République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 8 SECTION 1
ARRÊT DU 19/01/2023
N° de MINUTE : 23/60
N° RG 20/02024 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TASX
Jugement (N° 11-19-0010) rendu le 22 Novembre 2019 par le Tribunal d'Instance d'Arras
APPELANTE
La Banque Postale Consumer Finance venant aux droits de la Sa Banque Postale Financement
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Me Sophie Vanhamme, avocat au barreau de Béthune, avocat constitué
INTIMÉS
Monsieur [N] [K]
né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 7]) - de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
Madame [P] [E] épouse [K]
née le [Date naissance 1] 1978 à [Localité 8] - de nationalité Française
[Adresse 6]
[Localité 4]
Défaillants à qui la déclaration d'appel a été signifiée par actes du 02/09/2020 remis à personne
DÉBATS à l'audience publique du 09 novembre 2022 tenue par Catherine Ménegaire magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Yves Benhamou, président de chambre
Catherine Ménegaire, conseiller
Catherine Convain, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles
ARRÊT REPUTE CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 19 janvier 2023 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Yves Benhamou, président et Gaëlle Przedlacki, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 3 novembre 2022
EXPOSE DU LITIGE
Suivant offre préalable en date du 31 mars 2014, la Banque postale financement a consenti à Mme [P] [E] épouse [K] et M. [N] [K] un contrat de regroupement de crédits d'un montant de 15'000 euros, remboursable en 60 mensualités de 307 euros, assorti des intérêts au taux contractuel de 4,22 % l'an.
Un avenant de réaménagement de crédit est intervenu entre les parties le 29 août 2016, avec effet au 20 septembre 2016, pour un montant de 9 433,73, remboursable en 84 mensualités de 149,65 euros dont 18,40 euros au titre de l'assurance.
Par lettres recommandées avec avis de réception du 8 novembre 2018, la Banque postale financement a mis en demeure Mme [E] et M. [K] de régulariser les échéances impayées, puis par lettres recommandées avec accusé de réception en date des 28 mai 2019 et 8 juillet 2019, la banque a prononcé la déchéance du terme du contrat de crédit et mis en demeure Mme [E] et M. [K] de lui payer la somme de 7 770,27 euros au titre du solde du crédit.
Par exploit d'huissier délivré le 6 septembre 2019, la Banque postale financement a assigné en justice Mme [E] et M. [K] aux fins d'obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, leur condamnation à lui payer les sommes de :
- 7 374,08 euros avec intérêts au taux de 4,22 % l'an à compter du 25 juillet 2019 sur la somme de 6 665,64 euros et au taux légal pour le surplus,
- 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Par jugement réputé contradictoire en date du 22 novembre 2019, le tribunal d'instance d'Arras a :
- déclaré irrecevable l'action en paiement de la Banque postale financement au titre du contrat de prêt numéro 50263108784 du 31 mars 2014,
- condamné la Banque postale financement aux dépens,
- dit n'y avoir lieu indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Par déclaration reçue par le greffe de la cour le 11 juin 2020, la Banque postale financement a relevé appel de l'ensemble des chefs du jugement.
Elle a signifié sa déclaration d'appel ainsi que ses conclusions d'appelante à Mme [E] et M. [K] par actes huissier délivrés le 2 septembre 2020 à personne.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives déposées à la cour le 6 décembre 2021, signifiées à Mme [E] et M. [K] par actes d'huissier délivré le 1er décembre 2021 par remise à tiers présent à domicile, la Banque postale consumer finance, anciennement dénommée la Banque postale financement demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article L.311-52 du code de la consommation devenue R.312-35 du même code,
- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrecevable son action en paiement au titre du contrat de prêt personnel du 31 mars 2014 pour cause de forclusion,
- condamner solidairement M. [K] et Mme [E] à lui payer la somme de 7 374,08 euros, montant de la créance au 25 juillet 2019, avec intérêts postérieurs à cette date au taux contractuel de 4,22 % sur la somme de 6 665,54 €et au taux légal sur le surplus,
- condamner solidairement M. [K] et Mme [E] à payer la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner en tous les frais et dépens de première instance et d'appel.
M. [K] et Mme [E] n'ont pas constitué avocat.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se reporter aux écritures de la Banque postale consumer finance pour l'exposé de ses moyens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 novembre 2022, et l'affaire fixée pour être plaidée à l'audience du 9 novembre 2022.
MOTIFS
Sur la forclusion
L'article L.311-52 devenu R.312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement engagées à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :
- le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
- ou le premier incident de paiement non régularisé ;
-ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;
- ou le dépassement, au sens de l'article 11 ° de l'article L.311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L.311-47.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident de paiement non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 331-6 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L.331-7 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévues à l'article L.331-7-1.
La premier juge a déclaré forclose l'action de la banque, relevant que l'avenant du 29 août 2016 ne constituait pas un réaménagement au sens de l'article L.311-52 du code de la consommation, au motif qu'il porte sur une somme de 9 433,73 euros, correspondant aux sommes dues 'en capital, intérêts et indemnités' et non pas seulement aux échéances impayées et qu'il modifie en conséquence les conditions du contrat initial en augmentant son montant et la durée du crédit. Le premier juge a donc estimé que le premier incident de paiement se situe en mai 2017, de sorte qu'au jour de son assignation en date du 6 septembre 2019, l'action de la banque était forclose.
Il est rappelé que constitue un réaménagement et/ou un rééchelonnement le contrat qui a pour objet de réaménager les modalités de remboursement d'une somme antérieurement prêtée pour permettre par l'allongement de la période de remboursement et l'abaissement du montant de l'échéance mensuelle, d'apurer le passif échu, pour autant qu'il ne substitue pas au contrat de crédit initial dont la déchéance du terme n'a pas été prononcée et qu'il n'en modifie pas les caractéristiques essentielles tel le montant du prêt, le taux d'intérêt et qu'il porte sur l'intégralité des sommes à la date de sa conclusion.
En l'espèce, l'offre préalable initiale en date du 31 mars 2014 portait sur un regroupement de crédits d'un montant de 15'000 euros, remboursable en 60 mensualités de 307 euros (avec assurance facultative), assorti des intérêts au taux contractuel de 4,22 % l'an, et au taux annuel effectif global de 4,30 %.
Les parties ont signé le 29 août 2016, un document intitulé 'avenant de réaménagement de crédit' aux termes duquel il est prévu :
'- date d'effet du réaménagement : 20/09/2016,
- montant des sommes dues en capital, intérêts et indemnités à cette date : 9 433,73 euros,
- montant des nouvelles mensualités : 149,65 euros, dont assurance : 18,40 euros,
- nombre de mensualités du contrat aménagé : 83 euros,
- date de la première mensualité : 20/10/2106,
- date de la dernière mensualité : 20/08/2023.
Toutes les autres conditions du contrat de crédit, autres que celle modifiées ci-dessus, et les sûretés dont ce contrat de crédit est assorti, demeurent inchangées et continuent à s'appliquer sans novation au contrat d'origine.
Ce réaménagement constituent une régularisation des mensualités précédemment impayées, conformément aux dispositions de l'article L.311-37 du code de la consommation.
Le présent avenant est signé par les 2 emprunteurs, ceux-ci agissent solidairement et sont considérés comme seuls débiteurs dans les termes de l'article 1200 du code civil (...) '
Alors que la déchéance du terme du contrat de crédit n'a pas été prononcée par la banque, cet avenant portant sur l'intégralité des sommes restant dues au titre du contrat comprenant les mensualités antérieures impayées, qui réduit le montant des échéances impayées et allonge la durée des remboursements, sans modifier le montant du capital consenti ni les caractéristiques essentielles du contrat tel le taux d'intérêt, et qui dispose expressément qu'il n'emporte pas novation, constitue bien un réaménagement au sens de l'article L.311-52 du code de la consommation.
Par conséquent, le point de départ du délai de forclusion biennal est le premier incident de paiement non régularisé intervenu après l'avenant de réaménagement conclu entre les parties le 29 août 2016, soit au regard de l'historique du compte versé aux débats, en février 2018.
L'action de la banque engagée par exploit introductif d'instance en date du 6 septembre 2019, dans le délai biennal de forclusion, est dès lors parfaitement recevable.
Le jugement sera en conséquence réformé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action de Banque postale consumer finance pour cause de forclusion.
Sur la créance de la banque
En application des articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation, en cas de défaillance de l'emprunteur dans le remboursement d'un crédit à la consommation, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés ; jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ; le prêteur peut demander en outre une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance, sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231-5 du code civil.
Au regard des pièces produites aux débats, notamment le contrat de crédit, le tableau d'amortissement, l'historique du compte, et le décompte de créance arrêté au 25 juillet 2019, les lettres de mises en demeure et de déchéance du terme du contrat de crédit, la créance de la Banque postale consumer finance s'établit comme suit :
- capital restant dû à la date de déchéance du terme : 6 118,09 euros,
- échéance de crédit impayées : 1 047,55 euros,
- intérêts échus : 96,87 euros,
- frais de mise en demeure d'huissier : 11,58 euros (5,79 euros X 2),
- à déduire acomptes : - 500 euros
Total : 6 774,09 euros, somme à laquelle il conviendra de condamner solidairement M. [K] et Mme [E], avec intérêts au taux contractuel de 4, 22 % sur la somme de 6 665,64 euros à compter du 25 juillet 2019.
Il convient également de condamner solidairement M. [K] et Mme [E] à payer à la Banque postale consumer finance la somme de 548,51 euros au titre de l'indemnité légale de résiliation avec intérêts aux taux légal à compter du 25 juillet 2019.
Sur les demandes accessoires
Le jugement déféré sera infirmé quant aux dépens, mais confirmé en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
Parties perdantes, M. [K] et Mme [E] seront condamnés in solidum aux dépens de première instance et d'appel en application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.
En équité, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire ;
Infirme le jugement déféré sauf en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile ;
Déclare recevable l'action en paiement de la Banque postale consumer finance, anciennement dénommée Banque postale financement ;
Condamne solidairement M. [K] et Mme [E] à payer à la Banque postale consumer finance la somme de 6 774,09 euros avec intérêts au taux contractuel de 4, 22 % sur la somme de 6 665,64 euros à compter du 25 juillet 2019, au titre du solde du contrat de crédit ;
Condamne solidairement M. [K] et Mme [E] à payer à la Banque postale consumer finance la somme de 548,51 euros au titre de l'indemnité légale de résiliation avec intérêts aux taux légal à compter de la mise en demeure du 25 juillet 2019 ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [K] et Mme [E] aux dépens de première instance et d'appel.
Le greffier
Gaëlle PRZEDLACKI
Le président
Yves BENHAMOU