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27/01/2023 | FRANCE | N°17/01283

France | France, Cour d'appel de Douai, Sociale b salle 3, 27 janvier 2023, 17/01283


ARRÊT DU

27 Janvier 2023







N° 119/23



N° RG 17/01283 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QVXN



PS/AL

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Dunkerque

en date du

27 Mars 2017

(RG F 16/00387 -section )






































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GROSSE :



aux avocats



le 27 Janvier 2023





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANTE :



Mme [O] [K]

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE substitué par Me Nicolas HAUDIQUET, avocat au barreau de DU...

ARRÊT DU

27 Janvier 2023

N° 119/23

N° RG 17/01283 - N° Portalis DBVT-V-B7B-QVXN

PS/AL

Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Dunkerque

en date du

27 Mars 2017

(RG F 16/00387 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 27 Janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-

APPELANTE :

Mme [O] [K]

[Adresse 5]

[Localité 6]

représentée par Me David BROUWER, avocat au barreau de DUNKERQUE substitué par Me Nicolas HAUDIQUET, avocat au barreau de DUNKERQUE

INTIMÉES :

AGS CGEA [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 8]

[Localité 3]

représenté par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI

S.A.R.L. CONTROLE TECHNIQUE ET POIDS LOURDS

[Adresse 1]

[Localité 9]

représentée par Me Laurence BONDOIS, avocat au barreau de LILLE, assisté de Me Charles-henry CHENUT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Levana CHOUKROUN, avocat au barreau de PARIS

S.E.L.A.R.L. WRA es qualité de Commissaire à l'Exécution du Plan de redressement de la société CTPL

[Adresse 7]

[Localité 4]

représentée par Me Laurence BONDOIS, avocat au barreau de LILLE,assisté de Me Charles-henry CHENUT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Levana CHOUKROUN, avocat au barreau de PARIS

DÉBATS : à l'audience publique du 06 Décembre 2022

Tenue par Patrick SENDRAL

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Séverine STIEVENARD

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Marie LE BRAS

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Alain MOUYSSET

: CONSEILLER

Patrick SENDRAL

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 Janvier 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Annie LESIEUR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 05 Décembre 2022

FAITS ET PROCEDURE

En 2006 la SARL CONTROLE TECHNIQUE POIDS LOURD (la société CTPL), exploitant un centre à [Localité 9], a engagé Mme [K] en qualité de secrétaire. Dans le dernier état de la relation contractuelle régie par la Convention collective des services de l'automobile sa rémunération brute mensuelle était de 1542,09 euros pour 35 heures hebdomadaires. Le 25/9/2015 la salariée a été convoquée à l'entretien préalable à son éventuel licenciement économique au cours duquel le gérant, M. [T] [I], lui a remis une proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. Mme [K] n'y ayant pas adhéré la rupture de son contrat de travail lui a été notifiée le 19/10/2015. Le 17/11/2015 la société CTPL a été placée en redressement judiciaire avant de bénéficier d'un plan de continuation.

Le 27 janvier 2016 Mme [K] l'a attraite ainsi que le commissaire au plan de continuation et l'AGS CGEA devant le conseil de prud'hommes afin d'obtenir la fixation de sa créance au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Par jugement du 27/3/2017 les premiers juges ont statué comme suit :

« ...DIT le licenciement de Madame [K] [O] dépourvu de cause réelle et sérieuse.

FIXE la créance de Madame [K] [O] aux sommes suivantes :

-9252,54 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-10 289,12 € Brut au titre du rappel d'heures supplémentaires pour la période du 2011 à 2015

-1 028,91 € brut au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur rappel d'heures supplémentaires pour la période de 2011 à 2015

- 2 461,00 € brut au titre des repos compensateurs

-246,10 € bruts au titre de l'indemnité de congés payés afférente

DIT que ces sommes seront inscrites sur le relevé des créances établi par Maître [A] en Qualité de commissaire à l' exécution du plan de redressement de la SARL CONTROLE TECHNIQUE POIDS LOURD

ORDONNE la remise d'un bulletin de paie indiquant les sommes ci-dessus, une attestation pôle emploi dûment rectifiée et ce conformément à la présente décision

DÉBOUTE Madame [K] [O] du surplus de ses demandes

DÉBOUTE le CGEA de ses demandes reconventionnelles

DECLARE le jugement opposable au CGEA ... »

Le 10 mai 2017 Mme [K] a régulièrement formé appel de ce jugement. Par arrêt du 26 mars 2021 la cour d'appel a:

-déclaré irrecevables ses conclusions du 28 mai 2020

-sursis à statuer sur l'ensemble de ses demandes dans l'attente d'une décision définitive de la juridiction correctionnelle saisie de poursuites contre l'employeur

-renvoyé l'affaire à la mise en état.

C'est dans ce contexte que le 24 février 2022 la chambre des appels correctionnels de la présente cour a déclaré M.[T] [I] coupable de travail dissimulé et harcèlement moral sur la personne de Mme [K] et que la société CTPL a pour sa part été déclarée coupable de travail dissimulé par mention sur les bulletins de paie d'un nombre d'heures inférieur à celles réalisées.

Vu les conclusions récapitulatives du 20 avril 2021 par lesquelles Mme [K] prie la Cour de juger que sa classification correspond depuis l'embauche au niveau 23 de la Convention collective et de fixer sa créance dans la procédure collective comme suit:

- salaires par reclassification au coefficient pertinent : 38 869,49 euros outre les congés payés afférents

- heures supplémentaires:13 548,31 euros (subsidiairement 10 289,12 euros) outre les congés payés afférents

- indemnité compensatrice de repos compensateurs: 3203,99 euros (subsidiairement 2461,14 euros) outre l'indemnité de congés payés

- dommages-intérêts pour travail dissimulé : 12 540 euros

- dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 30 000 euros

- dommages-intérêts pour non respect des critères d'ordre : 30 000 euros

- dommages-intérêts pour harcèlement moral: 30 000 euros

- frais non compris dans les dépens: 2000 euros outre l'établissement par l'employeur sous astreinte d'un certificat de travail, d'une attestation Pôle emploi et des bulletins de paie rectifiés conformément à l'arrêt à intervenir, le tout avec la garantie de l'AGS CGEA

Vu les conclusions d'appel incident du 25/11/2022 par lesquelles la société CTPL et la Selarl WRA, commissaire à l'exécution du plan de continuation, demandent à la cour de :

«Ordonner au visa de l'article 803 du Code de procédure civile, la révocation de l'ordonnance de clôture du 20 janvier 2020 ' Confirmer le Jugement en ce qu'il a débouté Madame [O] [K] de ses demandes de rappel de salaire correspondant aux fonctions exercées dans l'entreprise, au titre du travail dissimulé et au titre du harcèlement moral; l'Infirmer pour le surplus;

1) Dire le licenciement économique fondé sur une cause réelle et sérieuse; Débouter Madame [O] [K] de l'intégralité de ses demandes à ce titre; Subsidiairement, juger que la somme allouée à Madame [O] [K] au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pourrait être supérieure à 9 252,54 euros;

2) Dire et Juger que Madame [K] a bénéficié d'une classification conventionnelle conforme aux fonctions exercées; Juger que les demandes de Madame [O] [K] ne pourraient s'étendre que du mois de février 2011 au mois de novembre 2014, compte tenu du fait que l'appelante affirme expressément n'avoir plus occupé que le poste de secrétaire à compter de cette date;

Subsidiairement, dans le cas où la Cour retiendrait une classification autre que celle appliquée. dire et Juger que la qualification des tâches effectuées par Madame [O] [K] correspond au poste de secrétaire confirmée. échelon conventionnel 9 ; en conséquence, Dire et Juger que la somme à allouer à Madame [O] [K] en application de l'échelon 9 s'élève à un rappel de salaire de 745,05 euros bruts;

A titre infiniment subsidiaire, dire que Madame [O] [K] ne démontre nullement le décompte de la somme qu'elle revendique à hauteur de 38.869,49 € à titre de rappel de salaire; En conséquence, Juger que la somme revendiquée par Madame [O] [K] selon coefficient (échelon 23) s'élèverait à la somme de 21 568,05 € ;

3)Juger que Madame [O] [K] n'apporte aucune preuve de l'exercice d'une quelconque heure supplémentaire; La débouter de l'intégralité de ses demandes à ce titre. Subsidiairement, Dire et juger que la somme versée à Madame [O] [K] à titre de rappel d'heures supplémentaires ne pourrait être supérieure à 2 948,64 € en considération de son échelon actuel;

A titre infiniment subsidiaire, Dire et juger que la somme versée à Madame [K] ne pourrait être supérieure à 3 246,58 € si l''échelon 9 attaché à son poste était reconnu;

4) Dire et Juger, dans le cas où le travail dissimulé serait retenu, que la moyenne brute mensuelle de rémunération doit être arrêtée à la somme de 1 542,09 € ; Subsidiairement, Dire et Juger que Madame [O] [K] percevait une moyenne brute mensuelle de rémunération de 1 697,00 € en application de l'échelon 9 ; 5) Dire et Juger, dans le cas où le harcèlement moral serait reconnu, que Madame [O] [K] ne justifie pas son préjudice à ce titre; En tout état de cause,

Condamner Madame [O] [K] au paiement de la somme de 3000 euros au titre de l 'article 700 du code de procédure civile;

Condamner Madame [O] [K] aux entiers dépens.»

Vu les conclusions récapitulatives du 4/11/2022 par lesquelles l'AGS conclut au rejet de l'ensemble des demandes de la salariée

MOTIFS DE LA DECISION

La demande de révocation de l'ordonnance de clôture

cette demande sera rejetée dès lors que suite à l'arrêt avant dire droit une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 15 novembre 2022 et que les parties ont régulièrement déposé de nouvelles écritures.

La demande au titre de la classification

dans la Convention collective des services de l'automobile étendue le 30/10/1981 régissant le contrat de travail le niveau 23 revendiqué par Mme [K] correspond à l'échelon de référence du « salarié maîtrise dont la compétence permet la résolution de problèmes présentant des aspects à la fois techniques, commerciaux et administratifs avec appréciation du coût des solutions. Autonomie importante dans la responsabilité de l'organisation du travail, souvent caractérisée par l'encadrement technique d'ouvriers et d'employés directement ou par l'intermédiaire de la maîtrise d'échelons inférieurs. Il est placé sous l'autorité d'un cadre ou du chef d'entreprise lui-même ».

Il résulte des productions que Mme [K] était placée sous les ordres du gérant dont elle assurait le secrétariat sans disposer d'une autonomie importante comme en attestent les nombreux avertissements dont elle a été destinataire, son insertion dans un cadre de travail strict et les nombreux courriers de contestation des décisions de l'employeur versés aux débats. Ayant assuré le secrétariat d'une structure n'ayant que 3 salariés elle a certes été polyvalente mais elle n'a pas eu habituellement à régler des problèmes comportant des dimensions à la fois techniques, commerciales et administratives au sens de la Convention collective. Du reste, il ne lui incombait pas d'apprécier le coût des solutions à mettre en ouvre ni de jouer un rôle d'encadrement.

Elle soutient avoir exercé des fonctions de responsable qualité mais l'exercice, à titre accessoire et non continu, de telles fonctions en complément de celles de secrétariat ne suffit pas à lui octroyer l'échelon 23 d'autant qu'en vertu du répertoire national des services de l'automobile les fonctions de secrétaire impliquent l'application des procédures qualité et qu'il n'existe aucune classification directe en tant que telle au poste de responsable qualité.

Il ressort en outre des débats que Mme [K] n'était pas chargée de missions d'audit proprement dites et qu'elle se bornait à accompagner les auditeurs extérieurs dans leurs missions. Son travail à ce titre ne justifie donc pas l'attribution du coefficient revendiqué. Par ailleurs la salariée invoque l'accomplissement de missions comptables mais celles-ci se rattachaient à celles habituellement confiées à un secrétaire sans s'étendre à des missions d'une plus grande technicité. Sa demande de reclassification sera donc rejetée.

Les heures supplémentaires

il résulte de l'arrêt pénal définitif rendu par la chambre des appels correctionnels de la présente cour le 2 mars 2021 que la société CTPL a été déclarée coupable de travail dissimulé pour ne pas avoir mentionné sur les bulletins de paie toutes les heures effectuées par la salariée, ce entre le 1er février 2013 et le 19/12/2015 et sans précision de leur nombre.

Aux termes de l'article L 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture.

L'action en paiement, engagée le 27/1/2016, est recevable mais en application du texte précité la salariée, dont le contrat de travail a été rompu le 16 octobre 2015, ne pourra cependant obtenir le paiement de salaires exigibles 3 ans avant, à savoir ceux antérieurs à octobre 2012.

Il ressort du contrat de travail qu'elle était astreinte d'accomplir non pas 39 heures hebdomadaires comme elle le prétend mais 35 heures. Il appert surtout que depuis son embauche jusqu'en mars 2014 l'employeur lui a réglé chaque mois, avec les majorations requises, 17,33 heures supplémentaires quelle qu'ait été sa durée effective de travail. A partir de cette date il en a cessé le versement suite à des difficultés financières avérées.

Mme [K] produit des relevés d'heures établis a posteriori par ses soins dont la force probante est contestée par l'AGS et l'employeur. Elle indique que jusqu'en mars 2014 les heures supplémentaires effectuées au-delà de 169 heures mensuelles n'étaient pas payées ce qui sous-entend, ce point étant confirmé par l'analyse des justificatifs, que celles effectuées entre la durée mensuelle légale (151,67 heures) et 169 heures étaient réglées. Elle ajoute qu'à partir de mars 2014 les heures supplémentaires n'étaient plus rémunérées mais à cette date l'employeur avait décidé de ne plus payer systématiquement 17,33 heures supplémentaires mensuelles. Par courrier du 25/9/2014 adressé à sa direction Mme [K] lui a signifié qu'elle s'en tiendrait dorénavant à 35 heures par semaine compte tenu de l'absence de règlement de ses heures supplémentaires. Postérieurement elle n'a plus effectué d'heures supplémentaires et elle n'a de son propre aveu plus accompli de missions de responsable qualité.

Il résulte des productions qu'entre mars et septembre 2014 il lui est arrivé de travailler en sus de la durée légale sans être payée. Tel était également le cas ponctuellement mais plus rarement avant mars 2014 même si elle bénéficiait systématiquement d'un règlement mensuel de 17,33 heures supplémentaires ne l'ayant pas toujours remplie de ses droits. Quoi qu'il en soit, il résulte de ses conclusions et de ses demandes écrites de repos de récupération qu'elle a ponctuellement bénéficié, à sa demande, de journées de récupération, l'entreprise n'ayant fait qu'user en la matière de l'alternative au paiement des heures supplémentaires offerte par la loi et la Convention collective. Plus précisément, il ressort du procès-verbal établi par le contrôleur du travail le 17/11/2015 que Mme [K] a pris l'équivalent de 353 heures de récupération en 2013 et 208 en 2014 ce qui lui a assuré une contrepartie effective aux heures supplémentaires effectuées dont elle surévalue le nombre.

Vu sa rémunération de référence (coefficient 170), les explications des parties, les feuilles de présence non contresignées, le nombre d'heures réellement effectuées et non récupérées pendant la période non prescrite il sera alloué à l'appelante un rappel de salaires de 2900 euros ainsi que l'indemnité de congés payés afférente. Le surplus de sa demande sera rejeté.

La demande d'indemnité compensatrice de repos compensateurs de remplacement

Mme [K] réclame une telle indemnité dans le dispositif de ses écritures mais elle fait valoir dans leurs motifs que son employeur a manqué à son obligation en matière de contrepartie obligatoire en repos. Le fondement de sa demande est donc imprécis. Dans la rubrique de ses conclusions afférente aux heures supplémentaires et non dans celle relative à la présente demande elle indique avoir été forcée de prendre des repos compensateurs et ne pas avoir reçu d'information sur ses droits mais conformément à l'article L 3121-24 du code du travail l'employeur, lié par aucun accord collectif, avait la possibilité de la placer en repos compensateurs, sans y être toutefois tenu. Il n'est justifié d'aucun manquement de sa part sauf à relever que s'il a manqué à son obligation d'informer la salariée du nombre d'heures de repos portées à son crédit aux conditions posées par l'article D 3171-11 du code du travail elle ne justifie d'aucun préjudice. Elle a en effet bénéficié de nombreuses journées de repos compensateurs et elle était d'accord avec son employeur sur la possibilité de remplacer le paiement des heures supplémentaires par un tel repos ainsi qu'en attestent ses demandes écrites versées aux débats. Il ne résulte par ailleurs d'aucune pièce que les dispositions de la Convention collective aient été méconnues notamment celles prévoyant la prise des repos compensateurs dans les 6 mois.

Sur le second point (la contrepartie obligatoire en repos) il ressort des éléments produits aux débats que le nombre d'heures supplémentaires effectuées par Mme [K] n'a jamais dépassé le contingent maximum de 220 heures supplémentaires annuelles prévu par la Convention collective.

Quel qu'en soit le fondement sa demande sera donc rejetée.

L'indemnité pour travail dissimulé

il résulte de l'arrêt pénal définitif rendu par la chambre des appels correctionnels le 2 mars 2021 que la société CTPL a été déclarée coupable de travail dissimulé par non mention sur les bulletins de paie de toutes les heures effectuées par la salariée. Cette décision s'impose à la présente juridiction en ce que sont caractérisés d'une part des faits matériels, d'autre part l'intention de dissimulation. En application de l'article L 8223-1 du code du travail il convient d'allouer à Mme [K] une indemnité égale à 6 mois de salaire sur la base de 1542,09 euros mensuels.

Le harcèlement moral

aux termes de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel; en vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail le salarié doit présenter des faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il résulte de l'arrêt pénal définitif rendu par la chambre des appels correctionnels que M.[T] [I], ancien gérant de la société CTPL, a été déclaré coupable de harcèlement moral sur la personne de Mme [K]. Cet arrêt est ainsi motivé :

«...(témoignage d'un client) Mme [K] devait rappeler un client, et Mr [I]. lui a rappelé devant tout le monde sur un ton très sévère. J'ai pensé qu'il aurait pu faire cette remarque en privé. J'ai même dit à Mme [K] que je trouvais qu'il leur parlait comme à des chiens. Je ne sais pas plus. Pour ma part. en tant que client, comme l'ensemble des clients nous avons de bonne relation avec l'ensemble de l'entreprise. Par contre les employés sont sous pression que ce soit avec Mr [I] [T] ou avec son père. Je ne peux pas parler de harcèlement. j'ai juste entendu à plusieurs reprises une façon de parler à ses employés pas correcte. C'était vers la majorité des employés pas seulement sur Mme [K].

[D] [H], ancien salarié: « cela ne se passait pas bien elle était exploitée à 500 % et le langage non respectueux il n'hésitait pas à faire des réflexions devant les gens voire même la rabaisser .. II était irresponsable il était gérant mais il n'en a pas la capacité il n a aucun sens de la gestion. Du fait de sa gestion il a perdu beaucoup de clients du fait de son manque de respect il ne pense qu'à l'argent au détriment de son personnel et des clients. Il nous appelait même chez nous pour nous dire des rendez vous et cela à n'importe quelle heure. [O] devait rester tard le soir pour faire le contrôle qualité car elle n 'avait pas le temps la journée il mettait beaucoup de rendez vous empêchant l'administratif. Mme [K] restait jusqu'à 02 heures du matin pour reprendre son travail a 8 heures. Moi je suis parti de la société fin 2013 car je n'en pouvais plus des conditions de travail les horaires j ai fait une procédure aux prud'hommes contre M. [I] et j'ai gagné. »

[R] [N], client: «une fois je suis allé et monsieur [I] a mal parlé à [O] il avait été vulgaire mais je ne peux plus vous dire exactement les mots qu'il a employés ni la date. C'est la seule fois ou j'ai assisté à cela cela m'avait choqué et j' avais dit à [O] que je n aurais pas supporté que l'on me parle de cette façon. »

[B] [H], ancienne collègue: «[O] parfois voulait quitter et il était l'heure pour elle, mais il refusait lui disant qu'il restait du travail et cela en dehors des heures. Il lui mettait une pression énorme. J'ai également eu des problèmes avec monsieur [I] pendant que je travaillais je suis allé au prudhomme car j 'ai travaillé durant un an sans contrat et j'ai été renvoyée par SMS. (. . .) lorsque j'étais là il lui faisait des remarques sur son poids et d'autres remarques mais je ne me rappelle plus des mots. Mais à chaque fois qu'elle faisait quelque chose elle avait le droit à des critiques malgré que son travail était effectué correctement. Il I'appelait à pas d'heure même sur ses jours de repos pour qu'elle vienne travailler ou qu'elle fasse du travail

chez elle. »

Le 9 janvier 2014, le médecin du travail avait adressé au médecin traitant de [O] [K] le courrier suivant: «cher confrère, votre patiente Mme [O] [K] me parait être en grande souffrance psychique liée à ses conditions de travail. Je lui recommande de vous consulter pour le bilan et traitement qui s'imposent»

Il résulte de l'ensemble de ces éléments précis et concordants que [T] [I] a demandé à [O] [K] d'effectuer des tâches, parfois dégradantes, pour lesquelles elle n'était pas embauchée ni rémunérée, l'empêchant ainsi de réaliser son travail. Il a modifié sans cesse ses périodes de travail sans assurer un délai de prévenance suffisant. Il a pu avoir un comportement insultant à son égard. Il a donc fait preuve d' agissements, propos et comportements répétés qui ont eu pour effet de dégrader les conditions de travail de [O] [K], de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale. »

L'employeur conteste tout harcèlement mais celui-ci est établi par une décision pénale définitive à laquelle il était partie. Son argumentation, ne contenant aucune référence à sa condamnation ayant force de chose jugée, est donc vaine.

L'AGS fait pour sa part valoir que :

-l'attestation de M.[U] est dénuée de force probante

-si des faits de harcèlement moral ont été commis ils ne sont pas le fait du gérant

-si tel avait été le cas cela n'explique pas pour quelle raison Mme [K] est restée à son poste plusieurs années durant sans prendre l'initiative de la rupture.

Les explications imprécises de cet organisme ne permettent pas de justifier les agissements de l'employeur mis en évidence par la juridiction pénale dans sa décision ayant force de chose jugée. Il importe peu que Mme [K] n'ait pas pris l'initiative de la rupture, ce qui n'a pas pour effet d'écarter le harcèlement moral. Par ailleurs, les éléments rapportés par Mme [K], consignés par le juge pénal, ne consistent pas exclusivement en le témoignage de M.[U].

Il ressort de ce qui précède que Mme [K] a subi des agissements répétés de harcèlement moral ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Au titre de son préjudice la salariée ne produit pas de pièce médicale objectivant une dégradation de son état de santé ; elle se borne à faire référence à sa souffrance psychologique, laquelle se déduit des agissements litigieux et du climat de tension ayant opposé les parties. L'intéressée a cependant su défendre ses droits, opposer des refus clairs à son employeur lorsqu'il lui a demandé d'effectuer des heures supplémentaires ou de participer à des missions extérieures et elle a été active dans la démarche ayant abouti à sa condamnation par la juridiction correctionnelle. En réparation de son préjudice purement moral il y a lieu de lui allouer 5000 euros de dommages-intérêts et de rejeter le surplus de sa demande étayée d'aucun justificatif.

Le bien-fondé du licenciement

aux termes de l'article L 1233-2 du code du travail en sa rédaction applicable aux faits constitue un licenciement économique celui effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques caractérisées ou à des mutations technologiques.

Mme [K] soutient en premier lieu, sans fournir de précision, que les malversations commises par le gérant par le biais de prélèvements d'espèces ont contribué à la dégradation de sa situation économique et à son placement en redressement judiciaire mais la preuve de fautes de gestion ne se déduit pas des éléments versés aux débats. Les assertions de Mme [K] quant à des abus de biens sociaux, auxquels elle aurait prêté la main en passant, selon ses dires, de fausses écritures, ne sont étayées d'aucun justificatif.

Elle fait plaider que les difficultés économiques de l'entreprise ne sont pas avérées mais elles s'induisent de son placement en redressement judiciaire par le tribunal de commerce et des justificatifs comptables versés aux débats attestant d'une cessation de paiements en octobre 2014, un an avant le licenciement litigieux et d'une chute du chiffre d'affaires entre 2013 et 2014 dans un contexte d'augmentation des charges. Les difficultés économiques ainsi établies ayant perduré jusqu'au licenciement son argumentation est infondée.

Mme [K] soutient également avoir été immédiatement remplacée au poste de secrétaire de l'entreprise par une collègue, Mme [E], qu'elle a contribué à former avant son départ. Elle conteste donc la suppression de son emploi. Il ressort cependant du registre du personnel que Mme [E] a été recrutée en qualité de secrétaire en janvier 2015 et l'entreprise comptait donc deux secrétaires au moment du licenciement litigieux. Mme [K] n'est donc pas fondée de soutenir que son poste n'a pas été supprimé puisque suite au licenciement Mme [E] est restée l'unique secrétaire.

Mme [K] ajoute que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement en négligeant de rechercher son reclassement au sein du groupe [I] disposant de plusieurs implantations en France. Si la salariée évoque l'existence de plusieurs sociétés gérées à ses dires par M.[I] et son père il ne résulte d'aucun élément que la société CTPL ait été membre d'un groupe de reclassement s'entendant de l'ensemble des entreprises unies par le contrôle ou l'influence d'une entreprise dominante. En l'espèce il n'est ni établi ni même soutenu que les sociétés gérées par M.[I] et son père étaient unies par des liens capitalistiques ni qu'elles se trouvaient sous l'influence d'une société dominante. En l'absence de groupe ainsi défini la société CTPL n'était pas tenue de rechercher un reclassement dans les autres sociétés gérées par M.[T] [I] et son père.

Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué à la salariée des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La demande au titre de la violation des critères d'ordre

en application de l'article L 1233-5 du code du travail lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements. Ces critères prennent notamment en compte :

1°les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

2°l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ;

3°la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

4°les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

L'employeur peut privilégier l'un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères. Ces dispositions s'appliquent au licenciement économique individuel par renvoi exprès de l'article L1233-7 du code du travail.

Il ressort du dossier qu'au moment du licenciement litigieux l'entreprise comptait deux secrétaires de la même catégorie professionnelle, Mme [K] et Mme [E]. L'employeur n'a ni étudié ni mis en 'uvre de critère de licenciement et il a choisi arbitrairement de rompre le contrat de travail de Mme [K] malgré sa plus grande ancienneté. Il prétend avoir tenu compte de l'ensemble des critères pour privilégier son licenciement sur celui de sa collègue mais il ne livre aucun élément sur les critères retenus et sur le résultat final. Il a donc agi déloyalement ce qui a causé à l'intéressée un préjudice né de la perte d'une chance importante de conserver son emploi si les critères avaient été examinés. En réparation de ce préjudice il convient de lui allouer 9000 euros de dommages-intérêts.

Il n'est pas inéquitable de mettre à la charge de l'employeur une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'AGS devra sa garantie conformément à la loi.

PAR CES MOTIFS, LA COUR

INFIRME le jugement

statuant à nouveau et y ajoutant

Fixe comme suit la créance de Mme [K] dans la liquidation judiciaire de la société CTPL 

'heures supplémentaires: 2900 euros

'indemnité de congés payés: 290 euros

'dommages-intérêts pour harcèlement moral : 5000 euros

'dommages-intérêts pour inobservation des critères d'ordre : 9000 euros

'indemnité pour travail dissimulé : 9252,54 euros

'indemnité de procédure : 1000 euros

ORDONNE à la société CTPL d'établir un certificat de travail, une attestation Pôle emploi et un bulletin de paie récapitulatif conformes au présent arrêt

DIT n'y avoir lieu à astreinte

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes

DIT que l'AGS CGEA est tenue à garantie selon les règles prévues par la loi

MET les dépens d'appel et de première instance à la charge de la société CTPL.

LE GREFFIER

Annie LESIEUR

LE PRESIDENT

Marie LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Sociale b salle 3
Numéro d'arrêt : 17/01283
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;17.01283 ?
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