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27/01/2023 | FRANCE | N°19/01887

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale d salle 3, 27 janvier 2023, 19/01887


ARRÊT DU

27 Janvier 2023







N° 151/23



N° RG 19/01887 - N° Portalis DBVT-V-B7D-STFM



VC/CH





























Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

02 Septembre 2019

(RG 18/00117 -section 2)



































GROSSE :



Aux a

vocats



le 27 Janvier 2023



République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-







APPELANTE :



S.A.S. GAUTIER LOGISTIQUE NORD

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Elodie STIERLEN, avocat au barreau de RENNES





INTIMÉE :



Mme [G] [F]

[Adresse 3]

[Localité ...

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 151/23

N° RG 19/01887 - N° Portalis DBVT-V-B7D-STFM

VC/CH

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS

en date du

02 Septembre 2019

(RG 18/00117 -section 2)

GROSSE :

Aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

S.A.S. GAUTIER LOGISTIQUE NORD

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Elodie STIERLEN, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

Mme [G] [F]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par M. [O] [J] (Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

GREFFIER lors des débats : Gaetan DELETTREZ

DÉBATS : à l'audience publique du 24 Novembre 2022

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 mars 2022

EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :

La société SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD est une société spécialisée dans le transport frigorifique, principalement de produits alimentaires périssables.

La société SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD a engagé Mme [G] [F] par contrat unique d'insertion à durée indéterminée à compter du 22 septembre 2014 en qualité d'employée administrative transport.

Par avenant prenant effet le 1er janvier 2015, Mme [G] [F] a été affectée au poste de responsable service clients.

Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale des transports routiers.

Mme [G] [F] a été convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement par courrier du 16 novembre 2017 puis licenciée pour faute grave, suivant courrier du 30 novembre 2017.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, Mme [G] [F] a saisi le 24 avril 2018 le conseil de prud'hommes de Lens qui, par jugement du 2 septembre 2019, a rendu la décision suivante :

- dit et juge qu'il n'y a pas de faute grave,

- dit et juge que le licenciement prononcé à l'encontre de Mme [G] [F] est abusif et dénué de cause réelle et sérieuse,

- dit que les barèmes prévus à l'article L1235-3 du code du travail ne respectent pas l'article 24 de la charte sociale européenne, les articles 4 et 10 de la convention 158 de l'OIT ainsi que la jurisprudence européenne, la jurisprudence française et le droit au procès équitable,

- dit et juge que les dispositions de l'article 10 de la convention 158 de l'OIT sont applicables de plein droit dans le cadre de la rupture d'un contrat de travail sans cause réelle et sérieuse,

- dit et juge que les dispositions de l'article L1235-3 du code du travail sont contraires à la convention 158 de l'OIT car elles ne fixent pas une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée,

- dit et juge que Mme [G] [F] a droit à une réparation appropriée dans le cadre de la rupture abusive de son contrat de travail,

- condamne la SAS GLN à payer à Mme [G] [F] les sommes suivantes :

- 4359,56 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 435,95 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 1725,65 euros nets au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 1500 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déboute la SAS GLN de l'intégralité de ses demandes,

- déboute Mme [G] [F] du surplus de ses demandes,

- dit que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de 9 mois de salaire,

- ordonne le remboursement par la SAS GLN de toutes les indemnités de chômage payées à Mme [G] [F] du jour de son licenciement au jour du prononcé du jugement dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage perçues,

- précise que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter de la demande pour toutes les sommes de nature salariale, et à compter du prononcé du jugement pour toute autre somme,

- dit qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées, le montant des sommes retenues par l'huissier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 fixant le tarif des huissiers sera supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamne la SAS GLN aux entiers dépens.

La SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD a relevé appel de ce jugement, par lettre recommandée avec accusé de réception du 13 septembre 2019.

Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 21 mai 2021 au terme desquelles la société SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

A TITRE PRINCIPAL

- REFORMER le jugement du Conseil des Prud'hommes de Lens en ce qu'il a jugé le licenciement de Madame [G] [F] dépourvu de cause réelle et sérieuse en l'absence de faute grave démontrée par l'employeur, et condamné l'employeur au paiement de diverses sommes liées à la rupture du contrat de travail et sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile

STATUANT À NOUVEAU,

- DIRE ET JUGER que le licenciement de Madame [G] [F] repose sur une faute grave

EN CONSEQUENCE

- DEBOUTER Madame [G] [F] de l'ensemble de ses demandes à savoir :

- 4 359,56€ au titre du préavis légal de 2 mois ;

- 435,95 € au titre des congés payés y afférents ;

- 1 725,65€ au titre de l'indemnité de licenciement ;

- 15 000,00€ au titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

- CONFIRMER le jugement du Conseil des Prud'hommes de Lens en ce qu'il a débouté Madame [G] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.

À TITRE SUBSIDIAIRE

- DIRE ET JUGER que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

A TITRE INFINIMENT PLUS SUBSIDIAIRE

- DIRE ET JUGER que les dispositions de l'article L.1235-3 du Code du travail sont applicables

- LIMITER le montant des dommages intérêts à 3 mois de salaire.

EN TOUT ETAT DE CAUSE

- DEBOUTER Madame [G] [F] de toute demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel ;

- CONDAMNER Madame [G] [F] à verser à la société G.L.N la somme de 2.000,00€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, la société SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD expose que :

- Compte tenu de la nature de produits alimentaires périssables transportés et en cas de retard de livraison ou de détérioration des colis, la procédure de «sauvetage des marchandises» permet à la société GLN de revendre les produits à des sociétés de destockage, ce afin d'éviter la destruction des marchandises et de limiter les coûts litiges.

- La procédure de sauvetage qui requiert l'accord écrit du client, est, toutefois, interdite pour les marques distributeurs dont les marchandises n'appartiennent pas au client direct du transporteur mais au client final.

- Or, Mme [G] [F] a procédé, le 18 septembre 2017, à la revente d'un produit de marque distributeur (MDD) à un destockeur, dans le cadre de cette procédure de sauvetage et sans accord écrit du client. La salariée a, ainsi, donné l'instruction de sauvetage et établi le bon de livraison de revente, ce sans vérifier l'origine des produits (MDD ou non) et sans l'autorisation écrite du client, ce en violation de la procédure applicable et peu important les procédures de vérification mises en oeuvre par le destockeur.

- Les faits reprochés ne sont pas prescrits compte tenu de la convocation à l'entretien préalable du 16 novembre 2017 et de l'information du manquement portée à la connaissance de l'employeur le 18 septembre 2017 puis de la réalisation d'une enquête achevée le 25 septembre 2017.

Par ailleurs, compte tenu du comportement réitéré de Mme [F], l'employeur pouvait également faire état de faits antérieurs à deux mois (juillet et août 2017) pour lesquels elle s'était vue rappeler à l'ordre et rappeler les instructions et notes de services, nonobstant l'absence de sanction.

- Ces manquements sont constitutifs d'une faute grave et peuvent conduire à la mise en cause de la responsabilité du transporteur et à une atteinte à la sécurité alimentaire des consommateurs.

- Par ailleurs, si Mme [G] [F] prétend avoir fait l'objet de harcèlement moral en lien avec des pressions subies et sa récente adhésion au syndicat FO, elle n'apporte aucun élément matériel précis de nature à justifier d'une situation de harcèlement moral.

- Mme [G] [F] ne justifie, par ailleurs, ni du préjudice nécessitant la mise à l'écart du barème d'indemnisation, dans le cas où le licenciement serait déclaré sans cause réelle et sérieuse, ni du caractère brutal et vexatoire de son licenciement.

Vu les dernières conclusions notifiées le 9 mars 2020, dans lesquelles Mme [G] [F], représentée par un défenseur syndical, intimée et appelante incidente demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

- condamner la société GLN à payer à Mme [G] [F] 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire,

- condamner la société GLN à lui verser 1500 euros nets en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- avec application des intérêts judiciaires à compter du dépôt de la demande le 24 avril 2018,

- avec exécution provisoire,

- ordonner le remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des allocations chômage dans la limite de 6 mois d'indemnités,

- dire qu'à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par les juges et en cas d'inexécution par voie extra judiciaire les sommes retenues par l'huissier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 fixant le tarif des huissiers doivent être supportées par la partie appelante en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile

A l'appui de ses prétentions, Mme [G] [F] soutient que :

- La SAS GLN ne rapporte pas la preuve d'une faute grave imputable à la salariée, dès lors que celle-ci n'a pas fait l'objet d'une mise à pied conservatoire, qu'elle n'avait jamais été sanctionnée auparavant, et que la procédure va durer près de deux mois, «juste à temps pour ne pas être prescrite».

- Les procédures en cours avant l'erreur du 12 septembre 2017 portée à la connaissance de la société GLN le 18 septembre suivant n'étaient pas conformes concernant le traitement par le service client, de sorte qu'elle a implicitement agi conformément à la politique et la procédure mises en place par la direction.

- Concernant le grief du mois de septembre 2017, elle n'est pas intervenue dans le dossier mais uniquement dans la simple saisie de revente mais qui ne vaut pas accord de revente, seule l'équipe du SAV et notamment M. [U] gérant les palettes et préparant les reventes sur les quais et étant à l'origine d'une erreur.

- Si une erreur a été commise, elle a réparé celle-ci en intervenant auprès du destockeur pour ordonner la destruction de la marchandise, conformément aux consignes en vigueur et sans préjudice pour l'entreprise.

- Concernant les faits similaires des 13 juillet et 16 août 2017, ceux-ci n'ont pas été évoqués lors de l'entretien préalable et elle se trouvait en congés lors de la première période. Il n'a pas non plus été évoqué lors dudit entretien la persistance d'agissements contraires à la politique et aux procédures de l'entreprise.

- La faute grave n'est pas caractérisée et le grief principal s'il est jugé réel n'est pas sérieux et ne peut légitimer un licenciement dont l'absence de caractère réel et sérieux et les dommages et intérêts y afférent doivent être appréciés in concreto et conduire à écarter le barème Macron en raison de son inconventionnalité.

- En outre, l'erreur de livraison n'est pas le vrai motif de licenciement qui trouve son origine dans le harcèlement, les pressions et menaces dont la salariée a fait l'objet mais également compte tenu de son adhésion au syndicat FO, avec une candidature prévisible au deuxième collège électoral, ce qui caractérise un licenciement brutal et vexatoire et justifie de l'octroi de dommages et intérêts.

La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 mars 2022.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

En application de l'article L. 1154-1 du même code, lorsque le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement moral, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l'espèce, Mme [G] [F] qui se prévaut de pressions subies et de son adhésion récente au syndicat FO pour alléguer avoir subi des faits de harcèlement moral, verse aux débats les éléments suivants :

- un mail du 16 octobre 2017 de M. [N] [T] lui reprochant, sauf à ce qu'elle y ait été autorisée par ses supérieures, d'avoir déjà quitté l'entreprise à 16h45 alors que ses horaires de travail sont jusqu'à 17h10 et lui rappelant l'impossibilité de réaliser des heures supplémentaires sans accord de l'employeur ;

- le mail en réponse de la salariée du 6 novembre 2017 au terme duquel elle précise avoir été autorisée par Mme [R] à quitter plus tôt afin de se rendre à un rendez-vous médical, et ne plus réaliser d'heures supplémentaires. Au terme de ce courrier, elle fait état des pressions régulières subies alors qu'en sa qualité de chef de service, elle est autonome et responsable et demande de cesser cette pression qu'elle analyse comme du harcèlement ;

- un mail du 7 novembre de Mme [G] [F] à M. [T] faisant état du refus de Mme [R] de traiter ses demandes de congés ;

- le courrier en réponse du 7 novembre 2017 faisant référence à l'entretien du 6 novembre 2017 et informant la salariée de la réalisation d'une enquête par le CHSCT, suite aux faits de harcèlement moral dénoncés ;

- trois attestations de salariés évoquant une altercation entre Mme [V] [R] et Mme [G] [F] faisant état des propos suivants tenus par la première en quittant l'open-space, «je vais la tuer» ;

- un compte rendu de visite du médecin du travail du 14 novembre 2017 constatant une incompatibilité au poste de travail et un courrier dudit médecin, le Dr [P], qui adresse Mme [F] à son médecin traitant et fait état de difficultés relationnelles à son poste de travail, d'insomnies, de manifestations d'anxiété et d'angoisses ;

- un certificat d'adhésion au syndicat FO signé du 11 septembre 2017 et une attestation du représentant de ce syndicat, M. [H] [D] faisant état de ce que la candidature de Mme [F] était envisagée pour les élections d'octobre 2018.

Il résulte, par suite, de ces éléments pris dans leur ensemble, que Mme [G] [F] rapporte la preuve de faits matériellement établis qui permettent de présumer ou laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail.

De son côté, la société GAUTIER LOGISTIQUE NORD à qui il incombe de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est

justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement, se prévaut, tout d'abord, de ce que Mme [G] [F] n'a fait l'objet d'aucune pression et que le rappel concernant les horaires de travail et les heures supplémentaires n'est que l'expression de son pouvoir de direction.

A cet égard, il est relevé un unique message de l'employeur lequel avait constaté l'absence de l'intéressée avant son horaire habituel de fin de travail et sans qu'il n'ait été informé de l'autorisation donnée par Mme [V] [R] concernant un départ anticipé pour raisons médicales. Dans ce contexte, ce seul mail ne saurait s'analyser en des pressions injustifiées. Il en va de même concernant les heures supplémentaires non autorisées, la société GLN ayant, par ailleurs, rappelé ce principe à l'ensemble des salariés.

En outre, concernant le refus de lui accorder un jour de congés puis le refus de Mme [R] de traiter ses demandes, il résulte des demandes de congés déposées par Mme [G] [F] qu'un refus lui a effectivement été notifié concernant un congé sollicité un mercredi. Néanmoins, tant la motivation apposée sur le refus que les explications de l'employeur démontrent le bien fondé de celui-ci en lien avec le temps partiel d'une autre salariée du service et le fait qu'en cas de congé accordé à Mme [F], seule une personne aurait alors été présente dans le service. Par ailleurs, l'employeur justifie par la réponse apportée le 31 janvier 2018 que les congés de Mme [F] ont toujours été validés par le directeur du site et n'incombaient pas à Mme [R] dans le cadre des missions temporaires d'audit et de qualiticienne qui lui avaient été confiées concernant le service clients en date du 25 septembre 2017. Ces éléments sont confortés par les demandes de congés dont l'analyse ne permet pas de faire un lien avec la signature antérieure alléguée de Mme [R].

Par ailleurs, concernant l'altercation survenue le 6 novembre 2017 entre Mme [V] [R] et Mme [G] [F], celle-ci est intervenue dans un contexte de réalisation par la première d'un audit de contrôle du fonctionnement du service clients dirigé par la seconde dont les constatations pouvaient donner lieu à une mise en cause de l'intimée. Surtout, si les trois attestations produites de salariés ayant assisté à la scène se limitent à mentionner les propos tenus par Mme [V] [R] en quittant l'open space («je vais la tuer»), elles ne comportent aucune précision quant à l'origine et au déroulement de l'altercation.

A l'inverse, la SAS GLN produit une attestation établie par M. [W] [A] au terme de laquelle celui-ci relate que, suite à un échange concernant un contrôle de facturation que [G] [F] ne faisait plus, il a senti la tension monter : «Mme [F] semblait extrêmement énervée et était à la limite de la politesse et du respect vis à vis de sa responsable et de ses collègues. Mme [R] tentait d'apaiser les échanges en vain et a invité [G] [F] à sortir afin d'avoir une explication hors de l'open space. [G] [F] a refusé toujours sur un ton très agressif et insultant».

Ainsi, dans ce contexte, si les propos tenus par Mme [R] sont à proscrire, ils n'en caractérisent pas pour autant des agissements répétés de harcèlement moral envers Mme [G] [F] laquelle avait également adopté un ton agressif et insultant.

Concernant l'adhésion au syndicat FO et la candidature de Mme [F] aux élections prévues près d'une année plus tard, si la salariée démontre ladite adhésion, cette adhésion n'a pas été déclarée à la SAS GLN tout comme la candidature envisagée aux élections professionnelles en octobre 2018.

Enfin, la SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD produit le compte rendu d'enquête du CHSCT daté du 14 novembre 2017, lequel a conduit à écarter l'existence de faits de harcèlement moral subis par Mme [G] [F].

Par conséquent, au regard des éléments produits pris dans leur ensemble, l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs de harcèlement. Il démontre, par ailleurs, que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

La preuve d'un harcèlement moral subi par Mme [G] [F] n'est donc pas établie.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur le licenciement pour faute grave :

Il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l'employeur. Il forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties après avoir ordonné, si besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; afin de déterminer si les faits imputés au salarié sont ou non établis, les juges du fond apprécient souverainement la régularité et la valeur probante des éléments de preuve qui leur sont soumis. La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

La faute grave est, par ailleurs, entendue comme la faute résultant d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. Les juges du fond, pour retenir la faute grave, doivent, ainsi, caractériser en quoi le ou les faits reprochés au salarié rendent impossible son maintien dans l'entreprise. Alors que la preuve du caractère réel et sérieux du licenciement n'incombe pas particulièrement à l'une ou l'autre des parties, il revient en revanche à l'employeur d'apporter la preuve de la faute grave qu'il reproche au salarié ; en cas de doute il profite au salarié.

L'employeur n'est, toutefois, pas tenu de procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager la procédure de licenciement pour faute grave.

Par ailleurs, s'il est fait obligation à l'employeur d'indiquer au cours de l'entretien préalable au salarié dont il doit recueillir les explications le motif de la sanction envisagée, il ne lui impose pas de communiquer à ce dernier les pièces susceptibles de justifier la sanction.

En l'espèce, il résulte de la lettre de licenciement du 30 novembre 2017 que Mme [G] [F] a été licenciée pour avoir le 18 septembre 2017 mis une marchandise en sauvetage sans l'accord du client et alors qu'il s'agissait de marchandises de marque distributeur, ce dans un contexte de réitération desdits agissements de sauvetage sans écrit, les 13 juillet et 16 août 2017 et malgré le rappel desdites consignes à plusieurs reprises.

En premier lieu, concernant le délai entre la faute du 12 septembre 2017 et la convocation à l'entretien préalable au licenciement du 16 novembre 2017, il est relevé que les faits ont été portés à la connaissance de l'employeur suite à l'envoi par le destockeur, FOODSTOCKS, d'un courrier électronique du 18 septembre 2017, alertant la SAS GLN de l'absence d'accord écrit à la revente et de ce que la marchandise concernée constituait des produits de marque distributeur.

La société appelante justifie également avoir mis en oeuvre une enquête de type audit confiée à Mme [V] [R]. Les faits sanctionnés ne sont, dès lors, pas prescrits.

Concernant le fait pour l'employeur d'avoir invoqué des faits antérieurs de plus de deux mois pour être survenus les 13 juillet et 16 août 2017, si l'employeur ne peut pas fonder un licenciement sur des faits prescrits, il en va autrement lorsque ces faits relèvent d'un comportement fautif identique aux faits non prescrits donnant lieu à l'engagement des poursuites disciplinaires. Tel est le cas en l'espèce, s'agissant du non respect des procédures applicables au sein de l'entreprise et notamment de l'absence d'accord écrit.

Toutefois, ces faits ne peuvent être pris en compte qu'à la condition d'avoir été évoqués lors de l'entretien préalable au licenciement. Tel n'a pas été le cas des faits du 13 juillet 2017 qui ne peuvent être retenus à l'encontre de Mme [F]. A l'inverse, concernant les faits révélés le 16 août 2017, il résulte du compte rendu établi par M. [H] [K], conseiller du salarié ayant assisté Mme [G] [F] lors de l'entretien que les faits afférents à une vente d'oeufs ont bien été évoqués par l'employeur, le conseiller ayant, toutefois, indiqué que, datant de plus de deux mois, ces derniers étaient «forclos».

Ainsi, il n'y a pas lieu d'écarter les faits complémentaires du 16 août 2017.

A l'appui de la faute grave alléguée, la SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD justifie, en premier lieu, de l'obligation professionnelle pour le donneur d'ordre, en cas de modification du contrat de transport, de donner ou confirmer ses nouvelles instructions par écrit ou par tout autre procédé en permettant la mémorisation, ce conformément aux dispositions du décret du 12 février 2001 portant approbation du contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises périssables sous température dirigée puis du décret du 31 mars 2017 relatif au contrat type applicable aux transports publics routiers de marchandises.

Il est, en outre, justifié de la mise en place au sein de l'entreprise d'un mode opératoire conforme au sein du service clients a minima dès le 5 septembre 2012 avec l'obligation pour le service clients, en cas de refus de marchandises, d'envoyer un formulaire au client pour connaître ses instructions.

Surtout, concernant Mme [G] [F] en sa qualité de responsable du service clients, il résulte des pièces produites que celle-ci s'est vue notifier deux consignes en date des 17 et 18 août 2017, suite à la découverte le 16 août 2017 de l'incident relatif aux oeufs contaminés et à l'absence de consigne écrite donnée.

Ainsi, Mme [G] [F] a reçu comme consigne, dans le cadre de deux courriers électroniques émanant de la direction, de ne plus remettre de la marchandise MDD à un destockeur et de détruire systématiquement ladite marchandise, en cas de litige et de refus de prise en charge par le client. Par ailleurs, la salariée s'est vue rappeler qu' «en cas de ventes sauvetages à un soldeur il est impératif et nécessaire d'obtenir un accord écrit du client sur le devenir de la marchandise. Si un accord verbal est donné le confirmer impérativement par écrit».

Puis, une note de service a, de nouveau, été diffusée le 24 août 2017 au service clients par M. [N] [T] concernant le devenir des marchandises en souffrance

imposant de «toujours obtenir des instructions écrites du client concernant le devenir des marchandises en souffrance. N'étant pas propriétaire des marchandises, ces instructions (retour, mise en destruction, livraison ou autorisation de revente) doivent être systématiquement respectées».

Or, il résulte du bon de livraison de revente du 12 septembre 2017 que Mme [G] [F] a décidé, sans accord écrit du client, de la mise en vente de produits de marque distributeur, auprès d'un destockeur de produits, ce qui a donné lieu à un signalement de la part de la société FOODSTOCKS. A cet égard, dans un échange de mails entre Mme [F] et M. [T] des 18 et 19 septembre 2017, cette dernière a admis le fait d'avoir revendu sans écrit en raison du refus du retour de marchandises et de l'absence de réponse du client, confirmant d'ailleurs sa pratique en cas d'absence de réponse «nous soldons à vendre, détruisons si MDD, détruisons si fuite abîmé....».

Et s'il ne peut être reproché à Mme [F] dont les fonctions n'impliquaient aucun contrôle direct sur les marchandises, d'avoir autorisé la mise en sauvetage de produits de marque distributeur, celle-ci n'ignorait pas l'exigence rappelée à plusieurs reprises d'un accord écrit avant de procéder au sauvetage de marchandises, ce qui n'a pas été obtenu en l'espèce.

La salariée n'a, par suite, nullement respecté les procédures applicables, dont la mise en oeuvre lui incombait directement en sa qualité de responsable du service clients chargée de veiller au bon traitement des réclamations clients et dossiers litiges en assurant un support sur des dossiers complexes ainsi que de proposer et mettre en oeuvre des solutions SAV répondant aux besoins clients et respectant les engagements de délais et de qualité de service.

Et si M. [C] [Y], en sa qualité de directeur régional, atteste en faveur de la salariée de ce qu'il est difficile de reconnaître un produit de marque distributeur compte tenu du délai très court et des erreurs régulières à cet égard, l'intéressé souligne également la nécessité d'une autorisation de l'enseigne, ce qui n'est pas avéré en l'espèce.

Ce manquement constitue, dès lors, une faute de Mme [G] [F], ce d'autant que cette dernière avait également été impliquée dans le sauvetage, là encore, sans accord écrit du client, d'oeufs dont la contamination au fipronil révélée ultérieurement et l'absence d'autorisation écrite du client quant à la procédure de sauvetage avaient donné lieu à l'audition par la DGCCRF de la direction de la société appelante (faits révélés le 16 août 2017).

Ces agissements réitérés constituent, par suite, une violation par Mme [G] [F] des obligations découlant du contrat de travail à l'égard de l'employeur.

Cependant, au regard de l'ancienneté de la salariée, de l'absence de sanction antérieure ainsi que de la nature du manquement reproché, cette faute ne s'analyse pas en une faute grave, ne présentant pas une importance telle qu'elle a rendu impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, y compris pendant la durée du préavis.

Le licenciement pour faute grave est, par conséquent, requalifié en licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Le jugement entrepris est infirmé en ce qu'il a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse et Mme [G] [F] est, par suite, débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences de la requalification du licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse :

Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit a une indemnité de préavis, aux congés payés y afférents ainsi qu'au paiement d'une indemnité de licenciement.

Concernant le préavis et les congés payés y afférents :

Compte tenu de l'ancienneté de la salariée et des dispositions de la convention collective applicable, Mme [G] [F] est fondée à obtenir le paiement de deux mois de préavis.

La cour fixe, par suite, à 4359,56 euros le montant de l'indemnité compensatrice due au salarié, outre 435,95 euros au titre des congés payés y afférents, dont les modalités de calcul et le montant ne sont pas contestés par l'employeur.

-Concernant l'indemnité de licenciement :

Mme [G] [F] est fondée à obtenir, compte tenu de son ancienneté et de son salaire brut mensuel de 2179,78 euros, une indemnité de licenciement de 1725,65 euros dont les modalités de calcul et le montant ne sont pas contestés par la société GLN.

Le jugement entrepris est confirmé.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire :

Le licenciement peut causer au salarié un préjudice distinct de celui lié à la perte de son emploi, en raison des circonstances brutales ou vexatoires qui l'ont accompagné, permettant au salarié de demander réparation de son préjudice moral.

En l'espèce, Mme [G] [F] ne démontre pas que son licenciement serait intervenu dans un contexte de harcèlement moral ni qu'il aurait été mené dans des circonstances brutales et vexatoires par l'employeur.

La salariée ne justifie, par ailleurs, nullement d'un quelconque préjudice subi distinct de celui lié à la rupture du contrat de travail.

Par conséquent, la demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire est rejetée.

Le jugement entrepris est confirmé sur ce point.

Sur l'application de l'article L1235-4 du code du travail :

Le licenciement de Mme [F] présentant une cause réelle et sérieuse, il n'y a pas lieu de condamner la SAS GLN au remboursement au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes :

Le présent arrêt étant rendu en dernier ressort, il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire en cause d'appel.

Les dispositions du jugement entrepris afférentes aux intérêts, aux dépens et aux frais irrépétibles de première instance sont confirmées.

Succombant en partie à l'instance, la SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD est condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [G] [F] 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, le droit proportionnel de l'ancien article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 abrogé au 29 février 2016, fixant le tarif des huissiers, devenu l'article R 444-55 du code de commerce, n'est pas dû dans les cas énumérés par le 3º de l'article R.444-53 du même code, soit notamment pour le recouvrement ou l'encaissement d'une créance née de l'exécution d'un contrat de travail. Il n'y a donc pas lieu de faire droit à cette demande, le jugement entrepris étant infirmé sur ce point.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lens le 2 septembre 2019, sauf en ce qu'il a dit qu'il n'y a pas de faute grave, en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire, en ce qu'il a condamné la SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD à payer 4359,56 euros bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 435,95 euros bruts au titre des congés payés y afférent, 1725,65 euros nets à titre d'indemnité de licenciement, 1500 euros nets au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens et les intérêts ;

STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

REQUALIFIE le licenciement pour faute grave de Mme [G] [F] en licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE Mme [G] [F] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DIT n'y avoir lieu de condamner la SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD au remboursement au Pôle emploi des indemnités de chômage versées à la salariée sur le fondement de l'article L1235-4 du code du travail ;

DIT n'y avoir lieu de mettre à la charge de la SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD les sommes retenues par l'huissier en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 fixant le tarif des huissiers devenu l'article R 444-55 du code de commerce ;

DIT n'y avoir lieu au prononcé de l'exécution provisoire de la présente décision ;

CONDAMNE la SAS GAUTIER LOGISTIQUE NORD aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à Mme [G] [F] 1500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale d salle 3
Numéro d'arrêt : 19/01887
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;19.01887 ?
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