COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00272 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UYDQ
N° de Minute : 280
Ordonnance du mercredi 15 février 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [U] [J]
le 27 novembre 1973 à [Localité 1] en Algérie
de nationalité algérienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 4]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Louis YARROUDH-FEURION, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office
INTIMÉ
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Danielle THÉBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du mercredi 15 février 2023 à 13 h 15
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le mercredi 15 février 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 10 février 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE ;
Vu l'appel interjeté par M. [U] [J] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 13 février 2023sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu les observations de M. [J] ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSE DU LITIGE
A sa levée d'écrou du centre pénitentiaire d'annoeulin, le 3 février 2023M. [U] [J], né le 27 novembre 1973 à [Localité 1] (Algérie), de nationalité algérienne, à fait l'objet d'un placement en rétention administrative le 3 février 2023 notifié à 9 heures ordonné par M. Le Préfet du Nord, sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire français pris par la même autorité le 3 février 2023.
Vu l'ordonnance du 5 février 2023 du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Lille, ordonnant la prolongation de la rétention de M. [U] [J] pour une durée de 28 jours et ordonnant à l'administration de faire procéder dans un délai de 24 heures après la 'n de l'hospitalisation et le retour de M. [U] [J] dans les locaux de rétention administrative, à un examen médical pour s'assurer de la compatibilité de l'état de santé avec le maintien en rétention ;
Vu la requête adressée le 9 février 2023 par M. [U] [J] au juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Lille sollicitant sur le fondement de l'article R. 742-2 du Code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la levée de la mesure de rétention et sa mise en liberté, au motif que son état de santé était incompatible avec la mesure de rétention ;
Vu l'ordonnance du 10 février 2023 du juge des libertés et de la détention près le tribunal judiciaire de Lille rejetant la demande de mise en liberté de M. [U] [J] et ordonnant son maintien dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, décision notifiée à l'intéressé le 10 février 2023 à 16h15 ;
Vu l'appel motivé interjeté le 13 février 2023 à 16h10, par M. [U] [J] au terme duquel il sollicite la main levé de son placement en rétention administratif au motif que son état de santé n'était pas compatible avec le mesure de rétention ;
Vu les demandes d'observations transmises le 14 février 2023 à M. [U] [J], et au préfet du Nord ;
Vu les observations de M. [U] [J] reçu à la cour d'appel le 14 février 2023, aux termes desquelles il indique qu'à son retour au centre de rétention le 7 février 2023, il a de nouveau attenté à sa vie et a été emmené au CHU de [Localité 5] ; que le 08 février 2023, il a à nouveau attenté à sa vie et a été placé en isolement ; que son état psychologique ne cesse de se dégrader depuis son arrivé en centre de rétention; qu'aucun examen médicale n'a été effectué par l'administration aux fins de vérifier si son état de santé était compatible avec la mesure de rétention.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Selon l'article R 742-2'du CESEDA, le juge des'libertés'et de la détention est saisi par'l'étranger'qui'demande'qu'il soit'mis'fin à sa'rétention'en application de l'article L.'742-8'par simple requête, dans les conditions prévues au chapitre III. La requête est adressée par tout moyen au greffe du tribunal compétent en application de l'article R.'743-1.
En outre aux termes de l'article'L 743-8'du même code, hors des audiences de prolongation de la'rétention'prévues au présent chapitre,'l'étranger'peut'demander'qu'il soit'mis'fin à sa'rétention'en saisissant le juge des'libertés'et de la détention.
Le placement en rétention administrative est soumis au principe de proportionnalité apprécié par le juge, notamment lorsque la privation de liberté qu'il entraîne est en opposition avec l'exercice d'un autre droit légitime revendiqué par l'étranger.
Ainsi, sauf à disposer d'un titre de séjour spécifiquement destiné à permettre à un étranger de recevoir des soins en France, la personne en situation irrégulière sur le territoire national et faisant l'objet d'un placement en rétention administrative, ne peut invoquer que son état de santé est incompatible avec un placement en rétention administrative que lorsque les soins qu'elle souhaite se voir dispenser en France sont urgents et vitaux pour la préservation de sa santé et ne peuvent être dispensés dans le cadre du service médical du Centre de Rétention Administrative.
La prise en compte de'l'état'de'santé'pour exclure l'éloignement de'l'étranger'est exclusivement réservée à l'autorité administrative sous le contrôle du juge administratif. Le juge judiciaire ne peut prendre en compte'l'état'de'santé'de'l'étranger'retenu que s'il est démontré que cet'état'de'santé'est'incompatible'avec la'rétention.
En l'espèce, M. [U] [J] invoque son'état'de'santé'qui serait'incompatible'avec la'rétention'administrative, précisant que des circonstances nouvelles de droit et de fait sont intervenues depuis la décision de 1ère prolongation, à savoir que le 7 février 2023, il a de nouveau attenté à sa vie et a été emmené au CHU de [Localité 5] ; que le 08 février 2023, il a attenté à sa vie et a été placé à l'isolement pour une durée indéterminée au regard de la dégradation de mon état de santé psychique ; que l'administration n'a pas réalisé l'examen médical ordonné par le juge des libertés que cela vicie la procédure ; que le 5 février 2023 lors de l'audience devant le juge des libertés, il était hospitalisé et qu'il n'a pas pu avoir accès à l'avocat de permanence et pu exercer ses droits ; et que le juge des libertés à commis une erreur d'appréciation lors de sa demande de main levée lors qu'il a indiqué qu'aucune pièce n'était produite sur l'état de santé allégué.
Le juge des libertés et de la détention a motivé le rejet de la main levé du placement en rétention, en considérant : «'qu'aucune circonstance nouvelle de fait ou de droit relatif à la mesure de rétention n'était intervenue depuis la prolongation autorisée par le juge des libertés et de la détention de Lille ; que lors de la dernière décision l'état de santé de l'intéressé était connu puisqu'un bulletin d'hospitalísation figure au dossier.
Au surplus, aucune pièce n'est produite sur l`état de santé allégué et il n'est pas plus établi que cet état de santé serait incompatible avec la mesure de rétention alors qu'il peut demander à accéder au médecin au centre. Le juge des libertés et de la détention ne dispose pas de pouvoir d'injonction auprès de l'administration pour lui enjoindre de faire d'évaluer l'état de santé de l'intéressé. ll sera néanmoins relevé que depuis la dernière décision, l'intéressé a été hospitalisé à [Localité 3] et aucun élément ne vient permettre de contester la rétention.'»
En l'espèce, les certificats médicaux établis les 16 janvier 2023, 20 janvier 2023 à l'hopital [2] de [Localité 5], montrent que M. [U] [J] bénéficie d'un suivi par un néphrologue pour une anomalie rénale chronique et une anomalie urinaire, qu'il a des rendez-vous d'imagerie médicale prévus le 13 février 2023 et 24 février 2023, et une consultation en médecine interne à l'hopital [2] avec le docteur [U] le 24 juillet 2023 ; qu'il est également suivi depuis le 12/10/21 par le service médico-psychologique régional (SMPR) au centre hospitalier de [Localité 5], bénéficiant d'une prescription médicamenteuses en relation avec des difficultés d'ordre psychologique et psychiatrique (DIAZEPAM, ZOPICLONE, MIANSERINE, AMISULORIDE) depuis 2021, traitement prescrit en également du 18/01/23 jusqu'en mars 2023 pour le traitement médicamenteux, il est constant que M. [U] [J] ne bénéfie pas de prise en charge psychiatrique et psychothérapique depuis qu'il se trouve en rétention.
L'hospitalisation de M. [U] [J] du 4 au 6 février 2023 à suite à une tentative de suicide, ainsi que le 7 février 2023, puis son placement à l'isolement le 8 février 2023 suite à un nouveau passage à l'acte auto-agressif, constituent des éléments nouveaux relativement à son'état'de'santé, justifiant de l'incompatibilité de son état de santé avec la rétention administrative, ce d'autant que l'administration enjointe par décision du 5 février 2023 à faire pratiquer un examen psychiatrique de l'intéressé pour vérifier la compatibilité de son état de santé avec la rétention, n'a pas déféré à cette demande, et que M. [U] [J] a postérieurement à l'audience du premier juge démontré son état de très grande détresse psychique en commettant des actes passages à l'actes auto agressifs. En outre, il est produit à l'audience, un certificat médical établi par le docteur [D], médecin spécialiste au centre hospitalier de [6], en date du 7 février 2023, que M. [J] souffre de 'psychose TSD' et qu'un avis psychiatrique, voir une hospitalisation en milieu spécialisé est nécessaire.
Il s'ensuit que l'état de santé de M. [U] [J] est incompatible avec la mesure de rétention administrative et que cette mesure doit être levée.
Il convient donc d'infirmer la décision du juge des'libertés'qui a rejeté la'demande'de'mise'en'liberté'de M. [U] [J].
PAR CES MOTIFS
Statuant, au terme de débats tenus publiquement, par ordonnance réputée contradictoire
INFIRME l'ordonnance,
Statuant à nouveau,
LEVE la mesure de rétention administrative de M. [U] [J],
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Véronique THÉRY,
greffière
Danielle THÉBAUD,
conseillère
N° RG 23/00272 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UYDQ
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 280 DU 15 Février 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le mercredi 15 février 2023 :
- M. [U] [J]
- l'interprète
- l'avocat de M. [U] [J]
- l'avocat de M. LE PREFET DU NORD
- décision notifiée à M. [U] [J] le mercredi 15 février 2023
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Louis YARROUDH-FEURION le mercredi 15 février 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le mercredi 15 février 2023
N° RG 23/00272 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UYDQ