COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00112 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWMQ
N° de Minute : 119
Ordonnance du vendredi 20 janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [N] [M] [E] [Y]
né le 30 Décembre 1990 à [Localité 9] - CAP VERT
de nationalité Cap-verdienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 5]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Pierre-jean GRIBOUVA, avocat au barreau de DOUAI, avocat (e) commis (e) d'office
INTIMÉ
M. LE PREFET DU NORD
dûment avisé, absent non représenté
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRAT(E) DELEGUE (E) : Bertrand DUEZ, conseiller à la cour d'appel de Douai désigné(e) par ordonnance pour remplacer le premier président empêché
assisté(e) de Véronique THÉRY, greffière
DÉBATS : à l'audience publique du vendredi 20 janvier 2023 à 13 h 30
ORDONNANCE : prononcée publiquement à Douai, le vendredi 20 janvier 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ;
Vu l'ordonnance rendue le 18 janvier 2023 par le Juge des libertés et de la détention de LILLE prolongeant la rétention administrative de M. [N] [M] [E] [Y] ;
Vu l'appel interjeté par M. [N] [M] [E] [Y] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 19 janvier 2023sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSÉ DU LITIGE
Interpellé sur contrôle d'identité le 16/01/2023 au visa de l'article 78-2 al 9 du code de procédure pénale [Adresse 8] à [Localité 6] monsieur [N] [M] [E] [Y], de nationalité cap verdienne a fait l'objet d'un placement en rétention administrative ordonné par monsieur le Préfet du Nord le 16 janvier 2023 à 16h20 pour l'exécution d'un éloignement vers le pays de nationalité au titre d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français délivrée le 25 janvier 2022 par madame la préfète de l'Oise.
Un recours en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative a été déposé au visa de l'article L 741-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
' Vu l'article 455 du code de procédure civile
' Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Lille en date du 18/01/2023 (14h09),ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours et rejetant la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative.
' Vu la déclaration d'appel du 19/01/2023 à 12h24 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative
Au titre de sa déclaration d'appel monsieur [N] [M] [E] [Y] expose être père de trois enfants français et continuer des relations suivies avec ses enfants malgré la séparation avec les mères des enfants.
Il soutient les moyens suivants :
Insuffisance de motivation de l'arrêté de placement en rétention administrative en ce que monsieur le Préfet du Nord ne mentionne pas sa situation familiale.
Erreur d'appréciation du placement en rétention administrative en ce qui concerne l'existence de garanties de représentation constituées par :
une famille présente en France (parenté et trois enfants)
une présence en France depuis 2010
une adresse stable (hébergement chez sa cousine Mme [K] [Y] [P]) [Adresse 1] [Localité 4]
3. Irrégularité de la requête pour défaut de délégation de compétence au signataire
4. Incompétence de l'auteur de la demande de laissez-passer consulaire
MOTIFS DE LA DÉCISION
1) Sur les moyens appréciés par le juge des libertés et de la détention
A) Motivation du placement en rétention administrative
L'obligation de motivation des actes administratifs, sanctionnée au titre du contrôle de la légalité externe de l'acte, doit être existante, factuelle en rapport avec la situation de l'intéressé et non stéréotypée.
Cependant, cette motivation n'est pas tenue de reprendre l'ensemble des éléments de la personnalité ou de la situation de fait de l'intéressé dès lors qu'elle contient des motifs spécifiques à l'étrangers sur lesquels l'autorité préfectorale a appuyé sa décision.
Ainsi, dés lors que l'arrêté de placement en rétention administrative contient des motivations individualisées justifiant, au regard des articles L 741-1 et L 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'option prise par l'autorité préfectorale quant à la rétention et mentionnant l'absence de vulnérabilité au sens de l'article L 741-4 du même code, l'acte administratif doit être reconnu comme comportant une motivation suffisante indépendamment de toute appréciation de fond.
En l'espèce l'arrêté de placement en rétention administrative est motivé en relevant que :
Monsieur [N] [M] [E] [Y] déclare avoir des enfants en France mais ceux ci résident avec leurs mères et ne sont pas à la charge du père.
Monsieur [N] [M] [E] [Y] se refuse a exécuter la mesure d'obligation de quitter le territoire français du 25/01/2022
Monsieur [N] [M] [E] [Y] n'a pas respecté les obligations d'une précédente mesure d'assignation à résidence
Indépendamment de toute appréciation de fond, cette motivation est suffisante en soi, le préfet n'est pas tenu de motiver sa décision sur l'ensemble des critères de personnalité de l'étranger dés lors qu'il s'appuie sur des motifs suffisants pour justifier l'inanité du recours à l'assignation à résidence.
B) Erreur d'appréciation
Aux termes des articles L 731-1 et L 731-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné à l'article L 612-2,3°, qu'il se soustraie à cette obligation.
Il s'en suit que le fait de justifier disposer 'd'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale' conforme à l'article L.612-3,8°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut légitimement être considérée par l'autorité préfectorale comme néanmoins insuffisant pour accorder à l'étranger une assignation à résidence sur le fondement des articles précités, dés lors que d'autres éléments de fait permettent raisonnablement de considérer que l'étranger n'entend pas se conformer à l'obligation de quitter le territoire français.
En l'espèce et en premier lieu la domiciliation de monsieur [N] [M] [E] [Y] est sujette à caution en ce qu'il déclare lors de son audition du 16 janvier 2023 être domicilié [Adresse 2] à [Localité 7] (59) et dans sa déclaration d'appel se domicilie chez sa cousine [Adresse 1] à [Localité 4] (77)
En tout état de cause monsieur [N] [M] [E] [Y] a été assigné a résidence le 18/05/2022 par le Juge des Libertés et de la Détention de Nîmes au [Adresse 3] de [Localité 7]. ll était astreint de se présenter quotidiennement dans les locaux de la Police Nationale de [Localité 7], il ressort du procès verbal du 02 juin 2022 établit par le Commissariat de [Localité 7] que l'intéresse ne s'est jamais présenté dans le cadre de ses obligations.
Enfin monsieur [N] [M] [E] [Y] indique dans son audition du 16/01/2023 sa volonté de ne pas quitter le territoire national et de ne pas repartir au Cap Vert.
En conséquence et en l'espèce, l'autorité préfectorale n'a pas commis d'erreur d'appréciation en ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé.
2) Sur les moyens soulevés pour la première fois en cause d'appel
Sur la compétence de l'auteur de la requête saisissant le premier juge
S'agissant d'une procédure civile, il appartient à l'appelant de démontrer en quoi son moyen est fondé et notamment en quoi le délégataire de l'autorité préfectorale ne disposait pas de mandat spécial aux fins de saisir le juge des libertés et de la détention, preuve qui n'est pas rapportée en l'espèce alors pourtant que les documents à l'appui du dit moyen sont actes administratifs accessibles puisque joints à la requête préfectorale saisissant le juge des libertés et de la détention.
De manière surabondante, il ressort des pièces du dossier que le signataire de la requête saisissant le juge des libertés et de la détention (Mme [W] [G]) disposait de la signature préfectorale pour la période concernée.
Il est en outre constant que, face à une délégation de compétence accordée en cas d'empêchement, la seule signature du délégataire suffit pour établir que l'autorité délégante ne pouvait pas signer
(Cass 2ème Civ 7 octobre 2004 n°03-50.042).
Le moyen est inopérant.
Sur la compétence de l'auteur de la demande de laisser passer consulaire
Il sera considéré comme constant que la demande de laisser passer consulaire n'étant ni un acte administratif faisant grief au sens du droit public, ni une demande en justice, ni un acte de procédure pénale soumis à des règles spécifiques, peut être faite par tout agent public requis par sa hiérarchie pour ce faire, sans qu'il soit nécessaire de disposer d'une habilitation spécifique.
Ce moyen sera donc rejeté.
Monsieur [N] [M] [E] [Y], ayant déjà violé les obligations d'une précédente assignation à résidence, sa demande d'assignation à résidence judiciaire présentée à l'audience du 20 janvier 2023 sera rejetée, bien que l'intéressé dispose d'un passeport, puisque celui-ci n'a aucune volonté réelle de retourner au Cap-Vert.
PAR CES MOTIFS
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise.
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à l'appelant, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'Etat.
Véronique THÉRY,
greffière
Bertrand DUEZ,
conseiller
N° RG 23/00112 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWMQ
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 20 Janvier 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le vendredi 20 janvier 2023 :
- M. [N] [M] [E] [Y]
- l'interprète
- l'avocat de M. [N] [M] [E] [Y]
- l'avocat de M. LE PREFET DU NORD
- décision notifiée à M. [N] [M] [E] [Y] le vendredi 20 janvier 2023
- décision transmise par courriel pour notification à M. LE PREFET DU NORD et à Maître Pierre-jean GRIBOUVA le vendredi 20 janvier 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général :
- copie à l'escorte, au Juge des libertés et de la détention de LILLE
Le greffier, le vendredi 20 janvier 2023
N° RG 23/00112 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWMQ