République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 26/01/2023
N° de MINUTE :23/73
N° RG 20/04050 - N° Portalis DBVT-V-B7E-THIZ
Jugement (N° 19-002281) rendu le 31 Août 2020 par le Juge des contentieux de la protection de Lille
APPELANTE
La Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Réunion (CRCAMR), Société Civile Coopérative à capital variable, représentée par son Directeur Général en exercice, Monsieur [D] [Y], domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Martine Mespelaere, avocat au barreau de Lille, avocat constitué et assistée de Me Mikaël Yacoubi, avocat au barreau de Saint Pierre de la Réunion, avocat plaidant
INTIMÉS
Monsieur [K] [S] [Z]
né le [Date naissance 4] 1983 à [Localité 6] - de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Madame [O] [F] épouse [S] [Z]
née le [Date naissance 2] 1981 - de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentés par Me Jean-Pierre Congos, avocat au barreau de Douai
DÉBATS à l'audience publique du 28 septembre 2022 tenue par Yves Benhamou magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Gaëlle Przedlacki
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
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ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023 après prorogation du délibéré du 15 décembre 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 14 septembre 2022
- FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES:
Selon acte sous seing privé en date du 6 novembre 2014, M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F] ont ouvert un compte chèques auprès de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA REUNION pour lequel était accordé un découvert autorisé de trois mois de 18,46 % l'an.
Arguant de l'existence d'un solde débiteur persistant sur ce compte, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA REUNION a adressé le 19 septembre 2018 à M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F] par courriers recommandés revenus non réclamés, une mise en demeure de payer la somme de 9.708,69 euros correspondant au solde débiteur à cette date.
Suite à une requête déposée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA REUNION le 24 octobre 2018, le tribunal d'instance de Lille par ordonnance en date du 29 novembre 2018 ( signifiée à la personne de M. [K] [S] [Z] et au domicile de Mme [O] [S] [Z] née [F] le 24 avril 2019) enjoint à M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F] de payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA REUNION la somme de 8.383,12 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification.
M. [K] [S] [Z] a formé opposition à cette ordonnance d'injonction de payer par courrier recommandé expédié le 2 mai 2019 et reçu au greffe du tribunal d'instance de Lille le 27 mai 2019.
Par jugement en date du 31 août 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Lille, a:
- déclaré recevable l'opposition formée par M. [K] [S] [Z] à l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le tribunal d'instance de Lille le 29 novembre 2018 à son encontre ainsi qu'à l'encontre de Mme [O] [S] [Z] née [F],
- déclaré irrecevable car forclose l'action de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA REUNION à l'encontre de M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F],
- constaté que les demandes formées par M. [K] [S] [Z] sont dès lors sans objet,
- rejeté toutes autres demandes,
- condamné la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION aux dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 9 octobre 2020,la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION a interjeté appel de cette décision en visant expressément dans l'acte d'appel tous les points tranchés dans le dispositif du jugement querellé.
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Vu les dernières conclusions de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION en date du 26 janvier 2021, et tendant à voir:
- infirmer le jugement querellé en ce qu'il a:
' déclaré recevable l'opposition formée par M. [K] [S] [Z] à l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le tribunal d'instance de Lille le 29 novembre 2018 à son encontre ainsi qu'à l'encontre de Mme [O] [S] [Z] née [F],
' déclaré irrecevable car forclose l'action de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION à l'encontre de M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F],
' constaté que les demandes formées par M. [K] [S] [Z] sont dès lors sans objet,
' rejeté toutes autres demandes,
' condamné la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION aux dépens,
' dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
Statuant à nouveau,
A TITRE LIMINAIRE,
A/ Sur le caractère non fondé de la recevabilité de l'opposition de M. [S] [Z] prononcée par le juge du contentieux de la protection:
- déclarer irrecevable l'opposition formée le 11 juin 2019 par M. [K] [S] [Z] à l'encontre de l'ordonnance en date du 29 novembre 2018 portant injonction de payer en date du 29 novembre 2018 portant injonction de payer rendue par le tribunal d'instance de Lille sur le fondement de l'article 1416 du code de procédure civile,
B/ Sur le caractère non fondé de l'irrecevabilité de la demande en paiement de la CRCAMR prononcée pour cause de forclusion par le juge des contentieux de la protection,
- déclarer recevable l'action en paiement du solde débiteur du compte de dépôt en cause dirigée par la CARCMR à l'encontre de M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F],
AU FOND:
C/ Sur le bien fondé de l'action en paiement de la CRCAMR à l'encontre des époux [S] [Z],
- condamner solidairement M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F] à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION suivant décompte arrêté au 26 juin 2019 une somme d'un montant total de 9.708,21 euros au titre du solde débiteur du compte de dépôt en cause outre intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2018, date de la première mise en demeure jusqu'au parfait paiement,
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EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,
- ordonner la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1416 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F] à payer à la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION une somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
- rejeter toutes demandes contraires.
Vu les dernières conclusions de M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F] en date du 12 mars 2021, et tendant à voir:
- Confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
Vu l'article L 311-52 du code de la consommation,
Vu la forclusion de l'action,
- Confirmer le jugement en toutes ses dispositions plus amples ou contraires,
- Condamner la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION au paiement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures respectives.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 14 septembre 2022.
- MOTIFS DE LA COUR:
- SUR LA RECEVABILITÉ DE L'OPPOSITION A L'ORDONNANCE D'INJONCTION DE PAYER:
L'article 1416 du code de procédure civile dispose:
'L'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance.
Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.'
Il est incontestable que dans le cas présent l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le tribunal d'instance de Lille le 29 novembre 2018 a été signifiée à personne s'agissant de M. [K] [S] [Z] le 24 avril 2019.
Il est constant par ailleurs que M. [K] [S] [Z] a formé opposition à cette ordonnance d'injonction de payer le 22 mai 2019 ( la date d'envoi mentionnée par La Poste figurant dans le courrier recommandé AR) soit dans le délai légal d'un mois prévu par la disposition précitée.
C'est par suite à bon droit que le premier juge dans la décision entreprise a déclaré recevable l'opposition formée par M. [K] [S] [Z] à l'ordonnance d'injonction de payer rendue par le tribunal d'instance de Lille le 29 novembre 2018 à son encontre ainsi qu'à l'encontre de Mme [O] [S] [Z] née [F]. Le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point.
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- SUR LA FORCLUSION:
L'ancien article L 311-52 du code de la consommation applicable au présent litige, dispose:
Code de la consommation
'Le tribunal d'instance connaît des litiges nés de l'application du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :
- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
- ou le premier incident de paiement non régularisé ;
- ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;
- ou le dépassement, au sens du 11° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 311-47.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 331-7 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L. 331-7-1.'
Dans le cas présent il ressort de l'historique de compte produit par la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION que le montant du découvert autorisé est dépassé depuis le 1er décembre 2016 sans qu'il ait fait l'objet d'aucune régularisation depuis cette date.
Par ailleurs l'organisme bancaire appelant prétend qu'un réaménagement de la dette serait intervenu à la faveur d'un accord entre les parties. Toutefois alors que repose sur cette banque la charge de la preuve elle se borne à fournir des courriers qu'elle a établi et adressé à M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F] s'agissant d'un prétendu accord. Le CRÉDIT AGRICOLE ne produit aux débats aucune pièce émanant des débiteurs ou comportant leurs signatures. Or nul ne peut établir de preuve pour soi même. Dès lors les documents versés à la cause par la banque sont sans valeur probante de telle manière que l'existence d'un accord sur le réaménagement de la dette n'est pas établi.
Ainsi au cas particulier la signification de l'ordonnance d'injonction de payer à M. [K] [S] [Z] - premier acte interruptif de forclusion - est intervenue le 24 avril 2019 soit plus de deux années après le dépassement non régularisé du découvert survenu, comme évoqué précédemment, le 1er décembre 2016.
Il convient dès lors de confirmer le jugement querellé en ce qu'il a déclaré irrecevable car forclose l'action de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION à l'encontre de M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F].
S'agissant des autres points tranchés dans la décision entreprise, le premier juge ayant par des motifs pertinents que la cour adopte, opéré une exacte application du droit aux faits, il y a lieu d'entrer en voie de confirmation.
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- SUR L'APPLICATION DE L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCECURE CIVILE AU TITRE DE L'INSTANCE D'APPEL:
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F] les frais irrépétibles exposés par eux devant la cour et non compris dans les dépens.
Il convient dès lors de condamner la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION à payer à M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
En revanche il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION les frais irrépétibles exposés par elle devant la cour et non compris dans les dépens.
Il y a lieu en conséquence de débouter la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel.
- SUR LE SURPLUS DES DEMANDES:
Au regard des considérations qui précédent, il y a lieu de débouter les parties du surplus de leurs demandes.
- SUR LES DEPENS D'APPEL:
Il convient de condamner la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION qui succombe, aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement querellé,
Y ajoutant,
- CONDAMNE la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION à payer à M. [K] [S] [Z] et Mme [O] [S] [Z] née [F] la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- LA DEBOUTE de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de l'instance d'appel,
- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,
- CONDAMNE la CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA RÉUNION aux entiers dépens d'appel.
Le greffier
Gaëlle Przedlacki
Le président
Yves Benhamou