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26/01/2023 | FRANCE | N°19/05624

France | France, Cour d'appel de Douai, Chambre 1 section 2, 26 janvier 2023, 19/05624


République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 2



ARRÊT DU 26/01/2023





****





N° de MINUTE :

N° RG 19/05624 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SURP



Jugement rendu le 06 février 2018 par le tribunal judiciaire de Dunkerque







APPELANTE



La Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France et des Cadres et Salariés de l'Industrie et du Commerce - MACIF prise en la personne de son re

présentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 8]

prise en son établissement [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat co...

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D'APPEL DE DOUAI

CHAMBRE 1 SECTION 2

ARRÊT DU 26/01/2023

****

N° de MINUTE :

N° RG 19/05624 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SURP

Jugement rendu le 06 février 2018 par le tribunal judiciaire de Dunkerque

APPELANTE

La Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France et des Cadres et Salariés de l'Industrie et du Commerce - MACIF prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 8]

prise en son établissement [Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué

assistée de Me Marianne Devaux, avocat au barreau de Dunkerque, avocat plaidant

INTIMÉS

Monsieur [W] [T]

né le 18 mai 1956 à Vernon (27200)

Madame [F] [X] épouse [T]

née le 21 décembre 1956 à Rexpoëde (59122)

demeurant ensemble [Adresse 7]

[Localité 6]

représentés de Me Franck Gys, avocat au barreau de Dunkerque, avocat constitué

SA Axa France IARD

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4]

[Localité 9]

représentée par Me Jean-Philippe Deveyer, avocat au barreau de Lille, avocat constitué

DÉBATS à l'audience publique du 15 novembre 2022 tenue par Jean-François Le Pouliquen magistrat chargé d'instruire le dossier qui, après rapport oral de l'affaire, a entendu seul les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Catherine Courteille, président de chambre

Bruno Poupet, président de chambre

Jean-François Le Pouliquen, conseiller

ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 20 juin 2022

****

Vu le jugement du tribunal de grande instance de Dunkerque du 06 février 2018 ;

Vu la déclaration d'appel de la société Macif reçue au greffe de la cour d'appel de Douai le 28 mars 2018 ;

Vu l'arrêt du 17 octobre 2019 ;

Vu les conclusions de la société Macif déposées le 21 février 2020 ;

Vu les conclusions de M. [W] [T] et de Mme [F] [X] épouse [T] déposées le 31 janvier 2020 ;

Vu les conclusions de la société Axa France IARD déposées le 07 février 2020 ;

Vu l'arrêt de la cour d'appel de Douai du 10 décembre 2020 ;

Vu les conclusions de la société Macif déposées le 26 avril 2022 ;

Vu les conclusions de la société Axa France IARD déposées le 10 mars 2022 ;

Vu les conclusions de M. [W] [T] et de Mme [F] [X] épouse [T] déposées le 12 octobre 2021 ;

Vu l'ordonnance de clôture du 20 juin 2022.

EXPOSE DU LITIGE

M. et Mme [T] sont propriétaires d'un immeuble situé [Adresse 7].

Suivant devis daté du 29 août 2006, ils ont confié à la société Tapi des travaux de réfection, isolation et doublage de la totalité de leur habitation consistant en la réalisation d'une isolation par l'extérieur avec réalisation d'un mur de briques pleines en périphérie de la totalité de leur immeuble pour un prix de 25 443 euros TTC.

Les travaux ont fait l'objet d'une facture datée du 06 septembre 2006, intégralement payée par M. et Mme [T].

L'assureur de responsabilité civile décennale de la société Tapi était la société Axa France IARD.

Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a pris un arrêté de catastrophe naturelle du 13 décembre 2010, publié au journal officiel du 13 janvier 2011. Pour la commune d'Uxem l'arrêté vise des « Mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009 ».

M. et Mme [T] ont déclaré un sinistre à la société Macif.

La société Arcadis a effectué une étude de sol à la demande de la société Macif. Elle a rédigé un rapport daté du 30 janvier 2012. Elle conclut : La reconnaissance de sols a révélé sous 1,0 à 1,6 mètre de limons argilo-sableux et sables argileux, des terrains organiques lâches et fortement compressibles, tourbeux à vaseux, jusqu'à des profondeurs comprises entre 2,5 et 3,5 mètres.

La société Ixi, désignée par la société Macif au titre de la déclaration de sinistre « catastrophe naturelle » a établi un rapport d'expertise daté du 22 mars 2012.

La société Ixi a donné son avis sur l'origine des désordres :

« 1) Fissures sur murs/carrelages et faux plafonds sous rampant découlant d'un vice de construction ancien datant de l'origine de l'immeuble construit sur un sol meuble constitué de tourbe (cf rapport géotechnique d'Arcadis joint).

Cause aggravante : microfissures sur carrelage découlant d'une absence de joints de dilatation et de fractionnement, la longueur totale du revêtement est supérieure à 10 m.

2) Microfissures sur tableaux des ouvertures en façades consécutives à un cisaillement vertical entre le parement de briques posées par l'entreprise Tapi en 2007 et les murs existants anciens.

Ces désordres comme les fissures à proximité de la pilastre, à droite de la façade avant, sont générés par le tassement de la tourbe sous l'assise des nouvelles fondations en béton armé réalisées par l'entreprise Tapi. »

La société Macif a dénié sa garantie.

Par actes signifiés les 19 et 20 novembre 2013, M. et Mme [T] ont fait assigner la société Macif et la société Axa France IARD devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque afin qu'une expertise soit ordonnée.

Par ordonnance du 30 janvier 2014, le juge des référés du tribunal de grande instance de Dunkerque a ordonné une expertise confiée à M. [R].

L'expert [R] a déposé son rapport daté du 08 janvier 2016.

Par actes d'huissier des 24 février et 4 mars 2016, M. [W] [T] et Mme [F] [X], son épouse, ont fait assigner les sociétés Axa France IARD et Macif devant le tribunal de grande instance de Dunkerque aux fins de voir :

- dire et juger que la société Tapi a engagé sa responsabilité décennale au titre des travaux d'aménagement extérieur des façades de leur immeuble et que la compagnie d'assurances Axa, assureur décennal de la société Tapi, devra garantir les conséquences des désordres,

- condamner la compagnie d'assurances Axa à leur payer la somme de 50 990,20 euros TTC au titre de la reprise des désordres,

- dire et juger que la compagnie d'assurances Macif, en qualité d'assureur habitation, devra prendre en charge les désordres liés à la sécheresse et à la réhydratation des sols sous leur habitation,

-condamner la compagnie d'assurances Macif à leur régler la somme de 178 186,35 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres et malfaçons survenus dans leur immeuble,

- la condamner en outre à leur régler la somme de 10 000 euros à titre de résistance abusive,

- condamner in solidum la compagnie d'assurances Axa et la compagnie d'assurances Macif à leur régler la somme de 5 640 euros au titre des frais d'hébergement pendant la durée des travaux,

- les condamner in solidum à leur payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance qui comprendront les frais de la procédure de référé expertise, de l'expertise judiciaire et de la procédure au fond,

-ordonner l'exécution provisoire.

Par jugement du 06 février 2018, le tribunal de grande instance de Dunkerque a :

-rejeté la demande d'expertise présentée par la Macif ;

-condamné la Macif à payer à M. [W] [T] et Mme [F] [X], son épouse la somme de 176 210,17 euros

-dit que la franchise légale de 1 520 euros devra être déduite de cette somme ;

-condamné la société Axa France IARD à payer à M. [W] [T] et Mme [F] [X], son épouse la somme de 50 990,20 euros

-débouté M. [W] [T] et Mme [F] [X] de leur demande au titre des frais d'hébergement pendant les travaux ;

-débouté M. [W] [T] et Mme [F] [X] son épouse de leur demande de condamnation au titre de la résistance abusive ;

-condamné in solidum la société Axa France IARD et la Macif aux dépens, en ce compris les frais d'expertise et de référé ;

-condamné in solidum la société Axa France IARD et la Macif à payer à M. [W] [T] et Mme [F] [X] son épouse la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile

-ordonné l'exécution provisoire.

La société Macif a formé appel de cette décision.

Par ordonnance du 02 avril 2019, le conseiller de la mise en état a :

-déclaré recevable la déclaration d'appel formée par la Macif le 28 mars 2018 ;

-prononcé la caducité de la déclaration d'appel formée par la société Macif le 28 mars 2018 ;

-condamné la société Macif à payer à M. [W] [T] et Mme [F] [X] épouse [T] la somme de 1000euros au titre des frais irrépétibles ;

-condamné la société Macif aux dépens de l'instance d'appel.

Par arrêt du 17 octobre 2019, la cour d'appel, statuant sur déféré, a :

-infirmé l'ordonnance entreprise, sauf en ce qu'elle a déclaré recevable la déclaration d'appel formée par la Macif le 28 mars 2018,

-statuant à nouveau, dit que n'est pas caduque la déclaration d'appel formée par la société Macif le 28 mars 2018 contre M. et Mme [T] et la société Axa,

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

-condamné M. et Mme [T] aux dépens.

Aux termes de ses conclusions déposées le 21 février 2020, la société Macif a demandé à la cour d'appel de :

-débouter les époux [T] ainsi que la compagnie Axa de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions.

-réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées à savoir :

-condamne la Macif à payer à M. [W] [T] et Mme [F] [X], son épouse, la somme de 176 210,17 euros

-condamne la société Axa France Iard, à payer à M. [W] [T] et Mme [F] [X], son épouse, seulement la somme de 50 990,20 euros, et non à supporter le coût des travaux de reprise de l'intégralité des désordres affectant la maison des époux [T]

-condamne in solidum, la société Axa France IARD et la Macif aux dépens, en ce compris les frais d'expertise et de référé.

-condamne in solidum, la société Axa France IARD et la Macif à payer à M. [W] [T] et Mme [F] [X], son épouse, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure Civile.

-statuant de nouveau,

-débouter les époux [T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions telles que dirigées à l'encontre de la Macif.

-condamner les époux [T] à verser à la Macif une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens tant de première instance que d'appel ainsi que les dépens de référé expertise comprenant les honoraires de l'expert Judiciaire.

-si la juridiction de céans s'estimait insuffisamment éclairée au vu du rapport du Cabinet IXI du 20 juin 2018 et du Cabinet EUREXO du 08 mars 2016 pour débouter les époux [T] de leur demande de condamnation dirigée à l'encontre de la Macif,

-vu l'article 232 du code de procédure civile ,

-désigner tel expert qu'il plaira à la juridiction de céans spécialisé dans la mécanique des sols avec même mission que celle confiée à M. [R] aux termes de l'ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance de Dunkerque du 30 janvier 2014.

-si la juridiction de céans retenait toutefois la garantie de la Macif,

-réformer le jugement entrepris s'agissant de la répartition du coût des travaux de réfection et frais induits,

-vu l'article 232 du code de procédure civile

-désigner tel expert qu'il plaira à la juridiction de céans avec pour mission de procéder à une ventilation du coût des travaux de réfection et frais induits entre la Macif et la société Tapi en prenant en considération les conséquences dommageables des travaux nécessaires pour remédier aux désordres affectant l'ouvrage réalisé par la société Tapi.

Aux termes de leurs conclusions déposées le 31 janvier 2020, M. et Mme [T] ont demandé à la cour d'appel de :

-débouter les compagnies d'assurances Axa et Macif de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraire à celles des époux [T],

-confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Dunkerque en date du 6 février 2018, sauf en ce qu'il n'a pas retenu le préjudice de jouissance des époux [T] et la résistance abusive de la Macif, et sauf les montants accordés à réévaluer afin de tenir compte du temps passé et pour les causes sus-énoncées,

y ajoutant,

-dire et juger que la société Tapi a engagé sa responsabilité décennale au titre des travaux d'aménagement extérieurs des façades de l'immeuble des époux [T] et que la compagnie d'assurance Axa, assureur décennal de la société Tapi devra garantir les conséquences des désordres,

-condamner la compagnie d'assurance Axa à régler à M. et Mme [T] la somme de 55 536,24 euros TTC au titre de la reprise des désordres sus énoncés,

-dire et juger que la compagnie d'assurance Macif, en qualité d'assureur d'habitation, devra prendre en charge les désordres liés à la sécheresse et la réhydratation des sols de l'habitation des époux [T],

-condamner à titre principal la compagnie d'assurance Macif à régler aux époux [T] la somme de 190 035,43 euros TTC, et à titre subsidiaire la compagnie Axa à régler aux époux [T] la somme de 190 035,43 euros TTC au titre des travaux de reprise des désordres et malfaçons survenus dans leur immeuble outre la somme de 55 536,24 euros TTC rappelée ci-dessus par la compagnie Axa, soit 245 571,67 euros TTC,

-condamner en outre la Macif à régler la somme de 10 000,00 euros a titre de résistance abusive,

-condamner in solidum la compagnie d'assurance Axa et la compagnie d'assurance Macif à régler aux époux [T] la somme de 5 640,00 euros au titre des frais d'hébergement durant la durée des travaux,

-condamner in solidum la compagnie d'assurance Axa et la compagnie d'assurance Macif a régler aux époux [T] la somme de 10 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance qui comprendront la procédure de référé expertise, les frais d'expert judiciaire (4 188,48 euros - Pièce n° 39) et au titre de la présente procédure au fond dont distraction au profit de Maître Franck Gys, avocat aux offres de droit et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées le 07 février 2020, la société Axa France IARD a demandé à la cour d'appel de :

-confirmer le jugement rendu le 6 février 2018 par le tribunal de grande instance de Dunkerque en ce qu'il a notamment jugé que la compagnie Macif devait être tenue aux travaux de réfection nécessaires pour les désordres intérieurs résultant des mouvements du sol consécutifs à la sécheresse et a condamné la compagnie Macif à payer aux époux [T] la somme de 176 210,17 euros, au titre de la réfection des désordres consécutifs aux mouvements de sol et au sinistre catastrophe naturelle dont ils ont été victimes ;

-débouter la compagnie Macif de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

-condamner la compagnie Macif à payer à la compagnie Axa une somme de 5 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dire et juger que la compagnie Axa ne peut être concernée que par le coût des travaux de réfection des désordres liés aux maçonneries extérieures de l'immeuble (travaux d'aménagement des façades) ;

-débouter en conséquence les époux [T], ou toute autre partie, de toute demande formulée à l'encontre de la compagnie Axa au titre des fissures et désordres intérieurs relevés par l'expert, liés au phénomène de sécheresse ;

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [T] de leurs demandes formulées à l'encontre de la compagnie Axa au titre du préjudice de jouissance allégué ;

-subsidiairement sur ce point, déduire des sommes qui pourraient être allouées aux époux [T] et dont la compagnie Axa pourrait être tenue la somme de 1 545 euros, montant de la franchise contractuelle revalorisée fixée par la police souscrite par la société Tapi et opposable aux époux [T].

Par arrêt du 10 décembre 2020, la cour d'appel de Douai a :

-ordonné une expertise complémentaire et désigné pour y procéder : M. [Z] [V] [Adresse 2] avec pour mission, serment préalablement prêté par écrit, tous droits et moyens des parties étant réservés de :

1/se faire communiquer tous documents et pièces utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment le rapport de la société Arcadis et le rapport d'expertise judiciaire de M. [R],

2/se rendre sur les lieux situés [Adresse 7] ,

3/décrire les désordres intérieurs affectant l'immeuble en rechercher l'origine, la ou les causes :

4/notamment rechercher si les désordres ont pour cause des « Mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009 » et/ou les travaux réalisés par la société Tapi

5/dans l'hypothèse où les désordres ont des causes diverses, indiquer, selon lui, qu'elle est la cause déterminante du désordre

6/donner son avis sur la nature, le coût et la durée probable des travaux destinés à la réfection des désordres

7/fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre le cas échéant à la cour d'appel de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et d'évaluer s'il y a lieu d'évaluer tous les préjudices subis par les demandeurs

-dit que pour l'accomplissement de sa mission l'expert prendra connaissance des dossiers et documents produits aux débats, qu'il entendra les parties en leurs observations, le cas échéant consignera leurs dires et y répondra ; qu'il pourra entendre tout sachant à la seule condition de rapporter fidèlement leurs déclarations après avoir précisé leur identité et s'il y a lieu leur lien de parenté ou d'alliance, leur lien de subordination ou leur communauté d'intérêts avec les parties ; qu'il procédera à toutes investigations, recueillera tous renseignements utiles.

-dit qu'avant de déposer son rapport, l'expert en communiquera le projet aux parties pour recevoir leurs observations éventuelles dans le délai d'un mois.

-fixé à la somme de 3 000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert que la société Macif devra consigner à la régie d'avances et de recettes de la cour d'appel avant le 10 janvier 2021

-dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités ci-dessus mentionnées et sauf prorogation de délai sollicité en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque

-dit que l'expert fera connaître à la cour d'appel et aux parties dès la première réunion d'expertise le coût prévisible de ses débours et honoraires

-dit que l'expert devra déposer son rapport avant le 10 juin 2021

-dit que l'expertise sera contrôlée par le président de la première chambre deuxième section de la cour d'appel de Douai

-réservé les dépens

-renvoyé l'examen de l'affaire à l'audience de mise en état du 20 septembre 2021

L'expert [V] a déposé son rapport le 18 juin 2021.

Aux termes de ses conclusions déposées le 26 avril 2022, la Macif demande à la cour d'appel de :

-réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions critiquées à savoir :

-condamne la Macif à payer à Monsieur [W] [T] et Madame [F] [X], son épouse, la somme de 176 210,17 euros

-condamne la société Axa France IARD, à payer à Monsieur [W] [T] et Madame [F] [X], son épouse, à payer seulement la somme de 50 990,20 euros, et non à supporter le coût des travaux de reprise de l'intégralité des désordres affectant la maison des époux [T]

-condamne in solidum, la société Axa France IARD et la Macif aux dépens, en ce compris les frais d'expertise et de référé.

-condamne in solidum, la société Axa France IARD et la Macif à payer à Monsieur [W] [T] et Madame [F] [X], son épouse, la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

-statuant de nouveau,

-débouter les époux [T] et la compagnie Axa de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions telles que dirigées à l'encontre de la Macif ;

-condamner les époux [T] à verser à la Macif une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens tant de première instance que d'appel ainsi que les dépens de référé expertise comprenant les honoraires de l'expert judiciaire.

-si la juridiction de céans retenait la garantie de la Macif,

-dire et juger qu'elle ne sera tenue qu'aux travaux de reprise des dommages intérieurs pour un montant de 36 252,63 euros.

-par conséquent,

-débouter les époux [T] de toute demande excédant ladite somme de 36 252,63 euros.

-si la juridiction de céans retenait la garantie de la Macif pour l'ensemble des dommages,

-dire et juger que les travaux de réfection ne sauraient excéder 201 519,96 euros tels que chiffrés par Mr [V] aux termes de son rapport d'expertise ;

-dans tous les cas, dire et juger que la Macif ne saurait supporter plus de 17 % des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de leurs conclusions déposées le 12 octobre 2021, M. et Mme [T] demandent à la cour d'appel de :

-débouter les compagnies d'assurances Axa et Macif de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires à celle des époux [T],

-confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Dunkerque en date du 6 février 2018, sauf en ce qu'il n'a pas retenu le préjudice de jouissance des époux [T], la résistance abusive de la Macif, la responsabilité de la société Tapi et de la Macif pour l`ensemble du sinistre, et sauf les montants accordés à réévaluer afin de tenir compte du temps passé et pour les causes sus-

énoncées,

-y ajoutant,

-dire et juger que la société Tapi a engagé sa responsabilité décennale au titre des désordres intérieurs et extérieurs de l'immeuble des époux [T] et que la compagnie d'assurance Axa, assureur décennal de la société Tapi devra garantir les conséquences des désordres,

-dire et juger que la compagnie d'assurance Macif, en qualité d'assureur d'habitation, devra prendre en charge les désordres intérieurs et extérieurs lies à la sécheresse et la réhydratation des sols de l'habitation des époux [T],

-condamner in solidum la compagnie d'assurance Axa et la compagnie d'assurance Macif à régler aux époux [T] la somme de 258 056,20 euros avec1'évaluation selon l'indice BT 01 à compter du dépôt du rapport d'expertise [V],

-condamner en outre la Macif à régler la somme de 10 000,00 euros à titre de résistance abusive,

-dire et juger que la compagnie Axa devra garantir les époux [T] de toute condamnation intervenant à leur encontre et au profit de la Macif,

-condamner in solídum la compagnie d'assurance Axa et la compagnie d'assurance Macif à régler aux époux [T] la somme de 15 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de l'instance qui comprendront la procédure de référé expertise, les frais d'expert judiciaire (4 188,48 euros - Pièce n°39) et au titre de la présente procédure au fond dont distraction au profit de Maître Franck Gys, avocat aux offres de droit et ce conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions déposées le 10 mars 2022, la société Axa France IARD demande à la cour d'appel de :

-à titre principal,

-confirmer le jugement rendu le 6 février 2018 par le tribunal de grande instance de Dunkerque en ce qu'il a notamment jugé que la compagnie Macif devait être tenue aux travaux de réfection nécessaires pour les désordres intérieurs résultant des mouvements du sol consécutifs à la sécheresse et a condamné la compagnie Macif à payer aux époux [T] la somme de 176 210,17 euros, au titre de la réfection des désordres consécutifs aux mouvements de sol et au sinistre catastrophe naturelle dont ils ont été victimes ;

-débouter la compagnie Macif et les époux [T] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l'encontre de la compagnie Axa ;

-condamner la compagnie Macif à payer à la compagnie Axa une somme de 5 000 euros, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

-dire et juger que la compagnie Axa ne peut être concernée que par le coût des travaux de réfection des désordres liés aux maçonneries extérieures de l'immeuble (travaux d'aménagement des façades) ;

-débouter en conséquence les époux [T], ou toute autre partie, de toute demande formulée à l'encontre de la compagnie Axa au titre des fissures et désordres intérieurs relevés par l'expert, liés au phénomène de sécheresse ;

-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les époux [T] de leurs demandes formulées à l'encontre de la compagnie Axa au titre préjudice de jouissance allégué ;

-subsidiairement, si la moindre responsabilité devait être retenue à l'égard de la société Tapi s'agissant des désordres intérieurs,

-retenir une part de responsabilité imputable au phénomène de sécheresse et condamner en conséquence la compagnie Macif, à garantir la compagnie Axa pour une part qui ne saurait être inférieure à 50 % des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière, tant en principal, frais et intérêts.

-débouter les époux [T] de toute demande formulée au titre de la réactualisation de leurs demandes et au titre de l'« Estrade démontée dans le salon ».

-en tout état de cause,

-déduire des sommes qui pourraient être allouées aux époux [T] et dont la compagnie Axa pourrait être tenue la somme de 1 545 euros, montant de la franchise contractuelle revalorisée fixée par la police souscrite par la société Tapi et opposable aux époux [T].

EXPOSE DES MOTIFS

I) Sur les demandes formées à l'encontre de la société Macif

Aux termes des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances : « Les contrats d'assurance, souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'Etat et garantissant les dommages d'incendie ou tous autres dommages à des biens situés en France, ainsi que les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles, dont ceux des affaissements de terrain dus à des cavités souterraines et à des marnières sur les biens faisant l'objet de tels contrats.

En outre, si l'assuré est couvert contre les pertes d'exploitation, cette garantie est étendue aux effets des catastrophes naturelles, dans les conditions prévues au contrat correspondant.

Sont considérés comme les effets des catastrophes naturelles, au sens du présent chapitre, les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises.

L'état de catastrophe naturelle est constaté par arrêté interministériel qui détermine les zones et les périodes où s'est située la catastrophe ainsi que la nature des dommages résultant de celle-ci couverts par la garantie visée au premier alinéa du présent article. Cet arrêté précise, pour chaque commune ayant demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, la décision des ministres. Cette décision est ensuite notifiée à chaque commune concernée par le représentant de l'Etat dans le département, assortie d'une motivation. L'arrêté doit être publié au Journal officiel dans un délai de trois mois à compter du dépôt des demandes à la préfecture. De manière exceptionnelle, si la durée des enquêtes diligentées par le représentant de l'Etat dans le département est supérieure à deux mois, l'arrêté est publié au plus tard deux mois après la réception du dossier par le ministre chargé de la sécurité civile.

Aucune demande communale de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ne peut donner lieu à une décision favorable de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle par arrêté interministériel lorsqu'elle intervient dix-huit mois après le début de l'événement naturel qui y donne naissance. Ce délai s'applique aux événements naturels ayant débuté après le 1er janvier 2007. Pour les événements naturels survenus avant le 1er janvier 2007, les demandes communales de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle doivent être déposées à la préfecture dont dépend la commune avant le 30 juin 2008.

Les cavités souterraines considérées peuvent être naturelles ou d'origine humaine. Dans ce dernier cas, sont exclus de l'application du présent chapitre les dommages résultant de l'exploitation passée ou en cours d'une mine. »

Aux termes de l'annexe I e) de l'article A. 215-1 du code des assurances : « Obligation de l'assuré :

L'assuré doit déclarer à l'assureur ou à son représentant local tout sinistre susceptible de faire jouer la garantie dès qu'il en a connaissance et au plus tard dans les dix jours suivant la publication de l'arrêté interministériel constatant l'état de catastrophe naturelle. »

Le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, de collectivités territoriales et de l'immigration a pris un arrêté de catastrophe naturelle le 13 décembre 2010, publié au journal officiel du 13 janvier 2011. Pour la commune d'Uxem l'arrêté vise des « Mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009 ».

L'immeuble de M. et Mme [T] est affecté de désordres extérieurs décrits de la manière suivante par l'expert judiciaire [R] :

-présence de fissuration sur le mur au niveau du pignon

-fissuration des tableaux des ouvertures

-fissuration du tableau en partie avant

Il est affecté de désordres intérieurs décrits de la manière suivante par l'expert judiciaire [V] :

-rez de chaussée :

-fissures sur les murs

-microfissures sur le carrelage

-à la limite de l'extension et de la maison : décollage de carrelage et formation de vide : ce désordre me semble se situer à la limite de l'extension

-extension :

-fissures sur les murs et en cueillie de plafonds

-fissures, microfissures et déformation de carrelage

-mise en charge de la cloison provoquant la déformation des plinthes

-formation d'un vide entre la plinthe et le carrelage

-étage mansardé :

-microfissure en sous-pente

-fissures sur les murs.

Après dépôt du rapport d'expertise de M [V], M. et Mme [T] demandent la condamnation de la société Macif au paiement de la somme de 258 056,20 euros au titre des travaux de reprise des désordres affectant l'immeuble et du coût du déménagement, du garde meuble et de l'hébergement durant le temps nécessaire à la réalisation des travaux.

Cependant, aucun élément ne permet d'établir que les désordres affectant l'extérieur de l'immeuble ont un lien avec des « Mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009 ». En effet, ni les expertises judiciaires ni les expertises extra-judiciaires produites aux débats ne font état d'un lien entre les désordres extérieurs et la catastrophe naturelle. De plus, le contrat d'assurance mentionne que sont garantis les dommages matériels directs causés aux bien assurés par l'intensité anormale d'un agent naturel ainsi que les frais de déblaiement et de démolition mais que sont exclus les dommages immatériels tels que la perte d'usage de l'habitation et les frais annexes (gardiennage, édification d'une clôture provisoire, déplacement du mobilier et autres pertes indirectes). En conséquence, M. et Mme [T] ne peuvent demander la condamnation de la société Macif au paiement du coût du déménagement, du garde meuble et de l'hébergement durant le temps nécessaire à la réalisation des travaux. 

M. et Mme [T] soutiennent que les désordres affectant l'intérieur de leur immeuble ont pour cause déterminante les « Mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009 » visés par l'arrêté du 13 décembre 2010.

La société Macif dénie sa garantie au motif que les « Mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009 » visés par l'arrêté du 13 décembre 2010 ne sont pas la cause déterminante des désordres.

L'expert judiciaire [R] a conclu que « Sur l'ensemble des désordres relatifs aux maçonneries, je considère que ceux-ci sont de façon principale liés à la réalisation de ces travaux et au non respect de certaines règles constructives élémentaires. ». « Pour les désordres intérieurs constatés de cloisons à l'étage et de revêtements de sols, je considère qu'il s'agit de désordres indépendants des travaux de la société Tapi liés au phénomène de 2009. »

Répondant aux dires des parties déposées après son pré-rapport, il a indiqué : « Sur l'aspect technique, un phénomène de sécheresse peut entraîner une variation du niveau de la nappe, qui va engendrer une surcharge sur la tourbe. On peut donc tout à fait avoir des phénomènes de tassement, différentiels ou pas sur un immeuble. »

La société Macif allègue que l'absence du caractère déterminant des mouvements de terrain différentiels est établi par la tardiveté de la déclaration de sinistre qui aurait été effectuée le 04 avril 2011.

Il convient en premier lieu de constater que les dispositions de l'annexe I de l'article A. 125-1 du code des assurances n'édicte pas de sanction à une déclaration tardive et que la société Macif n'invoque pas une clause de déchéance pour déclaration tardive.

En second lieu, contrairement à ce que soutient la société Macif dans ses écritures, pour pouvoir être indemnisables les désordres ne doivent pas être apparus pendant la période visée dans l'arrêté mais avoir pour cause déterminante la catastrophe naturelle visée par l'arrêté. En conséquence, les dommages peuvent être apparus postérieurement au phénomène naturel visé.

De plus, la garantie ne peut être mise en jeu qu'après publication au journal officiel de la République française d'un arrêté interministériel ayant constaté l'état de catastrophe naturelle. En conséquence, l'assuré n'a pas d'intérêt à former une déclaration de sinistre avant cette date auprès de son assureur.

En l'espèce la déclaration de sinistre n'a pas été effectuée le 04 avril 2011 comme le prétend la société Macif mais antérieurement. En effet, la société Macif a écrit à M. et Mme [T] un courrier daté du 08 mars 2011 faisant référence à « l'instruction de votre dossier suite aux effets de la sécheresse sur votre habitation ». Le courrier adressé par la société Macif à son avocat le 05 décembre 2016 permet de fixer la date de la déclaration de sinistre au 04 février 2011 : « Pour ce qui concerne la date de la déclaration de sinistre des époux [T] à la Macif, elle date du 04 février 2011 et non 04 avril 2011, il s'agit d'une erreur de transcription de notre part. »

La date de la déclaration de sinistre n'établit pas l'absence de caractère déterminant de la catastrophe naturelle dans les désordres.

La loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 n'énumère pas les événements naturels couverts. Elle définit la catastrophe naturelle comme un phénomène naturel dommageable d'intensité anormale et non assurable. Elle ne fixe pas de typologie des différents événements naturels couverts.

En conséquence, un phénomène de « Mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols » affectant un terrain tourbeux n'est pas, par principe, exclu de la garantie catastrophe naturelle laquelle n'est pas réservée aux terrains argileux.

Il résulte du rapport de la société Arcadis que la reconnaissance de sols a révélé sous 1,0 à 1,6 mètre de limons argilo-sableux et sables argileux, des terrains organiques lâches et fortement compressibles, tourbeux à vaseux, jusqu'à des profondeurs comprises entre 2,5 et 3,5 mètres.

Le sol est en conséquence constitué des composés argileux et de tourbe.

La société Macif, s'appuyant sur la note de la société Eurexo l'ayant assistée pendant les opérations d'expertise confiées à M. [R] et sur deux notes de M. [K] de la société Ixi datées du 20 juin 2018 et du 22 mars 2012 prétend que les fissures affectant la maison de M. et Mme [T] n'ont pas pour cause un phénomène de retrait/gonflement des argiles ou le déjaugement de la couche de tourbe par l'effet de la sécheresse mais un tassement de la couche tourbeuse soit ancienne soit provoquée par la surcharge causée par les travaux de la société Tapi.

Elle met en avant le fait que la commune d'Uxem a déjà fait l'objet de plusieurs arrêtés de catastrophe naturelle pour mouvements de terrains relatifs à la sécheresse ou pour mouvements de terrains différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols sans que des désordres ne soient signalés sur l'immeuble. M. [K] indique dans sa note du 20 juin 2018, en analysant le rapport Arcadis que la couche de tourbe n'est pas soutenue par la nappe phréatique de manière permanente ou quasi permanente et que la sécheresse n'a pas pu la déjauger davantage.

Le rapport d'expertise de M. [R], qui ne contient aucune analyse technique sur la cause des désordres intérieurs, n'établit pas la cause du désordre ayant affecté l'intérieur de l'immeuble de M. et Mme [K].

L'expert qui estime que les désordres intérieurs « sont liés au phénomène de 2009 » ne précise pas si le désordre a pour cause un phénomène de retrait/gonflement de la couche argileuse ou une surcharge de la tourbe causée par une variation du niveau de la nappe phréatique.

L'expert judiciaire, répondant au dire de la société Macif indique que « un phénomène de sécheresse peut entraîner une variation du niveau de la nappe, qui va engendrer une surcharge sur la tourbe. On peut donc tout à fait avoir des phénomènes de tassement, différentiels ou pas sur un immeuble » sans préciser s'il s'agit de la cause du désordre et sans s'appuyer sur des constatations techniques.

L'expert judiciaire [V] désigné par la cour d'appel résume son diagnostic de l'origine et de la cause des désordres affectant l'intérieur de l'immeuble de la manière suivante :

Observations :

-le sol sous la maison présente de l'argile certes, mais pas « gonflante » au sens de l'aléa sécheresse et réhydratation,

-des couches de tourbe de 20 à 30 cm d'épaisseur donc extrêmement sujettes au tassement sont présents à environ 1,30, 1,60 et 2,40m de profondeur,

-les précédents épisodes de sécheresse n'ont provoqué aucun désordre sur la maison

-les désordres sur lesquels portent l'expertise se situent sous le dallage de la maison, qui sont des zones protégées du dessèchement,

-le dallage du rez-de chaussée de la maison est de faible épaisseur, environ 7 cm et non armé alors qu'un dallage conforme aux règles de l'art devrait faire au minimum 12 cm d'épaisseur, comporter du ferraillage anti-fissuration et des joints de retrait et de dilatation ce qui n'est pas le cas ici

-l'entreprise Tapi est venue ajouter un surpoids linéaire le long des fondations existantes sans se préoccuper ni de la nature du sol ni de la conception des fondations existantes

-les zones les plus touchées par les désordres se situent proches des murs extérieurs où le doublage par briques a été réalisé par l'entreprise Tapi.

Analyse :

-Les fondations et le dallage de la maison étaient dans un état d'équilibre précaire compte tenu de la nature très instable des couches de tourbe sous-jacentes,

-Les volumes de sols sous-dallage de la maison sont protégés du dessèchement.

-Le dallage présente une conception non conforme aux règles normatives, notamment pour ce qui concerne les mesures destinées à éviter les fissures de retrait, fractionnement et dilatation.

Conclusion :

L'intervention de l'entreprise Tapi a eu pour effet de briser cet équilibre précaire et provoquer des mouvements de tassements du sous-sol entraînant les désordres visibles.

Le phénomène de sécheresse qui a eu lieu en 2009 a pu avoir un effet complémentaire accélérateur jouant alors le rôle de catalyseur que j'évalue à 5 % mais sans lien avec un phénomène de retrait dilatation des argiles.

Répondant à la question de la cause déterminante du désordres, il indique : la cause déterminante des désordres est la présence de couches de tourbe en sous-sol, l'équilibre précaire des fondations ayant été rompu par l'adjonction d'un contre mur en périphérie des murs de la maison.

L'effet déclencheur du tassement est l'adjonction du contre mur par l'entreprise Tapi. Le phénomène de sécheresse qui a eu lieu en 2009 a pu avoir un effet complémentaire accélérateur jouant alors le rôle de catalyseur que j'évalue à 5 % mais sans lien avec un phénomène de retrait dilatation des argiles.

L'expert [V] exclut en conséquence que le désordre affectant l'ouvrage ait pour cause un retrait gonflement de l'argile. Il n'exclut pas que le phénomène de sécheresse affectant l'hydratation de la tourbe ait pu avoir un rôle dans l'apparition du désordre mais estime que le caractère déterminant du désordre réside dans la construction de l'immeuble sur un sol tourbeux impropre à recevoir toute contrainte issue de fondation et dans l'ajout par la société Tapi de contraintes supplémentaires.

L'expert a estimé que la réalisation d'investigations complémentaires relatives au niveau de la nappe phréatique n'était pas nécessaire en considération du fait qu'il disposait des éléments nécessaires sur la composition du sol et relevant que le rapport Arcadis relève des niveaux d'eau entre 1,70m et 2,50m de profondeur sans indiquer qu'il s'agit de la nappe phréatique, en d'autres termes il peut s'agir d'une nappe perchée ou simplement d'écoulement erratique d'eau.

Il résulte de ces éléments que les « Mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009 » visés par l'arrêté du 13 décembre 2010 ne sont pas la cause déterminante des désordres intérieurs affectant l'immeuble de M. et Mme [T].

M. et Mme [T] seront déboutés de leurs demandes à l'encontre de la société Macif.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

II) Sur les demandes de M. et Mme [T] à l'encontre de la société Axa France IARD

Les demandes de M. et Mme [T] sont formées à l'encontre de la société Axa France IARD en qualité d'assureur de responsabilité décennale de la société Tapi.

Aux termes des dispositions de l'article 1792 du code de procédure civile : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. »

La société Axa France IARD ne conteste pas sa garantie au titre des désordres extérieurs affectant l'immeuble.

S'agissant des désordres intérieurs, il résulte du rapport de l'expert judiciaire [V] que les désordres affectant les murs, carrelages et plafonds de l'immeuble ont pour origine un tassement de sous-sol tourbeux provoqué par l'adjonction du contre mur par la société Tapi. Les désordres compromettent la solidité de l'ouvrage. La responsabilité décennale de la société Tapi est engagée.

M. et Mme [T] demandent la condamnation de la société Axa France IARD au paiement de la somme de 258 056,20 euros au titre des travaux de reprise des désordres affectant l'immeuble et du coût du déménagement, du garde meuble et de l'hébergement durant le temps nécessaire à la réalisation des travaux.

M. et Mme [T] ont perçu de la Macif la somme de 176 210,17 euros correspondant au coût des travaux de reprise des désordres intérieurs tels qu'évalués par l'expert [R] et la somme de 50 990,20 euros de la société Axa France IARD correspondant au coût des travaux de reprise des désordres intérieurs tels qu'évalués par l'expert [R]. Ces sommes étaient suffisantes à la réalisation des travaux.

Cependant, les travaux n'ont pas été réalisés par M. et Mme [T] en raison de la contestation par la Macif de sa garantie.

La cour d'appel a jugé que la garantie de la société Macif ne s'appliquait pas et que la garantie de la société Axa France IARD était applicable à l'ensemble des désordres.

En conséquence, M. et Mme [T] peuvent demander le paiement du coût des travaux actualisés à la société Axa France IARD.

Il sera fait droit à la demande de M. et Mme [T] en paiement de la somme de 246 426 euros indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 entre le 18 juin 2021 et la présente décision au titre des travaux de reprise des désordres extérieurs et intérieurs. Ils seront déboutés de leur demande de paiement de la somme de 1 735,72 euros au titre de l'estrade démontée dans le salon dont il n'est pas précisé son lien de causalité avec les désordres.

Il résulte des conditions particulière produites aux débats que la société Tapi avait souscrit une assurance complémentaires responsabilité pour dommages immatériels consécutifs.

En conséquence, la société Axa France IARD sera condamnée à payer à M. et Mme [T] la somme de 9894,48 euros au titre des frais de déménagement, garde meuble et hébergement pendant la durée des travaux.

Il n'y a pas lieu à indexation de cette somme.

Il sera déduit de la somme de 9894,48euros la franchise de la société Axa France IARD d'un montant de 1545euros au titre des désordres immatériels.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

III) Sur la demande en garantie de la société Axa France IARD

Les « Mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols du 1er juillet 2009 au 30 septembre 2009 » visés par l'arrêté du 13 décembre 2010 n'étant pas la cause déterminante des désordres affectant l'immeuble de M. et Mme [T], la société Axa France IARD sera déboutée de sa demande de garantie à l'encontre de la société Macif.

IV) Sur la demande en dommages et intérêts pour résistance abusive formée par M. et Mme [T]

M. et Mme [T] étant déboutés de leur demande à l'encontre de la société Macif seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive à son encontre.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

V) Sur l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société Axa France IARD aux dépens de première instance en ce compris les frais d'expertise judiciaire et à payer à M. et Mme [T] la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Macif aux dépens de première instance et en paiement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Succombant à l'appel, la société Axa France IARD sera condamnée aux dépens d'appel en ce compris le coût de l'expertise judiciaire ordonnée par la cour d'appel et à payer à M. et Mme [T] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.

Les autres parties seront déboutées de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

-INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. et Mme [T] de leur demande en dommages et intérêts pour procédure abusive et en ce qu'il a condamné la société Axa France IARD aux dépens de première instance et au paiement de la somme de 5 000 euros à M. et Mme [T] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant ;

-DÉBOUTE M. [W] [T] et Mme [F] [X] épouse [T] de leurs demandes à l'encontre de la société Macif

-CONDAMNE la société Axa France IARD à payer à M. et Mme [T] la somme de :

- 246 426 euros indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 entre le 18 juin 2021 et la présente décision au titre des travaux de reprise des désordres extérieurs et intérieurs portant intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- 9 894,48 euros sous déduction de la franchise de 1 545 euros au titre des frais de déménagement, garde meuble et hébergement pendant la durée des travaux portant intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

-CONDAMNE la société Axa France IARD à payer à M. et Mme [T] la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel ;

-DÉBOUTE les autres parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

-CONDAMNE la société Axa France IARD aux dépens d'appel en ce compris les frais de l'expertise ordonnée en appel ;

-AUTORISE maître [Y] à recouvrer directement contre la partie condamnée aux dépens ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu de provision.

Le greffier

[P] [L]

Le président

Catherine Courteille


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Douai
Formation : Chambre 1 section 2
Numéro d'arrêt : 19/05624
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;19.05624 ?
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