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27/01/2023 | FRANCE | N°21/00286

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale c salle 2, 27 janvier 2023, 21/00286


ARRÊT DU

27 Janvier 2023







N° 114/23



N° RG 21/00286 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TO7P



MLB/AL







AJ

























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE SUR MER

en date du

08 Février 2021

(RG F 19/00161 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 27 Janvier 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



S.A.R.L. FORMAVENIR T RECRUTEMENT

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Laetitia BONNARD PLANCKE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER





I...

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 114/23

N° RG 21/00286 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TO7P

MLB/AL

AJ

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOULOGNE SUR MER

en date du

08 Février 2021

(RG F 19/00161 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.R.L. FORMAVENIR T RECRUTEMENT

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentée par Me Laetitia BONNARD PLANCKE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

INTIMÉ :

M. [U] [J]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représenté par Me Julie RITAINE, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 59178/02/21/005848 du 17/06/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de DOUAI)

DÉBATS : à l'audience publique du 16 Novembre 2022

Tenue par Muriel LE BELLEC

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Angelique AZZOLINI

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Soleine HUNTER-FALCK

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Muriel LE BELLEC

: CONSEILLER

Gilles GUTIERREZ

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Soleine HUNTER-FALCK, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 26 Octobre 2022

EXPOSE DES FAITS

M. [U] [J], né le 6 mai 1977, a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er décembre 2017 en qualité de chargé de projet par la société Formavenir et Recrutement, qui applique la convention collective des organismes de formation.

Il a été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 août 2018 à un entretien le 31 août 2018 en vue de son licenciement et mis à pied à titre conservatoire. A l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 septembre 2018.

Les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :

«A mon retour de congé payé, le 20 août 2018, je prenais connaissance de faits particulièrement graves.

Sans m'en référer, vous avez changé le canon de la serrure de votre bureau afin que personne d'autre que vous ne puisse y accéder.

Je vous rappelle que vous n'êtes pas propriétaire des locaux !

Vous n'êtes pas davantage chargé d'encadrer, ni de contrôler le travail de vos collègues.

Vos fonctions ne supposent aucune mission d'encadrement et vous ne disposez d'aucune autorité hiérarchique sur le personnel.

Le cas de Madame [S] apparait particulièrement inquiétant.

Je devais déplacer le poste de travail de cette salariée, laquelle partageait votre bureau, en suite de vos remarques incessantes sur la qualité de son travail.

Cette salariée indique avoir pleuré à plusieurs reprises sur son lieu de travail et à son domicile en raison de la pression qu'elle subissait et des craintes que vous véhiculez : « j'ai tellement un gros réseau que si je veux, je peux détruire la vie de quelqu'un en un claquement de doigt. », « j'ai des amis manouches qui feraient n'importe quoi pour moi ».

Aussi, vous vous plaisez à dénigrer vos collègues de travail.

Pour reprendre vos propos : « moins que rien », « payé à rien foutre »,'

Vous avez également menacé Monsieur [E] de l'évacuer de force du bureau alors qu'il souhaitait simplement assister à une réunion d'équipe.

Dans le même ordre d'idée, vous avez agressé une formatrice qui avait eu la mauvaise idée de jeter une boule à thé vous appartenant qui n'avait pas été nettoyée depuis plusieurs jours, dans un état de saleté manifeste.

Vous quittiez alors les locaux en menaçant cette dernière : « [T], tu as intérêt d'être irréprochable. »

Vous ne cessez de faire preuve de défiance à l'égard de Monsieur [E].

J'étais mise en copie d'un échange de mails particulièrement violent :

« Retour ou pas retour tu ne passes pas commande chez CDiscount. »

« Un moment il faudrait que tu respectes la chaîne de commandement. »

« Je t'ai demandé les choses gentiment, pourquoi ne pas te contenter d'essayer de comprendre ce qu'on t'explique et de respecter les consignes que l'on te donne. »

« C'est comme je dis et pas autrement [A]. Donc écoute ce qu'on te dit et mets un peu ton égo de côté. »

Les formatrices ne souhaitent plus travailler avec vous, relatant vos crises d'hystérie.

Plus particulièrement, la veille du démarrage d'une formation, vous indiquiez à la formatrice «de se démerder », qu'elle était «une grande fille».

En ma qualité d'employeur, garant de la santé et de la sécurité de mes salariés, il m'appartient de faire cesser ces agissements constitutifs d'une faute grave.

Au cours de notre entretien du 31 août 2018, vous n'avez pas nié les faits et avez concédé que les propos ci-avant repris n'étaient pas particulièrement bien choisis.

Néanmoins, vous tentiez de légitimer ces propos en indiquant notamment que vous deviez palier aux carences de vos collègues, plus particulièrement celles de Monsieur [E].

Ces inepties me confortent dans ma position.

Compte tenu de ce qui précède, je vous notifie votre licenciement pour faute grave.»

Par requête reçue le 12 septembre 2019, M. [U] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Boulogne-sur-Mer pour obtenir des rappels de salaire et contester son licenciement.

Par jugement en date du 8 février 2021 le conseil de prud'hommes a dit que le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et condamné la société Formavenir et Recrutement à payer à M. [U] [J] :

- 14 242,96 euros à titre de rappel de salaire sur la prime de résultat

- 1 424,29 euros au titre des congés payés y afférents

- 1 413,42 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied à titre conservatoire

- 141,34 euros au titre des congés payés y afférents

- 4 661,82 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

- 466,18 euros au titre des congés payés y afférents

- 437,10 euros à titre d'indemnité de licenciement

- 2 330,91 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il a également ordonné la remise par la société Formavenir et Recrutement à M. [U] [J] des documents sociaux rectifiés des sommes ci-dessus et du motif de licenciement, condamné la société Formavenir et Recrutement au paiement des intérêts au taux légal sur les sommes dues, débouté M. [U] [J] du surplus de ses demandes, débouté la société Formavenir et Recrutement de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du code de procédure civile et fixé la moyenne des trois derniers mois de salaires à la somme de 2 117 euros brut.

Le 2 mars 2021, la société Formavenir et Recrutement a interjeté appel de ce jugement.

Par ses conclusions reçues le 1er juin 2021 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la société Formavenir et Recrutement sollicite de la cour qu'elle réforme entièrement le jugement et, statuant à nouveau, qu'elle déboute intégralement M. [U] [J] de ses demandes et le condamne à la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ses conclusions reçues le 21 septembre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [U] [J] sollicite de la cour qu'elle confirme le jugement en en toutes ses dispositions et, y ajoutant en cause d'appel, qu'elle condamne la société Formavenir et Recrutement au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 26 octobre 2022.

MOTIFS DE L'ARRET

Sur la demande de rappel de salaire

Le contrat de travail stipule :

« Article IX- Primes de résultat

En plus de sa rémunération mensuelle brute, M. [U] [J] percevra une prime variable fixée à 8 % du chiffre d'affaires TTC encaissé.

Cette prime sera calculée sur le montant TTC des factures encaissées.

Le règlement de cette partie variable mensuelle interviendra chaque fin de mois après examen des comptes. »

A l'appui de son appel, la société Formavenir et Recrutement fait valoir en premier lieu que M. [U] [J] n'a pas contesté son reçu pour solde de tout compte.

Il résulte de l'article L.1234-20 du code du travail, d'une part, que l'employeur a l'obligation de faire l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail, d'autre part, que le reçu pour solde de tout compte n'a d'effet libératoire que pour les seules sommes qu'il mentionne en précisant la nature de celles-ci. Le reçu pour solde de tout compte qui fait état d'une somme globale et renvoie pour le détail des sommes versées au bulletin de paie annexé n'a pas d'effet libératoire.

M. [U] [J] fait justement valoir que le reçu pour solde de tout compte qu'il a signé ne fait que mentionner qu'il a reçu la somme de 1 970,95 euros « correspondant à la décomposition établie sur [son] bulletin de paie du mois de septembre 2018 et en paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursement de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation de [son] contrat de travail, ci-joint annexé », de sorte qu'il est dépourvu d'effet libératoire.

De plus, le document intitulé « annexe au solde de tout compte » produit par l'employeur n'est pas signé par M. [U] [J] et le reçu signé par M. [U] [J] le 3 octobre 2018 pour la prime de 1 204,04 euros représentant la prime de 8% des montants encaissés sur la formation « Numérisons la cité » ne vaut que pour la prime due au titre de cette formation et non pas reçu pour solde des primes de résultat dans leur ensemble.

M. [U] [J] est donc recevable en sa demande en paiement d'un rappel de prime de résultat.

Au fond, la société Formavenir et Recrutement affirme que M. [U] [J] a perçu ses primes de résultats en fonction du montant TTC des factures encaissées. Elle ne fournit pas davantage d'explications et ne produit aucune pièce sur les factures encaissées.

M. [U] [J] expose qu'il a perçu deux primes de résultat, l'une de 552,80 euros en août 2018 et l'autre de 1 204,04 euros en septembre 2018 mais que le chiffre d'affaires de la société Formavenir et Recrutement ne se limite pas à la somme de 21 963 euros et qu'il l'estime à environ 200 000 euros.

Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire. En l'absence de communication d'éléments sur le chiffre d'affaires TTC encaissé, la société Formavenir et Recrutement ne conteste pas utilement le jugement qui a retenu que l'estimation par M. [U] [J] du chiffre d'affaires soumis au calcul de la prime ne soulevait pas de contestation de l'employeur.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

En application des articles L.1232-6 et L.1234-1 du code du travail, la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige reproche à M. [U] [J] d'avoir changé le canon de la serrure de son bureau, ainsi que son comportement dénigrant, autoritaire et menaçant envers plusieurs de ses collègues.

Pour caractériser ces griefs, la société Formavenir et Recrutement produit quatre attestations, la plainte de M. [E] et la fiche d'intervention d'un garagiste.

Mme [M] [X], formatrice, fait état d'un accès de colère de M. [U] [J] le 14 mai 2018 alors qu'elle lui rappelait la nécessité d'un règlement pour finaliser une action. Elle précise qu'il s'est enfermé dans son bureau en claquant brutalement la porte, la « plantant là sans plus d'explication » devant Mme [S], qu'elle s'est rendue un peu plus tard dans son bureau pour lui poser une question et qu'il lui a répondu de se « démerder » car elle était « une grande fille ». Elle ajoute qu'alors qu'elle dispensait une formation compliquée et avait besoin d'aide, elle a essayé de le joindre à plusieurs reprises par téléphone, lui a envoyé un sms, qu'ils ont eu un échange « vigoureux » par téléphone le 25 mai 2018, qu'il ne l'a pas laissée s'exprimer et lui a raccroché au nez, que plus tard, alors qu'elle lui faisait part de son sentiment d'abandon et de surcharge face à deux actions de formation menées seule et de front, il lui a demandé « pour qui [elle se prenait], [qu'elle ne travaillait] pas à la sécu, [qu'elle n'était] pas fonctionnaire ». Mme [M] [X] déclare qu'elle s'est tournée vers Mme [N], gérante, pour « vider [son] sac  » début juin, qu'il lui est alors revenu aux oreilles que M. [U] [J] aurait dit qu'il ferait tout pour que son nombre d'heures baisse, qu'il lui a envoyé un sms le 7 juin la décrivant comme une personne « ingrate, hypocrite et sans raisonnement », qu'il lui a fait vivre un mois de véritable souffrance au travail et qu'elle a signifié à Mme [N] le 26 juin 2018 qu'elle ne voulait plus travailler avec lui.

Mme [T] [W], formatrice, expose qu'elle a dû interrompre son cours le 24 juillet 2018 en raison de cris dans le couloir et intervenir alors que M. [U] [J] hurlait contre M. [E] en lui disant qu'il était une « pseudo autorité ». Elle ajoute que le 26 juillet 2018, après un grand nettoyage des locaux et notamment de la cuisine dans laquelle se trouvaient des restes de nourriture avariés, M. [U] [J], qui accusait les stagiaires de laisser les lieux dans un état dégoûtant, est entré dans une colère noire en apprenant qu'elle avait jeté une boule à thé pleine, de couleur noire avec des tâches grises », qu'elle lui a fait remarquer que crier était une marque de faiblesse, qu'après être parti une quinzaine de minutes dans son bureau il est passé devant sa porte sans la regarder et lui a dit : « [T] tu as intérêt à être irréprochable ».

Mme [V] [S] explique être arrivée dans la société en janvier 2018, que très vite après sa période d'essai d'un mois, des tensions sont apparues avec M. [U] [J], dont elle n'acceptait pas qu'il critique ouvertement son collègue M. [E] devant elle, en disant de lui qu'il était « un moins que rien », qu'il était payé « à rien foutre », qu'il ne savait faire que des « conneries ». Elle ajoute avoir très mal vécu qu'il commente systématiquement ses appels téléphoniques lorsqu'elle faisait de la prospection et a pleuré à plusieurs reprises au travail et même à son domicile. Elle confirme avoir été témoin de son altercation avec Mme [X] en mai 2018 et qu'il a claqué la porte de son bureau violemment. Elle fait part de son soulagement lors de l'absence de M. [U] [J], en arrêt de travail puis en congés payés, et relate que depuis son retour de vacances, elle a peur de lui, qu'il fait des sous-entendus menaçants, lui explique qu'il a un tellement gros réseau qu'il peut « détruire la vie d'une personne en un claquement de doigt », qu'il a « des amis manouches qui feraient n'importe quoi pour [lui] », qu'il a eu des propos vifs et menaçants envers M. [E] et Mme [W], qui plus est devant les stagiaires, qu'il a menacé M. [E] « de le faire sortir lui-même du bureau s'il ne voulait pas quitter la pièce » au point que Mme [W] a dû intervenir pour les faire taire, que lorsqu'il a appris que M. [E] avait une clef du bureau, il a immédiatement changé le canon de la serrure et qu'il a agressé Mme [W] au sujet d'une boule à thé et l'a menacée en lui disant « qu'elle avait intérêt à être irréprochable ». Mme [V] [S] conclut dans son attestation datée du 10 août 2018 qu'elle doit supporter le comportement de M. [U] [J] depuis six mois, qu'elle est angoissée, qu'elle ne dort plus, que cela joue sur sa santé et qu'elle est actuellement sous traitement médical.

Mme [P] [H] atteste que M. [U] [J] l'a appelée téléphoniquement le 24 juillet 2018, qu'il était en colère suite à un différend avec M. [E] et qu'il lui a dit : « Je viens de me disputer avec lui, il me fait chier, je vais lui pourrir la vie, il va dégager, je viens de lui jeter de l'eau sur son clavier d'ordinateur il pourra plus bosser et je vais lui crever ses pneus », qu'elle lui a répondu qu'il ne pouvait pas crever les pneus d'un collègue à chaque fois qu'il n'était pas d'accord avec lui et qu'il a rétorqué que c'était trop tard, qu'il l'avait fait.

Est jointe à l'attestation de Mme [H] la plainte déposée par M. [E] le 24 juillet 2018, par laquelle il a déclaré à la police nationale avoir retrouvé à la fin de sa journée de travail ses deux pneus crevés côté gauche, qu'il s'agissait selon le garagiste d'une crevaison volontaire, qu'également son ordinateur portable, qu'il avait laissé dans une pièce, est tombé en panne, qu'il avait le même jour eu un échange tendu avec un de ses collègues avec lequel il a des relations conflictuelles depuis un certain temps. La fiche d'intervention de la société Auto 2000 en date du 24 juillet 2018, également jointe à l'attestation de Mme [H], corrobore la crevaison de deux pneus du véhicule de M. [E].

M. [U] [J] répond que les attestations ci-dessus ont été établies pour les besoins de la cause, ce qui est partiellement inexact puisque les attestations de Mmes [W] et [S], la plainte de M. [E] et la fiche d'intervention du garagiste sont antérieures à sa saisine de la juridiction prud'homale.

M. [U] [J] fait encore valoir qu'il n'a pas acquiescé aux griefs et qu'aucune enquête n'a été menée par l'employeur, ce qui n'est toutefois pas un préalable obligatoire à l'engagement d'une procédure de licenciement.

Il soutient que la décision de le licencier avait été prise avant la notification du licenciement, alors que le « licenciement déclaré avant l'entretien préalable prive la procédure de régularité ». Il produit un mail de M. [R] [O], dirigeant de [B], en date du 22 août 2018, qui lui indique avoir été avisé la veille par Mme [N] qu'il ne faisait plus partie des effectifs et que c'est Mme [V] [S] qui le remplacerait aux rencontres dirigeants à partir de ce jour. Il ne peut toutefois s'en déduire que ces propos de Mme [N], tenus dans le contexte de la suspension du contrat de travail du salarié par la mise à pied conservatoire notifiée le 20 août 2018, constitueraient une annonce d'une décision d'ores et déjà prise de rompre son contrat de travail. D'ailleurs, il ressort du mail adressé par le salarié à Mme [N] le 2 septembre 2018, à la suite de l'entretien préalable du 31 août 2018, que les griefs ont été discutés et que la décision de le licencier n'était pas prise puisque M. [U] [J] évoque sa proposition faite à l'employeur de requalifier son « projet de licenciement » pour faute en licenciement économique.

Enfin, M. [U] [J] fait valoir que les attestations adverses ne sont pas convaincantes et pas corroborées, que Mme [X] n'est pas citée dans la lettre de licenciement et qu'il s'est toujours montré courtois. Toutefois, les modes de preuve n'ont pas à être cités dans la lettre de licenciement et les témoignages produits par l'employeur sont circonstanciés, personnalisés et se recoupent. Ainsi, Mme [X] et Mme [S] évoquent toutes les deux le fait que M. [U] [J] a claqué sa porte suite à une discussion avec Mme [X]. Mme [W] et Mme [S] relatent toutes les deux ses propos menaçants à l'adresse de Mme [W] qui avait jeté sa boule à thé. L'adoption d'un mode de relation conflictuel avec M. [E] ressort tant de l'attestation de Mme [S] que de la plainte de M. [E]. Mme [S] et Mme [W] font toutes les deux état de propos dénigrants de M. [U] [J] envers M. [E], tandis que Mme [W], Mme [S], Mme [H] et M. [E] témoignent tous de son emportement excessif à l'endroit de M. [E] et de son absence totale de maîtrise le 24 juillet 2018.

Si M. [U] [J] savait effectivement se montrer aimable et courtois, comme le prouvent les mails qu'il produit adressés à Mme [S] et Mme [X], les pièces communiquées par l'employeur établissent non seulement qu'il s'est arrogé le droit de changer la serrure de son bureau mais surtout qu'il faisait preuve d'accès de colère répétés et disproportionnés, lourds de conséquences pour ses collègues.

En sa qualité d'employeur, la société Formavenir et Recrutement est tenue de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. Le comportement colérique plusieurs fois manifesté par M. [U] [J] rendait impossible son maintien dans l'entreprise. Le jugement sera donc infirmé et M. [U] [J] débouté de ses demandes au titre de la mise à pied conservatoire, justifiée, et de la rupture du contrat de travail.

Sur les autres demandes

Il y a lieu d'ordonner à la société Formavenir et Recrutement de remettre à M. [U] [J] les documents sociaux rectifiés des seules sommes allouées à titre de rappel de salaire, qui portent intérêt de retard au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chaque partie les frais qu'elle a dû exposer, tant devant le conseil de prud'hommes qu'en cause d'appel et qui ne sont pas compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société Formavenir et Recrutement à payer à M. [U] [J] 14 242,96 euros à titre de rappel de salaire sur la prime de résultat et 1 424,29 euros au titre des congés payés y afférents, en ce qu'il a débouté la société Formavenir et Recrutement de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la société Formavenir et Recrutement aux dépens.

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Dit que le licenciement pour faute grave est justifié.

Déboute M. [U] [J] de ses demandes au titre de la mise à pied à titre conservatoire et de la rupture du contrat de travail.

Ordonne à la société Formavenir et Recrutement de remettre à M. [U] [J] les documents sociaux rectifiés des sommes allouées à titre de rappel de salaire.

Dit que les sommes allouées portent intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation.

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne la société Formavenir et Recrutement aux dépens.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Soleine HUNTER-FALCK


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale c salle 2
Numéro d'arrêt : 21/00286
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;21.00286 ?
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