La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/01/2023 | FRANCE | N°21/00362

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 27 janvier 2023, 21/00362


ARRÊT DU

27 Janvier 2023







N° 197/23



N° RG 21/00362 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPNG



MLB/CH





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES SUR HELPE

en date du

05 Février 2021

(RG 20/00024 -section )



































GROSSE :

r>
Aux avocats



le 27 Janvier 2023



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [L] [K] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES





INTIMÉE :



S.A.S. TRANSPORT WILLIAME devenue la ...

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 197/23

N° RG 21/00362 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TPNG

MLB/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AVESNES SUR HELPE

en date du

05 Février 2021

(RG 20/00024 -section )

GROSSE :

Aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANT :

M. [L] [K] [D]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Stephane DOMINGUEZ, avocat au barreau de VALENCIENNES

INTIMÉE :

S.A.S. TRANSPORT WILLIAME devenue la société GHESTEM MAUBEUGE

[Adresse 3]

[Localité 4]

représentée par Me Guillaume GHESTEM, avocat au barreau de LILLE, assisté de Me Elisabeth NEIDHART, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Serge LAWECKI

DÉBATS : à l'audience publique du 30 Novembre 2022

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 09 novembre 2022

EXPOSE DES FAITS

M. [Z] [D] a été embauché à compter du 15 juin 2009 en qualité de chauffeur routier groupe 6 coefficient 138 M de la convention collective des transports routiers et activités auxiliaires du transport par la société Transports Williame devenue Ghestem Maubeuge.

Il a été mis à pied à titre conservatoire le 21 octobre 2011 et licencié pour faute grave le 24 novembre 2011 pour détournement de marchandises et de carburant.

Le tribunal correctionnel d'Avesnes sur Helpe l'a condamné le 4 septembre 2013 à 6 mois d'emprisonnement avec sursis pour abus de confiance (commis du 1er décembre 2010 au 31 octobre 2011), vol dans un entrepôt (commis du 1er décembre 2010 au 31 décembre 2011) et recel de bien volé (commis du 1er janvier 2009 au 31 octobre 2011), puis, par jugement du 23 mai 2016, à payer à la société Transports Williame la somme de 177 euros au titre du préjudice matériel et, avec d'autres, la somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral et 2 000 euros au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale.

Par requête reçue le 3 octobre 2012, puis, après quatre radiations, dernière demande de remise au rôle du 20 février 2020, M. [Z] [D] a saisi le conseil de prud'hommes d'Avesnes sur Helpe afin d'obtenir un rappel de salaire pour heures supplémentaires et des indemnités pour travail dissimulé et manquements à l'obligation de sécurité et de résultat et aux règles de travail de nuit.

Par jugement en date du 5 février 2021 le conseil de prud'hommes a dit que la demande de rappel d'heures supplémentaires est infondée, a débouté M. [Z] [D] de l'intégralité de ses demandes, l'a condamné à payer la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a laissé les dépens aux parties qui les ont engagés.

Le 8 mars 2021, M. [Z] [D] a interjeté appel de ce jugement.

Par ses conclusions reçues le 3 juin 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, l'appelant sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau, qu'elle constate que l'employeur n'a pas payé l'ensemble des heures supplémentaires de travail effectuées et le condamne à lui payer les sommes de :

5 591,88 euros au titre des heures supplémentaires

559,18 au titre des congés payés y afférents

12 600 euros au titre du travail dissimulé

8 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour non-respect des conditions de travail et manquement à l'obligation de sécurité et de résultat

6 000 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour non-respect des conditions de travail et manquement aux règles sur le travail de nuit

avec intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du code civil

3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses conclusions reçues le 1er septembre 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Ghestem Maubeuge sollicite de la cour qu'elle déboute M. [Z] [D] de sa demande de

paiement d'heures supplémentaires et de congés payés afférents et de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé, non-respect de certaines dispositions du code du travail et non respect du temps de conduite, à titre subsidiaire qu'elle ordonne la compensation judiciaire sur le fondement de l'article 1348 du code civil entre les sommes mises à sa charge et celles dues par M. [Z] [D] en vertu du jugement du tribunal correctionnel d'Avesnes sur Helpe, soit avec la somme de 177 euros, outre une somme de 500 euros accordée par le tribunal correctionnel sur le fondement de l'article 475-1 du code de procédure pénale et une somme de 500 euros au titre du préjudice moral, déboute M. [Z] [D] de sa demande de condamnation de décompter les intérêts à compter de la date d'introduction de la demande, de voir prononcer l'anatocisme et au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamne M. [Z] [D] à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 9 novembre 2022.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la demande au titre des heures supplémentaires

Le contrat de travail prévoit que la rémunération mensuelle de M. [Z] [D] se compose d'un salaire mensuel pour une durée de 152 heures et éventuellement d'heures supplémentaires décomptées mensuellement majorées au taux de 25 % de 153 à 186 heures et de 50 % au-delà de 186 heures.

Au soutien de sa demande, M. [Z] [D] produit en application de l'article L.3171-4 du code du travail un décompte, ses bulletins de salaire et ses relevés d'heures de juin 2009 à octobre 2011 mentionnant pour chaque jour l'amplitude, le temps de pause et le temps de travail. Il fait valoir que l'employeur n'apporte aucun élément de preuve en réponse.

L'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, est donc à même de répondre utilement, étant rappelé qu'il est censé annexer aux bulletins de salaire un document mensuel comportant la durée des temps de conduite et des temps de service autres que la conduite en application de l'article 10§6 du décret 83-40 du 26 janvier 1983 et être en mesure de produire les feuilles d'enregistrement, dans la limite de la prescription, lorsqu'il existe une contestation sur le nombre d'heures effectuées.

La société intimée fait valoir que les tableaux produits sont fantaisistes. Elle fait justement observer que la différence entre les heures travaillées et payées par le salarié résultant de ces tableaux récapitulatifs est inférieure à ce qu'il a calculé et que M. [Z] [D] a effectué son calcul sur la base du même taux horaire, qui change pourtant en fonction des années de service.

Elle indique que le paiement des heures supplémentaires effectuées pendant les mois d'intense activité était reporté sur les mois de moindre activité pour lisser la rémunération et que le salarié n'explique pas comment il impute les heures qu'il avait à son «compteur d'heures». Toutefois, le salarié en a tenu compte puisqu'il reprend dans ses calculs les mois au cours desquels les heures payées excédaient les heures travaillées.

La société Ghestem Maubeuge soutient inexactement que le salarié réclame des heures supplémentaires pour des temps de coupure réglementaires, alors que le salarié fonde sa demande sur les seuls temps travaillés, hors pause.

Elle rappelle enfin le contexte du licenciement et indique, s'il est constaté des écarts entre les heures supplémentaires payées et effectuées, qu'il faut tenir compte du fait que M. [Z] [D] utilisait les camions de la société pour un trafic de marchandises et de gasoil organisé avec six autres chauffeurs et leurs épouses respectives, ce qui générait des heures de conduite sur les disques chronotachygraphes qui n'ont pas à être réglées. Cependant, la société Ghestem Maubeuge ne fournit pas d'éléments sur le mode opératoire utilisé par le salarié dont il résulterait que les délits commis ont généré les temps de service dont il sollicite le paiement.

Il convient au vu de ces éléments d'évaluer le rappel d'heures supplémentaires accomplies par le salarié, compte tenu des taux horaires successivement applicables, à la somme de 2 697,65 euros et les congés payés y afférents à 269,76 euros. Le jugement, qui a considéré que les éléments fournis par le salarié n'étaient pas suffisamment précis, sera infirmé.

Sur la demande d'indemnité pour travail dissimulé

En application de l'article L.8221-5 du code du travail, il n'est pas établi que l'employeur, qui a payé quasiment chaque mois des heures supplémentaires, a intentionnellement mentionné sur les bulletins de salaire de M. [Z] [D] un nombre d'heures de travail inférieur à celui accompli. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] [D] de sa demande en paiement de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L.8223-1 du code du travail.

Sur la demande d'indemnité pour non-respect des conditions de travail et manquement aux règles sur le travail de nuit

M. [Z] [D] fait valoir en premier lieu que certains salariés faisaient l'objet d'une discrimination en ne bénéficiant pas du coefficient 150 sur les fiches de paie mais uniquement du coefficient 138. Cependant, l'appelant ne demande pas l'application du coefficient 150, ne prétend pas qu'il remplissait les conditions pour accéder à la qualification de conducteur hautement qualifié de véhicule poids lourds et ne présente pas d'éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination à son égard.

Il ajoute qu'alors que la convention collective prévoit une prime horaire égale à 20 % du taux horaire conventionnel à l'embauche applicable au coefficient 150 M pour les heures effectuées entre 21 heures et 6 heures, cette disposition n'a pas été respectée par l'employeur, et qu'il n'a pas bénéficié du repos compensateur auquel ont droit les travailleurs de nuit en application de l'article L.3122-39 du code du travail. Il ne produit néanmoins aucun décompte des heures de travail effectuées selon lui la nuit et ne sollicite aucun rappel de salaire de ce chef. Il ne résulte pas des pièces produites qu'il accomplissait des heures de travail nocturnes. Il ne remplit pas les conditions posées par l'accord du 14 novembre 2001 pour être considéré comme travailleur de nuit, à savoir accomplir au cours d'un mois au moins 50 heures de travail effectif durant la période nocturne, et n'avait pas droit à un repos compensateur de ce chef.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] [D] de sa demande d'indemnité.

Sur la demande d'indemnité pour non-respect des conditions de travail et manquement à l'obligation de sécurité et de résultat

En application des articles L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail, l'employeur, tenu d'une obligation en matière de protection de la sécurité et de la santé physique et mentale des travailleurs dans l'entreprise, doit en assurer l'effectivité en prenant toutes les mesures nécessaires de prévention prévues par les textes susvisés, des actions d'information et de formation et la mise en place de moyens adaptés.

Au titre d'un premier manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, M. [Z] [D] rappelle que la durée maximale hebdomadaire est de 48 heures et la durée minimale du repos quotidien à 11 heures et que la preuve du respect des seuils et plafonds incombe à l'employeur. Le relevé des infractions produit par l'employeur fait ressortir deux manquements à la règle sur la durée minimale du repos quotidien, en octobre 2009 et en janvier 2010. Le salarié ne justifie pas du préjudice que lui aurait causé ces deux seuls manquements.

Il affirme ensuite que l'employeur lui faisait payer «les actes commis» alors que cette dépense lui incombe et que certains salariés manipulaient des fenwick alors que le Caces est exigé. Il ne vise aucune pièce à l'appui de ses dires et ne justifie pas de l'application par la société Ghestem Maubeuge de sanctions pécuniaires prohibées ni d'un manquement de l'employeur aux règles régissant la conduite de certaines machines.

Enfin, il soutient qu'il n'a pas bénéficié du repos compensateur auquel il avait droit au regard des heures supplémentaires accomplies. Il rappelle qu'en application du décret n° 2007-13 du 4 janvier 2007, le salarié a droit à 1 jour de repos compensateur lorsqu'il a accompli entre 41 et 79 heures supplémentaires sur le trimestre, 1,5 jours lorsque ce volume est compris entre 80 et 108 heures supplémentaires, et 2.5 jours lorsque le salarié a accompli plus de 108 heures supplémentaires sur le trimestre. Indépendamment du rappel d'heures supplémentaires ci-dessus, les bulletins de salaire montrent que le salarié accomplissait de façon récurrente un nombre d'heures supplémentaires ouvrant droit au bénéfice de repos compensateurs. La société Ghestem Maubeuge se borne à affirmer que le salarié a bénéficié de l'ensemble des repos compensateurs qui devaient lui être octroyés, sans fournir aucun justificatif à l'appui, alors même que les bulletins de salaire ne comportent aucune indication sur les repos compensateurs acquis et utilisés. Le préjudice subi par le salarié du fait de la privation du repos compensateur lié aux heures supplémentaires accomplies et des risques pour sa santé et sa sécurité sera indemnisé par l'octroi de la somme de 1 500 euros.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. [Z] [D] de ce chef de demande.

Sur les autres demandes

L'issue du litige justifie, infirmant le jugement, de débouter la société Ghestem Maubeuge de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de la condamner à verser à M. [Z] [D] la somme de 1 500 euros de ce chef.

Il n'y a pas lieu de déroger à la règle selon laquelle les sommes allouées portent intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter de la décision qui les a prononcées pour les sommes à caractère indemnitaire. Les intérêts dus pour une année entière se capitalisent en application de l'article 1343-2 du code civil.

Il convient en application de l'article 1348 du code civil de prononcer la compensation entre les sommes allouées à M. [Z] [D] et les sommes qu'il doit à la société Ghestem Maubeuge en vertu du jugement du tribunal correctionnel d'Avesnes sur Helpe en date du 23 mai 2016.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] [D] de ses demandes d'indemnité pour travail dissimulé et manquement aux règles de travail de nuit.

Infirme le jugement déféré, statuant à nouveau et y ajoutant :

Déclare M. [Z] [D] recevable en sa demande au titre des heures supplémentaires.

Condamne la société Ghestem Maubeuge à verser à M. [Z] [D] :

2 697,65 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires

269,76 euros au titre des congés payés y afférents

1 500 euros à titre d'indemnité pour non-respect des conditions de travail et manquement à l'obligation de sécurité et de résultat.

Déboute la société Ghestem Maubeuge de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Ghestem Maubeuge à verser à M. [Z] [D] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dit que les sommes allouées portent intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les sommes de nature salariale et à compter de l'arrêt pour les sommes à caractère indemnitaire.

Ordonne la capitalisation des intérêts dus pour une année entière.

Prononce la compensation entre les sommes dues par la société Ghestem Maubeuge à M. [Z] [D] en vertu de présent arrêt et les sommes dues par M. [L]

[K] [D] à la société Ghestem Maubeuge en vertu du jugement du tribunal correctionnel d'Avesnes sur Helpe en date du 23 mai 2016.

Condamne la société Ghestem Maubeuge aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 2
Numéro d'arrêt : 21/00362
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;21.00362 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award