République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 3
ARRÊT DU 02/02/2023
N° de MINUTE : 23/127
N° RG 22/02093 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UH37
Jugement (N° 22/00528) rendu le 15 Avril 2022 par le Juge de l'exécution de Valenciennes
APPELANTE
Madame [T] [O]
née le [Date naissance 1] 1970 à [Localité 4] - de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Frédéric Massin, avocat au barreau de Valenciennes, avocat constitué
INTIMÉE
Etablissement Public Pole Emploi des Hauts de France pris en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Valérie Biernacki, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 05 janvier 2023 tenue par Sylvie Collière magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Ismérie Capiez
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Sylvie Collière, président de chambre
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
Catherine Ménegaire, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 02 février 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Sylvie Collière, président et Ismérie Capiez, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 décembre 2022
EXPOSE DU LITIGE
Par acte du 1er juin 2021, l'établissement public Pôle emploi des Hauts-de-France (ci après Pôle emploi) a fait signifier à Mme [T] [O] une contrainte décernée à l'encontre de celle-ci le 25 mai 2021 pour un montant de 671,80 euros, au titre d'une activité non déclarée pour la période du 1er avril 2020 au 30 avril 2020.
Selon procès-verbal du 31 décembre 2021, Pôle emploi, agissant en vertu de cette contrainte, a fait pratiquer une saisie-attribution sur les comptes ouverts par Mme [O] dans les livres du Crédit agricole Nord de France pour avoir paiement d'une somme de 638,99 euros, déduction faite d'acomptes à hauteur de 405 euros.
La saisie qui s'est avérée fructueuse à hauteur de 1 029,14 euros, solde bancaire insaisissable déduit, a été dénoncée à Mme [O] le 5 janvier 2022.
Par acte du 16 février 2022, Mme [O] a fait assigner Pôle emploi des Hauts-de-France devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Valenciennes aux fins de contester cette saisie-attribution.
Par jugement réputé contradictoire du 15 avril 2022, le juge de l'exécution a déclaré Mme [O] irrecevable en ses demandes et l'a condamnée aux dépens de l'instance.
Par déclaration adressée par la voie électronique le 28 avril 2022, Mme [O] a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 24 mai 2022, elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions et en conséquence de :
- déclarer nulle comme abusive la saisie-attribution du 31 décembre 2021 qui lui a été dénoncée le 5 janvier 2022 ;
- ordonner la mainlevée immédiate de ladite saisie ;
- condamner Pôle emploi à supporter les frais bancaires résultant de cette saisie indue ;
- condamner Pôle emploi au règlement des sommes de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 15 juin 2022, l'établissement public Pôle emploi des Hauts-de-France demande à la cour, au visa des articles L.111-7 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de :
- confirmer le jugement déféré ;
- subsidiairement, juger que la saisie-attribution dénoncée à Mme [O] le 5 janvier 2022 n'est pas abusive ;
- débouter Mme [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires aux présentes ;
- condamner Mme [O] à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
MOTIFS
Sur la recevabilité de la contestation :
L'article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 dispose que :
'Sans préjudice de l'application de l'article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l'article 44 du présent décret, lorsqu'une action en justice ou un recours doit être intenté avant l'expiration d'un délai devant les juridictions de première instance ou d'appel, l'action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée ou déposée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à
compter :
1° de la notification de la décision d'admission provisoire ;
2° de la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;
3° de la date à laquelle le demandeur de l'aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d'admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l'article 69 et de l'article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;
4° ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. (...)'
L'assignation à comparaître devant un juge de l'exécution, en vue de contester une saisie-attribution, engage une action en justice à cette fin, de sorte que l'article 43 susvisé est applicable au délai dans lequel cette contestation doit être formée.
Il résulte des articles R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution, 641 et 642 du code de procédure civile que lorsque le délai d'un mois pour former une contestation relative à une saisie-attribution expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
En l'espèce, le délai ouvert à Mme [O] pour contester la saisie-attribution expirait, compte tenu de la prorogation du délai, le lundi 7 février 2022, comme l'acte de dénonciation du 5 janvier 2022 le mentionnait d'ailleurs expressément.
Mme [O] ayant déposé une demande d'aide juridictionnelle le dernier jour de ce délai, soit le 7 février 2022, le délai d'un mois qui lui était ouvert en application de l'article R. 211-11 du code des procédures civiles d'exécution s'est trouvé interrompu et il a recommencé à courir le même jour 7 février 2022, date à laquelle le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Valenciennes a accordé l'aide juridictionnelle à Mme [O] de sorte que l'assignation en vue de contester la saisie-attribution ayant été délivrée à Pôle emploi le 14 février 2022, cette contestation était recevable.
Le jugement déféré qui a déclaré les demandes de Mme [O] irrecevables doit donc infirmé.
Sur l'abus de saisie :
Selon l'article L. 111-7 du code des procédures civiles d'exécution, le créancier a le choix des mesures propres à assurer l'exécution ou la conservation de sa créance. L'exécution de ces mesures ne peut excéder ce qui se révèle nécessaire pour obtenir le paiement de l'obligation.
Selon l'article L. 121-2 du même code, le juge de l'exécution a le pouvoir d'ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d'abus de saisie.
En l'espèce, alors que la contrainte a été signifiée le 1er juillet 2021, Mme [O] a, dès le 19 juillet 2021, effectué un versement de 150 euros. Par la suite, elle a procédé à quatre autres versements :
- le 11 août 2021 pour 75 euros ;
- le 30 septembre 2021 pour 30 euros ;
- le 3 novembre 2021 pour 150 euros ;
- le 20 décembre 2021 pour 75 euros ;
portant le total des acomptes versés à 480 euros.
Le 31 décembre 2021, onze jours après le dernier versement, sans prendre la peine d'aviser au préalable Mme [O] alors qu'il avait accepté des règlements partiels pendant cinq mois et que le solde de la créance ne s'élevait plus qu'à une somme de 305,66 euros, soit 191,80 euros au titre du principal et 113,86 euros au titre des frais (signification de la contrainte ; requête Ficoba; requête Béteille et droit proportionnel article A. 444-31 du code de commerce), ce qui permettait au regard du rythme des versements opérés par Mme [O], d'en escompter le règlement dans un délai raisonnable de deux à trois mois, sans recourir à une mesure d'exécution forcée, Pôle emploi a, par l'intermédiaire de son huissier, procédé à une saisie-attribution sur le compte bancaire de Mme [O], sans même faire apparaître sur le procès-verbal de saisie le dernier acompte réglé le 20 décembre 2021, cette mesure ayant eu pour effet de générer des frais à hauteur de 258,33 euros, augmentant le montant de la créance de près de 85 %.
Il convient donc de considérer que la saisie-attribution pratiquée par Pôle Emploi dans ces conditions est abusive.
Toutefois, la saisie abusive n'est pas nulle de sorte la demande de Mme [O] tendant à voir déclarer la saisie nulle sera rejetée.
En outre, la demande de mainlevée s'avère sans objet puisqu'à la suite du jugement déféré, Pôle emploi a, le 5 mai 2022, donné mainlevée avec quittance de la saisie-attribution.
Il convient de débouter Mme [O] de sa demande en remboursement des frais bancaires générés par la saisie. En effet, il ne résulte pas du relevé du compte sur lequel a été pratiquée la saisie-attribution que le Crédit agricole Nord de France ait prélevé des frais au titre de cette saisie.
La demande de dommages et intérêts formée par Mme [O] sera rejetée, cette dernière ne démontrant pas 'le préjudice économique causé par cette saisie en considération de ses faibles ressources' qu'elle allègue.
Sur les frais et dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
Le sens de la présence décision conduit à infirmer le jugement ayant condamné Mme [O] aux dépens et à condamner Pôle emploi aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à supporter les frais de la saisie-attribution abusive.
Partie perdante, Pôle emploi sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et condamnée à régler à Mme [O] au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés en appel la somme de 1 000 euros.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevable la contestation de la saisie-attribution du 31 décembre 2021 formée par Mme [T] [O] ;
Déclare abusive la saisie-attribution pratiquée le 31 décembre 2021 ;
Déboute Mme [T] [O] de sa demande tendant à déclarer la saisie-attribution nulle ;
Déclare sans objet la demande de mainlevée de la saisie-attribution ;
Déboute Mme [T] [O] de sa demande en remboursement des frais bancaires ;
Déboute Mme [T] [O] de sa demande en dommages et intérêts pour saisie abusive ;
Déboute l'établissement public Pôle emploi de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l'établissement public Pôle Emploi à verser à Mme [T] [O] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne l'établissement public Pôle Emploi aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à supporter les frais de la saisie-attribution abusive.
Le greffier
Ismérie CAPIEZ
Le président
Sylvie COLLIERE