COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00160 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UW2Q
N° de Minute : 163
Ordonnance du vendredi 27 janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [K] [L]
né le 24 Avril 2004 à [Localité 5] - BULGARIE
de nationalité Bulgare
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 3]
dûment avisé, comparant en personne par visioconférence
assisté de Me Théodora BUCUR, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de M. [C] [N] interprète en langue bulgare, tout au long de la procédure devant la cour, serment préalablement prêté ce jour
INTIMÉ
M. LE PREFET DE L'AISNE
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE(E) : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du vendredi 27 janvier 2023 à 13 h 30
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le vendredi 27 janvier 2023 à 15 h 30
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;
Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;
Vu l'accord du magistrat délégué ;
Vu l'ordonnance rendue le 26 janvier 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. [K] [L] ;
Vu l'appel motivé interjeté par M. [K] [L] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 26 janvier 2023 ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSE DU LITIGE
A la suite d'une mesure de garde à vue pour accident matériel de la circulation avec conduite à vitesse excessive, sans permis de conduire et sans assurance, notifiée le 22/01/2023 à 04h40, monsieur [K] [L], de nationalité bulgare a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par monsieur le préfet de l'Aisne le 23/01/2023 à 17h55 pour l'exécution d'un éloignement vers le pays de nationalité au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français sans délai de retour volontaire délivrée le même jour par la même autorité.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a été partiellement soutenu lors de l'audience du juge des libertés et de la détention.
' Vu l'article 455 du code de procédure civile
' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 26 janvier 2023 (10h40),ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative.
' Vu la déclaration d'appel du 26/01/2023 à 16h48 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative
Au soutien de sa déclaration d'appel monsieur [K] [L] soutient les moyens suivants:
Illégalité de l'obligation de quitter le territoire français en ce que monsieur [K] [L] dispose d'un droit à circuler sur le territoire en qualité de citoyen d'un pays de l'Union Européenne et ne représente aucune menace à l'ordre public. Monsieur [K] [L] considère que par voie d'exception le juge des libertés et de la détention est compétent pour apprécier l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
Défaut d'examen réel et sérieux de la possibilité d'être assigné à résidence par l'autorité préfectorale, en ce que, bien que dépourvu de passeport monsieur [K] [L] considère qu'il pouvait tout de même bénéficier d'une assignation à résidence administrative au domicile qu'il occupe chez sa soeur avec sa mère et sa tante
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur le moyen tiré de l'irrégularité de l'obligation de quitter le territoire français
Il sera préalablement rappelé qu'un citoyen d'un pays de l'Union Européenne peut faire l'objet d'une expulsion notamment pour des raisons d'ordre public lorsque l'autorité préfectorale le décide.
Il est constant que, contrairement à ce que prétend la déclaration d'appel, le juge judiciaire ne peut, ni par voie d'action, ni par voie d'exception, statuer sur la légalité d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français.
Le moyen sera donc rejeté.
2) Sur le moyen tiré du défaut d'examen réel de la possibilité d'être assigné à résidence par l'autorité préfectorale
Ce moyen doit être requalifié d'erreur d'appréciation du placement en rétention administrative.
Il ressort des dispositions des articles L 741-1 renvoyant à l'article L 612-3, L 751-9 et L 753-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité administrative ne peut placer un étranger en situation irrégulière en rétention administrative que dans les cas et conditions des dits articles après prise en compte de son état éventuel de vulnérabilité :
1) Lorsque, de manière générale, l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour prévenir le risque de se soustraire à l'application du titre d'éloignement dans les cas prévus par l'article L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
2) Lorsque, dans le cas spécifique d'un étranger faisant l'objet d'une prise ou d'une reprise en charge par un autre pays de l'Union Européenne selon la procédure dite 'DUBLIN III', il existe 'un risque non négligeable de fuite' tel que défini par l'article L 751-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et lorsque dans cette hypothèse le placement en rétention administrative est proportionné.
3) Lorsque, s'agissant d'un étranger qui a déposé une demande d'asile en France avant toute privation de sa liberté, il existe des raisons impérieuses de protection de l'ordre public ou de la sécurité nationale.
Il apparaît en l'espèce que l'arrêté préfectoral de placement en rétention a considéré, au visa de l'article L741-1 renvoyant aux cas prévus aux articles L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'étranger appelant ne présentait pas suffisamment de garanties de représentation pour attendre l'exécution de son éloignement en étant assigné à résidence, notamment pour :
être dépourvu de document d'identité ou de voyage, et ne pas disposer 'd'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale' permettant de justifier d'une mesure d'assignation à résidence administrative (paragraphe 8°)
Cependant sur l'ensemble des procès-verbaux de la garde à vue de monsieur [K] [L], ce dernier a indiqué être domicilié chez sa soeur Mme [G] [K] [Adresse 2] (02)
Monsieur [K] [L] indique également travailler pour une entreprise d'espaces-verts - paysagiste TIM PAYSAGE [Adresse 1].
Sur avis du procureur de la République monsieur [K] [L] s'est vu notifier une convocation à l'audience des CRPC du tribunal correctionnel de [Localité 6] du 27/02/2023 14h30 et dans cette convocation il est relevé la domiciliation de l'intéressé au [Adresse 2] à [Localité 6].
L'administration a pris l'arrêté de rétention sans avoir fait les vérifications minimales qui pouvaient être faites sans difficultés.
La motivation de l'arrêté est inexacte en imputant à monsieur [K] [L] l'impossibilité d'attester de la possession d'un logement.
En conséquence, il sera considéré que monsieur le préfet de l'Aisne n'a pas sérieusement cherché à évaluer la possibilité d'assigner monsieur [K] [L] à résidence, l'autorité préfectorale n'étant pas tenue d'exiger la possession d'un passeport pour ce faire dés lors que l'identité de l'intéressé n'est pas contestable.
Ce manquement affecte la légalité de la décision administrative portant placement en rétention administrative, laquelle sera annulée et par voie de conséquence, la décision de prolongation de la rétention sera réformée.
Sur la notification de la décision à M. [K] [L]
En application de l'article R. 743-19 al 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance rendue par le premier président ou son délégué est communiquée au ministère public. Elle est notifiée sur place à l'étranger et à son conseil, s'il en a un, ainsi qu'à l'autorité qui a prononcé la rétention.
Les parties présentes en accusent réception. Le greffier la notifie par tout moyen et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accusent réception.
En l'absence de M. [K] [L] lors du prononcé de la décision, la présente ordonnance devra lui être notifiée par les soins du greffe du centre de rétention administrative et en tant que de besoin, par truchement d'un interprète.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
Statuant de nouveau
INFIRME l'ordonnance entreprise.
ORDONNE la main-levée immédiate du placement en rétention administrative de monsieur [K] [L]
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [K] [L] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'État.
Véronique THÉRY,
greffière
Bertrand DUEZ,
conseiller
A l'attention du centre de rétention, le vendredi 27 janvier 2023
Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : M. [C] [N]
Le greffier
N° RG 23/00160 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UW2Q
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 163 DU 27 Janvier 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 4]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
- M. [K] [L]
- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin
- nom de l'interprète (à renseigner) :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [K] [L] le vendredi 27 janvier 2023
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DE L'AISNE et à Maître [V] [S] le vendredi 27 janvier 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le vendredi 27 janvier 2023
N° RG 23/00160 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UW2Q