ARRÊT DU
27 Janvier 2023
N° 150/23
N° RG 19/01228 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SLRY
VC/CH
Jugement du
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LENS
en date du
13 Mai 2019
(RG 18/00120 -section 2)
GROSSE :
Aux avocats
le 27 Janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
- Prud'Hommes-
APPELANTE :
Association CGEA D'[Localité 6]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Adeline HERMARY, avocat au barreau de BETHUNE
INTIMÉS :
M. [X] [J]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Gérald VAIRON, avocat au barreau de BETHUNE
SAS MJS PARTNERS SAS MJS PARTNERS, es qualité de liquidateur judiciaire de la société PECHERIE D'OPALE
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Nathalie POULAIN, avocat au barreau d'ARRAS
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Pierre NOUBEL
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Virginie CLAVERT
: CONSEILLER
Laure BERNARD
: CONSEILLER
GREFFIER lors des débats : Gaetan DELETTREZ
DÉBATS : à l'audience publique du 24 Novembre 2022
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 10 février 2022
EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :
La SARL PECHERIE D'OPALE a été placée en redressement judiciaire, suivant jugement du 5 septembre 2014 rendu par le tribunal de commerce d'Arras.
La SARL PECHERIE D'OPALE a engagé M. [X] [J] par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel pour la période du 13 au 20 août 2016 puis du 1er septembre 2016 au 1er mars 2017, en qualité de vendeur.
Suivant avenant du 28 février 2017, le contrat a été prolongé jusqu'au 31 décembre suivant.
Ce contrat de travail était soumis à la convention collective nationale de la poissonnerie.
Par jugement du tribunal de commerce d'Arras du 21 mars 2018, la liquidation judiciaire sur résolution de plan de la SARL PECHERIE D'OPALE a été ordonnée.
Sollicitant la requalification de son CDD à temps partiel en CDI à temps plein et réclamant divers rappels de salaire et indemnités consécutivement à la rupture de son contrat de travail, M. [X] [J] a saisi le 24 avril 2018 le conseil de prud'hommes de Lens qui, par jugement du 13 mai 2019, a :
- Requalifié le contrat de travail à durée déterminée de Monsieur [X] [J] en un contrat à durée indéterminée avec effet au 1er août 2016.
- Requalifié le contrat de travail à durée indéterminée de Monsieur [X] [J] à temps complet.
- Prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SARL PECHERIE D`OPALE dont Maître [H] [F] est le liquidateur judiciaire en date du 1er mars 2017 ayant les effets d'un licenciement abusif et dénué de cause réelle et sérieuse.
- Fixé la créance de Monsieur [X] [J] dans la liquidation judiciaire de la SARL PECHERIE D'OPALE dont Maître [H] [F] est le liquidateur judiciaire comme suit :
- 2 000 euros net (deux mille euros) à titre d'indemnité de requalification.
- 12 055,61 euros brut (douze mille cinquante-cinq euros et soixante et un centime) au titre des rappels d'heures supplémentaires.
- 6 000 euros net (six mille euros) pour exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail.
- 4 000 euros net (quatre mille euros) de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
- Débouté Monsieur [X] [J] du surplus de ses demandes
- Débouté la SARL PECHERIE D'OPALE dont Maître [H] [F] est le
liquidateur judiciaire de l'ensemble de ses demandes
- Dit que le présent jugement est exécutoire à titre provisoire dans la limite maximum de neuf mois de salaire selon l'article R 1454-28 du Code du Travail.
- Fixé à 1611,70 euros bruts (mille six cent onze euros et soixante-dix centimes) la moyenne des trois derniers mois de salaire. Précisé que le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous intérêts de retard et majorations.
- Dit que ces sommes seront inscrites sur l'état des créances de la liquidation judiciaire de la SARL PECHERIE D'OPALE, dont Maître [H] [F] est le liquidateur judiciaire conformément aux dispositions de l'article L.621-129 du Code du Commerce.
- Déclaré le présent jugement opposable à l'AGS CGEA dans la limite de sa garantie légale prévue aux articles L 3253-6, 13253-8, L3253-12, L3253-17 et D3253-1 à D3253-6 du Code du Travail. -Fixé les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la SARL PECHERIE D'OPALE, dont Maître [H] [F] est le liquidateur judiciaire.
- Ordonné l'emploi des dépens de la présente instance en frais privilégiés de la
liquidation judiciaire de la SARL PECHERIE D'OPALE, dont Maître [H] [F]
est le liquidateur judiciaire.
L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA d'[Localité 6] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 23 mai 2019.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 2 décembre 2021 au terme desquelles L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA d'[Localité 6] demande à la cour de :
Sur la demande de requalification du CDD en CDI et ses conséquences,
A titre Principal :
- Infirmer le jugement et débouter Monsieur [J] de ses demandes.
- Limiter l'indemnisation à un demi mois de salaire.
- Dire en tout état de cause les créances accordées hors garanties AGS.
Concernant les autres demandes :
- Débouter le requérant de l'intégralité de ses autres demandes, fins et prétentions,
- Condamner Monsieur [J] à rembourser au CGEA la somme de 14 055.61 €.
A titre infiniment subsidiaire, déclarer la décision opposable au Centre de Gestion et d'Etude AGS d'[Localité 6] en qualité de gestionnaire de l'AGS dans les limites prévues aux articles L3253-1 et suivants du Code du Travail et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du Code du Travail,
- En tout état de cause et si l'opposabilité à l'AGS est prononcée, dire et juger que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par le mandataire judiciaire et justifications par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement,
- Condamner le requérant aux entiers frais et dépens.
Au soutien de ses prétentions, l'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA D'[Localité 6] expose que :
- Le premier CDD ne s'est pas prolongé au-delà de son échéance mais a été suivi d'un avenant prolongeant la relation de travail jusqu'au 31 décembre 2017, de sorte que la requalification du CDD en CDI n'est pas fondée, ce d'autant que M. [J] a signé son reçu pour solde de tout compte le 10 janvier 2018 et que les documents de fin de contrat lui ont été remis.
- Subsidiairement, s'il est considéré que le contrat n'a pas été rompu le 31 décembre 2017, compte tenu de la saisine postérieure à la liquidation judiciaire et l'absence de licenciement par le liquidateur, la date d'effet de la résiliation judiciaire doit être fixée à la date de l'arrêt à intervenir, de sorte que la garantie de l'AGS pour une rupture de contrat de travail au-delà du délai de 15 jours après la liquidation judiciaire ne peut jouer.
- Les créances éventuellement prononcées sont, ainsi, inopposables à l'AGS.
- Subsidiairement, il ne peut être accordé au salarié des dommages et intérêts d'un montant supérieur au barème d'indemnisation prévu à l'article L1235-5 du code du travail.
- Concernant la requalification du temps partiel en temps plein, les horaires de travail ont été contractualisés, ce qui n'exclut pas la réalisation d'heures complémentaires et M. [J] ne justifie pas du montant réclamé au titre des heures supplémentaires, ayant, en outre, signé le reçu pour solde de tout compte.
- L'intimé ne justifie, par ailleurs, d'aucun préjudice distinct de nature à fonder une demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail fondée sur les mêmes arguments.
- Aucun travail dissimulé n'est établi, faute d'élément intentionnel caractérisé et, en tout état de cause, l'éventuelle condamnation à ce titre n'est pas garantie par l'AGS, le liquidateur n'étant pas à l'origine de la rupture du contrat de travail.
- Par conséquent, les sommes versées au titre de l'exécution provisoire doivent être remboursées à l'AGS qui rappelle, enfin, les limites de sa garantie.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 août 2019, dans lesquelles M. [X] [J], intimé et appelant incident demande à la cour de :
- requalifier le contrat en un contrat à durée indéterminée avec effet au 1er AOUT 2016.
- inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société une somme de 2 000,00 euros à titre d'indemnité de requalification.
- pour le cas où la requalification interviendrait avec effet au 1er MARS 2017, juger que l'indemnité de requalification serait due, la seule différence qui concerne les conséquences serait l'indemnité de précarité qui ne serait alors pas due, l'indemnité de requalification étant quant à elle due dans tous les cas.
- juger que le contrat entre les parties s'est achevé le 1er DECEMBRE 2017, prononcer la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur avec déclaration d'opposabilité aux organes de la procédure à cette date, cette résiliation judiciaire ayant les effets d'un licenciement abusif et dénué de cause réelle et sérieuse.
- mettre à la charge de la liquidation judiciaire une somme de 10 000,00 euros de dommages intérêts
- condamner la partie défenderesse à payer au demandeur un rappel d'heures supplémentaires d'un montant de 12 055,61 euros.
- juger que l'employeur s'est rendu coupable de travail clandestin et le condamner à payer au demandeur une indemnité correspondant à six mois de salaire soit 9 705,36 euros,
- juger que l'employeur s'est rendu coupable d'une exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail et de le condamner à lui payer une somme de 6 000,00 euros à titre de dommages intérêts.
- condamner la partie défenderesse aux entiers frais et dépens.
A l'appui de ses prétentions, M. [X] [J] soutient que :
- Le CDD doit être requalifié en CDI ayant pris effet à compter du 1er août 2016, dès lors que le motif de recours au CDD ne relève pas des cas prévus par le code du travail, n'est pas justifié et que ce recrutement avait vocation à pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, ce au regard de la création pérenne d'un bar à huîtres. De la même façon et en tout état de cause, le CDD s'est poursuivi au-delà de son terme, ce qui conduit également à sa requalification en CDI conformément à l'article L1243-11 du code du travail.
- Il est donc fondé à obtenir une indemnité de requalification, étant précisé que le travail a commencé dès le 1er août 2016 et non à la date mentionnée au contrat de travail.
- Par ailleurs, le contrat à temps partiel doit être requalifié en temps plein, compte tenu du non respect des horaires contractuellement prévus, du refus de communication par l'employeur de l'ensemble des feuilles de pointage, de son maintien à la disposition permanente de l'employeur et de l'impossibilité pour le salarié d'occuper un autre emploi à temps partiel.
- Il est fondé à obtenir un rappel de salaire sur la base d'un temps plein et sans qu'il n'y ait lieu de tenir compte des absences injustifiées retenues sur ses bulletins de paie et, par ailleurs, non démontrées.
- La résiliation judiciaire du contrat de travail doit également être prononcée avec effet au 1er décembre 2017, au regard des nombreux manquements précités de l'employeur à ses obligations.
- La rupture du contrat de travail dans le cadre du prononcé de la résiliation judiciaire est imputable à l'employeur et doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse avec toutes conséquences financières.
- Il n'y a pas lieu de faire application du barème prévu à l'article L1235-3 du code du travail, compte tenu de son inconventionnalité, ce d'autant qu'il a fait l'objet d'une discrimination ayant été qualifié de «vendeuse» et non de «vendeur» dans le contrat de travail et ayant été ignoré de la procédure collective, ce qui doit, en tout état de cause, conduire à un licenciement nul et non plus sans cause réelle et sérieuse.
- Le fait de ne pas respecter la législation relative aux CDD est constitutif d'une exécution déloyale et de mauvaise foi du contrat de travail.
- Il lui est également dû une indemnité au titre du travail dissimulé compte tenu de la minoration par l'employeur de la réalité des heures travaillées et déclarées.
Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 31 janvier 2022, en vertu desquelles la SELAS [F], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL PECHERIE D'OPALE demande, pour sa part, à la cour de :
- infirmer le jugement rendu par le CPH de Lens en ce qu'il a requalifié le CDD en CDI à effet au 1er août 2016 à temps complet, prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la SARL PECHERIE D'OPALE, fixé la créance de M. [J] au passif de la liquidation judiciaire à 2000 euros à titre d'indemnité de requalification, 12055,61 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, 6000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et 4000 euros au titre du licenciement abusif,
En conséquence,
- à titre principal, débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes,
- subsidiairement, réduire à de plus justes proportions la demande indemnitaire au titre de la rupture abusive du contrat de travail dans l'hypothèse d'une requalification,
- débouter M. [J] du surplus de ses demandes.
A l'appui de ses prétentions, la SELAS [F], es qualité, soutient que ;
- Le CDD ne peut être requalifié en CDI, les dispositions de l'article L1243-11 du code du travail n'ayant pas vocation à s'appliquer compte tenu de la régularisation d'un avenant de renouvellement du CDD jusqu'au 31 décembre 2017.
- Le salarié ne justifie pas non plus de la requalification en temps plein de son temps partiel lequel n'exclut pas la réalisation d'heures complémentaires et supplémentaires, qui, le cas échéant, lui ont été payées. Aucun rappel d'heures supplémentaires n'est dû, ce d'autant que M. [J] a signé le reçu pour solde de tout compte le 10 janvier 2018.
- Subsidiairement, la demande indemnitaire présentée sous le fondement des dispositions de l'article L1235-5 du code du travail doit être réduite à de plus justes proportions et le jugement allouant 4000 euros doit être infirmé au regard de l'ancienneté du salarié.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 10 février 2022.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et l'indemnité de requalification :
L'article L 1245-1 du code du travail dispose qu'est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L 1242-1 à L 1242-4, ces articles édictant que le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise et que le contrat à durée déterminée ne peut intervenir que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire.
Aux termes des dispositions de l'article L. 1242-2 du code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dans des cas limitativement énumérés tels que le remplacement d'un salarié en cas d'absence ou encore l'accroissement temporaire d'activité de l'entreprise.
En cas de litige sur le motif du recours à un contrat à durée déterminée, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.
En l'espèce, il résulte des pièces produites que M. [J] a été engagé dans le cadre d'un premier CDD à temps partiel du 13 août 2016 au 20 août 2016, ce pour «pallier à un surcroît d'activité occasionné par la création et la mise en place d'un bar à huîtres».
L'intéressé a signé un second CDD pour la période du 1er septembre 2016 au 1er mars 2017. Ce contrat n'est pas produit.
Suivant avenant du 28 février 2017, le contrat a été prolongé jusqu'au 31 décembre suivant et faisait également référence au même motif que le premier engagement.
Ce motif tel qu'il est rédigé s'apparente à l'accroissement temporaire d'activité repris dans le cadre des dispositions précitées.
Néanmoins, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de l'accroissement temporaire d'activité justifiant le recours à un CDD. Or, Me [F], es qualité, ne justifie en aucune façon de l'ouverture par la SARL PECHERIE D'OPALE d'un bar à huîtres.
En outre et en tout état de cause, le surcroît d'activité entraîné par l'ouverture d'un bar à huîtres s'inscrit dans le cadre de l'activité normale et permanente de l'entreprise et n'est pas temporaire. Il ne constitue donc pas un motif légitime de recours au CDD.
Il résulte, dès lors, de ces éléments que M. [J] a été affecté à un poste de vendeur pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente
de la SARL PECHERIE D'OPALE, ce qui justifie de la requalification du CDD du 13 août 2016 en contrat à durée indéterminée ayant pris effet à compter de cette même date. Aucune pièce ne permet, par ailleurs, de démontrer un début réel de contrat de travail à compter du 1er août 2016, ce d'autant que le bulletin de salaire dudit mois n'est pas produit.
En vertu de l'article L 1245-2 alinéa 2 du code du travail, lorsque la juridiction prud'homale fait droit à la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, elle accorde au salarié une indemnité, à la charge de l'employeur, ne pouvant être inférieure au montant du dernier salaire perçu avant la saisine de la juridiction.
La cour fixe, par suite, à 1155 euros le montant de l'indemnité de requalification due à M. [J].
Sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et la demande de rappel de salaire :
- Sur la requalification :
Conformément aux dispositions de l'article L3123-6 du code du travail, dans sa version applicable à l'espèce, «Le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit. Il mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d'aide à domicile et les salariés relevant d'un accord collectif conclu en application de l'article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié. Dans les associations et entreprises d'aide à domicile, les horaires de travail sont communiqués par écrit chaque mois au salarié ;
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au- delà de la durée de travail fixée par le contrat.(...)».
En l'absence d'un contrat écrit ou de l'une des mentions légales requises, le contrat de travail à temps partiel est réputé à temps plein et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue, d'autre part, que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de l'employeur, peu important qu'il ait occasionnellement travaillé pour une autre société ou que les plannings aient tenu compte de sa disponibilité.
En outre, l'absence d'écrit conforme pour les avenants à un contrat de travail à temps partiel modifiant la durée du travail ou sa répartition emporte, dès le premier avenant irrégulier présomption de contrat à temps plein pour toute la suite de la relation de travail, peu important que le contrat initial se soit conformé à l'obligation formelle.
En l'espèce, si le premier CDD du 13 août 2016 se trouve versé aux débats et comporte notamment la durée de travail hebdomadaire et la répartition des heures entre les jours de la semaine, tel n'est pas le cas de l'avenant ayant prolongé la relation contractuelle à compter du 1er septembre 2016. En effet, aucun contrat écrit ne se trouve produit concernant la période du 1er septembre 2016 au 1er mars 2017.
Le contrat conclu à compter de cette première irrégularité est donc présumé être à temps plein, de sorte qu'il incombe à l'employeur de rapporter la preuve, d'une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d'autre part, de ce que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
Or, Me [F] ne verse aux débats aucune pièce de nature à justifier tant de la durée exacte de travail convenue que de ce que M. [X] [J] n'était pas placé dans l'obligation de se tenir en permanence à la disposition de la société PECHERIE D'OPALE.
A l'inverse, le salarié démontre par la production de plusieurs feuilles de pointage que, contrairement à son premier contrat qui prévoyait une durée du travail de 25 heures par semaine, il travaillait, en réalité, jusqu'à 202 heures par mois (décembre 2016). Son temps de travail oscillait, ainsi, de façon aléatoire ente 115 h et 202 h, se trouvait réparti tantôt du lundi au samedi, tantôt du mardi au samedi ou encore du mercredi au samedi et s'organisait sur la journée soit le matin, ou encore le matin et la soirée ou encore le matin, la soirée et une partie de la nuit sans aucune régularité.
Il résulte, par suite, de l'ensemble de ces éléments que M. [X] [J] était placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et devait se tenir constamment à la disposition de l'employeur.
Le contrat à temps partiel doit, par suite, être requalifié en contrat à temps plein à compter de la première irrégularité soit du 1er septembre 2016.
- Sur le rappel de salaire :
M. [X] [J] est, par suite, fondé à obtenir le paiement d'un rappel de salaire correspondant à un temps plein pour la période à compter du 1er septembre 2016 et jusqu'à la fin de la relation contractuelle.
Au-delà du rappel dû dans le cadre d'un temps plein, il est soutenu que le salarié s'est vu retirer des absences injustifiées, la SARL PECHERIE D'OPALE représentée par son liquidateur, ne démontrant nullement le bien-fondé de ces retenues, lesquelles doivent être réintégrées aux sommes dues à l'intimé.
Concernant le salaire du mois d'août 2016, nonobstant les contestations émises par le salarié, la feuille de paie ne se trouve pas produite, de sorte qu'au-delà du maintien pour ce mois du temps partiel, il n'est pas établi que l'intéressé a fait l'objet d'une retenue injustifiée.
La cour fixe, par suite, à 11 061,06 euros bruts le montant du rappel de salaire dû à M. [X] [J].
Le jugement entrepris est infirmé concernant le quantum alloué.
Sur la résiliation judiciaire et ses conséquences :
M. [X] [J] demande le prononcé de la résiliation judiciaire de son contrat de travail à compter du 1er décembre 2017.
Le juge prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquements suffisamment graves de ce dernier à ses obligations, de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail.
La résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse avec toutes ses conséquences de droit.
Néanmoins, la demande de résiliation judiciaire formée par un salarié postérieurement à la rupture de son contrat de travail est sans objet.
En l'espèce, M. [X] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Lens le 24 avril 2018 d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Or, il résulte du reçu pour solde de tout compte daté du 31 décembre 2017 et signé de l'intéressé le 10 janvier 2018 que le contrat de travail se trouvait d'ores et déjà rompu lors de la saisine de la juridiction prud'homale.
Dans ces conditions, la demande de résiliation judiciaire formée par l'intéressé est sans objet.
Le jugement entrepris est infirmé sur ce point.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.
En l'espèce, l'intimé demande, dans le dispositif de ses conclusions de «juger que le contrat entre les parties s'est achevé le 1er décembre 2017, de prononcer la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur avec déclaration d'opposabilité aux organes de la procédure à cette date, cette résiliation judiciaire ayant les effets d'un licenciement abusif et dénué de cause réelle et sérieuse» et de «mettre à la charge de la liquidation judiciaire une somme de 10 000 euros de dommages et intérêts» à cet égard.
Or, la cour constate qu'au-delà de sa demande de prononcé de la résiliation judiciaire produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, laquelle se trouve sans objet, M. [X] [J] ne formule aucune demande subsidiaire de licenciement sans cause réelle et sérieuse fondée sur l'absence de procédure, de lettre et de motifs de licenciement.
L'intéressé ne peut, dès lors, qu'être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse exclusivement fondée sur la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail :
En vertu de l'article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Il ressort des développements ci-dessus que l'employeur a manqué à son obligation de bonne foi à l'égard de M. [X] [J], notamment en ce qui concerne la durée du travail appliquée de façon totalement aléatoire tant en ce qui concerne le nombre d'heures à réaliser que la fréquence des jours de travail, sans contrat écrit ni planning de travail produits.
Ce manquement de l'employeur a causé à l'intéressé un préjudice lié à la contrainte d'avoir dû se maintenir en permanence à la disposition de son employeur, lequel le plaçait également sans motif établi en absence injustifiée.
La cour fixe, par suite, à 4000 euros le montant des dommages et intérêts dus à cet égard.
Sur le travail dissimulé :
La dissimulation d'emploi salarié prévue par l'article L. 8221-5 2° du code du travail n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué. Le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
En l'espèce, il n'est pas démontré que la société PECHERIE D'OPALE a, de manière intentionnelle, déclaré un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement effectué, ce d'autant que le rappel de salaire résulte de la requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein.
Le jugement déféré qui a débouté M. [X] [J] de sa demande indemnitaire au titre du travail dissimulé est, par suite, confirmé.
Sur la garantie de l'AGS et la demande de restitution des sommes avancées dans le cadre de l'exécution provisoire :
Il résulte des dispositions de l'article L 3253-8 du Code du travail que lorsque l'employeur fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, l'assurance de garantie des salaires couvre les sommes dues au salarié à la date du jugement d'ouverture de ladite procédure, de même que les créances résultant de la rupture du contrat de travail, à la condition que celle-ci intervienne dans les 15 jours suivant ce jugement.
En l'espèce, la rupture du contrat de travail de M. [X] [J] est intervenue, conformément au solde de tout compte versé aux débats, le 31 décembre 2017, de sorte que les sommes dues à l'intéressé sont nées antérieurement à la procédure collective et résultent de l'inexécution par la société de ses obligations contractuelles. Il convient de ce fait d'en fixer le montant au passif de la procédure collective et de constater qu'elles entrent dans le champs de la garantie de l'AGS.
Le présent arrêt sera déclaré opposable à l'Unédic agissant sur délégation de l'AGS-CGEA de [Localité 7] dans les limites prévues aux articles L 3253-1 et suivants du Code du travail et des plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du même code.
S'agissant de la demande de restitution des sommes dont l'AGS a fait l'avance en exécution de la condamnation prononcée par le conseil de prud'hommes, il y a lieu de rappeler que le présent arrêt, pour partie infirmatif, constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées par l'appelant en exécution du jugement de première instance, si tant est que les sommes avancées s'avèrent supérieures aux sommes dues, conformément au présent arrêt.
Sur les autres demandes :
Les dispositions afférentes aux dépens de première instance sont confirmées.
Il est, par ailleurs, ordonné que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SARL PECHERIE D'OPALE.
PAR CES MOTIFS :
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Lens le 13 mai 2019, sauf en ce qu'il a ordonné la requalification du CDD en CDI et du temps partiel en temps plein, en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé, en ce qu'il a déclaré le jugement opposable à l'AGS et en ce qu'il a ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de la liquidation judiciaire,
STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,
DIT que la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée prend effet au 13 août 2016 ;
DIT que la requalification du contrat à temps partiel en temps plein prend effet à compter du 1er septembre 2016 ;
DIT que la demande de prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse est sans objet ;
REJETTE, par conséquent, la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse fondée exclusivement sur la résiliation judiciaire ;
FIXE la créance de M. [X] [J] dans la liquidation judiciaire de la SARL PECHERIE D'OPALE représentée par Me [F], en qualité de liquidateur judiciaire, de la façon suivante :
- 1155 euros à titre d'indemnité de requalification,
-11 061,06 euros bruts au titre des rappels de salaire,
- 4000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
ORDONNE que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de la liquidation judiciaire de la SARL PECHERIE D'OPALE ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.
LE GREFFIER
Annie LESIEUR
LE PRESIDENT
Pierre NOUBEL