COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00120 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWN7
N° de Minute : 128
Ordonnance du samedi 21 janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE BOULOGNE-SUR-MER
dûment avisé, non comparant
INTIMÉ
M. [O] [J]
né le 03 Juin 1994 à [Localité 3] - MAROC
de nationalité Marocaine
[Adresse 2]
[Localité 1]
dûment avisé, non comparant
réprésenté par Maître GRIBOUVA, avocat (e) commis (e) d'office et de M. [L] [D] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour, serment préalablement prêté ce jour.
PARTIE JOINTE
M. Le préfet du Pas-de-Calais, représenté par le cabinet CENTAURE Avocats, Me Elif ISCEN
MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Maria BIMBA AMARAL, Conseillère à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Gaetan DELETTREZ, greffier
DÉBATS : à l'audience publique du samedi 21 janvier 2023 à 13 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le samedi 21 janvier 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 19 janvier 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE BOULOGNE-SUR-MER ;
Vu l'appel interjeté par M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE BOULOGNE-SUR-MER par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 19 janvier 2023sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
Ayant fait l'objet d'un contrôle d'identité au visa de l'article 78-2 alinéa 7 du code de procédure pénale sur réquisitions du procureur de la République, le 16 janvier 2023, monsieur [O] [J], de nationalité marocaine, a été placé en retenu puis en rétention administrative par arrêté de monsieur le Préfet du Pas-de-Calais en date du 17 janvier 2023 à 16h40 pour l'exécution d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français délivré par monsieur le Préfet de police de [Localité 1] le 18 janvier 2022.
Par requête du 18 janvier 2023 à 14 h22, l'autorité administrative a sollicité la prolongation de la rétention de monsieur [O] [J] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de 28 jours.
Par requête du 18 janvier 2023 à 16 h13, monsieur [O] [J] a sollicité l'annulation de son placement en rétention.
Par ordonnance rendue le 19 janvier 2023 à 12h51, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a rejeté le recours en annulation de monsieur [O] [J] ainsi que la demande du Préfet, décision notifiée à M. Le procureur de la République le même jour à 12h53.
Le 19 janvier 2023 à 19h42, M. Le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer a interjeté appel de cette décision en demandant en même temps au premier président de déclarer son recours suspensif.
Par ordonnance du 20 janvier 2023, le conseiller délégué par le premier président a dit que l'appel du procureur de la République n'entrainera pas d'effet suspensif.
Par mémoire du 20 janvier 2023 à 12h13, monsieur [O] [J] sollicite la confirmation de l'ordonnance déférée et le rejet de l'appel de M. le procureur de la République.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Il convient de noter que dans son mémoire, monsieur [O] [J] reprend ses moyens développés au soutien de son recours en annulation de son placement en rétention mais qu'il n'a pas formé appel contre l'ordonnance du juge des libertés et de la détention en ce qu'elle a rejeté son recours, dès lors qu'il se borne dans le dispositif de ses conclusions à solliciter la confirmation de celle-ci, ce qui vise forcément le fait qu'elle a rejeté la demande de prolongation de la rétention présentée par le préfet.
Sur le contrôle d'identité
L'article 78-2 alinéa 2 du code de procédure civile prévoit que sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions qu'il précise, l'identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes.
Le conseil constitutionnel dans une décision du 24 janvier 2017 a déclaré les dispositions de l'article 78-2-2 précité conforme aux droits et libertés protégés par la constitution avec des resserves d'interprétation, le conseil constitutionnel indique notamment que les réquisitions du Procureur de la république ne peuvent viser que des lieux et des périodes de temps déterminées. Ces dispositions ne sauraient, sans méconnaitre la liberté d'aller et de venir, autoriser le procureur de la République à retenir des lieux et périodes sans liens avec la recherche des infractions visées dans ses réquisitions. Il ressort de cette décision que le procureur de la République doit établir un lien matériel entre les réquisitions de contrôle d'identité et les infractions préalablement et effectivement constatées en fournissant notamment des éléments statistiques ou qualitatifs susceptibles d'étayer sa demande.
Le juge des libertés et de la détention a considéré que la procédure est irrégulière au motif que les réquisitions du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 09 janvier 2023, qui autorisent les contrôles d'identités dans les circonstances de temps et de lieux, ne mentionnent pas le lien existant entre les endroits choisis par le procureur de la République et les infractions recherchées. Le premier juge estime que ce lien doit être motivé dans les réquisitions elles-mêmes.
En appel, le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer expose que le lien entre les infractions recherchées et les lieux visés dans les réquisitions du parquet est établi dans une note administrative de police, laquelle note est visée par les réquisitions du procureur de la République.
Sur ce :
Les éléments permettant d'établir un lien entre les réquisitions de contrôle d'identité prises par M. le procureur de la République le 9 janvier 2023 et les infractions préalablement et effectivement constatées ne doivent pas être obligatoirement indiqués dans les réquisitions et peuvent se déduire de la demande de réquisition de contrôle d'identité effectuée par les services de police le 6 janvier 2023, demande jointe auxdites réquisitions. Le moyen soulevé par monsieur [O] [J] n'étant pas fondé, l'ordonnance déférée sera infirmée et il sera fait droit à la requête de l'autorité administrative en ce qui concerne la prolongation de la rétention.
PAR CES MOTIFS
INFIRME l'ordonnance déférée ;
Statuant par voies de dispositions nouvelles :
ORDONNE la prolongation de la rétention de monsieur [O] [J] pour 28 jours.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Gaetan DELETTREZ, greffier
Maria BIMBA AMARAL, Conseillère
N° RG 23/00120 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWN7
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE 128 DU 21 Janvier 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le samedi 21 janvier 2023 :
- M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE BOULOGNE-SUR-MER
- l'interprète
- l'avocat de M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE BOULOGNE-SUR-MER
- l'avocat de [O] [J]
- décision notifiée à M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE BOULOGNE-SUR-MER le samedi 21 janvier 2023
- décision transmise par courriel pour notification à [O] [J] et à le samedi 21 janvier 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le samedi 21 janvier 2023
N° RG 23/00120 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWN7