République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 26/01/2023
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N° de MINUTE :
N° RG 22/01127 - N° Portalis DBVT-V-B7G-UEUO
Ordonnance (N° 21/00671)
rendue le 08 février 2022 par le juge de la mise en état de Boulogne-sur-Mer
APPELANTE
La SA Albingia
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de la SCPA Naba & Associés, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉS
Monsieur [B] [U]
né le 02 juillet 1951 à [Localité 6] ([Localité 6])
Madame [J] [A] épouse [U]
née le 26 avril 1953 à [Localité 7] ([Localité 7])
demeurant ensemble [Adresse 2]
[Localité 3]
représentés par Me Marianne Devaux, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué
DÉBATS à l'audience publique du 15 novembre 2022 tenue par Jean-François Le Pouliquen magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, président de chambre
Bruno Poupet, président de chambre
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 10 octobre 2022
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Vu l'ordonnance du juge de la mise en état de Boulogne-sur-Mer du 08 février 2022 ;
Vu la déclaration d'appel de la société Albingia reçue au greffe de la cour d'appel de Douai le 04 mars 2022 ;
Vu les conclusions de la société Albingia déposées le 19 avril 2022 ;
Vu l'ordonnance de clôture du 10 octobre 2022 ;
EXPOSE DU LITIGE
Sollicitant une expertise judiciaire suite à des infiltrations, le syndicat des copropriétaires de la résidence [8] a fait assigner par actes d'huissier du 22 janvier 2016 la SA Albingia, en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage d'une opération de construction immobilière, ainsi que la SAS Nord constructions nouvelles et la commune de [Localité 5]. Une ordonnance de référé a été rendue le 4 avril 2016, désignant un expert judiciaire.
La SA Albingia a alors assigné en référé, par actes signifiés le 1er mars 2016, la Mutuelle des architectes français, la SAS Lefrançois TP, la SMABTP, la SARL Artopo, la société Les Souscripteurs des Lloyd's de Londres, la SA Bureau Veritas, la société d'étude de sol Verbeke et la SAS Etablissements Lefrançois Yves, obtenant par ordonnance du 20 avril 2016 l'extension des opérations d'expertise à leur contradictoire.
L'expert judiciaire a rendu son rapport le 25 février 2019.
Au fond, la SA Albingia a assigné, par actes d'huissier signifiés les 13 et 17 mai 2016, la commune de [Localité 5], la société Nord construction nouvelle (NCN), le Bureau Veritas, la SMABTP en sa double qualité d'assureur du Bureau Veritas et de la société NCN, la société d'étude de sol Verbeke, la Mutuelle des architectes français, les Souscripteurs des Lloyd's de Londres en sa qualité d'assureur de M. [E] [G], architecte et la SAS Etablissements Lefrançois Yves, devant le tribunal de grande instance de Boulogne-sur-Mer afin d'obtenir leur condamnation à prendre en charge toutes les conséquences dommageables affectant l'opération de construction située chemin aux raisins à Berck et d'obtenir le sursis à statuer dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise.
Elle a également assigné la société civile MMA IARD Assurances Mutuelles, la SA MMA Iard et la SARL Artopo devant la même juridiction et aux mêmes fins par actes d'huissier signifiés le 25 mai 2016 s'agissant des deux premières sociétés (le procès-verbal de signification à l'égard de la SARL Artopo n'étant pas produit).
Les deux affaires ont été jointes par ordonnance du 14 octobre 2016.
M. [K] [S] et Mme [H] [D] son épouse sont intervenus volontairement à l'instance par conclusions déposées le 9 novembre 2016.
M. [B] [U] et Mme [J] [A] épouse [U] sont intervenus volontairement à l'instance par conclusions déposées le 13 décembre 2019.
Le syndicat des copropriétaires de la résidence [8] a de son côté assigné la société Albingia et la SAS NCN par actes d'huissier signifiés les 24 et 31 mars 2020 devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer, M. [B] [U] et Mme [J] [A] son épouse, M. [K] [S] et Mme [H] [D] son épouse intervenant volontairement à cette instance.
La jonction a été prononcée par ordonnance du 15 décembre 2020.
Par ordonnance du 15 décembre 2020, le juge de la mise en état a ordonné la radiation de l'affaire au regard de l'absence de mise en cause par la société Albingia des liquidateurs de la société NCN.
L'affaire a été réinscrite au rôle sous le numéro RG 21/671 lorsque la SA Lloyd's France a assigné la SAS Société de travaux publics Lefrançois (RCS Boulogne-sur-Mer 320 722 010), ainsi que la SELAS MJS Partners et la SELARL Ruffin Mandataires et associés prises toutes deux en leur qualité de liquidateurs de la société NCN. Les affaires ont été jointes par ordonnance du 16 avril 2021.
Par ordonnance du 08 février 2022, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a :
-constaté le désistement d'instance de la SA Albingia à l'encontre de la SARL Artopo, de la SMABTP en sa qualité d'assureur de la SA Bureau Veritas, de la SAS Bureau Veritas construction venant aux droits de la SA Bureau Veritas, de la commune de [Localité 5] et de la société d'étude de sol Verbeke,
-déclaré M. [B] [U] et Mme [J] [A] son épouse prescrits à l'encontre du syndicat des copropriétaires de la résidence [8], la société Lloyd's de France mandataire général des Souscripteurs des Lloyd's de Londres ainsi que de la SAS Etablissements Lefrançois,
-déclaré M. [B] [U] et Mme [J] [A] son épouse recevables à l'encontre de la société Albingia et de la SAS NCN prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires la SELAS MJS Partners et Maître Pascal Ruffin,
-rappelé que les autres fins de non-recevoir doivent être soulevées devant le tribunal,
-condamné la SA Albingia à payer à la SAS Etablissement Lefrançois Yves, la commune de [Localité 5] et la société d'étude de sol Verbeke la somme de 2 000 euros chacune au titre des frais irrépétibles,
-condamné la SA Albingia aux dépens de l'incident, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître [F] si celle-ci en a fait l'avance sans provision,
-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision, nonobstant appel et sans caution,
-renvoyé l'affaire et les parties à l'audience de mise en état du 16 mars 2022,
-dit n'y avoir lieu à faire droit aux autres demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Albingia a formé appel de cette décision.
Les chefs du jugement critiqué sont ceux ayant déclaré M. [B] [U] et Mme [J] [A] son épouse recevables à l'encontre de la société Albingia et de la SAS NCN prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires la SELAS MJS Partners et Maître Pascal Ruffin, condamné la SA Albingia aux dépens de l'incident avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître [F] si celle-ci en a fait l'avance sans provision.
Aux termes de ses conclusions susvisées, elle demande à la cour d'appel de :
-infirmer ou réformer l'ordonnance dont appel rendue sur incident par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 8 février 2022 en ce qu'elle a énoncé :
-déclarons M. [B] [U] et Mme [J] [A] son épouse recevables à l'encontre de la société Albingia et de la SAS NCN prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires la SELAS MJS Partners et Maître Pascal Ruffin,
-condamnons la SA Albingia aux dépens de l'incident, avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître [F] si celle-ci en a fait l'avance sans provision, »,
-statuant de nouveau,
-juger que l'action introduite par les copropriétaires, M. [B] [U] et Mme [J] [A] épouse [U], est irrecevable, à l'égard de la Société Albingia comme prescrite faute de demande en justice dans le délai d'action, et encore en raison de l'absence de production d'une déclaration de sinistre adressée à la société Albingia,
-condamner M. [B] [U] et Mme [J] [A] épouse [U] in solidum à verser à la société Albingia une somme de 1 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de cet incident en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamner M. [B] [U] et Mme [J] [A] épouse [U] in solidum aux dépens de première instance et d'appel dont distraction de ces derniers au profit de la SCP Processuel représentée par Maître Bernard Franchi avocat au barreau de Douai, avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 08 septembre 2022, le magistrat chargé de la mise en état a déclaré M. [B] [U] et Mme [A] épouse [U] irrecevables à conclure.
EXPOSE DES MOTIFS
La société Albingia demande notamment à la cour d'appel d'infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a dit M. [B] [U] et Mme [J] [A] son épouse recevables à l'encontre de la de la SAS NCN prise en la personne de ses liquidateurs judiciaires la SELAS MJS Partners et Maître Pascal Ruffin.
Cependant la société Albingia n'a pas qualité pour former appel de ce chef de l'ordonnance.
I) Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de déclaration du sinistre
Aux termes des dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances : « Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction, doit souscrire avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche des responsabilités, le paiement de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792-1, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l'article 1792 du code civil.
Toutefois, l'obligation prévue au premier alinéa ci-dessus ne s'applique ni aux personnes morales de droit public, ni aux personnes morales assurant la maîtrise d'ouvrage dans le cadre d'un contrat de partenariat conclu en application de l'article 1er de l'ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, ni aux personnes morales exerçant une activité dont l'importance dépasse les seuils mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 111-6, lorsque ces personnes font réaliser pour leur compte des travaux de construction pour un usage autre que l'habitation.
L'assureur a un délai maximal de soixante jours, courant à compter de la réception de la déclaration du sinistre, pour notifier à l'assuré sa décision quant au principe de la mise en jeu des garanties prévues au contrat. ('). »
Aux termes du A 2° de l'annexe II à l'article A 243-1 du code des assurances : « 2° En cas de sinistre susceptible de mettre en jeu les garanties du contrat, l'assuré est tenu d'en faire la déclaration à l'assureur.
La déclaration de sinistre est réputée constituée dès qu'elle comporte au moins les renseignements suivants :
-le numéro du contrat d'assurance et, le cas échéant, celui de l'avenant ;
-le nom du propriétaire de la construction endommagée ;
-l'adresse de la construction endommagée ;
-la date de réception ou, à défaut, la date de la première occupation des locaux ;
-la date d'apparition des dommages ainsi que leur description et localisation ;
-si la déclaration survient pendant la période de parfait achèvement au sens de l'article 1792-6 du code civil, la copie de la mise en demeure effectuée au titre de la garantie de parfait achèvement.
A compter de la réception de la déclaration de sinistre, l'assureur dispose d'un délai de dix jours pour signifier à l'assuré que la déclaration n'est pas réputée constituée et réclamer les renseignements manquants susvisés. Les délais visés à l'article L. 242-1 du présent code commencent à courir du jour où la déclaration de sinistre réputée constituée est reçue par l'assureur. »
En l'espèce, M. et Mme [U] n'établissent pas avoir adressé une déclaration de sinistre à l'assureur.
En conséquence les demandes en indemnisation formées par M. et Mme [U] à l'encontre de l'assureur dommages ouvrage seront déclarées irrecevables.
L'ordonnance du juge de la mise en état sera infirmée de ce chef.
II) Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'ordonnance sera confirmée de ce chef.
Succombant à l'appel, M. et Mme [U] seront condamnés aux dépens d'appel et à payer in solidum à la société Albingia la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.
PAR CES MOTIFS
-INFIRME l'ordonnance de juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer sauf en ce qu'elle a condamné la société Albingia aux dépens de l'incident ;
statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant ;
-DÉCLARE irrecevables les demandes en indemnisation formées par M. [B] [U] et Mme [J] [A] épouse [U] à l'encontre de la société Albingia ;
-CONDAMNE in solidum M. [B] [U] et Mme [J] [A] épouse [U] à payer à la société Albingia la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;
-CONDAMNE in solidum M. [B] [U] et Mme [J] [A] épouse [U] aux dépens d'appel ;
-AUTORISE la SCP Processuel à recouvrer directement contre la partie condamnée aux dépens, ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu de provision.
Le greffier
[X] [I]
Le président
Catherine Courteille