoncellent dans son jardin et sur son trottoir l'obligeant à des nettoyages réguliers et produit des constats réalisés par Me [F], huissier de justice, en février et novembre 2021, montrant la toiture de son extension, son jardin et le trottoir sur la rue.
Il sera observé que l'immeuble de Mme [S] et celui de son voisin sont situés dans une zone résidentielle et pavillonnaire de [Localité 3] où la plupart des immeubles sont entourés de jardins arborés.
Les photographies figurant sur le constat d'huissier montrent effectivement la présence de feuilles mortes, ce qui est attendu en automne, toutefois, il apparaît que les quantités de feuilles présentes tant sur le toit que dans le jardin de Mme [S] ne sont pas excessives, on voit ainsi un seau à moitié rempli de feuilles, supposé être la collecte du jour (photographie n°21), sur la pelouse du jardin de Mme [S] quelques feuilles, enfin il est curieux de constater dans la rue qu'il y a plus de feuilles devant la maison de Mme [S] que devant la propriété de M. [G].
Il n'est pas constaté un envahissement du jardin de Mme [S] par les feuilles.
Mme [S] soutient également que les branches des arbres de son voisin « se dirigent » vers son fonds et produit un constat réalisé le 17 février 2021, montrant le jardin voisin, il ressort des photographies que si des branches se dirigent vers le fonds de Mme [S] aucune branche ne surplombe son fonds (photographie n°5).
Sur le constat établi le 17 novembre 2021, on peut compter cinq feuilles sur la terrasse de Mme [S], ce qui n'apparaît pas excessif au regard de la situation de sa maison.
Outre que les feuilles présentes sur le fonds de Mme [S] ne proviennent pas toutes nécessairement de la parcelle de M. [G], il s'observe que Mme [S] ne justifie pas de ce que ses canalisations seraient bouchées par les feuilles, il apparaît dès lors que les désagréments liés à la chute des feuilles en automne, n'excèdent pas les inconvénient normaux de voisinage que doit supporter le propriétaire d'un immeuble situé dans une zone pavillonnaire, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de ce chef .
2-Sur la demande d'élagage
L'article 671 du code civil énonce qu' « il n'est permis d'avoir des arbres, arbrisseaux et arbustes près de la limite de la propriété voisine qu'à la distance prescrite par les règlements particuliers actuellement existants, ou par des usages constants et reconnus et, à défaut de règlements et usages, qu'à la distance de deux mètres de la ligne séparative des deux héritages pour les plantations dont la hauteur dépasse deux mètres, et à la distance d'un demi-mètre pour les autres plantations.
Les arbres, arbustes et arbrisseaux de toute espèce peuvent être plantés en espaliers, de chaque côté du mur séparatif, sans que l'on soit tenu d'observer aucune distance, mais ils ne pourront dépasser la crête du mur.
Si le mur n'est pas mitoyen, le propriétaire seul a le droit d'y appuyer les espaliers.»
L'article 672 du code civil dispose que « le voisin peut exiger que les arbres, arbrisseaux et arbustes, plantés à une distance moindre que la distance légale, soient arrachés ou réduits à la hauteur déterminée dans l'article précédent, à moins qu'il n'y ait titre, destination du père de famille ou prescription trentenaire.
Si les arbres meurent ou s'ils sont coupés ou arrachés, le voisin ne peut les remplacer qu'en observant les distances légales. »
Selon l'article 673 du code civil « celui sur la propriété duquel avancent les branches des arbres, arbustes et arbrisseaux du voisin peut contraindre celui-ci à les couper. Les fruits tombés naturellement de ces branches lui appartiennent.
Si ce sont les racines, ronces ou brindilles qui avancent sur son héritage, il a le droit de les couper lui-même à la limite de la ligne séparative.
Le droit de couper les racines, ronces et brindilles ou de faire couper les branches des arbres, arbustes ou arbrisseaux est imprescriptible. »
Mme [S] sollicite la condamnation sous astreinte de M. [G] à faire élaguer les arbustes implantés le long du mur séparant sa parcelle de celle de Mme [S], faisant valoir qu'elles dépassent.
M. [G] conteste les allégations de Mme [S].
Mme [S] produit (pièces 2 et 14) des photographies de son mur de clôture, ces photographies ne sont pas datées, on n'y voit aucune branche dépasser au-dessus du mur de clôture.
M. [G] produit de son côté un constat établi par Me [Z], huissier de justice, le 03 février 2021 qui met en évidence que les arbres et arbustes sont implantés à plus de deux mètres de la limite séparant les deux fonds et qu'aucune branche ne surplombe la propriété voisine, les arbustes étant taillés.
Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a débouté Mme [S] de ce chef.
3- demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
M. [G] sollicite la condamnation de Mme [S] à lui payer la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
Ne justifiant d'aucun préjudice distinct de celui indemnisé par l'allocation d'une indemnité de procédure, M. [G] sera débouté de sa demande à ce titre.
4-sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Mme [S] sera déboutée de ses demandes au titre des frais irrépétibles, des frais d'huissier et des dépens, succombant, elle sera condamnée à payer à M. [G] une somme de 1500 euros au titre des frais exposés en appel ainsi qu'aux dépens, M. [G] sera débouté de sa demande tendant à l'application des dispositions de l'article A 444-32 du code de commerce.
PAR CES MOTIFS
La cour
Statuant publiquement, par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement,
Y ajoutant
Déboute M. [T] [G] de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
Déboute Mme [S] de ses demandes au titre des frais irrépétibles, des frais d'huissier et des dépens,
Déboute M. [G] de sa demande tendant à l'application des dispositions de l'article A 444-32 du code de commerce,
Condamne Mme [Y] [S] à payer à M. [T] [G] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [Y] [S] aux dépens d'appel,
Le Greffier Le Président
[B] [X]
Catherine Courteille