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09/02/2023 | FRANCE | N°21/04442

France | France, Cour d'appel de Douai, Troisieme chambre, 09 février 2023, 21/04442


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ORDONNANCE DU 09/02/2023



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N° de MINUTE :23/47

N° RG 21/04442 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZOZ



Jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe du 06 Juillet 2021







DEMANDERESSE A L'INCIDENT



SELAS Miquel-Aras et Associes en qualité de mandataire judiciaire de Mme [E] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Intervenan

te Volontaire



Représentée par Me Frédérique Sedlak, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué



DEFENDERESSE A L'INCIDENT



SA Credit du Nord

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée p...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

TROISIEME CHAMBRE

ORDONNANCE DU 09/02/2023

*

* *

N° de MINUTE :23/47

N° RG 21/04442 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TZOZ

Jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Avesnes sur Helpe du 06 Juillet 2021

DEMANDERESSE A L'INCIDENT

SELAS Miquel-Aras et Associes en qualité de mandataire judiciaire de Mme [E] [S]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Intervenante Volontaire

Représentée par Me Frédérique Sedlak, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué

DEFENDERESSE A L'INCIDENT

SA Credit du Nord

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Patrick Houssiere, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe, avocat constitué

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT : Claire Bertin

GREFFIER : Harmony Poyteau

DÉBATS : à l'audience du 7 décembre 2022

ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 09/02/2023

***

EXPOSE DU LITIGE

1. Les faits et la procédure antérieure :

Considérant que la société Crédit du nord (le Crédit du nord) avait commis une faute dans la vérification de la validité et l'encaissement d'un chèque de banque daté du 25

juillet 2019 d'un montant de 85'750 euros tiré sur un compte ouvert dans les livres de la Banque postale, Mme [E] [S] veuve [B] (Mme [S]) a fait assigner, par acte du 1er avril 2021, le Crédit du nord devant le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe pour obtenir l'indemnisation de ses préjudices, ainsi que le remboursement d'un chèque de 5'000 euros qui aurait été débité de son compte bancaire plus d'un an après son émission.

2. Le jugement dont appel :

Par jugement rendu le 6 juillet 2021, le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe a :

1. déclaré recevable l'action de Mme [S] ;

2. débouté Mme [S] de l'ensemble de ses demandes ;

3. condamné Mme [S] à payer au Crédit du nord la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

4. condamné Mme [S] aux dépens, avec recouvrement direct au profit de la SCP Lemmens Houssière, avocats au barreau d'Avesnes-sur-Helpe.

3. La déclaration d'appel :

Par déclaration du 11 août 2021, Mme [S] a formé appel, dans des conditions de forme et de délai non contestées, de ce jugement en limitant sa contestation aux chefs du dispositif numérotés 2, 3, 4 ci-dessus.

4. Les prétentions et moyens des parties sur l'incident :

4.1. Aux termes de conclusions d'incident notifiées le 8 mars 2022, Mme [S], appelante principale, demande au conseiller de la mise en état de :

- ordonner au Crédit du nord la communication de l'original du chèque de banque n°17'7626461'E d'un montant de 85'750 euros émis par la Banque postale le 25 juillet 2019, et ce sous astreinte de 250 euros par jour de retard, laquelle commencera à courir quinze jours après le prononcé de la présente ordonnance et durant 90 jours, délai passé lequel il sera à nouveau fait droit ;

- condamner le Crédit du nord au paiement de la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Frédérique Sedlak, avocate aux offres de droit.

A l'appui de ses prétentions, Mme [S] fait valoir que :

- depuis le 4 février 2009, elle a ouvert plusieurs comptes bancaires, à titre personnel et professionnel dans le cadre de son activité de médecin cardiologue, auprès de l'agence du Crédit du nord de [Localité 4] ;

- à la suite du décès de son mari le 29 novembre 2013, elle a rencontré, lors des obsèques, un individu nommé M.'[D] [L], qu'elle ne connaissait pas auparavant, et à qui son mari avait prêté une somme globale de 85'750 euros ; un an plus tard, M. [L] avait reconnu ce prêt et s'était engagé auprès d'elle à le rembourser dans les meilleurs délais ;

- en juillet 2019, le Crédit du Nord l'avait informée avoir reçu, à son attention, un chèque de banque de 85'750 euros émis le 25 juillet 2019, tiré sur la Banque postale ;

- elle avait alors récupéré ce chèque et l'avait conservé le temps d'en rechercher la provenance'; quelques jours plus tard, M.'[L] l'avait contactée l'informant qu'elle pouvait l'encaisser, mais lui avait demandé toutefois de conserver par devers elle une somme de 15'000 à 20'000 euros à transférer sur un compte bancaire ouvert à son nom ; cependant, il ne lui avait jamais transmis les coordonnées dudit compte ;

- c'est dans ces conditions qu'elle a finalement décidé de présenter le chèque de banque à l'encaissement et que, par suite des réticences du Crédit du nord, elle s'est présentée le 13 août 2019 à l'agence, accompagnée de M. [L] qui a alors déclaré au préposé lui faire un don, et a remis une copie de sa pièce d'identité, de son permis de conduire et de son avis d'imposition ;

- le 16 août 2019, le chèque de 85'750 euros a été porté au crédit de son compte bancaire, et elle a, le 22 et 23 août 2019, effectué quatre virements de 5'000 euros chacun, et un virement de 10'000 euros ;

- le 22 août 2019, le Crédit du nord a rejeté le chèque de banque qui s'est avéré falsifié, mais a débité de son compte les virements d'un montant total de 30'000 euros qu'elle avait ordonnés ;

- le 28 août 2019, le Crédit du nord a déposé plainte contre x auprès de la gendarmerie de [Localité 4], puis le 4 septembre 2019, elle-même a déposé plainte pour escroquerie auprès de la gendarmerie d'[Localité 3] ;

- par courriers recommandés du 11 et 19 décembre 2019, le Crédit du nord a clôturé ses comptes courants personnel et professionnel, et provoqué la déchéance du terme des prêts bancaires qui lui avaient été accordés ;

- le Crédit du nord a commis une faute en ne vérifiant pas au préalable si le chèque de banque qu'elle avait remis à l'encaissement était valide ou non ;

- malgré sommation délivrée le 8 novembre 2021, le Crédit du nord s'abstient toujours de lui communiquer le chèque litigieux, pourtant indispensable à la solution du litige ;

- tout chèque de banque comporte la mention «'chèque de banque'» lisible au dos et marqué par un filigrane lisible par transparence et aisément décelable, aucun contrôle n'ayant été effectué par le préposé bancaire lors de la remise du chèque ;

- le Crédit du nord détient le chèque litigieux qu'il refuse de produire pour qu'en soit vérifiée la régularité.

Par conclusions incidentes du 20 juillet 2022 à 10 heures 43 aux fins de reprise d'instance, la SELAS Miquel-Aras et associés agissant en qualité de mandataire judiciaire de Mme [S] à la suite d'un jugement de redressement judiciaire prononcé par le tribunal judiciaire d'Avesnes-sur-Helpe le 8 février 2022, demande «'à la cour'», au visa des articles 369 et 373 du code de procédure civile, d'ordonner, par suite de son intervention volontaire, la reprise de l'instance initiée tant sur le fond que dans le cadre de l'incident formé pour obtenir la communication par l'intimé du chèque de banque falsifié.

4.2. Aux termes de ses conclusions incidentes récapitulatives notifiées le 5 septembre 2022, le Crédit du nord, intimé, demande au conseiller de la mise en état, au visa de l'article 369 du code de procédure civile, de :

- débouter Mme [S] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- renvoyer Mme [S] à faire diligence auprès de la Banque postale pour obtenir le chèque litigieux si, par impossible, elle ne se trouve pas en possession de celui-ci ;

- condamner Mme [S] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Lemmens-Houssière, avocats aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, le Crédit du nord fait valoir que :

- s'agissant de la recevabilité de l'incident, Mme [S] a régularisé la procédure par des conclusions du 20 juillet 2022 aux termes desquelles la SELAS Miquel-Aras et associés ès qualités est intervenue volontairement ;

- Mme [S] a fait preuve d'une grande légèreté et d'un manque particulier de discernement lors de la remise du chèque transmis par M. [L] dans des conditions singulières ;

- il a fait preuve de prudence et de diligence, et pris toutes les précautions nécessaires dans le cadre de ses obligations légales ;

- le chèque litigieux s'est avéré falsifié par suite de modification de ses cinq derniers chiffres ; seule la Banque postale pouvait déceler cette modification non apparente ; le chèque litigieux ne comportait pas d'anomalie grossière, ni de rature, surcharge, grattage faisant douter de sa validité ;

- le chèque rejeté comme «'faux chèque'» a été restitué à la Banque postale, et se trouve actuellement en la possession de celle-ci ;

- conformément aux dispositions de l'article R.'131-47 du code monétaire et financier, Mme [S] a été rendue destinataire d'un avis de rejet, qui comporte en annexe l'envoi du chèque litigieux ;

- Mme [S] a d'ailleurs produit une copie du chèque falsifié aux enquêteurs à la suite de la plainte qu'elle a déposée le 4 septembre 2019, puis en a également produit une copie en première instance et en appel.

Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

La recevabilité de l'incident n'est pas contestée par la défenderesse. En application de l'article 554 du code de procédure civile, il convient de déclarer recevable l'intervention volontaire à l'instance de la SELAS Miquel-Aras et associés agissant en qualité de mandataire judiciaire de Mme [S].

Aux termes de l'article 11 du code de procédure civile, les parties sont tenues d'apporter leur concours aux mesures d'instruction sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus.

Si une partie détient un élément de preuve, le juge peut, à la requête de l'autre partie, lui enjoindre de le produire, au besoin à peine d'astreinte. Il peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous la même peine, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime.

Aux termes des articles 139 et 142 du code de procédure civile, la demande [de production forcée de pièce] est faite sans forme. Le juge, s'il estime cette demande fondée, ordonne la délivrance ou la production de l'acte ou de la pièce, en original, en copie ou en extrait selon le cas, dans les conditions et sous les garanties qu'il fixe, au besoin à peine d'astreinte.

Les demandes de production des éléments de preuve détenus par les parties sont faites, et leur production a lieu, conformément aux dispositions des articles 138 et 139.

Il s'évince de ces dispositions de portée générale que la demande de production de pièces entre les parties doit être faite au cours d'une instance ; elle n'est pas de droit, mais reste une simple faculté soumise au pouvoir souverain du juge, et ne peut pas porter sur un acte authentique ou sous seing privé auquel le demandeur a été partie ; enfin, elle peut être présentée devant le conseiller de la mise en état de la juridiction saisie de l'affaire.

En outre, une partie ne peut recourir à une demande de production forcée pour pallier sa propre carence dans l'administration de la preuve ni ériger sa propre carence en grief. La demande de production de pièce doit être légitime, utile à la solution du litige, et nécessaire comme indispensable à la manifestation de la vérité et constituant le seul moyen d'obtenir la production d'une pièce déterminée et identifiée.

Le juge apprécie le bien fondé de la demande de production forcée, la demande d'injonction portant sur une pièce dont l'existence est incertaine devant être écartée.

C'est à la partie qui sollicite la production d'une pièce de prouver que le défendeur la détient de façon effective. Toutefois, la charge de la preuve est inversée lorsque la loi oblige celui à qui la production est demandée à détenir la pièce litigieuse.

En l'espèce, l'existence même du chèque de banque dont la production est sollicitée n'est pas contestable, dès lors que la demanderesse en produit une copie dans le cadre de la présente instance.

Aux termes de l'article R.'131-47 du code monétaire et financier, lorsque le tiré a refusé le paiement d'un chèque pour un motif autre que l'absence ou l'insuffisance de la provision et que celle-ci est par ailleurs insuffisante pour en permettre le paiement, il doit établir à l'intention du bénéficiaire un avis indiquant le motif précis du rejet et mentionnant l'insuffisance de la provision.

L'avis est annexé au chèque lors de la restitution de celui-ci au présentateur.

En application de ces dispositions, il appartient à la banque tirée qui refuse le paiement d'un chèque de banque motif pris de sa falsification d'établir un avis de rejet qui, destiné au bénéficiaire, doit être annexé au chèque lors de sa restitution à la banque présentatrice.

Cet avis de rejet est un document d'information, mais aussi un instrument probatoire du motif du rejet. Cependant, l'obligation pesant sur la banque tirée de remettre à la banque présentatrice l'attestation de rejet du chèque n'est assortie d'aucun délai, ni d'aucune sanction particulière.

En l'espèce, aucune des parties ne verse au débat l'avis de rejet du chèque litigieux que la Banque postale a dû adresser au Crédit du nord à l'intention de Mme [S].

Mme [S] échoue ainsi à démontrer que l'original du chèque de banque ait été effectivement retourné à la banque présentatrice annexé à une attestation de rejet, celui-ci ayant tout aussi bien pu lui avoir été restitué, être resté en la possession de la banque tirée, ou encore avoir été détruit.

En conséquence, il convient de rejeter l'incident tendant à voir condamner sous astreinte le Crédit du nord à produire l'original du chèque de banque litigieux.

Pour le surplus, il n'apparaît pas nécessaire de renvoyer Mme [S] à faire toute diligence auprès de la Banque postale pour obtenir le chèque litigieux, dans l'hypothèse où elle ne se trouverait pas elle-même en sa possession.

La SELAS Miquel-Aras et associés ès qualités, qui succombe, sera condamnée aux entiers dépens de l'incident.

Elle sera en outre déboutée de sa demande d'indemnité de procédure d'incident sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 699 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état autorisera la SCP d'avocats Lemmens-Houssière à recouvrer directement contre la personne condamnée les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

PAR CES MOTIFS

Le conseiller chargé de la mise en état,

Déclare recevable l'intervention volontaire à l'incident de la SELAS Miquel-Aras et associés agissant en qualité de mandataire judiciaire de Mme [E] [S] veuve [B] ;

Déclare l'incident recevable ;

Rejette l'incident soulevé par la SELAS Miquel-Aras et associés agissant en qualité de mandataire judiciaire de Mme [E] [S] veuve [B] ;

Déboute les parties de leurs plus amples prétentions ;

Condamne la SELAS Miquel-Aras et associés agissant en qualité de mandataire judiciaire de Mme [E] [S] veuve [B] aux entiers dépens de l'incident ;

Dit qu'en application de l'article 699 du code de procédure civile, la SCP d'avocats Lemmens-Houssière recouvrera directement contre la SELAS Miquel-Aras et associés ès qualités les dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision.

La Greffière Le Conseiller de la mise en état

Harmony Poyteau Claire Bertin


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Troisieme chambre
Numéro d'arrêt : 21/04442
Date de la décision : 09/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-09;21.04442 ?
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