République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 19/01/2023
N° de MINUTE : 23/59
N° RG 20/04976 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TKE7
Jugement (N° 20/000557) rendu le 22 Octobre 2020 par le Juge des contentieux de la protection d'Arras
APPELANTE
Sas Prioris agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés es qualités audit siège
[Adresse 7]
[Localité 5]
Représentée par Me Catherine Trognon-Lernon, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [E] [I]
né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 8] (62) - de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Défaillant, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 17 février 2021 par acte remis à personne
Madame [M], [V] [B]
née le [Date naissance 2] 1987 à [Localité 9] (62) - de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 6]
Défaillante, à qui la déclaration d'appel a été signifiée le 17 février 2021 par acte remis à domicile
DÉBATS à l'audience publique du 09 novembre 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 3 novembre 2022
EXPOSE DU LITIGE
Suivant acte sous-seing privé en date du 18 mars 2018, M. [E] [I] et Mme [M] [B] ont contracté auprès de la société Prioris un contrat de location avec option d'achat aux fins de financer l'acquisition d'un véhicule de tourisme Ford pour un montant de 24'363,60 euros, remboursable sur une durée de 60 mois moyennant un loyer de 423,11 euros hors assurance
A la suite d'impayés à compter d'août 2019, les parties ont signé le 12 octobre 2019 un avenant portant résiliation conventionnelle du contrat de financement et prévoyant la restitution du véhicule à la société Prioris par les locataires, résiliation confirmée par courrier recommandé avec avis de réception en date du 4 novembre 2019, rappelant que la dette s'élevait à 25 346,43 euros.
Le véhicule a été restitué par M. [I] et Mme [B] et vendu aux enchères publiques le 18 novembre 2019 au prix de 15 800 euros TTC.
Par courrier recommandé du 11 décembre 2019, la société Prioris à mis en demeure M. [I] et Mme [B] de régler la somme de 9 568,53 euros.
Par acte huissier délivré le 10 août 2020, la société Prioris a fait assigner M. [I] et Mme [B] en justice aux fins de les voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, condamner solidairement à lui payer les sommes suivantes :
- 9 545,19 euros outre intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2019,
- 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire en date du 22 octobre 2020, le tribunal judiciaire d'Arras a :
- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Prioris au titre du contrat avec location avec option d'achat souscrit par M. [I] et Mme [B] le 18 mars 2018 à compter de cette date,
- condamné solidairement M. [I] et Mme [B] à payer à la société Prioris la somme de 114,64 euros avec intérêts au taux légal non majoré à compter du 11 décembre 2019,
- rejeté la demande de délai de paiement,
- constaté l'exécution provisoire de la présente décision,
- condamné in solidum M. [I] et Mme [B] à payer à la société Prioris la somme de 350 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum M. [I] et Mme [B] aux entiers dépens.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 3 décembre 2020, la société Prioris a relevé appel du jugement, en précisant limiter son appel en ce que la déchéance du droit aux intérêts a été prononcée et en ce que M. [I] et Mme [B] ont été condamnés solidairement au paiement de la somme de 114,64 euros au lieu de 9 545,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2019.
Aux termes de ses conclusions déposées le 4 janvier 2021, la société Prioris demande à la cour de :
Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Arras en date du 22 octobre 2020 en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts et condamné solidairement M. [I] et Mme [B] à la seule somme de 114,64 euros,
en conséquence,
- condamner solidairement M. [I] et Mme [B] à lui payer la somme de
9 545,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 novembre 2019,
y ajoutant en cause d'appel,
- condamner solidairement M. [I] et Mme [B] au paiement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement M. [I] et Mme [B] aux entiers frais et dépens dont recouvrement pour ceux d'appel au profit de Me Catherine Trognon-Lernon conformément dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La société Prioris a signifié sa déclaration d'appel et ses conclusions d'appelante par exploit d'huissier délivré le 17 février 2021 à personne pour M. [I], et à domicile pour Mme [B].
Les intimés n'ont pas constitué avocat.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures de la société Prioris pour l'exposé de ses moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2022, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 9 novembre 2022.
MOTIFS
Les textes du code de la consommation mentionnés dans l'arrêt sont ceux issus de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.
Sur la déchéance du droits aux intérêts contractuels
Pour déchoir la société Prioris de son droit aux intérêts contractuels, le premier juge a relevé, au visa des article L.311-10 devenu L.312-17 et L.311-8 devenu L.314-23 du code de la consommation que, alors que le contrat de vente a été proposé sur le lieux de vente, le prêteur ne produisait pas l'attestation de formation du vendeur du véhicule ayant proposé le crédit, mentionnée à l'article L.6353-1du code du travail.
La société Prioris fait valoir que l'obligation d'archivage de l'attestation de formation des vendeurs pèsent uniquement sur leur employeur et que cette attestation n'a pas vocation à être fournie à l'emprunteur dès lors qu'elle reste en possession de l'employeur et non du prêteur, et qu'aucun texte ne prévoit l'obligation pour le prêteur de fournir ladite attestation détenue par un tiers ; que l'emprunteur a reconnu avoir reçu la fiche d'informations précontractuelles ainsi que les explications lui permettant de déterminer si le contrat proposé était ou non adapté à ses besoins et à sa situation financière et avoir été informé sur les conséquences liées à une éventuelle défaillance de sa part dans les remboursements ; qu'en toute hypothèse, elle fournit l'attestation justifiant que la formation a été dispensée au vendeur.
Il est rappelé que selon l'article L.312-14 du code de la consommation 'Le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 312-12. Il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l'emprunteur.
Lorsque le crédit est proposé sur un lieu de vente, le prêteur veille à ce que l'emprunteur reçoive ces explications de manière complète et appropriée sur le lieu même de la vente, dans des conditions garantissant la confidentialité des échanges.'
Selon l'article L.312-17 du même code 'Lorsque les opérations de crédit sont conclues sur le lieu de vente ou au moyen d'une technique de communication à distance, une fiche d'informations distincte de la fiche mentionnée à l'article L. 312-12 est fournie par le prêteur ou par l'intermédiaire de crédit à l'emprunteur.
Cette fiche, établie sur support papier ou sur un autre support durable, comporte notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l'emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier.
La fiche est signée ou son contenu confirmé par voie électronique par l'emprunteur et contribue à l'évaluation de sa solvabilité par le prêteur. Les informations figurant dans la fiche font l'objet d'une déclaration certifiant sur l'honneur leur exactitude.
Cette fiche est conservée par le prêteur pendant toute la durée du prêt.
Si le montant du crédit accordé est supérieur à un seuil défini par décret, la fiche est corroborée par des pièces justificatives dont la liste est définie par décret.'
Selon l'article L.314-25 'Les personnes chargées de fournir à l'emprunteur les explications sur les prêts mentionnés aux articles L. 312-1 à L. 312-3 et de recueillir les informations nécessaires à l'établissement de la fiche prévue à l'article L. 312-17 sont formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement. L'employeur de ces personnes tient à disposition, à des fins de contrôle, l'attestation de formation mentionnée à l'article L. 6353-1 du code du travail, établie par un des prêteurs dont les crédits sont proposés, sur le lieu de vente ou par un organisme de formation enregistré. Les exigences minimales auxquelles doit répondre cette formation sont définies par décret.
L'obligation de fournir à l'emprunteur des explications de manière complète et appropriée repose sur le prêteur et il lui appartient de veiller, lorsque qu'un intermédiaire de crédit intervient, au respect de cette obligation qui suppose que la personne chargée de les fournir ait été formée pour le faire.
En l'espèce, la banque communique 'l'attestation de suivi de formation' en date du 2 novembre 2015 du vendeur ayant procédé à la vente du véhicule et proposé le contrat de location avec option d'achat, M. [K] [D], certifiant que ce dernier a suivi une formation conforme aux dispositions de l'article L.6353.1 du code du travail auprès de FCE Bank Pic, dont le siège est [Adresse 4], cette formation ayant pour objectif de s'assurer de la capacité du stagiaire salarié d'une entreprise distribuant des crédits à la consommation à donner des conseils et les informations réglementaires à l'emprunteur. Ce devoir de conseil et d'information consistant notamment à prévenir les situations de surendettement ainsi qu'à recueillir les informations nécessaires à l'établissement de la fiche prévue à l'article L.311-10, en s'assurant de proposer la solution la plus adaptée aux attentes et au budget de l'emprunteur.
Dès lors, le prêteur rapporte la preuve du respect de ses obligation d'information sus rappelées, en sorte qu'il y a lieu de réformer le jugement en ce qu'il a estimé qu'il devait être intégralement déchu de son droit aux intérêts contractuels, et a condamné M. [I] et Mme [B] à lui payer la somme de 114,64 euros avec intérêts au taux légal non majoré.
Sur la créance de la banque
En vertu de l'article L.312-40 du code de la consommation'En cas de défaillance dans l'exécution par l'emprunteur d'un contrat de location assorti d'une promesse de vente ou d'un contrat de location-vente, le prêteur est en droit d'exiger, outre la restitution du bien et le paiement des loyers échus et non réglés, une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.'
Selon l'article D. 312-18 du même code 'En cas de défaillance dans l'exécution d'un contrat de location assorti d'une promesse de vente ou de location-vente le bailleur est en droit d'exiger, en application de l'article L. 312-40, une indemnité égale à la différence entre, d'une part, la valeur résiduelle hors taxes du bien stipulée au contrat augmentée de la valeur actualisée, à la date de la résiliation du contrat, de la somme hors taxes des loyers non encore échus et, d'autre part, la valeur vénale hors taxes du bien restitué.
La valeur actualisée des loyers non encore échus est calculée selon la méthode des intérêts composés en prenant comme taux annuel de référence le taux moyen de rendement des obligations émises au cours du semestre civil précédant la date de conclusion du contrat majoré de la moitié. La valeur vénale mentionnée ci-dessus est celle obtenue par le bailleur s'il vend le bien restitué ou repris. Toutefois, le locataire a la faculté, dans le délai de trente jours à compter de la résiliation du contrat, de présenter au bailleur un acquéreur faisant une offre écrite d'achat. Si le bailleur n'accepte pas cette offre et s'il vend ultérieurement à un prix inférieur, la valeur à déduire devra être celle de l'offre refusée par lui.
Si le bien loué est hors d'usage, la valeur vénale est obtenue en ajoutant le prix de vente et le montant du capital versé par la compagnie d'assurance.
A défaut de vente ou à la demande du locataire, il peut y avoir évaluation de la valeur vénale à dire d'expert. Le locataire doit être informé de cette possibilité d'évaluation.'
La société Prioris produit notamment le contrat de location avec option d'achat en date du 18 mars 2018, un historique du compte, le détail de la créance arrêté au 10 juillet 2020, l'avenant de résiliation conventionnelle du contrat, le justificatif de la vente aux enchères du véhicule, les lettres de mise en demeure du 4 novembre et 11 décembre 2019.
Aux termes du décompte du 10 juillet 2020, la créance de La société Prioris s'établit comme suit :
- loyers impayés : 1 379,69 euros,
- indemnité de résiliation : 23 968,19 euros,
- A déduire prix de vente du véhicule : -18 500 euros
soit un total de : 9 545,19 euros, somme à la quelle il convient de condamner solidairement M. [I] et Mme [B] et ce, avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2019, date de réception de la mise en demeure du 4 novembre 2019.
Sur les demandes accessoires
Les motifs du premier juge méritant d'être adoptés, le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
M. [I] et Mme [B], qui succombent, seront condamnés aux dépens d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me trognon-Lernon, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire ;
Infirme le jugement entrepris, sauf en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Condamne solidairement M. [E] [I] et Mme [M] [B] à payer à la société Prioris la somme de 9 545,19 euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2019, au titre du solde du contrat de location avec option d'achat du 18 mars 2018 ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [E] [I] et Mme [M] [B] aux dépens d'appel dont distraction au profit de Me Catherine Trognon-Lernon en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU