COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00261 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UYCV
N° de Minute : 273
Ordonnance du mardi 14 février 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [D] [B]
né le 26 Mars 1997 à [Localité 3]
de nationalité Syrienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
assisté de Me Louis YARROUDH-FEURION, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de M. [Y] [M] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour
INTIMÉ
M. LE PREFET DU PAS DE [Localité 1]
dûment avisé, représenté par Maître Elif ICSEN, cabinet Centaure Avocats, barreau de Paris
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du mardi 14 février 2023 à 13 h 30
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le mardi 14 février 2023 à 16 H 00
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;
Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;
Vu l'accord du magistrat délégué ;
Vu l'ordonnance rendue le 12 février 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. [D] [B] ;
Vu l'appel motivé interjeté par M. [D] [B] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 13 février 2023 ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSE DU LITIGE
A la suite d'un contrôle d'identité de quatre personnes de nationalités syrienne- libyenne et érythréenne, [Adresse 5] à [Localité 1] le 10/02/2023 à 08h40, contrôle sur réquisitions du procureur de la République au visa de l'article 78-2 al 7 du code de procédure pénale, M. [D] [B], de nationalité syrienne, a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par monsieur le Préfet du Pas-de-Calais le 10/02/2023 (17h10) pour l'exécution d'un éloignement vers l'Allemagne au titre d'un arrêté de remise aux autorité allemandes en date du 10/02/2023 M. [D] [B] disposant d'un titre de séjour allemand en cours de validité.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
' Vu l'article 455 du code de procédure civile
' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 12/02/2023 (12h19) ,ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative.
' Vu la déclaration d'appel du 13/02/2023 à 10h43 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative
Au titre de sa déclaration d'appel M. [D] [B] soutient les moyens suivants :
Insuffisance de motivation en ce que l'ensemble des moyens contenus dans le recours en annulation du placement en rétention administrative n'ont pas été examinés par le juge des libertés et de la détention.
Défaut de motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative ne reprenant pas le parcours de l'appelant.
Absence de nécessité du placement en rétention administrative en ce que M. [D] [B] est venu en France faire du tourisme, était en possession des documents permettant de séjourner en Allemagne et entendait retourner en Allemagne.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur les moyens appréciés par le juge des libertés et de la détention
La procédure devant le juge des libertés et de la détention étant orale, l'abandon express à l'audience, par le requérant ou son conseil, de la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative déposée par l'étranger, ou d'une partie des moyens de celle-ci dispense le juge des libertés et de la détention de répondre aux moyens non soutenus oralement.
Aucun défaut de motivation ne peut donc être soutenu à l'encontre de la décision déférée.
2) Sur les moyens soulevés pour la première fois en cause d'appel
A/ Un mémoire en annulation du placement en rétention administrative ayant été déposé, l'ensemble des moyens contenus dans ce recours peuvent être invoqués devant la cour d'appel.
B/ L'obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l'acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l'intéressé et non stéréotypée.
Cependant, cette motivation n'est pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l'intéressé dès lors qu'elle contient des motifs spécifiques à l'étrangers sur lesquels l'autorité préfectorale a appuyé sa décision.
En l'espèce l'arrêté de placement en rétention administrative est motivé en relevant que M. [D] [B] ne dispose d'aucune adresse fixe et permanente en France susceptible de garantir le risque de fuite prévu par l'article L 751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Indépendamment de toute appréciation de fond, cette motivation est suffisante en soi, le préfet n'est pas tenu de motiver sa décision sur l'ensemble des critères de personnalité de l'étranger dés lors qu'il s'appuie sur des motifs suffisants pour justifier l'inanité du recours à l'assignation à résidence.
C/ Le moyen tiré de 'l'inutilité du placement en rétention administrative' relève en fait du contrôle de proportionnalité que le juge doit effectuer sur la mesure privative de liberté.
Cet examen de proportionnalité ne peut s'effectuer sur ce moyen précis que si l'étranger a déposé une requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative, dés lors que ledit contrôle de proportionnalité doit se qualifier d'examen de l'erreur d'appréciation lors de la prise de l'acte.
Tel est le cas en l'espèce, le moyen est recevable.
Le contrôle de proportionnalité doit évaluer la privation de liberté ordonnée par l'autorité administrative au regard de l'objectif de cette mesure, à savoir le risque de soustraction à l'exécution de la mesure d'éloignement tel que défini par les articles L 741-1 et L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Même si l'intéressé dispose, comme en l'espèce, de documents de voyage probant ( titre de séjour et documents de voyage allemands) justifiant son identité et sa nationalité, dés lors qu'il est acquis à l'examen des éléments de la procédure qu'il souhaite se fixer soit en France soit dans un autre pays européen, sans titre de séjour et qu'il ne présente pas de garantie de représentation suffisante pour être assigné à résidence ou qu'il a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, la mesure de placement en rétention administrative ne peut être considérée comme disproportionnée.
En l'espèce, s'il est acquis que l'intéressé dispose d'un titre de séjour en Allemagne il convient de considérer qu'il ne pouvait bénéficier d'une assignation à résidence faute d'adresse et, qu'en raison des circonstances de son interpellation, l'autorité préfectorale a légitimement pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que, sauf à être maintenu en rétention l'appelant aurait pour objectif de tenter de nouveau de se rendre clandestinement en Grande-Bretagne et non d'exécuter volontairement le titre d'éloignement en retournant en Allemagne comme elle l'affirme.
Le moyen sera rejeté.
La prolongation du placement en rétention administrative est nécessaire pour organiser la remise aux autorités allemandes.
Sur la notification de la décision à M. [D] [B]
En application de l'article R. 743-19 al 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance rendue par le premier président ou son délégué est communiquée au ministère public. Elle est notifiée sur place à l'étranger et à son conseil, s'il en a un, ainsi qu'à l'autorité qui a prononcé la rétention.
Les parties présentes en accusent réception. Le greffier la notifie par tout moyen et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accusent réception.
En l'absence de M. [D] [B] lors du prononcé de la décision, la présente ordonnance devra lui être notifiée par les soins du greffe du centre de rétention administrative et en tant que de besoin, par truchement d'un interprète.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [D] [B] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative.
LAISSE les dépens à la charge de l'État.
Véronique THÉRY, greffière
Danielle THEBAUD, conseillère
A l'attention du centre de rétention, le mardi 14 février 2023
Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : M. [Y] [M]
Le greffier
N° RG 23/00261 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UYCV
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 273 DU 14 Février 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 4]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
- M. [D] [B]
- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin
- nom de l'interprète (à renseigner) :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [D] [B] le mardi 14 février 2023
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS et à Maître Louis YARROUDH-FEURION le mardi 14 février 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le mardi 14 février 2023
N° RG 23/00261 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UYCV