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26/01/2023 | FRANCE | N°23/00152

France | France, Cour d'appel de Douai, Etrangers, 26 janvier 2023, 23/00152


COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles





N° RG 23/00152 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWYP

N° de Minute : 158







Ordonnance du jeudi 26 janvier 2023





République Française

Au nom du Peuple Français





APPELANT



M. [D] [W]

né le 30 Août 1963 à [Localité 4] - GÉORGIE

de nationalité Géorgienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne



assisté de Me

Théodora BUCUR, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de Mme [C] [E] interprète en géorgien, tout au long de la procédure devant la cour





INTIMÉ



M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS



...

COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre des Libertés Individuelles

N° RG 23/00152 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWYP

N° de Minute : 158

Ordonnance du jeudi 26 janvier 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

APPELANT

M. [D] [W]

né le 30 Août 1963 à [Localité 4] - GÉORGIE

de nationalité Géorgienne

Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]

dûment avisé, comparant en personne

assisté de Me Théodora BUCUR, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office et de Mme [C] [E] interprète en géorgien, tout au long de la procédure devant la cour

INTIMÉ

M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS

dûment avisé, absent

représentépar Maître Hedi RAHMOUNI, cabinet Actis, barreau de Créteil

PARTIE JOINTE

M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant

MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché

assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière

DÉBATS : à l'audience publique du jeudi 26 janvier 2023 à 13 h 30

ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le jeudi 26 janvier 2023 à

Le premier président ou son délégué,

Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;

Vu l'ordonnance rendue le 25 janvier 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. [D] [W] ;

Vu l'appel interjeté par M. [D] [W] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 25 janvier 2023sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative  ;

Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;

EXPOSE DU LITIGE

Interpellé pour des faits de vol dans un magasin, M. [D] [W] de nationalité Géorgienne Né le 30 août 1963 à [Localité 4] en Géorgie, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la reconduite, lui faisant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an et ordonnant son placement en rétention administrative pour une durée de quarante-huit heures, prononcée le 22 janvier 2023 par M. Préfet du Pas-de-Calais, qui lui a été notifié le 22 janvier 2023 à 15h10.

' Vu l'article 455 du code de procédure civile

' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 25 janvier 2023 à 11h48,ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours (et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative) .

' Vu la déclaration d'appel de M. [D] [W] du 25 janvier 2023 à 14h40 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative et à laquelle il sera renvoyé pour l'exposé des moyens de l'appelant

Au titre des moyens soutenus en appel l'étranger soulève :

Le défaut d'examen de ma situation personnelle lié à la possibilité de m'assigner à résidence en qu'il dispose d'une adresse stable avec sa femme, Mme [T] [L] et sa fille de 14 ans qui a obtenu la nationalité française, au [Adresse 1],

absence d'examen de sa vulnérabilité,

incompatibilité de son état de santé avec la rétention

absence de diligence de l'administration.

MOTIFS DE LA DÉCISION

De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.

Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.

Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédure

L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.

Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.

La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.

Sur la motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative, et l'érreur d'appréciation quant à la de fait et de vulnérabilité :

L'obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l'acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l'intéressé et non stéréotypée.

Cependant, cette motivation n'est pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l'intéressé dès lors qu'elle contient des motifs spécifiques à l'étrangers sur lesquels l'autorité préfectorale a appuyé sa décision.

Ainsi, dés lors que l'arrêté de placement en rétention administrative contient des motivations individualisées justifiant, au regard des articles L 741-1 et L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'option prise par l'autorité préfectorale quant à la rétention et mentionnant l'absence de vulnérabilité au sens de l'article L 741-4 du même code, l'acte administratif doit être reconnu comme comportant une motivation suffisante indépendamment de toute appréciation de fond.

De même, il ne ressort pas de l'article L 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, imposant la prise en compte de l'état de vulnérabilité ou de handicap de l'étranger dans l'appréciation par l'autorité administrative du placement en rétention, que le préfet soit tenu d'une motivation spéciale sur la vulnérabilité de l'étranger, le contrôle de cette obligation relevant de la légalité interne de l'acte de placement.

En l'espèce l'arrêté de placement en rétention administrative est motivé en relevant que :

l'intéressé n'a pas de document de voyage ni de titre de séjour,

sa demande d'asile a été rejeté par l'OFPRA le 28 juin 2019,

il a fait l'objet d'un refus de délivrance d'un titre de séjour le 30 août 2019,

il vit en France depuis 18 ans sans en apporter le moindre justificatif,

si l'intéressé indique occuper à titre gratuit un logement sur [Localité 3], aucun élément probant ne vient justifier ces allégations,

l'intéressé déclare être marié à [T] [L] ; que cette dernière se déclare toutefois célibataire auprès de l'administration ; qu'en tout état de cause, l'intéressé ne justifie ni de l'ancienneté ni de l'intensité de la relation et de la communauté de vie, `

l'intéressé indique être très malade et ne pas pouvoir travailler; qu'il a été interpellé après avoir commis un vol de deux bouteilles de vodka dans un local commercial ;

En outre, il peut être légitimement être considérée par l'autorité préfectorale que l'existence d'une adresse pouvant être qualifiée de 'résidence effective' soit néanmoins insuffisante pour accorder à l'étranger une assignation à résidence, dés lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français.

Ce qui est le cas en l'espèce, dès lors que l'intéressé a indiqué lors de son audition qu'il refusait expressément de repartir en Géorgie, et qu'il n'a pas souhaité remettre son passeport à l'administration, qu'en outre il s'est vu refusé la délivrance d'un titre de séjour et que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA.

Il s'en suit qu'au jour où l'arrêté de placement en rétention administrative a été adopté, aucune erreur d'appréciation quant à la teneur des éléments de domiciliation de l'appelant ne peut être retenue.

En conséquence la décision querellée comporte donc les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et l'appelant a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire, et/ou comme présentant un risque manifeste de fuite.

Par ailleurs, le dit arrêté de placement en rétention ayant été adopté pour une durée de 48 heures, et est est justifié au cas d'espèce par la nécessité de s'assurer de la personne sur qui pèse une obligation de quitter le territoire et qui n'entend pas s'y conformer volontairement.

Il ne saurait donc être considéré, au cas d'espèce, que le placement en rétention administrative de M. [D] [W] soit constitutif d'une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la CEDH.

En conséquence et en l'espèce, l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé.

Sur l'évaluation de la vulnérabilité au moment du placement en rétention administrative

Il ressort de l'article L 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que: « la décision de placement en rétention prend en compte l'état de vulnérabilité et de tout handicap de l'étranger.Le handicap moteur, cognitif ou psychique et les besoins d'accompagnement de l'étranger sont pris en compte pour déterminer les conditions de son placement en rétention»

L'absence de mention dans l'arrêté de placement en rétention administrative d'une prise en compte d'un éventuel état de vulnérabilité de l'étranger ne peut être palliée par le fait que ce dernier a la possibilité de solliciter une évaluation médicale par les agents de l'OFII au visa de l'article R 751-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Cass civ 1ère 15 décembre 2021 N° 20-17283

Il se déduit de ce texte que l'existence d'un état de vulnérabilité n'est pas intrinsèquement de nature à exclure un placement en rétention administrative dés lors que la mesure est compatible avec la prise en charge de la vulnérabilité de l'étranger.

L'évaluation de vulnérabilité au moment du placement en rétention administrative est nécessairement succincte et principalement déclarative, les fonctionnaires de la police de l'air et des frontières n'ayant pas la possibilité de procéder à une évaluation approfondie de la situation personnelle et médicale de la personne en séjour irrégulier.

L'autorité préfectorale, qui n'est pas tenue de motiver sa décision sur l'ensemble de la situation de l'étranger, ne peut donc motiver sa décision à cet égard qu'en fonction des éléments de vulnérabilité déjà connus d'elle ou qui lui ont été présentés par l'étranger.

L'alinéa 2 de l'article ci dessus énonce des situations qui sont, de plein droit, constitutives d'un état de vulnérabilité et pour lesquelles l'autorité préfectorale est tenue, lorsqu'elle en a eu connaissance, de motiver en quoi le placement en rétention administrative n'est pas incompatible avec l'état spécifique de vulnérabilité prévu par l'alinéa 2 de l'article L 741-4 précité.

En l'espèce l'arrêté préfectoral de placement en rétention relève que si l'intéressé indique être très malade et ne pas pouvoir travailler, il ne ressort d'aucun élément du dossier que l'intéressé présenterait un état de vulnérabilité qui s'opposerait à un placement en rétention et indique que ce dernier pourra recevoir les soins appropriés en rétention. En outre, il sera relevé que l'intéressé a été interpellé alors qu'il volait deux bouteilles de vodka.

L'obligation de motivation de l'acte administratif est donc respectée et M. [D] [W] ne justifie pas que son état de santé serait incompatible avec .

En conséquence l'autorité préfectorale a pu ordonner le placement en rétention administrative sans commettre d'erreur d'appréciation.

Sur le moyen tiré de l'incompatibilité de l'état de santé avec le placement en rétention

Le placement en rétention administrative est soumis au principe de proportionnalité apprécié par le juge, notamment lorsque la privation de liberté qu'il entraîne est en opposition avec l'exercice d'un autre droit légitime revendiqué par l'étranger.

Ainsi, sauf à disposer d'un titre de séjour spécifiquement destiné à permettre à un étranger de recevoir des soins en France, la personne en situation irrégulière sur le territoire national et faisant l'objet d'un placement en rétention administrative, ne peut invoquer que son état de santé est incompatible avec un placement en rétention administrative que lorsque les soins qu'elle souhaite se voir dispenser en France sont urgents et vitaux pour la préservation de sa santé et ne peuvent être dispensés dans le cadre du service médical du Centre de Rétention Administrative.

En l'espèce, M. [D] [W] ne justifie d'aucun titre de séjour spécifiquement destiné à lui permettre de recevoir des soins en France, et ne fournit pas à l'appui de son moyen les éléments de preuve suffisant pour permettre d'en apprécier le bien fondé.

Le moyen sera donc rejeté.

Pour le surplus, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l'article 955 du code de procédure civile, que le premier juge a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention.

Etant précisé que l'administration est dans l'attente du laissez-paser consulaire sollicité auprès des autoriés géorgiennees dès le placement en rétention le 22 janvier 2023 à 15 h 08. L'administation a donc satisfait aux diligences nécessaires.

L'ordonnance dont appel sera confirmée.

PAR CES MOTIFS

DÉCLARE l'appel recevable ;

CONFIRME l'ordonnance entreprise ;

ENJOINT l'administration à faire procéder à un e examen médicale de M. [D] [W] aux fins de vérifier la compatibilité de son état de santé avec le placement en rétention administrative ;

DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;

DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative

LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.

Véronique THÉRY,

greffière

Danielle THEBAUD,

conseillère

N° RG 23/00152 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWYP

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 158 DU 26 Janvier 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :

Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile

Pour information :

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Reçu copie et pris connaissance le jeudi 26 janvier 2023 :

- M. [D] [W]

- l'interprète

- l'avocat de M. [D] [W]

- l'avocat de M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS

- décision notifiée à M. [D] [W] le jeudi 26 janvier 2023

- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU PAS DE CALAIS et à Maître Théodora BUCUR le jeudi 26 janvier 2023

- décision communiquée au tribunal administratif de Lille

- décision communiquée à M. le procureur général :

- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER

Le greffier, le jeudi 26 janvier 2023

N° RG 23/00152 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWYP


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Etrangers
Numéro d'arrêt : 23/00152
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;23.00152 ?
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