COUR D'APPEL DE DOUAI
Chambre des Libertés Individuelles
N° RG 23/00081 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWDI
N° de Minute : 98
Ordonnance du mardi 17 janvier 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
APPELANT
M. [H] [X]
né le 09 Août 1984 en IRAK
de nationalité Irakienne
Actuellement retenu au centre de rétention de [Localité 2]
dûment avisé, comparant en personne
assisté de Me Pierre-jean GRIBOUVA, avocat au barreau de DOUAI, avocat commis d'office et de M. [O] [Z] interprète assermenté en langue arabe, tout au long de la procédure devant la cour,
INTIMÉE
MME LA PREFETE DE [Localité 4]
dûment avisée, absente non représentée
PARTIE JOINTE
M. le procureur général près la cour d'appel de Douai : non comparant
MAGISTRATE DELEGUEE : Danielle THEBAUD, conseillère à la cour d'appel de Douai désignée par ordonnance pour remplacer le premier président empêché assistée de Jean-Luc POULAIN, Greffier
DÉBATS : à l'audience publique du mardi 17 janvier 2023 à 13 h 30
Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera rendue par mise à disposition au greffe
ORDONNANCE : rendue à Douai par mise à disposition au greffe le mardi 17 janvier 2023 à
Le premier président ou son délégué,
Vu les articles L.740-1 à L.744-17 et R.740-1 à R.744-47 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et spécialement les articles L 743-21, L 743-23, R 743-10, R 743-11, R 743-18 et R 743-19 ;
Vu l'aricle L 743-8 du CESEDA ;
Vu la demande de l'autorité administrative proposant que l'audience se déroule avec l'utilisation de moyens de télécommunication audiovisuelle ;
Vu l'accord du magistrat délégué ;
Vu l'ordonnance rendue le 15 janvier 2023 par le Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER prolongeant la rétention administrative de M. [H] [X] ;
Vu l'appel motivé interjeté par M. [H] [X] par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de ce siège le 16 janvier 2023 ;
Vu le procès-verbal des opérations techniques de ce jour ;
Vu l'audition des parties, les moyens de la déclaration d'appel et les débats de l'audience ;
EXPOSE DU LITIGE
A sa sortie de détention, M. [H] [X], né le 9 août 1984 à Bagdad (Irak) de nationalité irakienne, ayant fait l'objet, d'une interdiction judiciaire du territoire français pour une durée de 3 ans, prononcée le 14 octobre 2022 parle tribunal correctionnel de Senlis, a été placé en rétention administrative pour l'exécution de cette mesure par arrêté pris le 14 janvier 2023 par Mme la Préfète de [Localité 4].
A l'audience devant le premier juge, le conseil de M. [H] [X] a indiqué qu'il n'y avait pas d'irrégularités dans la procédure, soutenant uniquement la demande d'assignation à résidence judiciaire.
Vu l'article 455 du code de procédure civile
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention près le Tribunal Judiciaire de Boulogne-sur-Mer en date du 15 janvier 2023 à 11h14,ordonnant la première prolongation du placement en rétention administrative de l'appelant pour une durée de 28 jours et constatant que la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative n'était plus soutenue.
Vu la déclaration d'appel de M. [H] [X] du 16 janvier 2023 à 10h27 sollicitant la main-levée du placement en rétention administrative et à laquelle il sera renvoyé pour l'exposé des moyens de l'appelant.
Au titre des moyens soutenus en appel, M. [H] [X] fait valoir :
1 le défaut de motivation de l'ordonnance querellée en ce qu'elle ne répond pas à tous les moyens soulevés,
2 absence de nécessité de mon placement en rétention tirée de l'absence de perspectives d'éloignement
3 défaut d'examen de sa situation personnelle lié à la possibilité de l'assigner à résidence, alors qu'il dispose d'une adresse stable chez sa compagne [D] [G] au [Adresse 1], où il a été assigné à résidence le 11/12/2021 pour quarante-cinq jours et qu'il a respecté cette mesure en allant signer trois fois par semaine au commissariat de police de [Localité 3].
MOTIFS DE LA DÉCISION
De manière liminaire il est rappelé que le juge judiciaire ne peut se prononcer ni sur le titre administratif d'éloignement de l'étranger, ni, directement ou indirectement, sur le choix du pays de destination.
Les prérogatives judiciaires se limitent à vérifier la régularité et le bien fondé de la décision restreignant la liberté de l'étranger en plaçant ce dernier en rétention, ainsi qu'à vérifier la nécessité de la prolongation de la rétention au vu des diligences faites par l'administration pour l'exécution de l'expulsion et le maintien de la rétention dans la plus courte durée possible.
Sur la recevabilité de l'appel et des moyens tirés des exceptions de procédures
L'appel de l'étranger ayant été introduit dans les formes et délais légaux est recevable.
Les articles 933 du code de procédure civile et R.743-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne permettent, sauf indivisibilité ou demande d'annulation du jugement, que de discuter en cause d'appel des seuls moyens mentionnés dans l'acte d'appel et soutenus oralement à l'audience.
La décision du premier juge déférée ayant joint la requête en annulation de l'arrêté de placement et la demande du préfet en prolongation de la rétention, l'ensemble des moyens soutenus pourront être appréciés par la cour d'appel.
1) Sur la décision de placement en rétention administrative :
Sur la motivation de l'ordonnance déférée et le défaut d'examen de sa situation personnelle lié à la possibilité de l'assigner à résidence
La procédure devant le juge des libertés et de la détention étant exclusivement orale, tout moyen non repris oralement est considéré comme abandonné et ce, même s'il figure dans la requête en annulation du placement en rétention administrative déposée par l'étranger.
En l'espèce, Maitre Bachira HAMANI YEKKEN, avocat de M. [H] [X] a expressément indiqué qu'il n'y avait pas d'irrégularité dans la procédure et ne soutenir que la demande d'assignation à résidence judiciaire.
Le moyen nouveau numéro 3 soulevé en cause d'appel est irrecevable, au visa de l'article L 741-10 du CESEDA en ce qu'il a pour objet la critique d'un élément de légalité externe ou de légalité interne de l'arrêté de placement en rétention administrative et que le conseil de l'intéressé a expressément abandonné, lors de l'audience du juge des libertés et de la détention, son recours en annulation à l'encontre de l'arrêté de placement en rétention administrative.
La procédure devant le juge des libertés et de la détention étant orale, l'abandon express à l'audience, par le requérant ou son conseil, de la requête en annulation de l'arrêté de placement en rétention administrative déposée par l'étranger, dispense le juge des libertés et de la détention de répondre aux moyens contenus dans cette requête.
Le juge des libertés et de la détention a répondu au seul moyen soutenu de manière circonstanciée.
Aucune critique ne peut être soutenue à l'encontre de la motivation de l'ordonnance déférée.
Les moyens seront rejetés.
2) Sur la requête en prolongation de la rétention administrative:
Sur l'absence de nécessité du placement en rétention tirée de l'absence de perspectives d'éloignement
Il est constant que lorsque l'administration préfectorale a effectué promptement les diligences nécessaires pour obtenir la réadmission de l'étranger dans le pays objet du titre d'éloignement, le préfet, qui n'a aucun pouvoir de contrainte sur les autorités consulaires, n'a pas d'obligation de relancer les autorités étrangères déjà requises.
(Cour de cass 1ère civ 09.06.2010 n° 09-12.165 & 30.01.2019 n° 18-11.806) Il est également constant que le juge judiciaire ne saurait fonder la décision relative à la prolongation de la rétention administrative sur son appréciation de l'existence ou l'absence de perspectives d'éloignement vers le pays de destination choisi par l'autorité administrative.
Ce raisonnement revient en effet, implicitement mais nécessairement, à s'arroger un droit de contrôle sur le choix du pays d'éloignement, en contradiction avec le principe de séparation des pouvoirs donnant compétence exclusive au juge administratif pour ce faire.
(Cour de cassation 1ère civile 05 décembre 2018 n° Y 17-30.979)
Enfin il sera rappelé que la délivrance d'un laissez-passer consulaire est un acte de souveraineté sur lequel l'autorité judiciaire française ne saurait opiner ou conjecturer de la délivrance en dehors de critères posés par sa propre législation, laquelle délivrance étant conditionnée par les rapports diplomatiques entre puissances étatiques dont l'appréciation échappe au magistrat judiciaire.
Ce n'est pas parce qu'aucun des quatre ressortissants irakiens placés en rétention au centre de [Localité 2] entre 2021 et 2022 n'ont pas été éloignés vers leur pays de nationalité, que cette situation se renouvellera inéluctablement pour l'intéressé.
Le moyen sera rejeté.
Pour le surplus, la cour considère que c'est par une analyse circonstanciée et des motifs pertinents qui seront intégralement adoptés au visa de l'article 955 du code de procédure civile, que le premier juge a statué sur le fond en ordonnant la prolongation de la rétention.
L'ordonnance dont appel sera confirmée.
Sur la notification de la décision à M. [H] [X]
En application de l'article R. 743-19 al 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance rendue par le premier président ou son délégué est communiquée au ministère public. Elle est notifiée sur place à l'étranger et à son conseil, s'il en a un, ainsi qu'à l'autorité qui a prononcé la rétention.
Les parties présentes en accusent réception. Le greffier la notifie par tout moyen et dans les meilleurs délais aux autres parties qui en accusent réception.
PAR CES MOTIFS :
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME l'ordonnance entreprise ;
DIT que la présente ordonnance sera communiquée au ministère public par les soins du greffe ;
DIT que la présente ordonnance sera notifiée dans les meilleurs délais à M. [H] [X] par l'intermédiaire du greffe du centre de rétention administrative par truchement d'un interprète en tant que de besoin, à son conseil et à l'autorité administrative ;
LAISSE les dépens à la charge de l'État.
Jean-Luc POULAIN, greffier
Danielle THEBAUD, conseillère
A l'attention du centre de rétention, le mardi 17 janvier 2023
Bien vouloir procéder à la notification de l'ordonnance en sollicitant, en tant que de besoin, l'interprète intervenu devant le premier président ou le conseiller délégué : M. [O] [Z]
Le greffier
N° RG 23/00081 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWDI
REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 17 Janvier 2023 ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS (à retourner signé par l'intéressé au greffe de la cour d'appel de Douai par courriel - [Courriel 5]) :
Vu les articles 612 et suivants du Code de procédure civile et R. 743-20 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
Pour information :
L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.
Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.
Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.
Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.
Reçu copie et pris connaissance le
- M. [H] [X]
- par truchement téléphonique d'un interprète en tant que de besoin
- nom de l'interprète (à renseigner) :
- décision transmise par courriel au centre de rétention de pour notification à M. [H] [X] le mardi 17 janvier 2023
- décision transmise par courriel pour notification à MME LA PREFETE DE [Localité 4] et à Maître Pierre-jean GRIBOUVA le mardi 17 janvier 2023
- décision communiquée au tribunal administratif de Lille
- décision communiquée à M. le procureur général
- copie au Juge des libertés et de la détention de BOULOGNE SUR MER
Le greffier, le mardi 17 janvier 2023
N° RG 23/00081 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UWDI