COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00154 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWYV
N° de Minute : 161
Ordonnance du jeudi 26 janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [X] [G]
né le 28 Janvier 1998 à [Localité 2] en Afghanistan
de nationalité Afghane
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 1]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Théodora BUCUR, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de M. [P] [V] [O] [T] interprète assermenté en langue dari, tout au long de la procédure devant la cour
INTIMÉ
MME LA PREFETE DE LA SOMME
dûment avisée, absent non représentée
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du jeudi 26 janvier 2023 à 13 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le jeudi 26 janvier 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 25 janvier 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. [X] [G] ;
Vu l'appel interjeté par M. [X] [G] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 25 janvier 2023sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
A sa levée d'écrou intervenue le 23 janvier 2023 à 9h08, M. [X] [G] né le 28 janvier 1998 à [Localité 2] (Afghanistan), de nationalité Afghane, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la reconduite, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an, prononcée le 2 août 2022 par Mme la Préfète de la Somme, qui lui a été notifiée le 2 août 2022, et d'un arrêté ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quarante-huit heures, prononcé le 23 janvier 2023 par la même autorité, qui lui a été notifié le 23 janvier 2023 à 09h08.
Vu l'article 455 du code de procédure civile
' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Boulogne-Sur-Mer en date du 25 janvier 2023 à 13h12, ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours (et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative) .
' Vu la déclaration d'appel de M. [X] [G] du 25 janvier 2013 à 15h31 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative et à laquelle il sera renvoyé pour l'exposé des moyens de l'appelant
Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :
l'absence de nécessité de placement en rétention tiré de l'absence de perspectives d'éloignement,
la violation de l'article L 141-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que la notification de ses droits en rétention a été faite sans l'assistance d'un interprète en langue Dari.
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédure
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.
Sur le moyen tiré de l'interprétariat :
L'article L 141-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que lorsqu'un étranger fait l'objet d'une décision de refus d'entrée en France, de placement en rétention ou en zone d'attente, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de refus d'entrée, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu au premier alinéa de l'article L.813-13. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français.
En l'espèce, il résulte des pièces de la procédure que lors de son audition le 3 août 2022 à 9h05 sur des faits de vol et dégradation, il s'est exprimé en langue française ; que sur la fiche pénale produite il est mentionné que la langue parlée par l'intéressé est le français ; que tout au long de la procédure il a parlé le français, qu'il n'a pas demandé a être assisté d'un interprète en langue « Dari » alors ce droit lui a été notifié ; qu'enfin devant le premier juge il a déclaré « je parle et comprends le français», qu'en conséquence c'est à bon droit que la notification de ses droits en rétention a été faite en français, il n'y a donc aucune irrégularité tiré de l'absence de l'interprète.
Le moyen sera rejeté.
Sur l'absence de nécessité de placement en rétention tiré de l'absence de perspective d'éloignement
Il ressort de la compétence exclusive de la juridiction administrative de statuer sur les moyens de nullité soutenus à l'encontre du titre d'éloignement ou de la décision fixant le pays de retour.
Il est constant qu'il se déduit également de ce principe, que le juge judiciaire ne saurait fonder la décision relative à la prolongation de la rétention administrative sur son appréciation de l'existence ou l'absence de perspectives d'éloignement vers le pays de destination choisi par l'autorité administrative.
Ce raisonnement revient en effet, implicitement mais nécessairement, à s'arroger un droit de contrôle sur le choix du pays d'éloignement, en contradiction avec le principe de séparation des pouvoirs donnant compétence exclusive au juge administratif pour ce faire.
(Cour de cassation 1ère civile 05 décembre 2018 n° Y 17-30.979)
En l'espèce, le moyen tiré des 'perspectives d'éloignement' revient à critiquer le choix de la destination d'éloignement, M. [X] [G] soutenant qu'au centre de rétention de [Localité 1], en 2021 et 2022, sur les 3 ressortissants afghans placés sur le fondement d'une obligation de quitter le territoire français aucun n'a été éloigné vers son pays de nationalité.
Enfin, il sera rappelé que la délivrance d'un laissez-passer consulaire est un acte de souveraineté sur lequel l'autorité judiciaire française ne saurait opiner ou conjecturer de la délivrance en dehors de critères posés par sa propre législation, laquelle délivrance étant conditionnée par les rapports diplomatiques entre puissances étatiques dont l'appréciation échappe au magistrat judiciaire.
Ce n'est pas parce que aucun des trois ressortissants afghans placés en rétention au Centre de [Localité 1] entre 2021 et 2022 n'ont pas été éloignés vers leur pays de nationalité, que cette situation se renouvellera inéluctablement pour l'intéressé.
Le moyen sera rejeté.
Pour le surplus, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l'article 955 du code de procédure civile, que le premier juge a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention.
L'ordonnance dont appel sera confirmée.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Véronique THÉRY,
greffière
Danielle THEBAUD,
conseillère
N° RG 23/00154 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWYV
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 161 DU 26 Janvier 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le jeudi 26 janvier 2023 :
- M. [X] [G]
- l'interprète
- l'avocat de M. [X] [G]
- l'avocat de MME LA PREFETE DE LA SOMME
- décision notifiée à M. [X] [G] le jeudi 26 janvier 2023
- décision transmise par courriel pour notification à MME LA PREFETE DE LA SOMME et à Maître Théodora BUCUR le jeudi 26 janvier 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le jeudi 26 janvier 2023
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