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27/01/2023 | FRANCE | N°21/00910

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 1, 27 janvier 2023, 21/00910


ARRÊT DU

27 Janvier 2023







N° 137/23



N° RG 21/00910 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TURU



MLBR/VM

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

13 Avril 2021

(RG 20/00171 -section 2 )











































GROSSE :



aux avocats



le 27 Janvier 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [O] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Kader SISSOKO, avocat au barreau de PARIS





I...

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 137/23

N° RG 21/00910 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TURU

MLBR/VM

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'ARRAS

en date du

13 Avril 2021

(RG 20/00171 -section 2 )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [O] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Virginie LEVASSEUR, avocat au barreau de DOUAI, assisté de Me Kader SISSOKO, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

S.A.R.L. DAILLY ET MERCIER EXERÇANT SOUS L'ENSEIGNE 'HYGIENE FUNERAIRE MERCIER'

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Cindy DENISSELLE-GNILKA, avocat au barreau de BÉTHUNE

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Décembre 2022

Tenue par Marie LE BRAS

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Valérie DOIZE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Annie LESIEUR, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 15 Novembre 2022

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SARL Dailly et Mercier Hygiène Funéraire (la société Dailly Mercier) consacre son activité aux soins apportés aux corps des personnes décédées. Elle intervient principalement auprès des sociétés de pompes funèbres et dans un rayon de 70 km autour de son siège social situé à [Localité 4].

Elle a engagé M. [O] [E] d'abord en tant que stagiaire thanatopracteur à compter du 2 janvier 2011, puis par avenant régularisé le 15 décembre 2012 avec effet au 14 décembre 2012, en qualité de thanatopracteur, correspondant au statut de technicien niveau 4, échelon 1 de la convention collective nationale des pompes funèbres.

Le 14 février 2018, M. [E] a fait l'objet d'un avertissement, son employeur lui reprochant d'avoir refusé de réaliser une intervention au prétexte qu'il n'était pas disponible.

Le 28 mars 2018, M. [E] a présenté plusieurs revendications concernant principalement la mise en conformité de son contrat de travail par rapport à la réglementation en matière de durée du travail, l'obtention d'un décompte de son temps de travail, le respect des minima conventionnels et sa clause de non-concurrence.

Ces demandes n'ont pas été satisfaites, la SARL Dailly et Mercier les estimant injustifiées et disproportionnées. Les discussions en vue d'une rupture conventionnelle du contrat n'ont par ailleurs pas abouti.

A sa demande, et après acceptation de son employeur en date du 23 mars 2018, M. [E] a suivi une formation en BTS Banque « conseil de clientèle » dispensée par le GRETA, pour une durée de 8 mois, du 3 septembre 2018 au 7 juin 2019, dans le cadre d'un CIF.

A l'issue de cette formation, M. [E] a réitéré en vain ses demandes aux fins de mise en conformité de son contrat de travail, tandis qu'en parallèle, son employeur constatait son absence à son poste de travail au jour de sa reprise le 11 juin 2019, absence qui s'est prolongée en dépit de plusieurs mises en demeure, le salarié lui opposant la non-transmission de son planning mensuel.

Par requête du 17 décembre 2018, M. [E] a saisi le conseil de prud'hommes d'Arras afin de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur, alléguant en substance du non-respect des dispositions légales et conventionnelles en matière de durée du travail et d'astreinte, et du non-paiement du salaire minimum conventionnel.

Par jugement contradictoire rendu le 13 avril 2021, le conseil de prud'hommes d'Arras a :

-débouté M. [E] de l'ensemble de ses demandes,

-condamné M. [E] à verser à la société Dailly et Mercier 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [E] aux entiers dépens.

Après un entretien préalable qui s'est tenu le 19 mai 2021 et la notification d'une mise à pied à titre conservatoire, M. [E] s'est vu notifier son licenciement pour faute grave par courrier du 25 mai 2021 en raison de son absence injustifiée à son poste de travail depuis le 11 juin 2019.

Par déclaration reçue au greffe le 26 mai 2021, M. [E] a interjeté appel du jugement en toutes ses dispositions.

Dans ses dernières conclusions déposées le 25 août 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [E] demande à la cour de :

-infirmer la décision et statuant à nouveau,

- prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur,

-qualifier la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- prononcer la nullité de la clause de non-concurrence insérée au contrat de travail,

- condamner la société Dailly et Mercier à lui verser les sommes suivantes :

*Rappel de salaires de novembre 2015 à août 2018 : 88 449,44 euros,

*Congés payés sur rappel de salaires : 8 844,94 euros,

*Rappel de salaires de juin à décembre 2019 inclus : 15 743,70 euros,

*Congés payés sur rappel de salaire de juin à décembre 2019 : 1 574,37 euros,

*Rappel de salaires au titre de la sujétion d'astreinte : 863,67 euros,

*Congés payés sur rappel de salaires au titre de l'astreinte : 86,37 euros,

*Indemnité compensatrice de préavis : 7 522,01 euros,

*Congés payés sur préavis : 752,20 euros,

*Indemnité de licenciement légale sauf à parfaire : 8 404,52 euros,

*Dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 22 752,80 euros,

- condamner l'employeur à délivrer sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document, un bulletin de salaire conforme, une attestation destinée à pôle emploi, un certificat de travail,

- condamner la société Dailly et Mercier à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- prononcer la capitalisation des intérêts échus.

Dans ses dernières conclusions déposées le 15 octobre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Dailly et Mercier demande à la cour de :

-confirmer l'entier jugement rendu le 13 avril 2021,

- débouter M. [E] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

-condamner M. [E] à lui verser en cause d'appel la somme de 2800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner l'appelant aux entiers frais et dépens d'appel.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- sur la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [E] :

Pour fonder sa demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail, M. [E] dénonce plusieurs manquements de son employeur portant atteinte à la fois aux dispositions d'ordre public du code du travail sur la durée du travail, le droit au repos et le régime des astreintes mais également aux dispositions de la convention collective relatives à la rémunération minimale de base.

Il fait valoir en substance qu'eu égard aux clauses de son contrat, plus précisément aux articles 3.2 et 4, et aux planning auxquels il était astreint, la société Dailly Mercier n'a pas respecté les règles applicables à l'organisation de la durée du travail auxquelles pourtant la convention collective ne déroge pas, dès lors qu'il avait l'obligation d'intervenir à la demande tous les jours de la semaine, sans précision des horaires de travail.

Selon lui, il était soumis à une astreinte permanente sans contrepartie financière et en violation des règles posées par l'article L. 3121-9 du code du travail, ces astreintes n'ayant d'ailleurs jamais fait l'objet d'un document récapitulatif, lui permettant d'en réclamer le paiement.

S'agissant de sa rémunération, M. [E] soutient en s'appuyant sur son contrat et les fiches de salaire, que le salaire de base prévu par la convention collective ne lui a pas été versé dans la mesure où la société Dailly Mercier ne comptabilisait pas ses horaires de travail mais uniquement les prestations réalisées, seule la part variable de sa rémunération correspondant auxdites prestations lui ayant été versée.

En réponse, la société Dailly Mercier qui prétend au contraire avoir respecté ses obligations contractuelles, insiste sur la particularité du métier de thanatopracteur qui interdit toute planification horaire compte tenu du caractère imprévisible des interventions et des délais contraints, les thanatopracteurs, y compris les salariés, étant pour cette raison rémunérés à l'acte, le tarif de chaque prestation tenant compte du temps moyen d'intervention et du temps de trajet. Elle précise que ces interventions sont comptabilisées en IFT.

S'agissant des astreintes, elle estime que M. [E] a été rempli de ses droits.

L'intimée ajoute que M. [E] a accepté en signant son contrat ces modalités de rémunération et précise que la durée légale hebdomadaire du travail a été globalement respectée, la tarification à l'acte ayant selon elle permis à M. [E] de percevoir un salaire supérieur à celui qui serait résulté de l'application des minima conventionnels.

Sur ce ,

Le salarié qui souhaite se prévaloir d'une résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur doit caractériser l'existence d'un ou de plusieurs manquements de son employeur d'une gravité suffisante rendant impossible la poursuite du contrat de travail.

L'action aux fins de résiliation judiciaire demeure régie par le mécanisme probatoire de droit commun de l'article 9 du code de procédure civile selon lequel il incombe à chaque partie de prouver les faits nécessaires au succès de sa prétention. Il appartient donc au salarié d'apporter la preuve de faits réels et suffisamment graves à l'encontre de l'employeur pour justifier la résiliation du contrat de travail aux torts de ce dernier.

Il sera aussi rappelé que l'organisation du temps de travail relève de la responsabilité de l'employeur et dès lors, celui-ci est tenu de mettre en oeuvre les dispositions légales, ou à défaut si elles sont plus favorables les dispositions conventionnelles et en cas de litige, d'en justifier.

En l'espèce, la société Dailly Mercier reconnaît avoir rémunéré M. [E] à la prestation, et non sur la base des heures travaillées.

Les dispositions contractuelles sur la durée du travail et la rémunération sont en effet libellées comme suit :

"article 4 : ...conformément au champ d'application des lois Aubry concernant le travail payé à la prestation, aux pièces et à tout travail ne faisant pas référence à un horaire, Monsieur [O] [E] est exclu des dispositions légales et réglementaires concernant la durée du travail. La rémunération indiquée ci-dessous tient compte du temps de travail effectif dans l'exercice des fonctions défnies ci-dessus.

article 5 : La rémunération annuelle moyenne de Monsieur [O] [E] est liée aux prestations effectuées dans le cadre de ses fonctions. Dans tous les cas, la rémunération de Monsieur [O] [E] sera du SMIC, soit 16 380,36 euros (1 365,03 brut par mois)."

Cette rémunération à l'acte résulte également des mentions figurant sur les bulletins de salaire de l'intéressé et des feuilles mensuelles de décompte des prestations réalisées.

La société Dailly Mercier affirme que ce mode de rémunération est valable s'agissant des thanatopracteurs et revendique même qu'il soit dérogé à la réglementation en matière de durée de travail mais elle ne vise et ne produit aucun texte normatif pour en justifier.

Or, ainsi que le fait justement remarquer M. [E], la convention collective nationale des pompes funèbres du 1er mars 1974, au demeurant expressément visée dans le contrat de travail de M. [E], complétée par l'accord collectif du 16 février 2000 relatif à la réduction du temps de travail à 35 heures, prévoient au contraire une rémunération sur la base d'une durée hebdomadaire de travail de 35 heures ainsi qu'une réglementation des astreintes, des heures supplémentaires, du droit au repos et du travail de nuit.

Cet accord collectif modifié par les avenants du 7 juin 2001 et du 13 novembre 2009 offre même la faculté à l'employeur, compte tenu du caractère imprévisible et particulier des activités exercées et des contraintes de santé publique, de mettre en place, selon certaines modalités et sous condition de respecter le droit au repos, une annualisation du temps de travail pour l'ensemble de leurs salariés, y compris les techniciens, après les en avoir informés, avec une rémunération mensuelle moyenne calculée sur la base de 152 h 25 par mois.

S'agissant des seules dispositions conventionnelles permettant de déroger à celles imposées par le code du travail, l'employeur est tenu de les respecter, de sorte qu'est sans incidence le fait que le salarié ait par la signature de son contrat de travail donné son accord à une rémunération à la prestation.

Ainsi, même si en l'espèce, le tarif de chaque prestation apparaît avoir été fixé en fonction du nombre d'heures théoriquement nécessaires pour sa réalisation, en rémunérant M. [E] à l'acte, sans procéder au décompte des heures effectivement travaillées, et sans les faire figurer, ainsi que les éventuelles majorations et astreintes, sur les bulletins de salaire, la société Dailly Mercier a interdit à M. [E] d'avoir une connaissance précise de son temps de travail réellement rémunéré et de faire valoir son droit à d'éventuelles heures supplémentaires.

Elle n'a pas permis non plus de s'assurer pendant la relation de travail du respect des dispositions légales et conventionnelles applicables en matière de durée du travail, concernant notamment la durée hebdomadaire et quotidienne maximale de travail, ni celle relative au salaire conventionnel garanti pour une base horaire de 152 h 25 par mois.

M. [E] justifie avoir réclamé en vain la mise en conformité de son contrat de travail aux dispositions susvisées dès son courrier du 28 mars 2018, réitérée à l'issue de sa formation par courrier du 7 juin 2019.

Ainsi, la persistance, malgré ces réclamations réitérées, à ne pas respecter les dispositions susvisées en matière de durée de travail, constitue un manquement grave de la société Dailly Mercier à ses obligations légales et conventionnelles qui rendait impossible la poursuite de la relation de travail et justifie que soit prononcée la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [E] aux torts de son employeur, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres motifs allégués.

La résiliation judiciaire prend en principe effet au jour de son prononcé sauf si la relation de travail a été antérieurement interrompue.

Si M. [E] a été officiellement licencié le 25 mai 2021, il ressort de ses propres demandes qu'il ne revendique le paiement d'aucun salaire après le 31 décembre 2019, ce dont il se déduit qu'il ne s'est plus estimé lié par le contrat de travail à compter de cette date, sachant qu'il ne prétend pas s'être tenu après cette date à la disposition de son employeur. Il convient en conséquence de faire rétroagir la résiliation judiciaire de son contrat au 31 décembre 2019.

Le jugement sera infirmé en ce sens.

- sur les demandes financières de M. [E] :

* sur les rappels de salaire entre novembre 2015 et août 2018 :

Aux termes du dispositif de ses conclusions qui seul lie la cour, M. [E] sollicite le versement d'une somme de 88 449, 44 euros au titre de rappel de salaire pour la période comprise entre novembre 2015 et août 2018. Comme évoqué plus haut, il fait valoir que le salaire de base minimum garanti ne lui a pas été réglé, seule la part variable de sa rémunération correspondant auxdites prestations lui ayant été versée.

Sur ce,

Il sera d'abord observé que dans la partie discussion de ses conclusions, il évalue sa créance au titre des salaires dus entre janvier 2015 et août 2018 à 73 662, 51 euros, soit pour une période beaucoup plus longue à un montant moindre que celui réclamé, sans s'expliquer sur cette différence.

En outre, contrairement à ce que soutient M. [E] sans d'ailleurs développer d'argumentation sur ce point, il n'est nullement fait état dans le contrat d'une rémunération comprenant une part variable. Il est en effet stipulé en l'article 5 que la rémunération est liée aux prestations effectuées dans le cadre de ses fonctions et dans tous les cas, que sa rémunération sera le SMIC alors applicable.

Se faisant, l'employeur n'a fait que s'engager à respecter en toute hypothèse le salaire de base minimum garanti par la convention collective.

En vue de la présente procédure, la société Dailly Mercier a établi des tableaux récapitulatifs très détaillés des heures de travail accomplies chaque année par M. [E] en fonction du nombre de prestations accomplies et du temps à y consacrer (pièces 67 à 71), pièces non critiquées par la partie adverse qui comprennent également le décompte des repos et congés. Ces tableaux apparaissent cohérents avec les plannings également produits.

Il résulte de leur lecture que la durée annuelle de travail de M. [E] n'a finalement jamais excédé les 1 600 heures prévues dans l'accord collectif , en dehors de l'année 2015 où le cumul annuel est de 1 610 heures.

Il ressort également des bulletins de salaire des mois de décembre que la rémunération annuelle versée à M. [E] a été chaque année de :

2015 : 32 988,76 euros perçus pour un salaire conventionnel de 19 834,51 euros,

2016 : 30 656,53 euros perçus pour un salaire conventionnel de 19 865 euros,

2017 : 31 708,51 euros perçus pour un salaire conventionnel de 20 544 euros,

2018 : 26 036,88 euros perçus pour un salaire conventionnel de 20 748 euros.

Il s'en déduit que la rémunération effectivement versée à M. [E] sur la période litigieuse après conversion des prestations en heures de travail correspondantes, est finalement nettement supérieure au salaire conventionnel minimum garanti, et ce même en tenant compte des quelques heures supplémentaires effectuées en 2015.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, M. [E] ne rapporte pas la preuve des rappels de salaire dont il réclame le paiement. Le jugement sera confirmé de ce chef.

* sur le rappel de salaire entre juin et décembre 2019 :

M. [E] réclame une somme de 15 743,70 euros à titre de rappel de salaire pour les mois de juin à décembre 2019, faisant valoir qu'il était resté à l'entière disposition de son employeur pendant cette période, en dépit de leur litige sur la conformité du contrat, et n'a jamais refusé de reprendre son poste, son employeur ne lui ayant en revanche jamais transmis de planning de travail.

Reprenant la motivation du jugement à sa compte, la société Dailly Mercier lui oppose que ne s'étant plus présenté à son poste à l'issue de sa formation, M. [E] ne peut prétendre à une quelconque rémunération pour la période litigieuse.

Sur ce,

Il sera rappelé qu'en exécution du contrat, l'employeur est tenu de fournir au salarié le travail convenu, pour la durée d'emploi convenue et de lui payer la rémunération convenue. Dès lors, s'il entend se dispenser de l'obligation de payer au salarié sa rémunération, il appartient à l'employeur de démontrer que le salarié a refusé d'exécution la prestation de travail et/ou ne se tient plus à sa disposition.

Il est en l'espèce acquis aux débats que M. [E] ne s'est plus représenté à son poste de travail depuis le 11 juin 2019.

Il a informé son employeur le 7 juin 2019 qu'il restait "à la disposition de l'entreprise pour reprendre le travail avec les régularisation demandées" relativement à son contrat, puis le 21 juin 2019 et le 8 juillet 2019, en réponse aux mises en demeure de son employeur de reprendre ses fonctions, lui a écrit qu'il n'avait "reçu aucun planning, ni même été invité à récupérer le matériel nécessaire à la bonne exécution de ses fonctions".

Pourtant, dans son premier courrier du 12 juin 2019, la société Dailly Mercier l'a mis en demeure "de reprendre son poste sans délai" sous peine d'actionner une procédure disciplinaire, puis, par courrier officiel du 25 juin 2019, le conseil de la société Dailly Mercier a informé le conseil de M. [E] que celui-ci était "en absence injustifiée depuis le 11 juin 2019" et enfin par courrier du 1er juillet 2019, la société Dailly Mercier a réitéré sa mise en demeure sous peine de ne plus le rémunérer après avoir rappelé que son absence la plaçait dans une situation délicate en raison d'une situation de sous-effectif.

Force est de constater qu'en dépit de ses mises en demeure pourtant très claires, M. [E] ne s'est pas présenté au siège de la société à [Localité 5], qui est pourtant son lieu d'affectation, pour reprendre les véhicule et matériel de service, ni malgré ses dires, pour se faire remettre le planning de travail des semaines à venir dans lequel son employeur ne pouvait l'intégrer d'office sans l'avoir préalablement revu compte tenu de ses mois d'absence et sans s'assurer qu'il avait repris possession du matériel et véhicule.

Aussi, au vu du refus manifeste de M. [E] de reprendre son travail malgré ses dires, la société Dailly Mercier était en droit de suspendre le versement de sa rémunération à compter du 11 juin 2019.

Le jugement sera en conséquence confirmé de ce chef.

* sur la rémunération des astreintes :

M. [E] sollicite un rappel de salaire de 863,67 euros au titre "des astreintes non régularisées sur la période non encore prescrite", expliquant qu'en compensation des permanences de nuit, il n'a bénéficié ni d'avantage en nature, tel un logement, ni de compensation financière à hauteur "d'1/10eme de l'évaluation forfaitaire mensuelle fixée par la sécurité sociale en matière de logement".

La société Dailly Mercier fait valoir en réponse que le déménagement de l'intéressé ne lui donne pas droit mécaniquement à une révision de l'indemnisation de ses astreintes, et ce d'autant qu'il a fait le choix d'habiter en dehors du secteur d'intervention, et qu'en outre, l'appelant n'explique pas le mode de calcul retenu pour parvenir à la somme réclamée.

Sur ce,

Il est acquis aux débats et confirmé par les plannings produits, que M. [E] a régulièrement assuré des permanences de nuit.

Selon l'article 320 de la convention collective dans sa version antérieure au 1er janvier 2019, "Lorsque l'agent ne bénéficie pas d'un tel avantage en nature, et pour compenser l'obligation de permanence, il lui sera versé, par nuit de permanence, une indemnité égale à 1/10 de l'évaluation forfaitaire mensuelle fixée par la sécurité sociale en matière de logement".

M. [E] produit en outre les justificatifs relatifs aux logements occupés à l'époque.

Alors que l'obligation de compenser les permanences de nuit et d'en justifier lui incombe, la société Dailly Mercier ne donne aucun élément de preuve concernant la bonne application de ce texte en vigueur à l'époque ou à tout le moins pour démontrer que les sommes versées au titre des astreintes correspondaient en leur montant à l'indemnité susvisée, peu importe que M. [E] ait déménagé en cours de contrat, la question ne portant pas sur l'indemnisation des trajets.

Il convient en conséquence, par voie d'infirmation, de condamner la société Dailly Mercier à payer à M. [E] une somme de 863,67 euros à ce titre, outre 86,37 euros de congés payés y afférents.

* sur les indemnités liées à la rupture du contrat :

La résiliation judiciaire d'un contrat de travail aux torts de l'employeur a les effet d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse de sorte que M. [E] est en droit de percevoir les indemnités de rupture du contrat.

Il ressort de ses bulletins de salaire et de l'attestation Pôle emploi que la moyenne de ses 3 derniers salaires, entre mars et mai 2019, est de 2 249 euros brut.

M. [E] se prévaut d'une ancienneté de 8 ans et 11 mois et 8 jours au 10 décembre 2019, soit 9 ans au 31 décembre 2019. Il ne détaille pas la méthode appliquée pour aboutir aux sommes qu'il réclame.

Compte tenu de cette ancienneté, il convient d'allouer à M. [E] une somme de 4 498 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

S'agissant de l'indemnité légale de licenciement, les dispositions légales étant plus favorables que celles issues de la convention collective (art. 223-2 de la CCN), il sera accordé à M. [E] une somme de 5 060, 25 euros.

L'entreprise ayant moins de 11 salariés au jour de la rupture de la relation de travail, M. [E] étant âgé de 30 ans au 31 décembre 2019 et bénéficiant alors d'une ancienneté de 9 années, il convient en l'absence d'élément justificatif de sa situation professionnelle et financière postérieurement à la rupture du contrat, de lui accorder une indemnité en réparation du préjudice nécessairement causé par la perte injustifiée de son contrat de travail d'un montant de 6 747 euros.

- sur la clause de non concurrence :

C'est à bon droit que M. [E] sollicite l'annulation de la clause de non-concurrence insérée à son contrat, en l'absence de contrepartie financière prévue, étant observé que l'intimée s'en rapporte à justice en ce qui concerne cette demandes.

- sur les demandes accessoires :

Au vu de ce qui précède, la société Dailly Mercier est condamnée à transmettre à M. [E] un bulletin de salaire récapitulatif et les documents de fin de contrat rectifiés, conformes au présent arrêt.

Il n'y a pas lieu d'assortir cette condamnation d'une astreinte.

M. [E] étant accueilli en partie en ses demandes, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance.

La société Dailly Mercier devra supporter les dépens de première instance et d'appel.

L'équité commande de la condamner à également payer à M. [E] une somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

CONFIRME le jugement entrepris en date du 13 avril 2021 sauf en ses dispositions relatives à la résiliation judiciaire du contrat, aux demandes financières en lien avec les astreintes et la rupture du contrat et en celles relatives aux frais irrépétibles et dépens de première instance ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [O] [E] avec effet au 31 décembre 2019 ;

CONDAMNE la société Dailly Mercier Hygiène Funéraire à payer à M. [O] [E] les sommes suivantes :

- 863,67 euros à titre de rappel de salaire pour les sujétions d'astreinte et 86,37 euros pour les congés payés y afférents,

- 4 498 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 5 060, 25 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 6 747 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la société Dailly Mercier Hygiène Funéraire à transmettre à M. [O] [E] un bulletin de salaire récapitulatif et les documents de fin de contrat rectifiés, conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois après signification de la décision ;

DIT que la clause de non-concurrence insérée au contrat est nulle ;

CONDAMNE la société Dailly Mercier Hygiène Funéraire à payer à M. [O] [E] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

DIT que la société Dailly Mercier Hygiène Funéraire supportera les dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRÉSIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 1
Numéro d'arrêt : 21/00910
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;21.00910 ?
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